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     Date : 19991102

     Dossier : IMM-3296-99

0TTAWA (ONTARIO), LE 2 NOVEMBRE 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX


Entre :

     SIHAM ASKAR, MOHAMED ASKAR, RIWA ASKAR,

     RAGHIDA ASKAR, NADA ASKAR, ALI ASKAR

     et OMAR ASKAR

     demandeurs

     (intimés)

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur

     (requérant)


     ORDONNANCE


     Par les motifs pris en l'espèce, la Cour rejette la fin de non-recevoir opposée par le ministre, avec dépens.

     Signé : François Lemieux

     _____________________________

     Juge

Traduction certifiée conforme,



Laurier Parenteau, LL.L.




     Date : 19991102

     Dossier : IMM-3296-99


Entre :

     SIHAM ASKAR, MOHAMED ASKAR, RIWA ASKAR,

     RAGHIDA ASKAR, NADA ASKAR, ALI ASKAR

     et OMAR ASKAR

     demandeurs

     (intimés)

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur

     (requérant)


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


Le juge LEMIEUX


INTRODUCTION


[1]      Invoquant les règles 369 et 221(1)a) des Règles de la Cour fédérale (1998), le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le ministre) oppose une fin de non-recevoir, tirée de l'argument de défaut de cause d'action valable, à la demande déposée le 2 juillet 1999 sous le régime de l'article 18 et par laquelle les demandeurs concluent à ce qui suit :

     1.      ordonnance déclarant que la demanderesse Siham Askar continue d'être une résidente permanente du Canada; et
     2.      ordonnance au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration de poursuivre sans délai l'instruction de la demande faite par Siham Askar pour parrainer l'établissement de son mari et de ses enfants à charge.

[2]      Dans le corps de la demande, on peut lire ce qui suit :

     [TRADUCTION]

     Les présentes constituent la demande de contrôle judiciaire contre l'action de la section des visas des ambassades canadiennes à Beyrouth (Liban) et à Damas (Syrie) et du bureau d'Immigration Canada à Edmonton (Alberta), lesquels organismes relèvent du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.
     La demanderesse, Siham Askar, a fait une demande pour parrainer l'établissement de son époux et de ses enfants, et son engagement d'aide a été approuvé par lettre en date du 29 octobre 1997 " mais le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration a refusé à tort de poursuivre l'instruction de sa demande de parrainage de membres de la famille à l'étranger ainsi que de la demande, faite par le demandeur Mohamed Askar, du statut de résident permanent au Canada.

[3]      Voici les motifs pris par le ministre à l'appui de sa fin de non-recevoir :

     1.      La demanderesse Siham Askar n'a pas exercé son droit d'interjeter appel, devant la section d'appel de l'immigration, de la décision relative à son statut de résidente permanente.
     2.      De toute façon, la décision relative au statut de résident permanent relève des agents d'immigration ou des arbitres, et tout recours en contrôle judiciaire en la matière est subordonné à l'autorisation préalable de la Cour, par application du paragraphe 82.1(1) de la Loi sur l'Immigration.
     3.      D'ailleurs, l'agent des visas de Damas n'est nullement tenu d'instruire la demande concernant l'époux et les enfants de Siham Askar avant que le statut de résidente permanente de cette dernière ne soit fixé; elle n'est donc pas recevable à agir en mandamus.
     4.      Le recours de la demanderesse porte sur deux décisions distinctes, ce qui va à l'encontre de la règle 302 des Règles de la Cour fédérale (1998).
     5.      La demanderesse n'a indiqué la date ni n'a produit aucun détail sur l'ordonnance que viserait son recours (règle 301c)(ii) des Règles de la Cour fédérale); il est donc impossible de juger si elle a dépassé le délai de trentaine, fixé par le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale, pour le dépôt des recours en contrôle judiciaire.

LES FAITS DE LA CAUSE

[4]      Selon l'affidavit déposé par Siham Askar à l'appui de son recours en jugement déclaratoire et en ordonnance de mandamus en date du 12 juillet 1999, elle s'est vu accorder le statut de résidente permanente le 12 janvier 1978, et son fils aîné est né au Canada le 6 mai 1977. Elle a vécu au Canada jusqu'en 1980.

[5]      Elle a quitté le Canada en 1980 pour aller prendre soin de sa belle-mère qui était malade. Elle avait toujours l'intention de revenir au Canada puisque, à l'époque, elle laissait derrière son fils unique. Son mari et elle-même sont venus s'installer chez sa belle-mère au Liban; celle-ci mourut en 1993. Dans son affidavit, Siham Askar cite plusieurs faits pour preuve de son intention de revenir au Canada.

[6]      En 1996, elle est revenue toute seule au Canada, sans son mari et sans ses enfants nés au Liban. À la douane, un agent d'immigration lui a demandé de montrer les papiers attestant son statut de résidente permanente, ce qu'elle a fait. À l'automne 1997, elle a parrainé la demande d'immigration de son mari et des enfants restés au Liban et, le 29 octobre 1997, reçoit l'accusé de réception de Citoyenneté et Immigration Canada, qui lui faisait savoir que son engagement d'aide a été approuvé et transmis à l'agent des visas à Damas, lequel " instruira la demande d'immigration des membres de votre famille ".

[7]      Mohamed Askar a été convoqué à une entrevue à la section des visas de l'ambassade canadienne de Beyrouth, le 15 janvier 1998. À la question de savoir s'il avait été auparavant au Canada, il a répondu qu'il s'était vu accorder le statut de résident permanent mais était revenu à Beyrouth en 1980. Ses réponses ont suscité des doutes quant à l'admissibilité de Siham Askar à le parrainer, car il fallait qu'elle fût elle-même résidente permanente. Beyrouth a demandé des vérifications à ce sujet.

[8]      Siham Askar a été interrogée par CIC à Edmonton, début février 1998, et s'est vu poser plusieurs questions sur ses voyages et son départ du Canada en 1980. Le bureau des visas de Beyrouth était tenu au courant.

[9]      Le 2 avril 1998, CIC a envoyé à Siham Askar une lettre pour l'informer de ce qui suit :

     [TRADUCTION]

     Une autre entrevue est prévue pour le jeudi 16 avril 1998 à 14 h 30 au bureau dont l'adresse est indiquée ci-dessus. Veuillez apporter tout document en votre possession, qui prouve que vous avez résidé au Canada ces dernières années, notamment votre carte d'assurance sociale, vos déclarations d'impôt, et toute reconnaissance de dette ou attestation de paiement.

[10]      Le 17 avril 1998, c'est-à-dire le lendemain de l'entrevue, V. Leroux a fait, en application de l'article 27, un rapport au sous-ministre pour lui rendre compte que Siham Askar était une personne se trouvant au Canada autrement qu'à titre de citoyen canadien ou de résident permanent. Citant l'alinéa 27(2)e) de la Loi sur l'immigration (la Loi), il conclut dans ce rapport que Siham Askar :

     [TRADUCTION]

     Est une personne se trouvant au Canada autrement qu'à titre de citoyen canadien ou de résident permanent, son cas étant celui prévu à
     L'alinéa 27(2)e)
         Elle est entrée au Canada à titre de visiteur et y demeure après avoir perdu cette qualité, plus particulièrement :
     L'alinéa 26(1)b)
         Elle suit des cours de formation générale, théorique ou professionnelle notamment à l'université ou au collège, ou occupe un emploi au Canada, sans y être autorisée.
     L'alinéa 26(1)c)
         Elle séjourne au Canada au-delà de la durée autorisée.

[11]      M. Leroux indique que ce rapport établi en application de l'article 27 était fondé sur les renseignements suivants qu'il avait en sa possession :

     [TRADUCTION]

     Que Siham Askar "
     - est entrée au Canada avec droit d'établissement le 12 janvier 1978;
     - est arrivée au Canada à un moment donné en 1996 à l'aéroport international de Calgary sans visa dans son passeport; elle a donc été admise à titre de visiteuse pour 6 mois;
     - a été absente du Canada de 1980 à 1996 et a cessé de ce fait d'être une résidente permanente;
     - n'a ni demandé ni obtenu une prorogation de son statut de visiteuse et, de ce fait, a cessé d'être une visiteuse;
     - a travaillé pour son frère Sam Taliani, du 31 janvier 1998 au 31 janvier 1998, dans une charcuterie nommée Sammy's Incredible Edibles, où elle cuisinait et préparait les mets moyennant un salaire mensuel de 3 016,00 $, ce qui avait également pour effet de mettre fin à son statut de visiteuse.

[12]      Une autre entrevue a eu lieu le 9 avril 1998, dont M. Leroux a rendu compte en ces termes dans une communication à Beyrouth :

     [TRADUCTION]

     À l'issue d'une autre longue entrevue, la famille des clients a reconnu que la répondante des personnes ci-dessus (Askar, Siham) ne résidait pas au Canada de 1980 à l'été 1996. Elle n'a pas été non plus admise en vertu d'un visa d'entrée apposé par la Douane ou l'Immigration; il s'ensuit qu'elle est juste une visiteuse, sans statut de résidente permanente. Elle a fait auprès de CIC Edmonton une simple demande de rétablissement du statut de visiteuse, laquelle aura probablement une suite favorable. Il lui sera accordé une prorogation de courte durée.
     En ce qui vous concerne, les clients ne sont donc pas admissibles à être parrainés par Siham Askar, et elle aimerait retirer son imm1344.
     Le principal demandeur et sa femme ont un enfant qui est citoyen canadien et qui a 20 ans à peu près. La famille nous a demandé si nous accepterons son parrainage pour l'appliquer au dossier dont vous êtes saisi afin de l'expédier. Les conditions de demande de parrainage ne sont probablement pas réunies à cette date; cependant, elles peuvent être confirmées avant l'audience d'appel ou lorsque la vérification des antécédents et les examens médicaux sont terminés.
     Siham Askar demeurera au Canada pour une courte période jusqu'à ce qu'elle ait à revenir à Beyrouth pour une entrevue. Je vous demanderais de ne pas passer outre à cette entrevue, au cas où il y aurait inadmissibilité.

[13]      Siham Askar a retenu les services d'avocats qui ont écrit à CIC début mai 1998, pour lui soumettre des observations sur son statut de résidente permanente. Dans leur lettre, ceux-ci faisaient aussi état d'une entrevue prévue pour le 18 mai 1998, et indiquaient que la famille Askar faisait valoir le statut d'immigrante avec droit d'établissement de Mme Askar.

[14]      Le 12 août 1998, au cours d'une conversation avec M. Leroux, les avocats de Mme Askar lui ont demandé de leur communiquer l'état du dossier ainsi que les faits pertinents. Voici les notes manuscrites de M. Leroux à ce sujet :

     [TRADUCTION]

     Je leur ait dit qu'il a été jugé, quatre mois auparavant, que Siham Askar était une visiteuse en situation irrégulière. J'avais accepté de considérer le rétablissement [du statut de visiteuse] et une prorogation de courte durée. J'ai également accepté d'accoler le parrainage fait par son fils au sien propre.
     Environ un mois après, " a écrit pour demander pourquoi Edmonton adoptait cette démarche au lieu de juger à nouveau qu'elle était une résidente et d'accepter sa 1344.
     J'ai répondu que rien ne prouvait qu'elle était toujours une résidente. Elle n'avait pas un visa dans son passeport, n'a pas résidé au Canada depuis près de 20 ans, et ils ont changé leur histoire plusieurs fois depuis qu'elle est revenue au Canada. S'il voulait procéder de cette façon, je pourrais lui transmettre un [illisible], mais cela se traduirait probablement par une conclusion de séjour au-delà de la durée autorisée. Le parrainage à l'immigration serait retardé de nouveau, et les examens médicaux et les vérifications de sécurité seraient expirés entre temps"

     En fin de compte, elle pourra être renvoyée hors du pays, mais non sans un autre retard de plusieurs années pendant que nous essaierons d'accoler "

[15]      Le 9 septembre 1998, les avocats de Mme Askar ont encore écrit à CIC Edmonton, à la suite d'une entrevue qu'ils avaient eue avec M. Leroux le lundi 31 août 1998.

[16]      Le 2 octobre 1998, M. Leroux écrit ce qui suit à Mme Askar :

     [TRADUCTION]

     La présente est en réponse à votre lettre en date du 9 septembre 1998 à Randy Gurlock, et qui m'a été assignée pour réponse. Je tiens à vous remercier d'avoir formulé par écrit vos sujets de préoccupation, et de façon aussi détaillée. Malheureusement, il n'y a pas eu grand changement en ce qui concerne cette demande qui pourrait engager notre ministère à suivre une autre voie. Il reste que Siham Askar n'est pas admissible à parrainer l'immigration de son mari et de ses enfants qui sont au Liban. La question de savoir quelle solution de rechange la famille va adopter reste cependant sans réponse. Avant qu'elle ne prenne une décision et ne la mette à exécution, il ne sert vraiment à rien de demander une nouvelle clarification ou un réexamen du dossier.

[17]      Dans son affidavit, Siham Askar témoigne que " j'ai été subséquemment informée de vive voix que la demande n'aurait pas de suite parce que je n'étais pas considérée comme une résidente permanente. Aucune mesure officielle n'a jamais été prise au sujet de mon statut de résidente permanente ".

ANALYSE

     d)      Cas d'irrecevabilité du recours

[18]      Le critère à observer pour juger si un recours en contrôle judiciaire est irrecevable est défini dans trois décisions de la Cour d'appel fédérale.

[19]      Dans la première de ces décisions, David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc. et al. (C.A.), [1995] 1 C.F. 588, le juge Strayer, J.C.A., après avoir relevé les différences entre les règles de procédure concernant les actions et les recours en contrôle judiciaire et indiqué en page 596 que " le moyen direct et approprié par lequel la partie intimée devrait contester un avis de requête introductive d'instance qu'elle estime sans fondement consiste à comparaître et à faire valoir ses prétentions à l'audition de la requête même ", a conclu en ces termes, page 600 :

     Pour ces motifs, nous sommes convaincus que le juge de première instance a eu raison de refuser de prononcer une ordonnance de radiation sous le régime de la Règle 419 ou de la règle des lacunes, comme il l'aurait fait dans le cadre d'une action. Nous n'affirmons pas que la Cour n'a aucune compétence, soit de façon inhérente, soit par analogie avec d'autres règles en vertu de la Règle 5, pour rejeter sommairement un avis de requête qui est manifestement irrégulier au point de n'avoir aucune chance d'être accueilli " Ces cas doivent demeurer très exceptionnels et ne peuvent inclure des situations comme celle dont nous sommes saisis, où la seule question en litige porte simplement sur la pertinence des allégations de l'avis de requête.

[20]      Dans Moldeveanu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 55, dossier no A-413-97, 14 janvier 1999 (C.A.F.), le juge Décary, J.C.A., après avoir noté au paragraphe 13 que " nombre de décisions de la Cour appuient la thèse selon laquelle il est généralement incorrect de présenter des requêtes en radiation à l'occasion d'une procédure de contrôle judiciaire ", a fait observer ce qui suit :

     Bien que la requête présentée en l'espèce n'était pas techniquement parlant une requête en radiation de la demande de contrôle judiciaire, le principe susmentionné s'applique sans aucun doute. Cependant, dans l'arrêt David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc. où se trouve énoncé ce principe, la Cour se laisse de la marge pour le cas où un acte de procédure " est manifestement irrégulier au point de n'avoir aucune chance d'être accueilli ".

                                                 [non souligné dans l'original]

[21]      La cause Canadian Pasta Manufacturers' Association c. Aurora Importing & Distributing Ltd., [1997] A.C.F. no 493, dossier no A-252-97, 23 avril 1997 (C.A.F), est un exemple de recours en contrôle judiciaire rejeté pour cause d'irrecevabilité. Par un jugement très bref, le juge Pratte, J.C.A., a conclu comme suit : " Nous sommes tous d'avis que la présente demande de contrôle judiciaire n'a aucune chance de succès. La requête en radiation est donc accueillie ".

     b)      Le régime légal " Déchéance du statut de résident permanent

[22]      La Loi sur l'immigration (la Loi) comporte des dispositions sur la déchéance du statut de résident permanent et sur les mécanismes d'exécution et de détermination de ce statut. Les voici :

     a)      l'article 24 prévoit les cas de déchéance du statut de résident permanent comme suit :

24. (1) A person ceases to be a permanent resident when

     (a) that person leaves or remains outside Canada with the intention of abandoning Canada as that person's place of permanent residence; or
     (b) a removal order has been made against that person and the order is not quashed or its execution is not stayed pursuant to subsection 73(1).

(2) Where a permanent resident is outside Canada for more than one hundred and eighty-three days in any one twelve month period, that person shall be deemed to have abandoned Canada as his place of permanent residence unless that person satisfies an immigration officer or an adjudicator, as the case may be, that he did not intend to abandon Canada as his place of permanent residence.

24. (1) Emportent déchéance du statut de résident permanent :

     a) le fait de quitter le Canada ou de demeurer à l'étranger avec l'intention de cesser de résider en permanence au Canada;
     b) toute mesure de renvoi n'ayant pas été annulée ou n'ayant pas fait l'objet d'un sursis d'exécution au titre du paragraphe 73(1).

(2) Le résident permanent qui séjourne à l'étranger plus de cent quatre-vingt-trois jours au cours d'une période de douze mois est réputé avoir cessé de résider en permanence au Canada, sauf s'il convainc un agent d'immigration ou un arbitre, selon le cas, qu'il n'avait pas cette intention.

     b)      l'article 27 de la Loi est intitulé " Renvoi après admission ". Le paragraphe 27(1) prévoit que l'agent d'immigration doit, par rapport écrit, faire part au sous-ministre de renseignements concernant un résident permanent et indiquant que celui-ci relève de l'une des catégories visées aux alinéas qui suivent; le paragraphe 27(2) prévoit que l'agent d'immigration doit faire un rapport écrit au sous-ministre de renseignements indiquant qu'une personne se trouvant au Canada autrement qu'à titre de citoyen canadien ou de résident permanent relève de l'une des catégories visées aux alinéas qui suivent.
     c)      aux termes du paragraphe 27(3), le sous-ministre, s'il l'estime justifié dans les circonstances, transmet à un agent principal un exemplaire du rapport visé aux paragraphes (1) et (2), avec ordre de prendre une décision sur les faits allégués ou, en tout cas, de procéder à une enquête. S'il choisit de transmettre un exemplaire du rapport à l'agent principal, celui-ci peut exercer les pouvoirs qu'il tient du paragraphe 27(4), y compris celui de prendre une mesure d'expulsion. Si le sous-ministre choisit d'ordonner une enquête, l'affaire passe à un arbitre qui mène, conformément à l'article 29 de la Loi, l'enquête au cours de laquelle il peut exercer les pouvoirs qu'il tient de l'article 32.
     d)      le paragraphe 70(1) prévoit les cas d'appel par les résidents permanents et les titulaires du permis de retour pour résident permanent. À quelques exceptions près, le résident permanent ou le titulaire d'un permis de retour pour résident permanent, qui fait l'objet d'une mesure de renvoi peut en appeler devant la section d'appel en invoquant une question de droit, de fait ou mixte, ou le fait que, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, il ne devrait pas être renvoyé du Canada. Dans Canada (MEI) c. Selby, [1981] 1 C.F. 273, la Cour d'appel fédérale a jugé que l'appel à la section d'appel est ouvert à la personne dont il a été jugé, après enquête, qu'elle avait cessé de résider en permanence au Canada; qu'il faut se demander, par l'effet du paragraphe 24(1), si le résident permanent a quitté le Canada ou a demeuré à l'étranger avec l'intention de cesser de résider en permanence au Canada; et enfin qu'il s'agit là d'un point de fait, à examiner en premier ressort par un agent d'immigration qui en est saisi et à résoudre au palier suivant par un arbitre.

CONCLUSIONS

[23]      La fin de non-recevoir opposée par le ministre se réduit à la question de savoir si le recours en contrôle judiciaire tendant à jugement déclaratoire et à ordonnance de mandamus est " manifestement irrégulier au point de n'avoir aucune chance d'être accueilli ". À mon avis, aucun des principaux motifs invoqués par le ministre ne satisfait à ce critère.

[24]      En premier lieu, il fait valoir que la demanderesse Siham Askar n'a pas exercé son droit d'appel devant la section d'appel de l'immigration. Il se trouve cependant que d'après le dossier, le sous-ministre n'a pas encore exercé le pouvoir qu'il tient du paragraphe 27(3); par suite, aucune mesure de renvoi n'a été prise contre Siham Askar que ce soit par un agent d'immigration en application du paragraphe 27(4), ou par un arbitre en application de l'article 32 de la Loi (la mesure de renvoi est définie à l'article 2 comme s'entendant de la mesure d'interdiction de séjour, d'exclusion ou d'expulsion). Une personne ne peut exercer le droit d'appel prévu à l'article 70 de la Loi que si elle fait l'objet d'une mesure de renvoi ou de renvoi conditionnel. Il s'ensuit que l'article 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale n'est pas applicable en l'espèce, puisque cette disposition d'exception aux articles 18 et 18.1 est limitée par cette réserve : " dans la mesure où elle est susceptible d'un tel appel ".

[25]      En deuxième lieu, le ministre soutient que la décision relative au statut de résident permanent relève des agents d'immigration ou des arbitres et que, par conséquent, il ne peut y avoir recours en contrôle judiciaire contre pareille décision que par autorisation de la Cour fédérale, ainsi que le prévoit le paragraphe 82.1(1) de la Loi sur l'immigration, que voici :


82.1 (1) An application for judicial review under the Federal Court Act with respect to any decision or order made, or any matter arising, under this Act or the rules or regulations thereunder may be commenced only with leave of a judge of the Federal Court " Trial Division.

82.1 (1) La présentation d'une demande de contrôle judiciaire aux termes de la Loi sur la Cour fédérale ne peut, pour ce qui est des décisions ou ordonnances rendues, des mesures prises ou de toute question soulevée dans le cadre de la présente loi ou de ses textes d'application " règles ou règlements " se faire qu'avec l'autorisation d'un juge de la Section de première instance de la Cour fédérale.

[26]      La demanderesse réplique que son recours n'est pas une demande de contrôle judiciaire contre une ou des décisions d'un agent d'immigration; qu'elle n'a jamais été officiellement informée par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration ou par quelqu'un d'autre de son ministère qu'elle avait perdu son statut de résidente permanente au Canada; qu'aucune mesure n'a été prise en application du paragraphe 20(1) ou de l'article 27 de la Loi sur l'immigration pour saisir un arbitre de la question de son statut en vue d'une enquête; et qu'à son avis, elle est toujours une résidente permanente du Canada et jouit à ce titre de certains droits garantis par la Loi. La demanderesse soutient que son recours tend à une ordonnance de mandamus, qui relève de la compétence exclusive de la Cour fédérale; et que la procédure engagée devant la Cour est un recours en ordonnance de mandamus pour forcer l'agent des visas à instruire les demandes de résidence permanente de son mari et de ses cinq enfants.

[27]      À la lumière des faits de la cause " et ce qu'affirme la demanderesse Siham Askar dans son affidavit doit être tenu pour avéré ", je ne vois pas que son recours soit irrecevable par application du paragraphe 82.1(2) de la Loi. En résumé, Siham Askar fait valoir qu'elle est une résidente permanente du Canada et agit en exécution forcée de son droit de parrainer l'immigration de sa famille face au refus d'instruire sa demande de parrainage. Elle soutient que le redressement recherché dans ces conditions est l'ordonnance de mandamus . Le fait qu'elle conclut aussi à jugement déclarant qu'elle est toujours une résidente permanente ne déporte pas l'analyse, et ne s'attache pas nécessairement à une décision d'agent d'immigration. Pour reprendre les termes employés par le juge Strayer, J.C.A., dans David Bull Laboratories, op. cit., il y a là un point qui se prête aux débats et on ne peut dire que le recours de la demanderesse " n'a aucune chance d'être accueilli ".

[28]      En troisième lieu, le ministre soutient qu'il ne saurait y avoir recours en mandamus puisque l'agent des visas de Damas n'est nullement tenu à l'obligation d'instruire la demande concernant le mari de Siham Askar et leurs enfants à charge avant que le statut de résidente permanente de cette dernière ne soit fixé. Cet argument est en contradiction avec les autres motifs invoqués par le ministre et qui sont subordonnés au postulat qu'une décision a été prise au sujet du statut de Siham Askar. Dans ces conditions, il me semble que cet argument renforce la thèse de la demanderesse, savoir qu'elle n'a pas perdu son statut de résidente permanente et que par conséquent, elle a qualité pour exercer les droits qui en découlent.

[29]      La conclusion ci-dessus est dans le droit fil d'un récent arrêt, Krause et al. c. Canada et al. (1999), 236 N.R. 317, où la Cour d'appel fédérale a procédé à une analyse fondamentale de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale (la Loi). Elle a fait à ce propos la constatation suivante :

         [23]      J'accepte ces arguments. À mon avis, le délai prévu au paragraphe 18.1(2) ne fait pas que les appelants soient irrecevables à agir en mandamus, en prohibition ou en jugement déclaratoire. Il est vrai qu'à un moment donné, il y a eu décision interne au sein du ministère d'adopter les recommandations de l'Institut canadien des comptables agréés et de les mettre en application au cours des exercices subséquents. Ce n'est cependant pas cette décision générale que vise le recours des appelants, mais les actes accomplis par les ministres responsables pour mettre à exécution cette décision et auxquels les appelants reprochent d'être invalides ou illégaux. L'obligation de se conformer aux paragraphes 44(1) LPFP et 55(1) LPRFC se faisait jour " au cours de chaque exercice ". Ce que reprochent les appelants aux ministres responsables c'est qu'en faisant ce qu'ils ont fait au cours de l'exercice 1993-1994 et des exercices subséquents, ils ont contrevenu aux dispositions applicables de ces deux lois et n'ont donc pas rempli leurs obligations en la matière, et que ces agissements se poursuivront si la Cour n'intervient pas pour faire respecter l'État de droit. Ce n'est qu'après que la Section de première instance aura entendu le recours en contrôle judiciaire qu'on pourra savoir si cette prétention est fondée ou non.

[30]      La Cour avait noté auparavant que le terme " question " figurant à l'article 18.1 de la Loi a un sens plus large que " décision ou ordonnance ", et qu'il s'entend de toute question se prêtant à un recours en justice.

[31]      En quatrième lieu, le ministre soutient que le recours de la demanderesse est irrecevable par application de la règle 302 des Règles de la Cour fédérale (1998), en ce qu'il vise deux décisions distinctes, savoir la décision relative au statut de résidente permanente et celle de l'agent des visas de ne pas instruire la demande. On ne sait pas du tout, à la lumière des faits de la cause, si une décision a été rendue au sujet du statut de résidente permanente de Siham Askar.

[32]      Enfin, le ministre fait valoir que la demanderesse n'a produit ni la date ni les détails d'aucune mesure spécifique, contre laquelle s'exercerait son recours en contrôle judiciaire. La demanderesse Siham Askar réplique qu'aucune décision n'a été rendue au sujet de son statut de résidente permanente. J'estime que son argument est défendable.

DÉCISION

[33]      Par tous ces motifs, la Cour rejette, avec dépens, la fin de non-recevoir opposée par le ministre en l'espèce.

     Signé : François Lemieux

     _____________________________

     Juge

Ottawa (Ontario),

le 2 novembre 1999


Traduction certifiée conforme,



Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER No :              IMM-3296-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Siham Askar et al.

                     c.

                     Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration


REQUÊTE INSTRUITE SUR PIÈCES SANS LA COMPARUTION DES PARTIES


MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE LEMIEUX


LE :                      2 novembre 1999



MÉMOIRES SOUMIS PAR :


Mme Karen D. Swartzenberger          pour les demandeurs

M. Brad Hardstaff                  pour le défendeur



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Mme Karen D. Swartzenberger          pour les demandeurs

Edmonton (Alberta)

M. Morris Rosenberg              pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

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