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Date : 19980406

Dossier : T-1092-93

ENTRE :

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE,

demanderesse,

                                                                           -et-

                                        BASF COATINGS & INKS CANADA LTD.,

                                                                                                                                     défenderesse.

                                                                   JUGEMENT

LE JUGE ROULEAU

[1]L'appel est accueilli.

     P. ROULEAU    

         JUGE

OTTAWA (Ontario)

6 avril 1998

Traduction certifiée conforme

Claire Vallée, LL.B.


Date : 19980406

Dossier : T-1092-93

ENTRE :

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE,

demanderesse,

                                                                           -et-

                                        BASF COATINGS & INKS CANADA LTD.,

                                                                                                                                     défenderesse.

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ROULEAU

1�        Il s'agit d'un appel interjeté par la demanderesse en application des articles 81.24 et 81.28 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, relativement à une décision du Tribunal canadien du commerce extérieur ( « TCCE » ) datée du 18 janvier 1993.

2�        Voici les faits qui ont donné lieu au présent appel. Au cours de la période considérée, la défenderesse BASF s'est adonnée à la vente de solvants et de fluidifiants pour automobile. Elle n'exploitait qu'un petit nombre de points de vente au détail. N'étant pas dotée de son propre réseau de distribution, elle s'en remettait plutôt à des grossistes pour la distribution de ses produits. Les grossistes lui achetaient les produits, puis les revendaient aux utilisateurs, entre autres à des ateliers de débosselage.

3�        Les grossistes dont BASF retenait les services recevaient un guide énonçant les droits et les obligations des parties. Celui­­-ci prévoyait la réduction du prix de vente des produits vendus par les grossistes à certains acheteurs appelés [TRADUCTION] « acheteurs des marchés de spécialité » . BASF avait établi une liste de prix suggérés à l'intention des grossistes appelés à vendre ses produits. Toutefois, les grossistes n'étaient pas tenus de s'y conformer. Pour être plus concurrentielle sur les marchés de spécialité, BASF a recommandé aux grossistes d'accorder des réductions de prix aux acheteurs de ces marchés.

4�        Le grossiste qui vendait un produit à un tel acheteur au prix suggéré ou à un prix moindre pouvait demander à BASF une réduction du prix de vente qu'il avait payé auparavant. Il remplissait alors, sur une base mensuelle, une formule de demande de crédit. Le programme dans le cadre duquel des réductions de prix pouvaient être accordées s'appelait [TRADUCTION] « programme des marchés de spécialité » . BASF défalquait ensuite du montant de ses ventes taxables le montant de la subvention, ce qui réduisait son obligation fiscale.

5�        Dans un avis de cotisation daté du 12 décembre 1989, le ministre du Revenu national a refusé les réductions du prix de vente accordées aux grossistes et a exigé de BASF le paiement de la taxe de vente fédérale impayée pour la période allant du 24 octobre 1986 au 21 juin 1989. La somme réclamée dans l'avis de cotisation, intérêts et pénalités compris, était de 178 487,99 $, et vu le crédit de 104 807 $, elle était abaissée à 73 680,99 $.

6�        Le 14 novembre 1989, BASF a produit un avis d'opposition contestant l'avis de cotisation quant à la somme de 50 429 $ plus les intérêts et les pénalités exigibles. Dans un avis de décision daté du 30 avril 1991, le ministre a confirmé la cotisation.

7�        BASF a par la suite interjeté appel devant le Tribunal canadien du commerce extérieur, lequel a formulé comme suit la question qu'il était appelé à trancher :

[TRADUCTION] Dans le présent appel, la question est de savoir si les rajustements du prix des produits vendus dans le cadre du PMS [Programme des marchés de spécialité] devraient être reconnus comme réductions légitimes du « prix de vente » de ces marchandises aux fins du paragraphe 50(1) de la [Loi de l'impôt sur le revenu].

8�        Le Tribunal a accueilli l'appel de BASF; voici un extrait des motifs de sa décision :

[TRADUCTION]...le Tribunal conclut que les rajustements effectués par l'appelant étaient directement liés, et nécessaires, à la détermination du montant réel reçu par lui, sur la vente de ses produits aux grossistes, lesquels produits étaient finalement acquis par des acheteurs de ce marché de spécialité. Le programme de l'appelant est bien conçu, tant pour les grossistes que pour l'appelant, et rien ne prouve qu'il viserait à éviter le paiement de taxes dues. Il est plutôt structuré de manière à refléter ce que l'appelant reçoit réellement sur ses ventes sur ce nouveau marché qu'il essaie de pénétrer.

9�        Le ministère public en appelle aujourd'hui de cette décision pour le motif que les crédits accordés par BASF aux grossistes ne peuvent être considérés comme des réductions légitimes du prix de vente aux fins de l'article 41 de la Loi sur la taxe d'accise. Selon lui, aucune disposition législative ne permet de défalquer du « prix de vente » une allocation, un crédit ou une remise consenti à des fins de publicité ou de promotion, lorsqu'il s'agit de calculer la taxe exigible à l'égard d'une opération intervenue entre un vendeur et un acheteur.

10�      Voici le libellé des articles 42 et 50 de la Loi sur la taxe d'accise :

42. « prix de vente » Relativement à l'établissement de la taxe de consommation ou de vente, s'entend :

a) sauf dans le cas des vins, de l'ensemble des montants suivants :

(i) le montant exigé comme prix avant qu'un montant payable à l'égard de toute autre taxe prévue par la présente loi y soit ajouté,

(ii) tout montant que l'acheteur est tenu de payer au vendeur en raison ou à l'égard de la vente en plus de la somme exigée comme prix -- qu'elle soit payable au même moment ou en quelque autre temps -- , y compris, notamment, tout montant prélevé pour la publicité, le financement, le service, la garantie, la commission ou à quelque autre titre, ou destiné à y pourvoir,

(iii) le montant des droits d'accise exigible aux termes de la Loi sur l'accise, que les marchandises soient vendues en entrepôt ou non, ...

50.(1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente au taux spécifié au paragraphe (1.1) sur le prix de vente ou sur la quantité vendue de toutes marchandises :

a)produites ou fabriquées au Canada :

(i) payable, dans tout cas autre que ceux mentionnés aux sous-alinéas (ii) ou (iii), par le producteur ou fabricant au moment où les marchandises sont livrées à l'acheteur ou au moment où la propriété des marchandises est transmise, en choisissant celle de ces dates qui est antérieure à l'autre,...

11�      J'estime que le libellé de ces dispositions législatives est clair, sans équivoque et susceptible d'être interprété dans son sens ordinaire. L'article 50 de la Loi prévoit que la taxe de vente est calculée « au moment où les marchandises sont livrées à l'acheteur ou au moment où la propriété des marchandises est transmise, en choisissant celle de ces dates qui est antérieure à l'autre » . En conséquence, c'est en fonction de la vente de la marchandise par le fabricant au premier acquéreur (dans la chaîne de distribution) et du « prix de vente » alors payé que le montant de la taxe exigible est calculé. En l'espèce, la propriété des marchandises est passée de BASF au grossiste au moment où ce dernier les a reçues. C'est de cette opération que naît l'obligation fiscale de la défenderesse, et c'est en fonction d'elle qu'est calculé le montant de la taxe due.

12�      En outre, pour déterminer le « prix de vente » réel, il est nécessaire d'aller au-delà de l'opération initiale et d'examiner la nature fondamentale du rapport commercial établi entre les parties contractantes. Ce rapport est très différent en l'espèce de celui qui était en cause dans l'affaire Timmins Tire Sales c. M.R.N., [1992] 5 T.C.T. 1092, que la défenderesse invoque à l'appui de ses prétentions. Contrairement à l'affaire Timmins, les subventions accordées par BASF aux grossistes dans le cadre du programme des marchés de spécialité constituaient des dépenses promotionnelles, de sorte qu'elles n'ont aucun rapport avec le prix de vente dont ont convenu le fabricant et les grossistes. Les deux témoins de la défenderesse ont affirmé que le programme des marchés de spécialité avait été conçu par la division du marketing de BASF afin de pénétrer de nouveaux marchés grâce à un réseau de grossistes. Les subventions versées par BASF visaient simplement à encourager les grossistes à participer au programme.

13�      Je suis donc convaincu qu'il n'existe en droit aucun fondement qui puisse permettre à BASF de réduire rétroactivement son prix de vente et, par conséquent, son obligation fiscale. Il est clair que la taxe était payable sur le prix exigé des grossistes par BASF et que les subventions ultérieurement accordées par la défenderesse aux grossistes n'ont pas eu pour effet de réduire le « prix de vente » au sens de la loi applicable. En conséquence, le montant de la taxe de vente fédérale a été dûment établi en fonction du prix payé par le grossiste à BASF au moment de la vente intervenue entre eux, et l'avis de cotisation est valable.

14�      Pour ces motifs, l'appel de la demanderesse est accueilli.

                                 P. ROULEAU    

           JUGE

                                                

OTTAWA (Ontario)

6 avril 1998

Traduction certifiée conforme

Claire Vallée, LL.B.



                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                              T-1092-93

INTITULÉ DE LA CAUSE :Sa Majesté la Reine c. BASF Coatings & Inks Canada Ltd.

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :    20 octobre 1997

MOTIFS DU JUGEMENT DU juge Rouleau en date du 6 avril 1998.

ONT COMPARU :

Me Anne M. Anne M. Turley                                                                                                                

Me Janet Ozembloski                 pour la demanderesse

Me Jonathan Stainsby

Me Mark Jadd

Me Colleen Hanycz                               pour la défenderesse

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

George Thomson,                                                                                                                                 

Sous-procureur général du Canadapour la demanderesse

Heenan, Blaikie

Avocats

Toronto (Ontario)pour la défenderesse

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