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Date: 20030422

Dossier : T-1201-01

Ottawa (Ontario), le mardi 22 avril 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

ENTRE :

                                                          MICHEL TREMBLAY

                                                                             

                                                                                                                                           demandeur

                                                                          - et -

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                        et MARTIN TREMBLAY

                                                                                                                                            défendeurs

                                                                ORDONNANCE

VU la demande de contrôle judiciaire d'une décision d'un comité d'appel de la Commission de la fonction publique du Canada en date du 8 juin 2001 concernant la nomination, par concours restreint, d'un analyste des données, au sein du Bureau de la sécurité des transports du Canada;

ET APRÈS lecture des pièces produites et audition des arguments des parties;

ET pour les motifs délivrés aujourd'hui;


LA COUR ORDONNE :

[1]         Cette demande de contrôle judiciaire est rejetée; et

[2]         Il n'est pas adjugé de dépens.

                                                                                                                            « Michael A. Kelen »            

                                                                                                                                                     Juge                        

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20030422

Dossier : T-1201-01

Référence : 2003 CFPI 466

ENTRE :

                                                          MICHEL TREMBLAY

                                                                                                                                           demandeur

                                                                          - et -

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

et MARTIN TREMBLAY

                                                                                                                                            défendeurs

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE KELEN

[1]                Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d'une décision rendue par un comité d'appel de la Commission de la fonction publique (la CFP) nommé conformément à l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33 (la LEFP). La présente affaire, ainsi que l'affaire connexe, dossier T-1958-00, concernent l'article 10 de la LEFP, selon lequel les nominations internes ou externes à des postes de la fonction publique se font sur la base d'une sélection fondée sur le mérite. Les deux dossiers soulèvent la difficile question de savoir quelles mesures un ministère fédéral doit prendre pour répondre aux besoins d'un candidat handicapé, tout en s'assurant que les autres candidats concernés ne sont pas défavorisés.

[2]                Le défendeur Martin Tremblay n'a pas participé à l'audience, et le ministère fédéral concerné était représenté par le procureur général du Canada. Par conséquent, lorsque les présents motifs parlent du défendeur, il s'agit du procureur général.

POINTS EN LITIGE

1)          Le point que soulève ce dossier est de savoir si le comité d'appel a commis une erreur lorsqu'il a dit que le Bureau de la sécurité des transports du Canada (le BST) avait conduit la procédure de sélection en conformité avec le principe du mérite. La question peut être décomposée en sous-questions, à savoir les suivantes :

4.                   Le comité d'appel a-t-il commis une erreur parce qu'il aurait adopté une vue inexacte de l'obligation de consentir des aménagements?

5.                   Le comité d'appel a-t-il commis une erreur en affirmant que le BST avait rempli son obligation de consentir des aménagements raisonnables au demandeur?

6.                   Le comité d'appel a-t-il commis une erreur en affirmant que le demandeur n'avait pas écrit l'examen sous la contrainte?

7.                   Le comité d'appel a-t-il commis une erreur en affirmant qu'il incombait au demandeur de faire connaître durant l'examen ses inquiétudes à propos des sources de distraction?

8.                   Le comité d'appel a-t-il manqué aux règles de la justice naturelle en excluant une étude menée par le docteur Lauren B. Krupp pour la Société nationale de la sclérose en plaques (le rapport Krupp)?


LES FAITS

4)          Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d'une décision rendue le 8 juin 2001 par le président du comité d'appel, Maurice Gohier, un comité constitué en conformité avec l'article 21 de la LEFP pour instruire l'appel formé par le demandeur contre la nomination de M. Martin Tremblay au poste d'analyste des données - Transport aérien, auprès du Bureau de la sécurité des transports du Canada.

[3]                En 1999, le BST avait procédé à un concours restreint en vue de pourvoir, pour une période indéterminée, un poste d'analyste des données - Transport aérien (numéro de concours 99-TSB-HO-CCID-073). Le demandeur avait déjà occupé le poste pendant une année à titre de vacataire. Chaque candidat devait subir un examen écrit, qui évaluait ses connaissances et son aptitude à communiquer par écrit. Le demandeur a réussi la partie du concours relative aux connaissances, mais non la partie se rapportant aux aptitudes. Le défendeur, M. Martin Tremblay, fut le candidat retenu.


[4]                Le demandeur a fait appel de la décision en application de l'article 21 de la LEFP. Dans une décision datée du 10 mars 2000, le président du comité d'appel, John A. Mooney, a fait droit à l'appel. Selon lui, le BST n'avait pas tenu suffisamment compte de l'état du demandeur, même s'il lui avait accordé le double du temps alloué pour écrire l'examen. Le BST n'avait pas obtenu l'avis d'un conseiller en examens professionnels, médecin ou autre spécialiste, et ne savait pas vraiment ce en quoi devaient consister des aménagements adéquats. De plus, le ministère n'avait informé le demandeur des mesures prises que la veille de l'examen, ce qui n'avait pas donné au demandeur suffisamment de temps pour évaluer l'utilité des aménagements consentis.

[5]                L'appel ayant été admis, Mme Diane Léger, conseillère principale en ressources humaines auprès de la CFP, a rédigé un projet de liste de mesures correctives. Des représentants du BST, de la CFP et du Centre de psychologie du personnel (le CPP) de la Commission de la fonction publique se sont réunis pour débattre lesdites conditions. Se fondant sur la liste établie par Mme Léger, ils ont exposé les mesures correctives nécessaires suivantes :

Le ministère appliquera les mesures correctives suivantes :

a)              informer tous les candidats de l'admission de cet appel, ainsi que des mesures correctives à appliquer;

b)             obtenir l'avis d'un conseiller en examens professionnels, médecin ou autre spécialiste, afin d'en savoir davantage à propos des effets de la sclérose en plaques sur des résultats d'examen et des entretiens d'embauche, ce qui permettra de fixer des aménagements raisonnables, puis en informer la soussignée;

c)              donner à l'appelant un préavis suffisant des mesures qui seront adoptées pour les dispositions devant répondre à son handicap;

d)             élaborer de nouveaux instruments d'évaluation des titres et qualités de tous les candidats présélectionnés;

e)              établir une nouvelle liste d'admissibilité et conférer des droits d'appel;

f)              informer la soussignée, par écrit, des résultats des mesures correctives.


[6]                Un nouvel examen écrit fut développé entre la fin de juin et le début de juillet 2000, sous la direction de M. Greg Hunter, un directeur général du BST. Lors de l'instruction du présent appel, il a témoigné que l'examen avait été soigneusement examiné et reformulé plusieurs fois afin d'améliorer sa présentation visuelle, de minimiser les exigences de dextérité physique et de faire en sorte qu'aucune des questions ne soit ambiguë. Le temps accordé pour l'examen ainsi révisé fut fixé à une heure et demie.

[7]                Le BST a demandé l'avis du docteur Barbara Collins, psychologue spécialisée en neuropsychologie, sur les aménagements à prendre à l'égard du demandeur. Le Dr Collins a rencontré le demandeur et formulé, dans un rapport daté du 28 juillet 2000, deux recommandations sur les aménagements souhaitables. Comme elle doutait fortement que des modifications puissent être apportées à l'examen pour répondre aux besoins du demandeur, sa première recommandation fut d'évaluer ses aptitudes au cours d'une période d'essai ou bien après examen de son rendement antérieur. Si cette solution n'était pas possible, alors le Dr Collins recommandait que l'on remette au demandeur un examen du genre composition, à écrire chez lui, auquel pourrait s'ajouter un exposé oral à l'appui de ses réponses. Elle a signalé que, lorsque le demandeur fréquentait l'Université d'Ottawa, il avait été autorisé, durant ses études au programme MBA, à écrire chez lui des examens à durée indéterminée, et elle voyait là un modèle à suivre pour le BST.


[8]                Le chef du CPP pour les consultations en matière d'examens, M. Gilles Larose, avait écrit au Dr Collins le 22 août 2000 pour l'informer que le CPP faisait de sérieuses réserves sur ses recommandations. Selon lui, le modèle de l'essai au poste de travail n'était pas un moyen acceptable d'évaluer des candidats dans le contexte d'un concours au sein de la fonction publique fédérale. À son avis, un examen à écrire chez soi n'était pas non plus acceptable parce que les candidats devaient être évalués dans un environnement bien défini. Par ailleurs, comme il s'agissait d'une nouvelle évaluation après qu'il avait été fait droit à un appel, M. Larose jugeait essentiel que la méthode d'évaluation produise des réponses qui donnent prise au minimum d'interprétation possible. M. Larose a demandé au Dr Collins de remettre une nouvelle évaluation qui suggère le délai et les autres exigences administratives convenant le mieux au demandeur.

[9]                Le Dr Collins avait répondu dans une lettre datée du 25 août 2000 que, selon elle, « la procédure d'évaluation elle-même était intrinsèquement désavantageuse pour quelqu'un comme M. Tremblay » . Puis elle écrivait :

[Traduction] Le postulat principal sur lequel étaient fondées mes recommandations initiales était que le processus hautement structuré d'entretiens et d'examens que vous proposiez, quel que soit son contenu propre, défavoriserait une personne présentant des déficits subtils en matière de traitement de l'information reliés à la sclérose en plaques. Dans les propositions énoncées ci-après, je présumerai que la nature et le contenu de vos instruments d'évaluation ont déjà été établis et ne sont pas maintenant susceptibles de modifications. Manifestement, cela limite ce que je pourrais proposer en fait d'aménagements. [Italique ajoutée.]

Le Dr Collins recommandait que le demandeur bénéficie d'au moins deux fois le temps accordé pour l'examen, qu'il ait la possibilité de l'écrire en deux séances tenues à des jours distincts, qu'il soit autorisé à subir l'examen écrit individuellement et non dans un groupe, afin de réduire le niveau de distraction, et qu'il puisse au besoin consulter quelqu'un connaissant bien l'examen écrit.


[10]            Non seulement le BST a-t-il donné suite aux recommandations du Dr Collins, mais il les a dépassées en accordant au demandeur six heures réparties sur deux jours pour écrire l'examen, ainsi que la possibilité de prendre au besoin une pause de 10 minutes toutes les 50 minutes. Le demandeur fut informé par lettre datée du 15 septembre 2000 des aménagements proposés et il avait jusqu'au 30 septembre pour dire ce qu'il en pensait. Le 29 septembre, le demandeur envoyait au BST un courrier électronique dans lequel il acceptait sans enthousiasme les aménagements qu'on lui offrait.

[11]            L'examen fut administré individuellement au demandeur les 4 et 5 octobre 2000. Le 4 octobre, l'attention du demandeur fut distraite par le cliquetis d'une porte à commande électronique, mais le demandeur n'en a rien dit à l'administrateur de l'examen. Le 5 octobre, le demandeur avait estimé qu'il ne pouvait pas supporter le bruit de la porte, combiné aux voix d'employés qui échangeaient des propos à proximité. Il demanda donc d'être transféré dans une autre salle. On le réinstalla promptement dans le bureau de M. Hunter. Au début, il a trouvé que le bureau était agréable et tranquille, mais son attention fut plus tard distraite par le bruit émanant de travaux de construction qui avaient lieu dans la rue au-dessous. Estimant que les personnes de service avaient déjà fait suffisamment, et ne voulant irriter personne, il n'en dit mot à quiconque.


[12]            Le demandeur fut informé le 11 octobre 2000 qu'il n'avait pas réussi l'examen écrit et que le BST proposait de nouveau la nomination de M. Martin Tremblay au poste. Le demandeur a fait appel de la nomination en conformité avec l'article 21 de la LEFP. Selon lui, le BST avait commis trois erreurs. D'abord, il avait injustement ignoré les recommandations initiales du Dr Collins. Deuxièmement, le demandeur avait écrit l'examen sous la contrainte. Il avait craint que, s'il refusait d'écrire l'examen, le BST l'exclurait du concours. Troisièmement, il faisait valoir que le BST ne lui avait pas fourni un local tranquille et exempt de sources de distraction. Le demandeur voulait aussi que soit déposé le rapport Krupp. Il soutient que les conclusions du rapport Krupp confirment son opinion selon laquelle les personnes qui souffrent de sclérose en plaques sont nettement défavorisées si on leur donne un examen écrit qui contient des questions vrai/faux ou des questions à choix multiples. Le président du comité d'appel, M. Gohier, a accepté un sommaire du rapport Krupp, mais il n'a pas permis que le rapport intégral soit déposé.

[13]            Le président Gohier a entendu les témoignages du demandeur, de M. Larose, de M. Hunter, du Dr Collins et de Mme Léger et a rendu sa décision le 8 juin 2001. Sa décision peut être décomposée en quatre parties. D'abord, il a estimé que le BST avait pris des dispositions adéquates à l'égard du demandeur, en dépassant les conditions modifiées d'examen définies par le Dr Collins. Selon lui, le premier ensemble de recommandations du Dr Collins constituait une « malencontreuse rupture de communication » . Par la suite, le Dr Collins avait conclu que l'examen proposé pouvait être administré au demandeur si les conditions du test étaient changées pour tenir compte de son état. Deuxièmement, le président Gohier a estimé que le demandeur n'avait pas écrit l'examen sous la contrainte. Le demandeur n'avait pas saisi l'occasion qui lui avait été offerte de dire ce qu'il pensait des aménagements consentis. Troisièmement, le président Gohier a jugé que le BST ne pouvait être blâmé de ne pas avoir éliminé les sources de distraction, étant donné qu'il ne pouvait corriger une situation dont il ne connaissait pas l'existence. Finalement, s'agissant du rapport Krupp, le président du comité d'appel a déféré à l'avis du Dr Collins, qui n'avait rien trouvé à redire sur la nature ni sur la clarté d'aucune des questions de l'examen, et qui avait indiqué que l'emploi de telles questions allait en réalité rendre les choses plus faciles pour le demandeur.


DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

5)          Le principe fondamental concernant les nominations internes ou externes à la fonction publique est le principe du mérite, exposé dans le paragraphe 10(1) de la LEFP :


Nominations au mérite

10. (1) Les nominations internes ou externes à des postes de la fonction publique se font sur la base d'une sélection fondée sur le mérite, selon ce que détermine la Commission, et à la demande de l'administrateur général intéressé, soit par concours, soit par tout autre mode de sélection du personnel fondé sur le mérite des candidats que la Commission estime le mieux adapté aux intérêts de la fonction publique.

Appointments to be based on merit

10. (1) Appointments to or from within the Public Service shall be based on selection according to merit, as determined by the Commission, and shall be made by the Commission, at the request of the deputy head concerned, by competition or by such other process of personnel selection designed to establish the merit of candidates as the Commission considers is in the best interests of the Public Service.


[14]            L'article 21 prévoit un mécanisme selon lequel les candidats non reçus peuvent faire appel d'une nomination. Les parties pertinentes de l'article 21 sont reprises ici :



21(1) Appels

21. (1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à un concours interne, tout candidat non reçu peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.

[...]

21(1) Appeals

21. (1) Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made by closed competition, every unsuccessful candidate may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard.

[...]21(2) Mesures

(2) Sous réserve du paragraphe (3), la Commission, après avoir reçu avis de la décision du comité visé aux paragraphes (1) ou (1.1), doit en fonction de celle-ci :

a) si la nomination a eu lieu, la confirmer ou la révoquer;

b) si la nomination n'a pas eu lieu, y procéder ou non.

[...]

21(2) Duty of Commission when notified of decision

(2) Subject to subsection (3), the Commission, on being notified of the decision of a board established under subsection (1) or (1.1), shall, in accordance with the decision,

(a) if the appointment has been made, confirm or revoke the appointment; or

(b) if the appointment has not been made, make or not make the appointment.

[...]

21(3) Autres mesures

(3) La Commission peut prendre toute mesure qu'elle juge indiquée pour remédier à toute irrégularité signalée par le comité relativement à la procédure de sélection.

21(3) Other measures

(3) Where a board established under subsection (1) or (1.1) determines that there was a defect in the process for the selection of a person for appointment under this Act, the Commission may take such measures as it considers necessary to remedy the defect.

21(4) Appel

(4) Une nomination, effective ou imminente, consécutive à une mesure visée au paragraphe (3) ne peut faire l'objet d'un appel conformément aux paragraphes (1) ou (1.1) qu'au motif que la mesure prise est contraire au principe de la sélection au mérite.

21(4) Appeal

(4) Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act as a result of measures taken under subsection (3), an appeal may be taken under subsection (1) or (1.1) against that appointment only on the ground that the measures so taken did not result in a selection for appointment according to merit.


NORME DE CONTRÔLE


6)          Le point soulevé dans le présent appel requiert d'évaluer l'approche adoptée par le comité d'appel à l'égard de l'obligation de consentir des aménagements dans le contexte de l'article 10 de la LEFP. Il s'agit là d'un point de droit qui porte sur la bonne interprétation de la LEFP. Puisque le comité d'appel ne dispose pas de connaissances spécialisées particulières dans ce domaine, la norme de contrôle à appliquer au premier point en litige est la norme de la décision correcte. Le raisonnement ici est exposé dans l'arrêt Boucher c. Canada (Procureur général) (2000), 252 N.R. 186 (C.A.F.), au paragraphe 7 :

Quant à la première question en litige, celle du traitement du facteur des connaissances par le comité de sélection, nous sommes d'avis qu'elle constitue une question de droit en ce qui a trait aux exigences du principe du mérite et nous considérons par conséquent que la décision du CACFP de confirmer ce procédé constituait également une question de droit. Nous ne sommes pas convaincus que nous devrions considérer que le CACFP est un tribunal qui possède une telle expertise en matière d'interprétation de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique que nous devrions faire preuve d'un haut degré de retenue à son égard quant à cette question. Le comité de sélection est un comité ad hoc. Nous concluons à cet égard que la norme de révision que la Section de première instance aurait dû appliquer est celle de la décision correcte.

La Cour d'appel fédérale a depuis confirmé, dans l'arrêt Buttar c. Canada (Procureur général) (2000), 186 D.L.R. (4th) 101, à la page 107, que c'était là la norme applicable.

ANALYSE

7)          On peut décomposer en sous-questions, comme il est indiqué ci-dessous, le point de savoir si le comité d'appel a commis une erreur lorsqu'il a dit que le BST avait conduit la procédure de sélection d'une manière conforme au principe du mérite.

1.         Le comité d'appel a-t-il commis une erreur parce qu'il aurait adopté une vue inexacte de l'obligation de consentir des aménagements?


8)          L'un des différends qui séparent les parties est la mesure dans laquelle un comité d'appel de la CFP peut appliquer les principes relatifs aux droits de la personne lorsqu'il se demande si les aménagements consentis au demandeur étaient raisonnables. Le demandeur affirme que le comité d'appel a commis une erreur de droit en adoptant « une vue inexacte et appauvrie de l'obligation de consentir des aménagements » . Le comité d'appel aurait dû obliger le BST à démontrer qu'il était impossible, sans qu'il en résulte une contrainte excessive, de lui consentir des aménagements. Une preuve concrète en ce sens n'a pas été produite.


[15]            Au soutien de sa position, le demandeur s'est référé à l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3 [ci-après l'arrêt Meiorin]. Cette affaire concernait l'application du Human Rights Code de la Colombie-Britannique, R.S.B.C. 1996, ch. 210, à un fournisseur de services publics. Dans les cas portant sur des plaintes déposées en vertu de lois provinciales ou fédérales sur les droits de la personne, la Cour suprême a jugé à maintes reprises qu'il incombe à l'employeur, sauf contrainte excessive, de prévoir des aménagements raisonnables qui tiennent compte de la déficience de son employé; voir Commission ontarienne des droits de la personne et O'Malley c. Simpson-Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536, Central Alberta Dairy Pool c. Alberta (Human Rights Commission), [1990] 2 R.C.S. 489 et Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970. Dans l'arrêt Meiorin, la Cour suprême avait entrepris de reformuler l'approche adoptée pour dire si une norme à première vue discriminatoire constitue une exigence professionnelle justifiée (EPJ). Le demandeur se réfère expressément à l'étape trois de la nouvelle approche (voir le paragraphe 54 de l'arrêt Meiorin), où la Cour affirmait qu'un employeur doit démontrer qu'il lui est « impossible » , sans que cela lui impose une « contrainte excessive » , de prévoir des aménagements tenant compte de la déficience de l'intéressé.

[16]            Le défendeur soutient que la LEFP n'habilite pas un comité d'appel de la CFP à appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 (la LCDP) ni les principes intéressant les lois sur les droits de la personne. Les points de droit qui se rapportent aux limites des aménagements ou à la contrainte excessive échappent à la compétence d'un comité d'appel de la CFP car ils ont été confiés par le législateur à la Commission canadienne des droits de la personne. Un comité d'appel ne s'intéresse à la question des aménagements raisonnables que du point de vue de leur incidence sur le principe du mérite. En outre, un comité d'appel doit aussi se demander si les aménagements sont équitables pour les autres candidats qui participent au concours.

[17]            Le droit d'appel prévu par l'article 21 a pour objet d'empêcher les nominations qui sont contraires au principe du mérite. Un comité d'appel a pour mandat de dire si une sélection donnée a été conduite en conformité avec le principe du mérite. Voir l'arrêt Charest c. Canada (Procureur général), [1973] C.F. 1217 (C.A.), à la page 1221, où la Cour d'appel fédérale écrivait que l'objet d'un droit d'appel selon l'article 21 n'est pas de protéger les droits de l'appelant, mais d'empêcher qu'une nomination ait lieu au mépris du principe du mérite.


[18]            L'applicabilité des principes des droits de la personne à la procédure de dotation en personnel par voie de concours s'est posée dans l'affaire Canada (Procureur général) c. Girouard, 202 F.T.R. 1, 2001 CFPI 83, confirmé [2002] 4 C.F. 538, 2002 CAF 224. Dans le jugement, au paragraphe 35, le juge McKeown avait estimé qu'un comité d'appel avait commis une erreur parce qu'il ne s'était pas demandé si des aménagements raisonnables avaient été consentis à la lumière des exigences du principe du mérite.

[19]            Eu égard à la décision Girouard, il est manifeste que la norme exposée dans l'arrêt Meiorin n'est pas une mesure adéquate pour un appel fondé sur le principe du mérite. L'objet d'un appel selon l'article 21 de la LEFP n'est pas de déceler des normes discriminatoires et de dire si elles peuvent être justifiées. Il est plutôt de garantir que le jury de sélection a procédé à une nomination dans le respect du principe du mérite. Il appartient à un comité d'appel de dire si les aménagements consentis à un candidat lui ont permis de concourir sur un pied d'égalité avec les autres candidats. Les aménagements doivent être équitables non seulement pour la personne directement concernée, mais également pour les autres candidats.


[20]            Cela dit, il n'en résulte pas que les principes des droits de la personne doivent être placés dans un compartiment parfaitement étanche par rapport au principe du mérite, car jusqu'à un certain point ils peuvent dans un appel selon l'article 21 entrer en ligne de compte. Dans l'affaire Girouard, le comité d'appel avait commis une erreur parce qu'il s'était focalisé strictement sur les principes des droits de la personne et avait ignoré le principe du mérite; voir Girouard (C.F. 1re inst.), au paragraphe 32. Cependant, il n'est pas interdit de s'inspirer des principes des droits de la personne, ainsi que l'a fait le juge Cullen dans le jugement Schut c. Canada (Procureur général), [1998] A.C.F. n ° 806, au paragraphe 14 (1re inst.) (QL), pour autant qu'ils entrent dans l'analyse relative au principe du mérite. Les dossiers en matière de droits de la personne peuvent constituer une importante source de jurisprudence à laquelle pourra puiser un comité d'appel ou un tribunal lorsqu'il se demandera si, au regard du principe du mérite, un candidat a bénéficié d'aménagements raisonnables.

[21]            Le président du comité d'appel, M. Gohier, s'est demandé, à la lumière du principe du mérite, comme il devait le faire, si les aménagements consentis au demandeur étaient raisonnables. Il n'a pas par là commis d'erreur parce qu'il se serait fondé, ainsi que l'affirme le demandeur, sur une vue inexacte de l'obligation d'accorder des aménagements.

2.         Le comité d'appel a-t-il commis une erreur en affirmant que le BST avait rempli son obligation de consentir des aménagements raisonnables au demandeur?

9)          Le demandeur affirme que le comité d'appel a commis une erreur parce qu'il a dit que le BST avait rempli son obligation de lui consentir des aménagements raisonnables. Selon lui, le président du comité d'appel a rejeté à tort les recommandations initiales du Dr Collins, les qualifiant de « malencontreuse rupture de communication » . Le demandeur soutient aussi que le BST n'a pas apporté la preuve objective que les aménagements recommandés à l'origine par le Dr Collins auraient nui aux autres candidats du concours.


[22]            Selon le défendeur, le BST a pris des moyens raisonnables pour composer avec la déficience du demandeur, eu égard au principe du mérite ainsi qu'à la nécessité pour les aménagements consentis d'être équitables aussi envers les autres candidats du concours. Le BST avait corrigé les problèmes antérieurs décelés par le président du comité d'appel, M. Mooney, et il avait fait examiner le test par le Dr Collins, qui a témoigné à l'audience que, selon elle, les aménagements étaient adéquats et raisonnables eu égard aux circonstances.

[23]            Le président du comité d'appel a qualifié ainsi, au paragraphe 42 de sa décision, les communications entre le BST et le Dr Collins :

[Traduction] Après que le Comité eut revu l'examen écrit, il a été envoyé au Dr Collins, à qui l'on avait demandé de donner son « opinion professionnelle sur la nature et l'étendue des symptômes de l'appelant, dans la mesure où ils influent sur son aptitude à subir l'examen écrit en question » , et de formuler ses « recommandations sur les aménagements qui lui permettraient d'être évalué équitablement dans l'examen écrit » . À mon avis, il est évident qu'une malencontreuse rupture de communication a eu lieu entre le Comité, le CPP et le Dr Collins durant leur première tentative d'examiner l'affaire. Lors de l'instruction de l'appel, j'ai trouvé que les témoignages des personnes concernées par ces discussions avaient été francs, directs et crédibles à propos des difficultés qu'elles avaient rencontrées. Finalement, le Dr Collins est arrivée à une conclusion (en tant que spécialiste de son domaine) selon laquelle l'examen écrit proposé pouvait être administré à l'appelant si les conditions de l'examen étaient modifiées pour tenir compte de son état, puis elle a formulé des recommandations précises en ce sens.

Puis il concluait, au paragraphe 44 de sa décision :

[Traduction] Eu égard à la preuve d'expert qui a été produite, je suis d'avis que l'examen écrit qui avait été développé constituait une méthode objective et adéquate d'évaluation de l'appelant et qu'il pouvait être administré à l'appelant sous réserve des conditions modifiées définies par le Dr Collins. Par conséquent, l'examen écrit se conformait aux Normes de sélection et d'évaluation de la Commission ainsi qu'aux Lignes directrices de l'évaluation des candidats handicapés.


[24]            La réponse à cette question fait intervenir la manière dont le BST a réagi aux recommandations initiales du Dr Collins, qui préconisait le recours à des méthodes d'évaluation différentes. Les méthodes d'évaluation du genre de celles que recommandait le Dr Collins ont un rôle à jouer dans la procédure de dotation en personnel par voie de concours utilisée par la CFP, ainsi que l'attestent les propres publications de la CFP. La section 1:3 des Normes génériques de sélection et d'évaluation de la CFP autorise le recours à d'autres méthodes d'évaluation dans la procédure de sélection :

Une évaluation équitable ne requiert pas nécessairement que l'on utilise les mêmes méthodes d'évaluation ou sources d'information pour tous les candidats et toutes les candidates. Il peut arriver, comme quelquefois lorsqu'il faut évaluer des candidates et des candidats handicapés, que l'on doive modifier les modalités d'évaluation pour assurer une évaluation équitable. À cet égard, on peut consulter la brochure L'évaluation des candidats handicapés publiée par la Commission de la fonction publique. Dans tous les cas, l'utilisation de méthodes d'évaluation ou sources d'information différentes pour différents candidats ou candidates doit pouvoir se justifier du fait qu'une telle utilisation permet une évaluation plus juste et que les renseignements recueillis à travers ces différentes méthodes d'évaluation ou sources d'information peuvent être comparés entre eux.

[25]            Les Lignes directrices de la Commission de la fonction publique pour l'évaluation des candidats handicapés (les Lignes directrices de la CFP) disent elles aussi que des méthodes d'évaluation différentes peuvent remplacer adéquatement les examens réglementaires. Le Dr Collins avait devant elle les Lignes directrices de la CFP lorsqu'elle a procédé à son évaluation initiale et elle s'était appuyée sur la ligne directrice générale numéro 10, ainsi rédigée :

10. RECOURIR AU BESOIN À D'AUTRES MÉTHODES D'ÉVALUATION DES QUALITÉS

Lorsque les examens réguliers ne peuvent être modifiés pour évaluer convenablement un candidat handicapé ou une candidate handicapée, on peut recourir à d'autres techniques d'évaluation. Si un examen papier-crayon ne peut être modifié convenablement, la compétence pourra être évaluée par d'autres moyens tels une tâche de rendement structurée, un questionnaire, une entrevue ou un examen du rendement antérieur.


Il est important de signaler qu'il ne s'agit pas d'une exemption de l'évaluation, mais plutôt de recourir à un autre mode d'évaluation des compétences requises, lorsqu'aucune modification de l'évaluation ou des modalités d'évaluation n'est jugée appropriée. On ne peut accorder une note d'examen lorsqu'aucun examen n'est employé, mais on peut formuler un examen sur la mesure dans laquelle la compétence évaluée à l'aide d'une méthode de rechange répond aux exigences du poste.[Non souligné dans le texte]

[26]            La décision de recourir à une autre méthode d'évaluation doit également respecter les droits des autres candidats à une procédure d'évaluation équitable. Les lignes directrices citées renferment des mots qui donnent à entendre que le recours à d'autres méthodes d'évaluation devrait se limiter aux cas où aucun genre d'aménagement n'est adéquat. Dans l'arrêt Girouard, la Cour d'appel avait dit, au paragraphe 12, que la section 1:3 des Normes génériques « crée une présomption contre l'utilisation de différentes méthodes d'évaluation à l'égard de différents candidats » . Pareillement, les Lignes directrices de la CFP prévoient que des méthodes d'évaluation différentes devraient être employées « uniquement lorsqu'aucune modification de l'évaluation ou des modalités d'évaluation n'est jugée appropriée » . C'est au jury de sélection concerné qu'il revient d'équilibrer ces intérêts rivaux et de décider si un autre modèle d'évaluation est justifié. Comme on l'a vu auparavant, il ne s'agit pas de savoir s'il est impossible de combler les besoins d'un candidat handicapé, mais plutôt de savoir quelle méthode d'évaluation est nécessaire pour garantir une sélection fondée sur le mérite.


[27]            La décision finale relative aux aménagements qui étaient nécessaires dans le cas qui nous occupe appartenait au BST. Le Dr Collins s'était attachée uniquement à définir les aménagements pouvant répondre aux besoins du demandeur, mais le BST devait également se demander quel effet aurait sur les autres candidats le recours à une méthode d'évaluation différente. À ce titre, le BST n'était pas tenu de suivre les recommandations du Dr Collins. Dans sa lettre adressée au Dr Collins et datée du 22 août 2000, M. Larose énumérait plusieurs préoccupations légitimes qu'avaient le BST et le CPP à propos de l'emploi des méthodes d'évaluation qu'elle avait recommandées au départ. Parmi les préoccupations les plus notables mentionnées par M. Larose, il y avait la nécessité de conduire l'évaluation dans un contexte dirigé et la nécessité d'administrer un examen qui produise des réponses donnant prise le moins possible à l'interprétation. Cette dernière préoccupation était d'autant plus opportune que le BST s'employait à réévaluer des candidats qui avaient déjà été soumis à la procédure de sélection avant qu'il ne soit fait droit à l'appel du demandeur.

[28]            Le demandeur soutient que le BST n'a pas produit une preuve objective montrant que les aménagements recommandés auraient nui aux autres candidats du concours. Cet argument n'est pas recevable parce que le fait d'obliger le ministère à produire une telle preuve le mettrait dans une position intenable. Comme la procédure de sélection ne s'est pas déroulée de cette manière, il est impossible de dire avec certitude quel effet le recours à une méthode d'évaluation différente aurait eu sur les autres candidats. Pour justifier sa décision de ne pas suivre les recommandations d'un spécialiste externe, il suffit à un ministère fédéral de démontrer que des difficultés auraient probablement surgi si les recommandations avaient été suivies.


[29]            Finalement, j'observe qu'il n'était pas nécessaire de recourir à une méthode d'évaluation différente puisque les besoins du demandeur avaient été adéquatement pris en compte à la faveur de modifications apportées aux modalités de l'examen. Dans sa deuxième lettre datée du 25 août 2000, le Dr Collins faisait état de plusieurs mesures que le BST devait prendre pour s'assurer que l'examen soit administré d'une manière équitable pour le demandeur. Non seulement le ministère a-t-il suivi ses recommandations, mais il les a dépassées en accordant au demandeur un délai supplémentaire ainsi que des pauses non comprises dans le délai accordé pour l'examen. Durant l'audience du comité d'appel, le Dr Collins avait indiqué qu'elle était satisfaite des mesures mises en oeuvre par le BST, et elle avait répondu ainsi lorsque Mme Suzanne Poulin, représentante du BST, lui avait demandé si elle croyait que les aménagements consentis par le BST étaient raisonnables (à la page 74 de la transcription) :

[Traduction]

Mme Poulin: . . . Vous avez dit que vous n'avez pas effectué une évaluation complète de M. Tremblay. Sachant ce que vous avez entendu aujourd'hui, avez-vous des doutes sur les recommandations que vous avez présentées au ministère [CPP]?

Mme Collins: Je crois que mes recommandations étaient exactes. Je sais que, du point de vue de M. Tremblay, le stress devait être éliminé; cela n'est pas un scénario réalisable. Est-ce que je pense que ces aménagements sont des aménagements raisonnables? Je crois qu'ils le sont et je crois aussi pouvoir dire honnêtement que si j'avais eu le sentiment de ne pouvoir présenter de recommandations, je n'en aurais pas présenté [le 25 août 2000].

[30]            Pour ces motifs, le comité d'appel a validement jugé que le BST avait rempli son obligation d'apporter des aménagements. La preuve montre que le BST s'est résolument employé à imaginer et à appliquer des aménagements qui donnaient au demandeur la possibilité de concourir sur un pied d'égalité, tout en garantissant l'équité du processus pour les autres candidats.

3.          Le comité d'appel a-t-il commis une erreur en affirmant que le demandeur n'avait pas écrit l'examen sous la contrainte?


10)        Devant le comité d'appel, le demandeur a soutenu qu'il avait accepté sous la contrainte les mesures correctives proposées par le BST. Il pensait que, s'il n'acceptait pas la proposition qu'on lui faisait, le BST l'exclurait du concours. En réponse, le défendeur affirme que le demandeur n'a pas saisi l'occasion qui lui était offerte de s'exprimer sur la proposition et qu'il ne peut aujourd'hui soutenir que les mesures correctives ont été acceptées par lui sous la contrainte.

[31]            Le président du comité d'appel a rejeté l'argument du demandeur, au paragraphe 46 de ses motifs :

[Traduction] Je ne puis non plus retenir l'affirmation de l'appelant selon laquelle il avait accepté sous la contrainte les mesures correctives qui étaient décrites dans la lettre de Mme Henry datée du 15 septembre 2001. S'il était en désaccord avec l'une quelconque de ces mesures correctives, alors il aurait dû saisir l'occasion qui lui était offerte de donner son avis à leur sujet et de proposer des améliorations. Il ne l'a pas fait. En tout état de cause, la question est théorique puisque l'appelant a eu l'occasion de présenter pleinement ses arguments devant moi.

[32]            Le président du comité d'appel a validement décidé ce point. Le demandeur avait informé le BST qu'il n'acceptait pas de bonne grâce les aménagements qu'on lui offrait, mais il n'a pas précisé quels aménagements additionnels étaient nécessaires pour lui. Il était déraisonnable d'imaginer que le BST, après avoir appliqué les mesures proposées par le Dr Collins, reprendrait sa quête d'aménagements acceptables sans savoir quoi d'autre était nécessaire.

4.          Le comité d'appel a-t-il commis une erreur en affirmant qu'il incombait au demandeur de faire connaître durant l'examen ses inquiétudes à propos des sources de distraction?


11)        Le demandeur a soutenu devant le comité d'appel qu'il avait été distrait durant l'examen et que cela l'avait défavorisé. Lorsqu'il écrivait dans le bureau de M. Hunter, il avait été distrait par le bruit provenant de travaux de construction effectués à l'extérieur. Il affirme que cela l'avait empêché de se concentrer.

[33]            Il incombe au candidat incommodé par le bruit de le signaler au jury de sélection; voir l'affaire Cyr c. Canada (Procureur général) (2000), 201 F.T.R. 191, confirmé 2002 CAF 68. Le demandeur a attendu l'instruction de son appel pour signaler au jury de sélection l'existence de cette source de distraction. Il aurait dû signaler à l'administrateur de l'examen les problèmes qui l'incommodaient. Le BST avait déjà résolu auparavant un problème de bruit et il n'y a aucune raison de croire qu'il ne l'aurait pas fait de nouveau.

5.         Le comité d'appel a-t-il manqué aux règles de la justice naturelle en excluant le rapport Krupp?

[34]            Selon le demandeur, le comité d'appel a commis une erreur de droit lorsqu'il a refusé d'accepter comme preuve la version intégrale du rapport Krupp. Le demandeur soutient que les conclusions du rapport Krupp confirment son point de vue selon lequel les personnes souffrant de la sclérose en plaques sont nettement défavorisées dans un examen écrit renfermant des questions vrai/faux ou des questions à choix multiples. Le défendeur affirme que, puisque le président du comité d'appel avait expressément accepté comme preuve, et avait examiné, un sommaire du rapport Krupp, le demandeur ne saurait prétendre qu'il y a eu manquement aux règles de la justice naturelle.

[35]            Au début, le demandeur avait seulement un résumé du rapport Krupp, et ce résumé avait été accepté comme preuve par le président du comité d'appel. Le demandeur avait plus tard obtenu le rapport intégral et avait tenté de le produire comme preuve durant les conclusions finales des parties. Le représentant du BST s'y était opposé, affirmant qu'il était « un peu tard » pour déposer le rapport intégral. Le président du comité d'appel avait refusé d'accepter comme preuve le rapport Krupp. Il s'est exprimé ainsi (à la page 95 de la transcription) :

[Traduction]

M. Gohier: Je ne suis guère enclin à accepter le rapport [le rapport Krupp] à cette étape tardive. Je vais examiner le sommaire du rapport que vous avez produit; certaines informations peuvent être recueillies ça et là dans le sommaire. Je ne crois pas que le rapport tout entier soit nécessaire... Je ne crois pas qu'il éclaircisse quoi que ce soit dans ma lecture du sommaire.

[36]            Le président du comité d'appel a abordé dans sa décision la substance du sommaire du rapport Krupp. Il s'est exprimé ainsi :

[Traduction] S'agissant du sommaire de l'étude menée par la Société nationale de la sclérose en plaques, j'observe que la partie intitulée « Conception de l'étude » mentionnait expressément que tous les participants à l'étude étaient soumis aux mêmes exactes conditions d'examen (un examen de quatre heures). L'étude concluait ensuite que « ces constatations montrent que les personnes atteintes de sclérose en plaques connaissent plus de fatigue cognitive après une tâche continue, difficile et cognitive que les personnes qui n'ont pas la sclérose en plaques » . Cela n'est pas nouveau, et ce n'est pas contesté non plus. En réalité, c'est cette notion même qui a conduit à l'admission du premier appel et à la quête qui s'en est suivie pour des mesures adéquates destinées à tenir compte de l'état de l'appelant. Sur un aspect distinct, le dossier devrait mentionner que je ne suis pas convaincu que cette étude soutient l'affirmation de l'appelant selon laquelle des questions vrai/faux ou des questions à choix multiples n'auraient pas dû être employées dans l'examen écrit qu'il a subi. Sur ce point particulier, je déférerai à l'avis d'expert du Dr Collins, qui n'avait trouvé rien à redire sur la nature ou la clarté de l'une quelconque des questions d'examen, et qui avait ajouté que l'emploi de telles questions rendrait en réalité les choses plus faciles pour l'appelant, et non plus difficiles. [Non souligné dans le texte, et omission des notes en bas de page.]

[37]            Le comité d'appel n'a pas commis d'erreur lorsqu'il a exclu la version intégrale du rapport Krupp. Les décideurs administratifs disposent en général d'un certain pouvoir discrétionnaire concernant la preuve qui sera acceptée. S'agissant de la recevabilité de preuves devant un tribunal administratif, il est improbable que la Cour fédérale intervienne à moins que la décision du tribunal ne révèle un manquement à la justice naturelle; voir l'arrêt Université du Québec à Trois-Rivières c. Larocque, [1993] 1 R.C.S. 471. Vu la tardiveté de la demande et le fait qu'un sommaire avait déjà été produit, le président du comité d'appel a validement exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu'il a exclu le rapport Krupp. Entre le sommaire du rapport Krupp et le témoignage de vive voix du Dr Collins, le président du comité d'appel avait devant lui une foule d'informations sur les difficultés que connaissent les personnes atteintes de sclérose en plaques. Par conséquent, la décision du président d'exclure le rapport Krupp n'a pas réduit l'aptitude du demandeur à présenter ses arguments.

[38]            Je me range aussi à l'avis du président du comité d'appel selon lequel la décision la plus sage était de s'en remettre à l'avis d'expert du Dr Collins sur la question. Elle avait eu l'occasion de passer en revue l'examen en question et n'y avait trouvé aucune lacune. Le demandeur n'a pas présenté le rapport Krupp au Dr Collins ni au BST lorsqu'ils tentaient de trouver des aménagements pouvant répondre à ses besoins. Le demandeur ne s'est pas non plus à ce moment-là opposé à l'utilisation de questions vrai/faux ou de questions à choix multiples. Le BST a pris une décision raisonnable, eu égard à l'avis qu'il avait obtenu du CPP et du Dr Collins, et il ne peut être blâmé de ne pas s'être mis à la recherche du rapport Krupp et de ne pas l'avoir trouvé.


DÉCISION

12)        Pour ces motifs, cette demande de contrôle judiciaire est rejetée. Au vu des résultats partagés entre le dossier T-1958-00 et le dossier T-1201-01, il ne sera pas adjugé de dépens.

                                                                                                                            « Michael A. Kelen »            

                                                                                                                                                     Juge                       

Ottawa (Ontario)

le 22 avril 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                          T-1201-01

INTITULÉ :                                         MICHEL TREMBLAY c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

et MARTIN TREMBLAY

LIEU DE L'AUDIENCE :                   OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                 LE 9 AVRIL 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :    MONSIEUR LE JUGE KELEN

DATE DES MOTIFS :                        LE 22 AVRIL 2003

COMPARUTIONS :

M. MICHEL TREMBLAY                                                    POUR LE DEMANDEUR (EN SON PROPRE NOM)

M. RICHARD CASANOVA                                                POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. MICHEL TREMBLAY                                                    POUR LE DEMANDEUR

1274, CHEMIN COBDEN                                                   (EN SON PROPRE NOM)

OTTAWA (ONTARIO) K2C 3A2

M. MORRIS ROSENBERG                                                  POUR LES DÉFENDEURS

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA


             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                         Date : 20030422

                                                   Dossier : T-1201-01

ENTRE :

MICHEL TREMBLAY

                                                                  demandeur

- et -

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

et MARTIN TREMBLAY

                                                                  défendeurs

              MOTIFS DE L'ORDONNANCE


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