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                                                                                                                                         Date : 200100326

                                                                                                                               Dossier : IMM-946-00

                                                                                                           Référence neutre : 2001 CFPI 243

ENTRE :

Shu Foo AU

                                                                                                                                                     demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NADON

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle l'agent des visas James Schultz (l'agent Schultz) a refusé, le 24 janvier 2000, la demande que le demandeur avait présentée en vue de résider en permanence au Canada pour le motif qu'il appartenait à une catégorie non admissible conformément à l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi).


[2]         Le 30 juillet 1992, le demandeur, qui est né à Hong Kong le 4 février 1957, a présenté à la Commission (la Commission), à Hong Kong, une demande de résidence permanente à titre de parent. La demande était parrainée par sa conjointe, Kiet Nhi Ly, qui est citoyenne canadienne. Le 6 janvier 1995, Michael MacKenzie, agent des visas à la Commission, a refusé la demande de résidence permanente pour le motif que le demandeur ne pouvait pas être admis au Canada en vertu de l'alinéa 19(1)c.2) et du sous-alinéa 19(2)a.1)(i) de la Loi, qui se lisent comme suit :

19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible :

19. (1) No person shall be granted admission who is a member of any of the following classes:

(c.2)         celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles sont ou ont été membres d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle se livre ou s'est livrée à des activités faisant partie d'un plan d'activités criminelles organisées par plusieurs personnes agissant de concert en vue de la perpétration d'une infraction au Code criminel ou à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances qui peut être punissable par mise en accusation ou a commis à l'étranger un fait - acte ou omission - qui, s'il avait été commis au Canada, constituerait une telle infraction, sauf si elles convainquent le ministre que leur admission ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national;

(c.2)        persons who there are reasonable grounds to believe are or were members of an organization that there are reasonable grounds to believe is or was engaged in activity that is part of a pattern of criminal activity planned and organized by a number of persons acting in concert in furtherance of the commission of any offence under the Criminal Code or Controlled Drugs and Substances Act that may be punishable by way of indictment or in the commission outside Canada of an act or omission that, if committed in Canada, would constitute such an offence, except persons who have satisfied the Minister that their admission would not be detrimental to the national interest.

19. (2) Appartiennent à une catégorie non admissible les immigrants et, sous réserve du paragraphe (3), les visiteurs qui :

19. (2) No immigrant and, except as provided in subsection (3), no visitor shall be granted admission if the immigrant or visitor is a member of any of the following classes:

a.1) sont des personnes dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles ont, à l'étranger :

(a.1) persons who there are reasonable grounds to believe

(i) soit été déclarées coupables d'une infraction qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction qui pourrait être punissable, aux termes d'une loi fédérale, par mise en accusation, d'un emprisonnement maximal de moins de dix ans, sauf si elles peuvent justifier auprès du ministre de leur réadaptation et du fait qu'au moins cinq ans se sont écoulés depuis l'expiration de toute peine leur ayant été infligée pour l'infraction.

(i) have been convicted outside Canada of an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence that may be punishable by way of indictment under any Act of Parliament by a maximum term of imprisonment of less than ten years, except persons who have satisfied the Minister that they have rehabilitated themselves and that at least five years have elapsed since the expiration of any sentence imposed for the offence or since the commission of the act or omission, as the case may be.


[3]         M. MacKenzie a fondé son refus sur le casier judiciaire que le demandeur avait à Hong Kong, lequel faisait état des déclarations de culpabilité suivantes : appartenance à une triade (29 avril 1974); possession d'une arme offensive (3 septembre 1976); possession d'une drogue dangereuse (trois déclarations de culpabilité distinctes : 13 mai 1981; 7 mai 1985; 15 novembre 1985). De plus, le 22 avril 1986, il a été ordonné au demandeur de prendre part à un programme de traitement pour toxicomanie à l'égard de l'infraction de possession d'une drogue dangereuse; toutefois, aucune déclaration de culpabilité n'a été inscrite.

[4]         La répondante, Mme Ly, a interjeté appel contre le refus de M. MacKenzie devant la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SAI). Le 12 décembre 1997, la SAI a fait droit à l'appel, en concluant à l'existence de raisons d'ordre humanitaire justifiant l'octroi d'une réparation spéciale. Par suite de la décision de la SAI, la demande a été renvoyée à la Commission pour examen, conformément au paragraphe 77(5) de la Loi, qui prévoit ce qui suit :


77. (5) Une fois avisé qu'il a été fait droit à l'appel, le ministre, sous réserve du paragraphe (6), fait poursuivre l'examen de la demande par un agent d'immigration ou un agent des visas. Celui-ci approuve la demande s'il est établi que le répondant et le parent satisfont aux exigences de la présente loi et de ses règlements, autres que celles sur lesquelles la section d'appel a rendu sa décision.

77. (5) Subject to subsection (6), where the Minister has been notified by the Appeal Division that an appeal has been allowed pursuant to subsection (4), the Minister shall cause the review of the application to be resumed by an immigration officer or a visa officer, as the case may be, and the application shall be approved where it is determined that the person who sponsored the application and the member of the family class meet the requirements of this Act and the regulations, other than those requirements on which the decision of the Appeal Division has been given.



[5]         Le 20 août 1999, le dossier du demandeur a été transféré à l'agent Schultz pour qu'il poursuive le traitement du cas. Le 3 novembre 1999, l'agent Schultz a écrit au demandeur afin de le convoquer à une entrevue visant à permettre de déterminer si celui-ci pouvait être admis au Canada compte tenu de ses activités criminelles et d'autres motifs. L'entrevue a eu lieu le 16 novembre 1999. Par une lettre en date du 24 janvier 2000, l'agent Schultz a informé le demandeur que la demande de résidence permanente était refusée pour le motif qu'il ne pouvait pas être admis au Canada puisqu'il était une personne appartenant à la catégorie visée à l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi.

[6]         Dans sa lettre de refus, l'agent Schultz a déclaré qu'il avait pris cette décision à la suite de l'examen de nouveaux renseignements qui n'étaient pas disponibles lorsque la demande avait antérieurement été refusée ou lorsque l'appel auquel il avait été fait droit avait été interjeté devant la SAI. En ce qui concerne l'appartenance du demandeur à une organisation criminelle, l'agent Schultz déclare ce qui suit :

[TRADUCTION]

Comme il en a été question lors de l'entrevue que vous avez eue le 16 décembre 1999, j'ai en ma possession des renseignements qui ont été obtenus sous le sceau du secret auprès d'une source digne de foi qui vous a désigné comme membre reconnu d'une organisation criminelle. J'ai minutieusement apprécié ces renseignements et j'ai conclu qu'ils étaient corroborés par les renseignements additionnels détaillés que vous avez fournis lors de l'entrevue que vous avez eue avec moi au sujet de votre appartenance à la triade Wo Shing Wo et du fait que vous aviez été recruté par des membres de cette société.


J'ai également minutieusement examiné les renseignements que vous avez fournis à l'entrevue du 16 décembre 1999 au sujet des circonstances dans lesquelles vous aviez été déclaré coupable, à Hong Kong, d'avoir été trouvé dans une maison de jeu, le 17 décembre 1993 et le 28 septembre 1994. Lors de l'entrevue, vous avez confirmé que vous n'aviez pas informé la Section d'appel de ces deux déclarations de culpabilité lorsque vous aviez présenté un témoignage par téléphone. J'ai conclu que les circonstances dans lesquelles ces deux infractions ont été commises sont des signes caractéristiques d'activités criminelles organisées lorsqu'elles sont considérées dans le contexte local, et qu'elles constituent un élément de preuve additionnel montrant que vous vous livriez à des activités criminelles organisées continues. Les circonstances dans lesquelles ces infractions ont été commises corroborent en outre les renseignements qui ont été obtenus sous le sceau du secret auprès d'une source digne de foi, qui vous a désigné à titre de membre reconnu d'une organisation criminelle. J'ai également confirmé à l'entrevue que vous aviez des contacts réguliers avec des trafiquants d'héroïne qui, à votre connaissance, étaient membres d'organisations criminelles au cours de la période où vous consommiez de l'héroïne.

[7]         Dans sa lettre de refus, l'agent Schultz a également fait savoir qu'il avait tenu compte des remarques du demandeur, selon lesquelles celui-ci n'était pas, et n'avait jamais été, membre d'un groupe organisé, ainsi que de l'explication que le demandeur avait donnée au sujet des raisons pour lesquelles il serait possible de croire qu'il était membre d'une triade. Néanmoins, l'agent Schultz a conclu que le genre de preuve dont il disposait et dont la SAI n'avait pas antérieurement tenu compte constituait une raison crédible et impérieuse permettant de croire que le demandeur était visé par l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi.

[8]         La présente demande de contrôle judiciaire a été présentée par le demandeur le 24 février 2000. Le 12 mai 2000, le défendeur a présenté une requête, qui devait être entendue à huis clos, en vue d'obtenir une ordonnance, conformément à l'alinéa 82.1(10)d) de la Loi, en vue de la non-communication au demandeur et à son avocat de renseignements communiqués sous le sceau du secret, lesquels faisaient partie des éléments dont disposait l'agent des visas. Le paragraphe 82.1(10) se lit comme suit :

82.1 (10) Dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire d'une décision de l'agent des visas de refuser un visa au motif que l'intéressé appartient à l'une des catégories visées aux alinéas 19(1)c.1) à g), k) ou l) :

82.1 (10) With respect to any application for judicial review of a decision by a visa officer to refuse to issue a visa to a person on the grounds that the person is a person described in any of paragraphs 19(1)(c.1) to (g), (k) and (l),

a) le ministre peut présenter à la Section de première instance de la Cour fédérale, à huis clos et en l'absence de l'intéressé et du conseiller le représentant, une demande en vue d'empêcher la communication de renseignements obtenus sous le sceau du secret auprès du gouvernement d'un État étranger, d'une organisation internationale mise sur pied par des États étrangers ou l'un de leurs organismes;

(a) the Minister may make an application to the Federal Court - Trial Division, in camera, and in the absence of the person and any counsel representing the person, for the non-disclosure to the person of information obtained in confidence from the government or an institution of a foreign state or from an international organization of states or an institution thereof;

b) la Section de première instance de la Cour fédérale, à huis clos et en l'absence de l'intéressé et du conseiller le représentant :

(i) étudie les renseignements,

(b) the Court shall, in camera, and in the absence of the person and any counsel representing the person,

(i) examine the information, and

(ii) accorde au représentant du ministre la possibilité de présenter ses arguments sur le fait que les renseignements ne devraient pas être communiqués à l'intéressé parce que cette communication porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle de personnes;

(ii) provide counsel representing the Minister with a reasonable opportunity to be heard as to whether the information should not be disclosed to the person on the grounds that the disclosure would be injurious to national security or to the safety of persons;

c) ces renseignements doivent être remis au représentant du ministre et ne peuvent servir de fondement au jugement de la Section de première instance de la Cour fédérale sur la demande de contrôle judiciaire si la Section de première instance de la Cour fédérale détermine que leur communication à l'intéressé ne porterait pas atteinte à la sécurité nationale ou à celle de personnes;

(c) the information shall be returned to counsel representing the Minister and shall not be considered by the Court in making its determination on the judicial review if, in the opinion of the Court, the disclosure of the information to the person would not be injurious to national security or to the safety of persons; and

d) si la Section de première instance de la Cour fédérale décide que cette communication porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle de personnes, les renseignements ne sont pas communiqués mais peuvent servir de fondement au jugement de la Section de première instance de la Cour fédérale sur la demande de contrôle judiciaire.

(d) if the Court determines that the information should not be disclosed to the person on the grounds that the disclosure would be injurious to national security or to the safety of persons, the information shall not be disclosed but may be considered by the Court in making its determination.

La requête a été accueillie par le juge Campbell qui, le 15 mai 2000, a ordonné que les renseignements figurant dans l'affidavit confidentiel de James Schultz ne soient pas communiqués au demandeur pour le motif que la communication porterait atteinte à la sécurité nationale.


[9]         Dans sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur soulève six questions :

1.          L'agent Schultz n'a pas tenu compte du paragraphe 77(5) de la Loi; il a fondé sa décision sur des questions qui avaient déjà été réglées par la SAI.

2.          Les remarques que l'agent Schultz a faites au sujet du bien-fondé de la décision de la SAI donnaient lieu à une crainte raisonnable de partialité.

3.          L'agent Schultz a violé les principes de justice naturelle et d'équité en omettant de communiquer au demandeur la preuve documentaire sur laquelle il s'était fondé pour prendre sa décision.

4.          L'agent Schultz a violé les principes de justice naturelle et d'équité en omettant de faire connaître au demandeur la preuve qu'il devait réfuter.

5.          La décision de l'agent Schultz selon laquelle le demandeur était membre d'une triade était déraisonnable compte tenu de la preuve dont il disposait.

6.          Cette cour ne devrait pas tenir compte de la preuve documentaire jointe sous les cotes « A » , « B » et « C » à l'affidavit de James Schultz en date du 12 mai 2000, étant donné que ces documents n'existaient pas au moment où M. Schultz a pris sa décision.

Première question


[10]       Le demandeur soutient que l'agent Schultz n'a pas tenu compte du paragraphe 77(5) de la Loi et qu'il a fondé sa décision sur des questions qui avaient déjà été tranchées par la SAI. Le demandeur affirme qu'en déterminant s'il pouvait être admis au Canada, l'agent Schultz l'a interrogé au sujet de questions qui avaient été réglées en sa faveur lors de l'appel dont la SAI avait été saisie. Le demandeur soutient que lorsque le dossier a été retourné à la Commission, il n'était donc pas loisible à l'agent Schultz de refuser la demande pour un motif lié à des questions qui avaient été examinées par la SAI lors de l'appel.

[11]       De plus, le demandeur affirme qu'étant donné que les renseignements confidentiels dont l'agent Schultz a tenu compte étaient datés du 1er avril 1997, ils étaient disponibles lorsque la SAI a entendu l'appel, le 24 avril 1997. Selon le demandeur, le fait que la SAI peut avoir refusé de tenir compte de ces renseignements lors de l'audience, le 24 avril 1997, ne permettait pas à l'agent Schultz de considérer les renseignements comme de nouveaux éléments de preuve. Le demandeur soutient en outre que si la preuve n'avait pas été soumise à la SAI par le défendeur, ce dernier aurait pu attirer l'attention de la SAI sur cette preuve avant que cette dernière rende sa décision.

[12]       Le défendeur soutient que cette cour a déjà interprété le paragraphe 77(5) d'une façon restrictive et qu'il a été établi qu'une ordonnance de la SAI accueillant un appel en vertu du paragraphe 77(3) n'exclut pas une conclusion subséquente d'inadmissibilité fondée sur la même disposition de la Loi que celle sur laquelle le premier refus était fondé. Le défendeur soutient plutôt qu'une ordonnance rendue par la SAI interdit uniquement à l'agent des visas de tirer les mêmes conclusions pour des motifs qui faisaient l'objet de l'appel devant la SAI.


[13]       Je souscris aux prétentions du défendeur selon lesquelles le paragraphe 77(5) de la Loi avait uniquement pour effet d'interdire à l'agent Schultz d'arriver aux mêmes conclusions en se fondant sur des motifs que la SAI avait examinés. Dans la décision King c. Canada (MCI) (1996), 115 F.T.R. 306 (1re inst.), l'agent des visas avait refusé la demande que la demanderesse avait présentée en vue d'obtenir le droit d'établissement pour le motif qu'elle ne remplissait pas les conditions d'admissibilité sur le plan médical, en vertu du sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi, étant donné qu'elle avait fait l'objet d'un diagnostic selon lequel elle était atteinte d'une lésion au poumon gauche. La décision de l'agent des visas avait été portée en appel devant la SAI, qui a accueilli l'appel pour le motif que la preuve ne permettait pas de conclure qu'il y avait une lésion au poumon gauche. L'affaire avait été renvoyée à un agent des visas pour réexamen, mais l'agent des visas avait demandé à la demanderesse d'obtenir une évaluation médicale additionnelle. La demanderesse avait demandé à cette cour de rendre une ordonnance infirmant la demande de l'agent des visas, compte tenu du paragraphe 77(5) de la Loi. En ce qui concerne l'application du paragraphe 77(5), Monsieur le juge Dubé a fait les remarques suivantes, à la page 309, paragraphes 9 à 11 :

[9]            Lorsque la Commission infirme, pour cause d'erreur commise dans l'évaluation médicale, la décision d'un agent des visas de refuser une demande de droit d'établissement pour le motif que le requérant est membre d'une catégorie exclue selon l'article 19 de la Loi, le seul point qui soit chose jugée est l'aspect médical que la Commission estime entaché d'une erreur. En conséquence, un agent des visas peut ultérieurement demander d'autres renseignements médicaux, et le requérant demeure tenu d'établir que son admission au Canada ne serait pas contraire à l'article 19 de la Loi.

[Note de bas de page omise.]

[10]          Dans un cas assez analogue, l'affaire Mangat c. Secrétaire d'État, T-153-85, en date du 25 février 1985, [[1985] A.C.F. no 127], le juge Strayer, examinant le paragraphe 79(4) de la Loi (aujourd'hui le paragraphe 77(5)), a estimé que la Commission n'avait pas décidé que le problème médical en question devait être ignoré, mais plutôt que l'état physique n'avait pas, sur le plan du droit, été prouvé suffisamment. Selon le juge Strayer, cela n'empêchait pas la prise en considération, durant l'examen de la demande de droit d'établissement, d'une preuve nouvelle et suffisante d'ordre médical à propos du même problème.


[11]          Je reconnais tout à fait que le paragraphe 77(5) de la Loi ne doit pas être interprété de manière à permettre à des immigrants de contourner les exigences de la Loi. En l'espèce, on ne saurait dire que la Commission a rendu une décision sur les conditions d'admissibilité, d'un point de vue médical, aux fins du paragraphe 77(5) de la Loi, d'une manière qui libérerait Mme King de son obligation de prouver son admissibilité sur le plan médical. En réalité, la Commission n'a pas dit que Mme King ne souffrait pas d'une condition pouvant la rendre non admissible aux termes de l'article 19 de la Loi. Elle n'a pas dit non plus qu'il n'existait aucune preuve que la requérante souffrait d'une lésion qui allait nécessiter des examens approfondis et des soins en établissement assez fortement susceptibles d'entraîner un fardeau excessif pour les services de santé au Canada.

[14]       À mon avis, les remarques que le juge Dubé a faites au sujet du paragraphe 77(5) de la Loi, dans le contexte de l'admissibilité médicale, peuvent s'appliquer en l'espèce. L'agent des visas qui a initialement refusé la demande, M. MacKenzie, a conclu que le demandeur n'était pas admissible en vertu du sous-alinéa 19(1)c.2) de la Loi par suite de la déclaration de culpabilité dont il avait fait l'objet, en 1974, en sa qualité de membre d'une triade. Dans sa décision, la SAI a accordé une réparation contre cette conclusion après que le demandeur eut expliqué les circonstances dans lesquelles cette déclaration de culpabilité avait été prononcée. Par conséquent, à mon avis, la décision de la SAI avait pour effet d'interdire à l'agent Schultz de conclure, compte tenu de la déclaration de culpabilité prononcée en 1974 à l'égard de son appartenance à une triade, que le demandeur n'était pas admissible en vertu de l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi. Toutefois, il était encore loisible à l'agent Schultz de conclure, compte tenu d'autres renseignements mis à sa disposition, que le demandeur n'était pas admissible en vertu de l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi. Soutenir, comme le fait le demandeur, que l'agent des visas ne pouvait pas tenir compte d'éléments de preuve que la SAI n'avait pas examinés et qui montraient que le demandeur était membre d'une triade donnerait un résultat contraire aux objectifs de la Loi, en particulier les objectifs énumérés aux alinéa 3i) et j) :


3. La politique canadienne d'immigration ainsi que les règles et règlements pris en vertu de la présente loi visent, dans leur conception et leur mise en oeuvre, à promouvoir les intérêts du pays sur les plans intérieur et international et reconnaissent la nécessité :

3. It is hereby declared that Canadian immigration policy and the rules and regulations made under this Act shall be designed and administered in such a manner as to promote the domestic and international interests of Canada recognizing the need

i) de maintenir et de garantir la santé, la sécurité et l'ordre public au Canada;

(i) to maintain and protect the health, safety and good order of Canadian society; and

j) de promouvoir l'ordre et la justice sur le plan international en n'acceptant pas sur le territoire canadien des personnes susceptibles de se livrer à des activités criminelles.

(j) to promote international order and justice by denying the use of Canadian territory to persons who are likely to engage in criminal activity.

[15]       Pareille interprétation du paragraphe 77(5) de la Loi permettrait à un immigrant d'entrer au Canada même si la preuve montrait clairement qu'il devrait être exclu, uniquement parce que d'autres éléments de preuve permettent également de conclure à l'inadmissibilité en vertu de la même disposition de la Loi que celle dont la SAI avait antérieurement tenu compte. À mon avis, le paragraphe 77(5) de la Loi ne peut pas entraîner pareil résultat.


[16]       Quant aux arguments du demandeur selon lesquels l'agent Schultz l'avait interrogé, lors de l'entrevue, au sujet des circonstances dans lesquelles il avait fait l'objet d'une déclaration de culpabilité en 1974, l'examen des notes que l'agent Schultz a prises à l'entrevue montre que la conversation relative à la question de l'appartenance à une triade était fondée sur de nouveaux éléments de preuve confidentiels que l'agent Schultz avait obtenus plutôt que sur la déclaration de culpabilité antérieure du demandeur. Il est vrai qu'il a brièvement été question des circonstances dans lesquelles la déclaration de culpabilité avait été prononcée en 1974, mais cela a eu lieu dans le contexte d'une conversation se rapportant aux éléments de preuve additionnels. De plus, la lettre de refus de l'agent Schultz montre clairement que la preuve qui a été prise en considération, lorsqu'il s'est agi de refuser la demande, ne comprend pas la déclaration prononcée en 1974 à l'égard de l'appartenance du demandeur à une triade.

[17]       Quant à la date des éléments de preuve additionnels, l'argument du demandeur selon lequel ces éléments auraient dû être présentés à la SAI est, à mon avis, non fondé. Le défendeur n'était pas tenu de présenter cet élément de preuve à la SAI étant donné que l'appel visait à faire examiner le premier refus ainsi que les circonstances et les éléments de preuve qui avaient donné lieu à cette décision. Le fait que le défendeur aurait pu présenter les nouveaux éléments de preuve à la SAI ne permet aucunement de conclure qu'il était tenu de le faire. À mon avis, rien n'empêche le défendeur d'utiliser ces nouveaux éléments de preuve afin de refuser la deuxième demande de résidence permanente simplement parce que ces éléments étaient ou auraient pu être disponibles à la date de l'audience devant la SAI.

[18]       Je suis donc d'avis que la décision de l'agent Schultz de refuser la demande était fondée sur des motifs dont la SAI n'avait pas antérieurement tenu compte. La SAI n'a pas tenu compte du fondement factuel du refus de l'agent Schultz et la conclusion d'inadmissibilité à l'égard de laquelle la SAI a accordé une réparation spéciale ne portait pas sur ce fondement. Par conséquent, rien n'empêchait l'agent Schultz, en raison du paragraphe 77(5) de la Loi, de tirer la conclusion qu'il a tirée.


Deuxième question

[19]       Le demandeur soutient que, compte tenu du fait que l'agent Schultz a été mêlé à ce dossier depuis le mois de février 1998 et des remarques que ce dernier a faites au sujet du dossier, il existe une crainte raisonnable de partialité. Il affirme que les remarques ci-après énoncées que l'agent Schultz a faites à M. Al Durst, dans une télécopie en date du 6 février 1998 où il demandait conseil au sujet d'un appel possible de la décision de la SAI, montrent que l'agent Schultz était partial :

[TRADUCTION]

4. Nous reconnaissons qu'il faudra effectuer un examen plus approfondi des questions qui se posent, mais en fin de compte nous aimerions qu'un appel soit interjeté afin de nous assurer que ce cas ne passe pas sans être remarqué. Nous ne croyons pas que la Section d'appel ait tenu compte de la façon appropriée de la preuve dont elle disposait lorsqu'elle a réexaminé la décision de l'agent des visas selon laquelle le demandeur ne s'était pas réadapté. À la page 8 de la décision, il est dit ce qui suit : « La formation ne souscrit pas à la prétention du défendeur selon laquelle le demandeur ne s'est pas complètement réadapté [...]. » Toutefois, la Section d'appel n'a pas conclu qu'une erreur de droit avait été commise. Cependant, le désaccord, en ce qui concerne la question de la réadaptation, était clairement fondamental lorsqu'il s'est agi de prendre en équité une décision favorable au demandeur, et nous croyons qu'ils ont contourné d'une façon erronée la question de savoir si la décision défavorable qui avait été prise au sujet de la réadaptation était valide en droit lorsqu'ils ont réexaminé cette question dans une décision fondée sur l'équité.

5. Nous voulons examiner cette décision plus à fond, mais nous voulons faire ces remarques préliminaires en vue de vous aider dans votre examen d'un cas à l'égard duquel pour partagerez, comme nous le croyons, de graves préoccupations. Nous croyons également que cette décision prêtera grandement à controverse si la presse en a vent et si le DPI propose que vous informiez le bureau du ministre à ce sujet.

[20]       Le demandeur soutient en outre que le consulat général du Canada aurait dû attribuer le dossier à quelqu'un qui n'était pas personnellement en cause lorsqu'il s'est agi de chercher à faire infirmer la décision de la SAI.


[21]       Le critère relatif à l'existence d'une crainte raisonnable de partialité a été énoncé par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Committee for Justice and Liberty et autres c. Canada (Office national de l'énergie), [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394 :

[...] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d'appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique » .

[22]       La norme qui s'applique lorsqu'il s'agit de déterminer s'il existe une crainte raisonnable de partialité varie selon la nature, le rôle et la fonction du tribunal ou du décideur en cause. Étant donné que les agents des visas n'exercent pas de fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, il n'est pas approprié, à mon avis, d'appliquer un critère de partialité semblable au critère qui s'applique aux juges et aux décideurs qui exercent des fonctions judiciaires. À mon avis, un critère moins rigoureux devrait s'appliquer aux agents des visas, un critère qui exige une absence de conflit d'intérêts et un esprit prêt à se laisser convaincre. On s'attend à ce que l'agent des visas ait examiné le dossier du demandeur et ait mené une enquête afin de déterminer s'il existe des motifs permettant de ne pas admettre un demandeur au Canada avant que le demandeur soit convoqué à une entrevue. L'entrevue, qui a habituellement lieu une fois que l'agent des visas a conclu qu'il n'est pas certain que le demandeur soit admissible, vise à permettre au demandeur d'apaiser les préoccupations de l'agent des visas et de le convaincre qu'il est admissible. L'agent des visas représente le ministre, et on ne peut donc pas s'attendre à ce qu'il soit impartial comme un juge devrait l'être.


[23]       En l'espèce, le demandeur craint que l'agent Schultz ait jugé d'avance son cas. Sur ce point, dans l'ouvrage intitulé : Judicial Review of Administrative Action in Canada, vol. 2 (Toronto : Canvasback Publishing, 1998), D.J.M. Brown et J.M. Evans font les remarques suivantes aux pages 11-39 et 11-40 :

[TRADUCTION]

Les circonstances qui semblent différer du processus décisionnel approprié en révélant une prédisposition injustifiée à trancher les questions en litige d'une façon plutôt que de l'autre sont étroitement liées aux cas dans lesquels des questions d' « intérêt » , d' « hostilité » et de « relations » entrent en ligne de compte, c'est-à-dire qu'il peut sembler, à cause d'un certain comportement ou de circonstances passées, que le décideur ait pris connaissance de la preuve autrement qu'au moyen des preuves et des arguments soumis par les parties, ou que le décideur ne se soit pas présenté à l'audience avec un esprit ouvert. Par conséquent, on pourrait penser qu'il y a eu « préjugé » , « connaissance antérieure » , « décision antérieure » ou « ingérence excessive » ou que le décideur a peut-être eu des contacts ex parte avec des tiers au sujet de l'affaire en question. Ces circonstances peuvent être d'une façon générale considérées comme créant une apparence d'injustice.

Néanmoins, on ne saurait, d'une façon réaliste, s'attendre à ce que les décideurs abordent une question sans se fonder sur les attitudes, les connaissances ou l'expérience qui, dans une certaine mesure, les prédisposent à pencher dans un sens plutôt que dans l'autre. Comme l'a dit un juge, accuser les décideurs de partialité :

n'est pas simplement dire qu'ils statueraient probablement sur une affaire particulière d'une façon particulière, mais dire qu'ils le feraient d'une façon injustifiée.

Par conséquent, il s'agit normalement de savoir si le décideur a un préjugé ou est prédisposé d'un côté ou de l'autre à un point tel que cela permet avec raison de craindre qu'il est insensible ou serait insensible aux éléments de preuve et aux arguments qui sont avancés à l'audience.

[Notes de bas de page omises]


[24]       À mon avis, compte tenu des circonstances dans leur ensemble, rien ne montre que l'agent Schultz ait pris une décision injustifiée, ou qu'il ait jugé d'avance l'affaire au point de se montrer insensible aux arguments du demandeur. L'agent Schultz a eu avec le demandeur une entrevue de trois heures au cours de laquelle il a examiné en détail toutes les questions qui concernaient celui-ci. Rien ne montre qu'au cours de l'entrevue, il ait fait quelque remarque montrant qu'il n'était pas prêt à tenir compte des réponses du demandeur. Au cours de l'entrevue, l'agent Schultz a pris des notes détaillées, en notant minutieusement toutes les observations du demandeur et toutes les réponses que celui-ci donnaient aux questions qui lui étaient posées. De plus, dans la lettre de refus qu'il a envoyée au demandeur, l'agent Schultz a déclaré qu'il avait tenu compte des arguments de ce dernier. À mon avis, on ne saurait dire que l'agent Schultz n'était pas prêt à se laisser convaincre ou que sa décision ait été fondée sur des considérations non pertinentes plutôt que sur les circonstances particulières de l'affaire.

[25]       En outre, les passages de la télécopie que le demandeur a signalés traitent exclusivement de la question de la validité de la décision de la SAI et du fait que l'agent Schultz croyait que la SAI avait commis une erreur de droit ou qu'elle avait excédé sa compétence. L'agent Schultz a envoyé la télécopie dans le contexte des tâches administratives qu'il accomplissait au sein de la Commission plus d'un an avant que le dossier lui soit transféré, au mois d'août 1999, à la suite du départ de l'agent des visas responsable du dossier du demandeur. La décision de refuser la demande du demandeur que l'agent Schultz a prise était à mon avis fondée sur la preuve dont il disposait, laquelle montrait que le demandeur ne pouvait pas être admis au Canada, et non sur le fait qu'il ne souscrivait pas à la décision de la SAI ou à l'exercice de sa compétence. À mon avis, il s'agit de deux questions tout à fait distinctes, et cette preuve ne permet pas de conclure à l'existence d'une crainte raisonnable de partialité.


[26]       Par conséquent, à mon avis, une personne informée qui examinerait l'affaire d'une façon réaliste et pratique et qui aurait mûrement réfléchi à l'affaire conclurait que la télécopie que l'agent Schultz a envoyée ne donnait lieu à aucune crainte raisonnable de partialité. Toutefois, au cas où je me tromperais et où l'affaire soulève de fait une crainte raisonnable de partialité, je souscris à l'observation du défendeur selon laquelle le demandeur ne peut pas soulever cette question, étant donné qu'il ne s'y est pas opposé avant l'entrevue ou avant le deuxième refus. Il est reconnu en droit que la question de la crainte de partialité doit être soulevée le plus tôt possible. Dans l'arrêt Affaire intéressant le Tribunal des droits de la personne et Énergie atomique du Canada Limitée, [1986] 1 C.F. 103 (C.A.), la Cour d'appel fédérale a souligné ce qui suit, à la page 110 :

Un tribunal nommé de manière à donner lieu à une crainte de partialité est, selon mon interprétation de la jurisprudence, seulement susceptible de se voir enlever sa capacité d'agir. Corrélativement, le droit de celui qui craint que le tribunal devant lequel il se présente ne soit partial a toujours été, encore une fois selon mon interprétation de la jurisprudence, le [sic] droit de s'opposer à être jugé par le tribunal, mais un droit qui ne subsiste que jusqu'à ce qu'il se soumette à lui de manière expresse ou implicite. C'est seulement parce que M. MacBain a soulevé ses objections au début de l'affaire que sa contestation à l'égard des procédures pouvait réussir.

Dans le contexte du droit de l'immigration, Monsieur le juge Denault a exprimé un avis similaire dans la décision Abdalrithah c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 40 F.T.R. 306 (1re inst.), à la page 308 :

D'ailleurs, même en prenant pour acquis que les faits auraient démontré une probabilité de partialité de la part de l'agent, ce qui n'est pas le cas, le défaut par son procureur de soulever cette question séance tenante, fait présumer qu'il a renoncé à invoquer cette appréhension raisonnable de préjugé.


[27]       En l'espèce, le dossier du tribunal montre que l'agent Schultz a envoyé une copie du dossier de la Commission à cette cour avec une lettre d'envoi en date du 25 août 1999 (reproduite à la page 193 du dossier du tribunal). La copie du dossier a été envoyée à la suite d'une demande que le demandeur avait faite conformément à la règle 317 des Règles de la Cour fédérale (1998), dans une demande de mandamus qu'il avait présentée. La lettre du 25 août 1999 n'indique pas clairement qu'une copie du dossier de la Commission a été envoyée au demandeur, mais l'agent Schultz mentionne, dans la lettre, que la copie du dossier est envoyée conformément à la règle 318 des Règles de la Cour fédérale (1998), qui exige qu'une copie soit également envoyée à la partie qui fait la demande, soit dans ce cas-ci, le demandeur. Par conséquent, le demandeur a probablement reçu une copie du dossier.

[28]       La télécopie que l'agent Schultz a envoyée à Al Durst se trouve aux pages 34 et 35 du dossier de la Commission (maintenant pages 225 et 226 du dossier du tribunal). Le demandeur connaissait donc l'existence de la télécopie et il savait que l'agent Schultz était en cause lorsqu'il s'était agi d'envisager la possibilité d'interjeter appel contre la décision de la SAI. Le 3 novembre 1999, l'agent Schultz a écrit au demandeur en vue de le convoquer à une entrevue. Le 14 décembre 1999, l'avocat du demandeur a répondu à la lettre de l'agent Schultz et il a entre autres conclu que l'entrevue aurait lieu devant l'agent Schultz. Toutefois, l'avocat ne s'est pas opposé à ce que l'agent Schultz mène l'entrevue et traite la demande.

[29]       De plus, le 16 décembre 1999, le demandeur a assisté à l'entrevue avec l'agent Schultz. Rien ne montre que le demandeur se soit opposé, avant l'entrevue ou au cours de l'entrevue, à ce que l'agent Schultz mène cette entrevue. À mon avis, étant donné que le demandeur a amplement eu la possibilité de faire connaître les préoccupations qu'il avait au sujet de la participation de l'agent Schultz, il ne peut donc pas maintenant soulever cette objection.


Troisième question

[30]       Le demandeur affirme que l'agent Schultz ne lui a pas communiqué des documents importants sur lesquels il s'était fondé en prenant sa décision, lesquels sont joints, sous les cotes D, E et F, à l'affidavit du 10 mai 2000 de l'agent Schultz. Le demandeur soutient que ces documents sont essentiels à la décision et que l'agent Schultz était donc tenu de les lui communiquer et de lui donner la possibilité de répondre.

[31]       Les pièces D, E et F jointes à l'affidavit du 10 mai 2000 de l'agent Schultz sont des extraits de textes décrivant les activités des triades à Hong Kong. Dans son affidavit, l'agent Schultz explique que les textes ont été inclus à titre d'exemples en vue de résumer les connaissances qu'il avait acquises au sujet des activités des triades à Hong Kong. Lorsqu'il a été contre-interrogé au sujet de son affidavit, l'agent Schultz a fait savoir qu'il n'avait pas expressément fait mention de ces textes lors de l'entrevue qu'il avait eue avec le demandeur, mais qu'il avait discuté avec le demandeur des renseignements qui y figuraient de façon générale. Il a également précisé que ces extraits avaient été joints en vue de démontrer qu'il n'inventait rien ou qu'il n'imaginait pas des choses.


[32]       À mon avis, on ne saurait dire que l'agent Schultz a manqué à l'obligation d'équité en ne communiquant pas les documents susmentionnés au demandeur. Les documents étaient principalement joints en vue de résumer les connaissances de l'agent Schultz, sur lesquelles ce dernier s'était fondé en prenant sa décision. Cette affaire n'est pas analogue aux affaires mentionnées par le demandeur, où des documents concernant les demandeurs eux-mêmes, lesquels auraient dû être versés au dossier, n'avaient pas été communiqués. En l'espèce, l'agent Schultz s'est indirectement fondé sur ces documents et, à mon avis, le demandeur n'a subi aucun préjudice en n'ayant pas la possibilité de les voir et d'y répondre.

[33]       De plus, même si l'agent Schultz s'était directement fondé sur les documents, la jurisprudence a établi que l'obligation d'équité n'est pas violée si le demandeur a la possibilité de répondre aux préoccupations que les documents soulèvent dans l'esprit de l'agent. Dans la décision Zheng c. Canada (MCI), [1999] A.C.F. no 1297 (1re inst.), le demandeur avait allégué que l'agent des visas s'était fondé sur des éléments de preuve extrinsèques, à savoir des renseignements concernant les différentes classifications de cuisiniers qui étaient utilisées dans la République populaire de Chine depuis 1993. La Cour a dit ce qui suit, au paragraphe 10 :

[10]          La caractéristique essentielle de ces arrêts est que des préoccupations existaient dans l'esprit du décideur par suite de l'obtention du nouveau renseignement, préoccupations dont il n'avait pas été fait part au demandeur; or, ces préoccupations avaient eu un rôle important lorsqu'il s'était agi pour le décideur de prendre une décision défavorable au demandeur. Ce n'est pas ce qui s'est produit en l'espèce. Le demandeur n'a peut-être pas reçu une copie du document d'information provenant de la Chine, mais les préoccupations de l'agente des visas, résultant de la communication des renseignements figurant dans le document, avaient été communiquées au demandeur et celui-ci avait eu la possibilité de faire des remarques à cet égard.

À mon avis, en l'espèce, le demandeur a amplement eu la possibilité, au cours de l'entrevue, de répondre aux préoccupations que l'agent Schultz avait, lesquelles découlaient de ce qu'il savait des activités des triades, ces activités étant résumées dans les documents qui étaient joints, sous les cotes D, E et F, à son affidavit du 10 mai 2000. Je ne suis pas convaincu qu'il y ait eu manquement à l'obligation d'équité.


Quatrième question

[34]       Le demandeur soutient que l'agent Schultz ne l'a jamais informé du fait qu'il croyait qu'il participait à l'organisation d'une maison de jeu, que le travail qu'il accomplissait pour la Fu Shing Motor Vehicle Company était illégal et qu'il participait à des activités illégales se rapportant à des minibus. Le demandeur affirme qu'il n'a donc pas eu la possibilité de répondre aux préoccupations de l'agent des visas.

[35]       Dans l'arrêt Muliadi c. Canada (MEI), [1986] 2 C.F. 205 (C.A.), la Cour d'appel fédérale a examiné les questions d'équité procédurale et de possibilité de répondre. Monsieur le juge Stone, au nom de la Cour, a dit ce qui suit au paragraphe 16 :

[...] Parce que le sort de sa demande en dépendait, j'estime que, dans les circonstances et même s'il n'avait pas droit à une audition pleine et entière, on aurait dû donner [au demandeur] la possibilité de réfuter l'appréciation négative des autorités provinciales avant que l'agent des visas n'y donne suite. Le devoir d'agir équitablement s'étend à un cas comme celui-ci. En cela, je souscris aux vues qu'a exprimées lord Parker, juge en chef, dans l'arrêt In re H.K. (An Infant), [1967] 2 Q.B. 617, à la page 630 :

[TRADUCTION] Le présent cas est à mon sens très différent, et je doute que l'on puisse dire que les autorités de l'immigration remplissent des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires au sens où ces termes sont généralement entendus. Par ailleurs, même si un agent d'immigration n'agit pas à titre judiciaire ou quasi judiciaire, je pense que de toute façon il doit donner à l'immigrant la possibilité de le convaincre qu'il satisfait aux exigences du paragraphe, et qu'il doit, à cette fin, communiquer à l'immigrant son impression initiale afin que celui-ci puisse la modifier. À mon sens, il ne s'agit pas de savoir si l'on agit ou si l'on est requis d'agir de façon judiciaire, mais de l'obligation d'agir de manière équitable. [...]


[36]       Il est clair que l'agent des visas doit informer le demandeur de son impression immédiate de façon que ce dernier puisse la modifier. En l'espèce, la preuve qui a été soumise montre qu'au cours de l'entrevue de trois heures, l'agent Schultz a pleinement informé le demandeur des préoccupations qu'il avait au sujet de ses activités. Les notes que l'agent Schultz a prises au cours de l'entrevue montrent qu'il a interrogé à fond le demandeur au sujet de ses convictions et de ses activités en ce qui concerne le jeu ainsi qu'au sujet du travail qu'il effectuait à la Fu Shing Motor Vehicule Company, et qu'il a amplement donné au demandeur la possibilité de répondre à ses questions. Les notes montrent également que l'agent Schultz a eu une discussion longue et détaillée avec le demandeur au sujet des minibus, et qu'il a même informé le demandeur que l'on savait que les chauffeurs de minibus étaient assujettis au contrôle de groupes de triades à Hong Kong. De plus, à la fin de l'entrevue, l'agent Schultz a fait savoir au demandeur qu'il croyait, compte tenu de la preuve dont il disposait, que celui-ci était membre reconnu d'une triade, et il a déclaré qu'il fondait entre autres choses sa conclusion sur les infractions que le demandeur avait commises en matière de jeu et sur les renseignements que le demandeur avait fournis à l'entrevue au sujet des circonstances dans lesquelles ces infractions avaient été commises. L'agent des visas a donné au demandeur la possibilité de répondre à ses questions ou de faire des remarques au sujet de ses conclusions.


[37]       Comme l'a souligné le défendeur, l'obligation d'équité n'exige pas que l'agent des visas souscrive aux réponses du demandeur. À mon avis, le demandeur était au courant de la preuve qu'il devait réfuter et il a amplement eu la possibilité de convaincre l'agent Schultz et de répondre à ses préoccupations. Par conséquent, puisqu'on a informé le demandeur avant l'entrevue des questions qui seraient examinées, que l'agent des visas a clairement mis le demandeur au courant, pendant l'entrevue, des préoccupations qu'il avait au sujet de ses activités, et que le demandeur a amplement eu la possibilité de convaincre l'agent des visas au cours de l'entrevue, j'estime que l'agent des visas n'a pas manqué à l'obligation qui lui incombait sur le plan de l'équité procédurale.

Cinquième question

[38]       Le demandeur soutient que, compte tenu de la décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans l'affaire Baker c. Canada (MCI), [1999] 2 R.C.S. 817, la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer à la décision de l'agent Schultz devrait consister à savoir si la décision est raisonnable. Le demandeur affirme que la décision de l'agent Schultz, compte tenu de la preuve dont il disposait, était déraisonnable. Dans la décision Hao c. Canada (MCI), [2000] A.C.F. no 296 (1re inst.), Madame le juge Reed a statué que la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer à la décision de l'agent des visas est celle de la décision déraisonnable simpliciter. Voici ce que le juge a dit, aux paragraphes 3 à 9 :

[3]            Dans l'arrêt Baker, Madame le juge L'Heureux-Dubé a dit, s'exprimant au nom de la Cour, que l'on doit déterminer la norme qu'il convient d'appliquer en tenant compte d'un certain nombre de facteurs : la présence ou l'absence d'une clause privative; l'expertise du décideur; l'objectif que vise la disposition législative en vertu de laquelle la décision qui fait l'objet du contrôle a été prise (par ex. la portée du pouvoir discrétionnaire conféré au décideur); la nature de la question soulevée dans le cadre de la demande de contrôle et, en particulier, la question de savoir si cette question se rapporte à une conclusion de droit ou de fait.

[4]            Deux de mes collègues ont adopté le critère de la décision déraisonnable simpliciter en tant que critère applicable au contrôle de la décision d'un agent des visas : Zheng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (IMM-3809-98, 10 janvier 2000), [[1998] A.C.F. no 31], et Lu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [[1998] A.C.F. no 1907], (IMM-414-99, 10 décembre 1999). Dans Lu, M. le juge Muldoon a souligné, en appréciant les facteurs, que les questions à la fois de fait et de droit et l'absence d'une clause privative étaient défavorables à ce que la Cour fasse preuve de retenue à l'égard de la décision de l'agent des visas; cependant, l'expertise de l'agent des visas et le fait que les questions soulevées n'étaient pas polycentriques ont fait qu'il était préférable que la Cour fasse preuve de retenue.


[5]            La divergence d'opinion pour ce qui est de la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer ne porte pas sur les questions de droit, à l'égard desquelles la norme applicable est celle de la décision correcte. De plus, la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer ne fait habituellement pas l'objet d'une divergence de vues en ce qui concerne des questions d'équité procédurale ou de justice naturelle sur le plan de la procédure. La divergence de vues en ce qui concerne la norme de contrôle pertinente se rapporte au contrôle des conclusions que tire le décideur en appliquant le droit pertinent aux faits de l'affaire dont il est saisi.

[6]            En l'espèce, il n'y a pas de clause privative ni d'exigence qu'une autorisation soit accordée avant que le contrôle judiciaire puisse être entamé. La loi, soit l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, prévoit un droit au contrôle judiciaire. Ces facteurs font pencher la balance du côté de la norme de la décision déraisonnable simpliciter.

[7]            Les agents des visas ont une expertise considérable pour ce qui est de l'appréciation des demandeurs. En prenant sa décision, l'agent des visas doit apprécier les caractéristiques personnelles de l'individu en cause, et sa décision dépend en grande partie de l'entrevue personnelle qu'il a avec ce dernier. Un pouvoir discrétionnaire considérable est conféré à l'agent des visas, mais ce pouvoir est limité par l'existence du système d'appréciation par points (voir Zhao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [[2000] A.C.F. no 213], (IMM-3382-98, 17 février 2000). Il ressort de ces facteurs que la norme applicable peut être décrite comme une norme exigeant que la cour fasse preuve de retenue à l'égard de la décision en cause, même si celle-ci est déraisonnable.

[8]            Les questions particulières que soulève la présente demande de contrôle judiciaire sont des questions à la fois de droit et de fait. Comme il a déjà été souligné, M. le juge Muldoon a conclu, dans la décision Lu, précitée, que cela constituait un facteur menant à la conclusion que la norme de la décision déraisonnable simpliciter est la norme qu'il convient d'appliquer.

[9]            Je suis disposée à conclure que la norme de la décision déraisonnable simpliciter est celle qu'il convient d'appliquer à la décision de l'agente des visas. Je fais remarquer que je n'ai jamais été convaincue que la norme de la « décision manifestement déraisonnable » différait sensiblement de celle de la « décision déraisonnable » . Le mot « manifestement » veut dire clairement ou de toute évidence. Si le caractère déraisonnable d'une décision n'est ni clair, ni évident, je ne vois pas comment cette décision peut être considérée comme déraisonnable.

[39]       Je souscris à l'analyse que le juge Reed a effectuée. Pour les motifs qu'elle a énoncés, j'estime donc que la norme de contrôle qui s'applique à la décision de l'agent Schultz est celle de la décision déraisonnable simpliciter.


[40]       À mon avis, la conclusion que l'agent Schultz a tirée, à savoir que le demandeur ne pouvait pas être admis au Canada en vertu de l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi, n'était pas déraisonnable. L'alinéa 19(1)c.2) n'exige pas que l'agent des visas soit convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur était ou est membre d'une organisation criminelle; il exige uniquement qu'il y ait des « motifs raisonnables de croire » que le demandeur est membre d'une organisation criminelle.

[41]       Dans la décision Chan c. Canada (MEI), (1996), 34 Imm.L.R. (2d) 259 (C.F. 1re inst.), il avait été conclu que la demanderesse ne pouvait pas être admise au Canada conformément à l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi. La demanderesse avait entre autres affirmé que l'agent des visas n'avait pas de « motifs raisonnables » de croire qu'elle était membre d'une triade. En réponse à son argument, Monsieur le juge Cullen a dit ce qui suit, à la page 273 :

Bien que la preuve à laquelle la requérante m'a renvoyé tende à appuyer ses prétentions, l'agent des visas n'a pas à être convaincu [Traduction] « au-delà de tout doute raisonnable » que la requérante est membre d'une triade. Il doit être démontré qu'il avait des motifs raisonnables de croire que la requérante est ou a été membre d'une organisation dont il a des motifs raisonnables de croire qu'elle se livre à des activités criminelles. Cela ne signifie pas qu'il doit y avoir des preuves que l'organisation est criminelle ni que la requérante est ou a été réellement membre d'une telle organisation; il suffit qu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'elle est ou a été membre d'une organisation de ce genre. À mon avis le critère applicable est celui qui est exposé à l'arrêt Le procureur général du Canada c. Jolly, [1975] C.F. 216 (C.A.), dans lequel la Cour d'appel fédérale, en se demandant si un visiteur potentiel était membre d'une organisation subversive, a déclaré ce qui suit aux pages 225 et 226 :

Toutefois, lorsque la preuve a pour but d'établir s'il y a raisonnablement lieu de croire que le fait existe et non d'établir l'existence du fait lui-même, il me semble qu'exiger la preuve du fait lui-même et en arriver à déterminer s'il a été établi, revient à demander la preuve d'un fait différent de celui qu'il faut établir. Il me semble aussi que l'emploi dans la loi de l'expression « il y a raisonnablement lieu de croire » implique que le fait lui-même n'a pas besoin d'être établi et que la preuve qui ne parvient pas à établir le caractère subversif de l'organisation sera suffisante si elle démontre qu'il y a raisonnablement lieu de croire que cette organisation préconise le renversement par la force, etc.


[42]       Dans la décision Chiau c. Canada (MCI), [1998] 2 C.F. 642 (1re inst.)[1], le juge Dubé a expliqué comme suit, au paragraphe 27, ce qui selon lui constituait une preuve de « motifs raisonnables » :

[27]          La norme de la preuve par croyance fondée sur des « motifs raisonnables » exige davantage que de vagues soupçons, mais est moins rigoureuse que celle de la prépondérance des probabilités en matière civile. Et bien entendu, elle est bien inférieure à celle de la preuve « hors de tout doute raisonnable » requise en matière criminelle. Il s'agit de la croyance légitime à une possibilité sérieuse en raison de preuves dignes de foi. [Note de bas de page omise.]

Quant à la retenue dont il faut faire preuve à l'égard de la décision de l'agent des visas dans un cas comme celui-ci, le juge Dubé a ajouté ce qui suit au paragraphe 31 :

[31]          La Cour suprême du Canada a jugé qu'à l'égard du tribunal administratif spécialisé qui exerce ses fonctions juridictionnelles, les cours de justice doivent faire preuve d'une « grande retenue » . Il ressort de la preuve déposée que l'agent des visas Delisle a une grande expérience et des connaissances spécialisées pour ce qui est des activités des triades à Hong Kong et ailleurs. Il a parfaitement compétence pour dire en quoi consiste l'appartenance à une triade, en particulier à la triade Sun Yee On. On voit bien qu'il a bien conscience de son rôle dans la protection de la sécurité du Canada et de l'obligation primordiale qui lui incombe de veiller à ce que des membres d'organisations criminelles n'y soient pas admis. Il s'ensuit que la Cour doit faire preuve d'une grande retenue vis-à-vis de son interprétation de « motifs raisonnables » et de « membre » . En l'espèce, il avait parfaitement compétence pour interpréter l'alinéa 19(1)c.2) comme il l'a fait, à la lumière de sa grande expérience dans ce domaine hautement spécialisé. Il n'appartient pas à la Cour, qui siège à des milliers de milles de Hong Kong, de décider ce qui constitue l'appartenance à une triade de Hong Kong. [Note de bas de page omise.]


[43]       Compte tenu de la preuve dont il disposait, j'estime que l'agent Schultz avait des motifs raisonnables d'arriver à la décision qu'il a prise. Il n'appartient pas à cette cour de déterminer si le demandeur est membre d'une triade; il s'agit de savoir s'il y avait des motifs raisonnables permettant à l'agent des visas de croire que le demandeur devrait se voir refuser l'admission conformément à l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi. Je suis convaincu que le dossier dans son ensemble, y compris les affidavits confidentiels, étaye les conclusions tirées par l'agent Schultz. Il ne faut pas oublier que l'agent Schultz avait énormément d'expérience et de connaissances au sujet des activités des triades à Hong Kong.

Sixième question

[44]       Enfin, le demandeur soutient que cette cour ne devrait pas tenir compte de la preuve documentaire qui est jointe à l'affidavit de l'agent Schultz, en date du 12 mai 2000, en rendant sa décision au sujet de la demande de contrôle judiciaire parce que l'agent Schultz ne disposait pas de cet élément de preuve lorsqu'il a pris sa décision.

[45]       Les pièces A, B et C jointes à l'affidavit du 12 mai 2000 de l'agent Schultz sont des extraits d'un livre portant sur les activités des triades qui a été publié après que l'agent Schultz eut refusé la demande du demandeur. Lorsqu'il a été contre-interrogé au sujet de son affidavit, l'agent Schultz a déclaré que ces pièces ne renfermaient pas de nouveaux éléments de preuve, mais que, selon lui, elles résumaient bien les renseignements qu'il avait en général obtenus d'autres sources. Ces documents sont analogues aux pièces D, E et F de l'affidavit du 10 mai 2000 de l'agent Schultz, que j'ai déjà examiné. À mon avis, on peut dire la même chose au sujet de ces documents, à savoir qu'ils résument simplement ce que l'agent Schultz savait au sujet des triades, et qu'il avait fait part au demandeur, à l'entrevue, des questions qu'il se posait par suite de ces connaissances. Je ne vois donc pas pourquoi il ne devrait pas être tenu compte de ces documents.


Conclusion

[46]       Pour ces motifs, cette demande de contrôle judiciaire est rejetée. L'avocat du demandeur a proposé la certification de la question ci-après énoncée :

[TRADUCTION]

Lorsque l'agent des visas conclut que le demandeur n'est pas admissible conformément à l'article 19 de la Loi sur l'immigration et que la Section d'appel fait droit à l'appel interjeté par le répondant contre le rejet de la demande de résidence permanente de son conjoint, en se fondant sur des raisons d'ordre humanitaire, l'agent des visas commet-il une erreur en examinant la demande comme l'exige le paragraphe 77(5) de la Loi lorsqu'il conclut que la personne en question n'est pas admissible pour le même motif que celui sur lequel était fondé le refus initial, compte tenu de la preuve ou des renseignements qui étaient disponibles lorsque la Section d'appel a entendu l'appel?

[47]       L'avocat du ministre soutient que je ne devrais pas certifier la question que le demandeur a proposée. À son avis, aucune des questions que le demandeur a mentionnées ne soulève une question grave de portée générale. Subsidiairement, l'avocat du ministre propose la certification de la question ci-après énoncée si la Cour le juge opportun :

[TRADUCTION]

Lorsque la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SAI) a fait droit à un appel interjeté en vertu de l'alinéa 77(3)b) de la Loi sur l'immigration contre le rejet d'une demande parrainée visant à l'obtention du droit d'établissement, le rejet étant fondé sur le fait que le demandeur parrainé ne peut pas être admis au Canada en vertu de l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi sur l'immigration, le paragraphe 77(5) de la Loi sur l'immigration empêche-t-il l'agent des visas ou l'agent d'immigration qui a par la suite poursuivi l'examen de la demande parrainée de refuser la demande pour le motif que le demandeur ne peut pas être admis au Canada en vertu de l'alinéa 19(1)c.2) de la Loi sur l'immigration en se fondant sur des éléments de preuve dont ne disposait pas la SAI lorsqu'elle a fait droit à l'appel?


[48]       À mon avis, la question découlant du paragraphe 77(5) de la Loi soulève une question grave de portée générale et je certifie donc la question que l'avocat du ministre a proposée.

« Marc Nadon »

J.C.F.C.

OTTAWA (Ontario),

Le 26 mars 2001.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                                IMM-946-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                              Shu Foo Au

et

Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                                   Vancouver (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :                                  le 22 novembre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          Monsieur le juge Nadon

DATE DES MOTIFS :                                        le 26 mars 2001

ONT COMPARU :

Christopher Elgin                                                 POUR LE DEMANDEUR

Banafsheh Sokhansanj                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Christopher Elgin                                                  POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada



[1]            Le 12 décembre 2000, la Cour d'appel fédérale a confirmé la décision du juge Dubé et elle a donc rejeté l'appel interjeté par le demandeur.

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