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Date : 19991112


T-1042-99

OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 12 NOVEMBRE 1999

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE McGILLIS

E n t r e :

     SMITHKLINE BEECHAM PHARMA INC.

     et SMITHKLINE BEECHAM P.L.C.,

     demanderesses,

     - et -

     APOTEX INC. et

     MINISTRE DE LA SANTÉ,

     défendeurs.

     ORDONNANCE

     La requête est accueillie avec dépens. Apotex Inc. devra produire tous les extraits pertinents de la demande d'avis de conformité qu'elle a déposée et dans lesquels elle explique le procédé de fabrication de son médicament, le chlorhydrate de paroxétine. Le ministre de la Santé s'assurera que les extraits produits correspondent fidèlement aux renseignements figurant dans la demande d'avis de conformité qui a été déposée devant lui.

     D. McGillis

     JUGE

OTTAWA

Traduction certifiée conforme


Christiane Bélanger, LL. L.





Date : 19991112


T-1042-99


E n t r e :


     SMITHKLINE BEECHAM PHARMA INC.

     et SMITHKLINE BEECHAM P.L.C.,

     demanderesses,

     - et -

     APOTEX INC. et

     MINISTRE DE LA SANTÉ,

     défendeurs.


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McGILLIS

[1]      Les demanderesses SmithKline Beecham Pharma Inc. et SmithKline Beecham P.L.C. (Smithkline) ont présenté, en vertu de l'alinéa 6(7)a) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, modifié par DORS/98-166, une demande visant à obtenir une ordonnance enjoignant à Apotex Inc. (Apotex) de produire tous les extraits pertinents de sa demande d'avis de conformité dans lesquels est expliqué le procédé de fabrication du médicament en cause, le chlorhydrate de paroxétine, en particulier les extraits de la fiche maîtresse du médicament se rapportant au mode de fabrication dudit médicament. SmithKline sollicite également, en vertu de l'alinéa 6(7)b), une ordonnance enjoignant au ministre de la Santé (le ministre) de s'assurer que les extraits produits correspondent fidèlement aux renseignements figurant dans la demande d'avis de conformité.

i) Production d'extraits de la demande d'avis de conformité

[2]      La première question à trancher dans le cadre de la présente requête est celle de savoir si la Cour devrait ordonner à Apotex de produire certains extraits de sa demande d'avis de conformité se rapportant au médicament en cause, le chlorhydrate de paroxétine.

[3]      Par lettre en date du 17 juin 1999, Apotex a envoyé à SmithKline un avis d'allégation conformément au paragraphe 5(3) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Dans son avis d'allégation, Apotex déclarait notamment ce qui suit :

     [TRADUCTION]
     Il s'agit d'un avis d'allégation produit en conformité avec le Règlement sur les médicaments brevetés (le Règlement).
     En ce qui concerne les brevets canadiens nos 2168829 et 2210023, nous alléguons que les revendications pertinentes des brevets sont invalides et que, si elles sont valides, aucune revendication portant sur le médicament lui-même et aucune revendication portant sur l'utilisation du médicament ne serait contrefaite par la fabrication, la production, l'utilisation ou la vente par nous de comprimés à administrer par voie orale contenant 10, 20 ou 30 mg de chlorhydrate de paroxétine.
     Voici les moyens de fait et de droit invoqués au soutien de ces allégations.
     Les revendications des brevets canadiens nos 2168829 et 2210023 qui se rapportent au Règlement se limitent à des formes particulières de chlorhydrate de paroxétine, en l'occurrence du chlorhydrate de paroxétine déshydraté au sens des brevets en question.
     Le brevet canadien no 1038390, qui a été délivré le 12 septembre 1978, renferme des revendications se rapportant notamment au chlorhydrate de paroxétine lorsqu'il est fabriqué selon les procédés décrits dans les revendications.
     S'ils sont valides, les brevets canadiens nos 2168829 et 2210023 et les revendications qu'ils renferment n'englobent et ne visent pas le chlorhydrate de paroxétine sous la forme révélée et revendiquée dans le brevet canadien no 1038390.
     Jusqu'à l'expiration des brevets canadiens nos 2168829 et 2210023, nous n'utiliserons du chlorhydrate de paroxétine que sous la forme révélée et revendiquée dans le brevet no 1038390 et nos comprimés contiendront uniquement cette forme de chlorhydrate de paroxétine et nous nous engageons en ce sens. Des détails concernant notre chlorhydrate de paroxétine vous ont déjà été communiqués dans les dossiers nos T-2660-96 et T-2230-97 sous forme de pièces annexées au contre-interrogatoire de M. Jan Sedgeworth. Plus précisément, la pièce I constituait la partie 2 du volume 2 de notre PADN et la pièce 2 était la fiche maîtresse du médicament de notre fournisseur. Nous vous autorisons par la présente à consulter ces documents pour répondre au présent avis d'allégation.
     Compte tenu de ce qui précède, nos comprimés de chlorhydrate de paroxétine ne contreferont pas les revendications des brevets canadiens nos 2168829 et 2210023 [...]

[4]      Dans son avis d'allégation, Apotex autorisait SmithKline à citer des extraits de sa présentation abrégée de drogue nouvelle et de la fiche maîtresse du médicament qui avaient été produits dans le cadre d'autres instances. Or, les documents déjà produits par Apotex ne contenaient pas [TRADUCTION] « [...] la description détaillée et les renseignements sur le contrôle de la qualité relatifs au mode de fabrication de son chlorhydrate de paroxétine » . SmithKline affirme en conséquence que les renseignements déjà communiqués ne sont pas suffisants pour lui permettre de déterminer si l'allégation de non-contrefaçon est justifiée en l'espèce.

[5]      À l'appui de sa requête, SmithKline a produit l'affidavit souscrit par un expert en chimie, M. Alexander Fallis, professeur de chimie à l'Université d'Ottawa. Dans son affidavit, M. Fallis affirme notamment que les lettres patentes canadiennes no 1,038,390 (le brevet 390) renferment une revendication générique visant une grande quantité de composés, dont le chlorhydrate de paroxétine, mais qu'elles [TRADUCTION] « [...] ne révèlent pas expressément l'existence du paroxétine, et encore moins du chlorhydrate de paroxétine ou d'une forme polymorphe quelconque de chlorhydrate de paroxétine » . Par conséquent, suivant M. Fallis, l'allégation qu'Apotex utiliserait exclusivement du chlorhydrate de paroxétine sous la forme révélée et revendiquée dans le brevet 390 ne révèle « rien » en ce qui concerne la forme de chlorhydrate de paroxétine fabriquée par Apotex, [TRADUCTION] « [...] étant donné que le brevet 390 ne révèle aucune forme de chlorhydrate de paroxétine » . M. Fallis a également examiné un schéma synthétique figurant dans l'extrait de la fiche maîtresse du médicament qui a été communiqué à SmithKline, ainsi que les passages de la présentation abrégée de drogue nouvelle qui ont été communiqués et les lettres canadiennes no 2,210,023 (le brevet 023). En résumé, il a conclu qu'il doit y avoir d'autres étapes de transformation après l'étape de recristallisation prévue au schéma synthétique dont il est question dans les éléments communiqués à SmithKline. Pour résoudre la question de la contrefaçon du brevet 023, M. Fallis s'est dit d'avis qu'il serait [TRADUCTION] « important de savoir » quelles autres étapes de transformation Apotex a suivies après l'étape de la recristallisation prévue au schéma synthétique dont il est question dans les extraits de la fiche maîtresse du médicament qui ont été communiqués.

[6]      Au cours de son contre-interrogatoire, M. Fallis a reconnu qu'on pouvait produire une forme cristalline de chlorhydrate de paroxétine [TRADUCTION] « [...] qui pourrait être polymorphe » en utilisant la revendication générique no 1 du brevet 390 pour le cas où les bons substituants seraient choisis. Même s'il est vrai qu'on pourrait ainsi fabriquer une forme de chlorhydrate de paroxétine en utilisant la revendication générique no 1 du brevet 390, M. Fallis ne sait pas quelle forme on obtiendrait ainsi, compte tenu du fait que le brevet 390 [TRADUCTION] « ne donne aucune précision quant à la forme » et qu'il ne renferme aucune recette précise en ce qui concerne la fabrication de chlorhydrate de paroxétine comme telle. En revanche, le brevet 023 [TRADUCTION] « [...] vise expressément diverses formes » de chlorhydrate de paroxétine et le mode de fabrication peut être adapté de manière à obtenir une forme ou une autre. Bien que la forme de chlorhydrate de paroxétine qui est fabriquée conformément à la revendication no 1 du brevet 390 ne puisse être prédite d'avance, il existe divers moyens d'analyser un composé pour en déterminer la forme, notamment la cristallographie par rayons X, la spectroscopie infrarouge et l'examen des points de fusion.

[7]      Pour contester la requête présentée par SmithKline, Apotex a présenté le témoignage de son président, M. Barry Sherman. Dans son affidavit, M. Sherman déclare notamment qu'Apotex ne s'est pas fondée, dans son avis d'allégation, sur le procédé utilisé pour fabriquer son chlorhydrate de paroxétine. Il a également souligné que les revendications des lettres patentes canadiennes no 2,168,829 (le brevet 829) sont toutes des revendications de produit portant sur le chlorhydrate de paroxétine sous sa forme déshydratée et que le seule revendication pertinente du brevet 023 est la revendication no 5, portant sur la fabrication de chlorhydrate de paroxétine déshydraté au moyen d'un procédé. Au cours de son contre-interrogatoire, M. Sherman a notamment déclaré que seul le produit final ou la forme de chlorhydrate de paroxétine se rapportait à l'allégation formulée par Apotex, par opposition au procédé suivi pour fabriquer le produit. Il a également souligné qu'Apotex s'était servie des enseignements tirés de l'état antérieur de la technique relatifs au brevet 390 pour fabriquer sa forme de chlorhydrate de paroxétine et qu'en conséquence, Apotex ne contrefait pas les brevets 829 et 023.

[8]      Bien que je n'aie pas résumé tous les éléments de preuve que les parties ont présentés au sujet de la requête, je les ai néanmoins tous examinés attentivement pour en arriver à ma décision. À mon avis, SmithKline a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que le procédé de fabrication du chlorhydrate de paroxétine d'Apotex doit être intégralement divulgué pour fournir les éléments de preuve nécessaires à l'appréciation de l'allégation de non-contrefaçon, en ce qui concerne à tout le moins la revendication de fabrication au moyen d'un procédé qui est contenue à la revendication no 5 du brevet 023. Je constate également qu'en contre-interrogatoire, on n'a pas réussi à ébranler le témoignage de M. Fallis suivant lequel il serait « important » , pour résoudre la question de la contrefaçon, d'évaluer les autres étapes de transformation qu'Apotex a suivies après l'étape de la recristallisation prévue au schéma synthétique dont il était question dans les extraits communiqués. Apotex devra donc produire à SmithKline les pages 6 à 19 de la fiche maîtresse du médicament de sa filiale en propriété exclusive, Brantford Chemicals. Ces extraits de la fiche maîtresse du médicament constituent une partie de la demande d'avis de conformité portant sur le médicament chlorhydrate de paroxétine qu'Apotex a déposée devant le ministre et sont utiles pour résoudre les questions litigieuses soulevées en l'espèce.

ii) Vérification du ministre

[9]      La seconde question à trancher dans le cadre de la présente requête est celle de savoir si la Cour devrait, en vertu de l'alinéa 6(7)b) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), enjoindre au ministre de la Santé de vérifier que les extraits de la fiche maîtresse du médicament qu'Apotex a produits à SmithKline correspondent fidèlement aux renseignements figurant dans la demande d'avis de conformité qui a été déposée devant lui.

[10]      Le paragraphe 6(7) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) énumère les circonstances dans lesquelles la Cour peut ordonner la production de renseignements déposés à l'appui d'une demande d'avis de conformité et enjoindre au ministre de s'assurer que les renseignements produits correspondent à ceux qui ont été produits. Voici le libellé du paragraphe 6(7) :


6(7) On the motion of a first person, the court may, at any time during a proceeding,

     a) order a second person to produce any portion of the submission for a notice of compliance filed by the second person relevant to the disposition of the issues in the proceeding and may order that any change made to the portion during the proceeding be produced by the second person as it is made; and

     b) order the Minister to verify that any portion produced corresponds fully to the information in the submission.

6(7) Sur requête de la première personne, le tribunal peut, au cours de l'instance :

     a) ordonner à la seconde personne de produire les extraits pertinents de la demande d'avis de conformité qu'elle a déposée et lui enjoindre de produire sans délai tout changement apporté à ces extraits au cours de l'instance ;

    

     b) enjoindre au ministre de vérifier que les extraits produits correspondent fidèlement aux renseignements figurant dans la demande d'avis de conformité.



[11]      L'avocat du ministre soutient qu'il n'est pas nécessaire que le prononcé de l'ordonnance prévue à l'alinéa 6(7)a) se solde par l'ordonnance visant le ministre dont il est question à l'alinéa 6(7)b). En d'autres termes, l'avocat qualifie le prononcé d'une ordonnance visant le ministre de [TRADUCTION] « réparation additionnelle ou supplémentaire » . Il soutient en outre que la Cour ne devrait accorder une telle [TRADUCTION] « réparation additionnelle ou supplémentaire que si elle est convaincue, pour des raisons valables, que cette mesure est nécessaire » . L'avocat ajoute que, pour décider si cette mesure est nécessaire, on devrait obliger le demandeur à démontrer qu'il existe des différences marquées entre les documents produits et les renseignements déposés devant le ministre dans la demande d'avis de conformité. L'avocat du ministre n'invoque aucun précédent à l'appui de sa thèse.

[12]      Pour décider quelle interprétation il convient de donner du paragraphe 6(7) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), il faut appliquer les principes d'interprétation législative qui ont été posés dans l'arrêt de principe Rizzo & Rizzo Shoes Ltd., [1998] 1 R.C.S. 27. Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada a, sous la plume du juge Iacobucci, défini le cadre suivant en matière d'interprétation des lois, aux pages 40 et 41 :

         Une question d'interprétation législative est au centre du présent litige. Selon les conclusions de la Cour d'appel, le sens ordinaire des mots utilisés dans les dispositions en cause paraît limiter l'obligation de verser une indemnité de licenciement et une indemnité de cessation d'emploi aux employeurs qui ont effectivement licencié leurs employés. À première vue, la faillite ne semble pas cadrer très bien avec cette interprétation. Toutefois, en toute déférence, je crois que cette analyse est incomplète.
         Bien que l'interprétation législative ait fait couler beaucoup d'encre (voir par ex. Ruth Sullivan, Statutory Interpretation (1997); Ruth Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes (3e éd. 1994) (ci-après « Construction of Statutes » ); Pierre-André Côté, Interprétation des lois (2e éd. 1991)), Elmer Driedger dans son ouvrage intitulé Construction of Statutes (2e éd. 1983) résume le mieux la méthode que je privilégie. Il reconnaît que l'interprétation législative ne peut pas être fondée sur le seul libellé du texte de loi. À la p. 87, il dit:
         [TRADUCTION] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution: il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.
         Parmi les arrêts récents qui ont cité le passage ci-dessus en l'approuvant, mentionnons: R. c. Hydro-Québec, [1997] 1 R.C.S. 213; Banque Royale du Canada c. Sparrow Electric Corp., [1997] 1 R.C.S. 411; Verdun c. Banque Toronto-Dominion, [1996] 3 R.C.S. 550; Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103.
         Je m'appuie également sur l'art. 10 de la Loi d'interprétation, L.R.O. 1980, ch. 219, qui prévoit que les lois « sont réputées apporter une solution de droit » et doivent « s'interpréter de la manière la plus équitable et la plus large qui soit pour garantir la réalisation de leur objet selon leurs sens, intention et esprit véritables » .
         Bien que la Cour d'appel ait examiné le sens ordinaire des dispositions en question dans le présent pourvoi, en toute déférence, je crois que la cour n'a pas accordé suffisamment d'attention à l'économie de la LNE, à son objet ni à l'intention du législateur; le contexte des mots en cause n'a pas non plus été pris en compte adéquatement. Je passe maintenant à l'analyse de ces questions.

[13]      Les principes posés dans l'arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. ont récemment été appliqués dans l'arrêt Francis c. Baker, [1999] J.C.S. No. 52, une affaire qui portait sur l'interprétation d'une des dispositions des Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants. Dans cet arrêt, le juge Bastarache, qui s'exprimait au nom de la Cour, a déclaré, au paragraphe 35 que « [l]es principes applicables d'interprétation des lois exigent [...] que tous les éléments de preuve relatifs à l'intention du législateur soient pris en considération, à condition qu'ils soient pertinents et fiables » .

[14]      Pour interpréter le paragraphe 6(7), il y a donc lieu d'examiner l'économie du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), l'objet de celui-ci et l'intention du législateur.

[15]      Dans l'arrêt Eli Lilly & Co. c. Novopharm Ltd., [1998] 2 R.C.S. 129, à la page 144, le juge Iacobucci, qui écrivait au nom de la Cour, a fait sien le résumé suivant de l'économie du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) :

     Le nouveau régime d'ADC est résumé avec clarté dans l'extrait suivant des motifs rédigés par le juge Teitelbaum dans l'affaire Glaxo Wellcome Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1997), 75 C.P.R. (3d) 129 (C.F. 1re inst.), aux pp. 131 et 132:
         Le ministre délivre un avis de conformité, lequel autorise officiellement la vente d'un médicament, après que le fabricant de ce médicament a rempli deux conditions. La première condition concerne la sécurité et l'efficacité générales du médicament (voir l'article C.08.004 du Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C. 1978, ch. 870). La seconde condition concerne la non-contrefaçon par le fabricant du médicament de certains brevets incorporés dans le médicament. Cette seconde condition plutôt inattendue qui se rapporte au brevet a été créée après que des changements eurent été apportés au régime d'octroi de licences obligatoires. Auparavant, le fabricant de médicaments génériques qui détenait une licence obligatoire pouvait obtenir du breveté la fourniture sous licence d'une certaine quantité d'un médicament breveté. La procédure de délivrance de l'avis de conformité ne se préoccupait alors pas de questions de contrefaçon de brevet. Toutefois, par suite de l'abolition du régime d'octroi de licences obligatoires décrétée par la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets [. . .] (la « Loi sur les brevets » ), le régime d'obtention d'un avis de conformité a également été modifié. Les fabricants de médicaments génériques qui cherchent à obtenir un avis de conformité doivent maintenant déposer ce qu'on appelle un avis d'allégation, conformément à l'article 5 du Règlement.

     . . .

             De fait, aux termes du paragraphe 5(3) du Règlement, dans un « avis d'allégation » , le fabricant du médicament générique, « la seconde personne » , indique qu'il respecte les brevets incorporés dans le médicament qu'il fabrique. Aux termes de l'article 4 du Règlement, le propriétaire du brevet ou le titulaire d'une licence, habituellement le fabricant d'un médicament d'origine comme les requérantes, soumet une liste des brevets qui comportent des revendications pour le médicament en soi ou des revendications pour l'utilisation du médicament. Aux termes de l'article 3 du Règlement, le ministre inscrit les listes de brevets dans un registre public appelé « registre des brevets » .

[16]      En ce qui concerne l'objet du Règlement, notre Cour a affirmé à plusieurs reprises que l'objet fondamental du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) est d'empêcher la contrefaçon des brevets [voir, par exemple, les arrêts Apotex Inc. c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), (1997), 76 C.P.R. (3d) 1, à la page 11 (C.A.F.), ICN Pharmaceuticals Inc. c. Canada (Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés), (1996), 68 C.P.R. (3d) 417, à la page 424 (C.A.F.), Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), (1994), 55 C.P.R. (3d) 302, à la page 314 (C.A.F.), Bayer AG c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), (1993), 51 C.P.R. (3d) 329, aux pages 331 et 332 (C.A.F.)].

[17]      Pour déceler l'intention qu'avait le législateur en édictant le paragraphe 6(7) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), il est utile d'examiner la situation à l'origine de son adoption ainsi que le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation qui a été rédigé dans le cadre de son processus réglementaire. Le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation, qui accompagne le règlement sans toutefois en faire partie, révèle les intentions du législateur et renferme des « renseignements sur l'objet et l'effet du règlement proposé » [voir le jugement Teal Cedar Products (1977) Ltd. c. Canada, [1989] 2 C.F. 135, à la page 140 (C.F. 1re inst.).

[18]      Avant l'adoption du paragraphe 6(7), il n'y avait aucune disposition législative qui permettait expressément à la Cour d'ordonner, dans le cadre d'un litige relevant du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), la production des renseignements confidentiels déposés auprès du ministre dans une demande d'avis de conformité. Compte tenu de ce vide juridique, des questions étaient soulevées dans le cadre de procès mettant en cause l'application du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) au sujet de la production de renseignements confidentiels déposés auprès du ministre et des circonstances dans lesquelles leur production pouvait être ordonnée. Dans plusieurs affaires, la Cour a conclu qu'elle pouvait ordonner la production des renseignements confidentiels déposés auprès du ministre dans une demande d'avis de conformité lorsque la partie qui en réclamait la communication en démontrait la pertinence [voir, par exemple, les jugements Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), (1994) 53 C.P.R. (3d) 368 (C.F. 1re inst.), conf. à (1994), 55 C.P.R. (3d) 302 (C.A.F.), Janssen Pharmaceuticals Inc. c. Apotex Inc., (1996), 68 C.P.R. (3d) 114, à la page 117 (C.F. 1re inst.) et Eli Lilly and Co. c. Novopharm Ltd., (1996), 69 C.P.R. (3d) 81 (C.F. 1re inst.)]. Dans deux de ces décisions, en l'occurrence le jugement Janssen Pharmaceuticals Inc. c. Novopharmp Ltd., précité, et Eli Lilly and Co. c. Novopharm Ltd., précité, la Cour a ordonné au ministre de tirer des dossiers du Ministère certains extraits de la présentation de drogue nouvelle au motif que ces renseignements confidentiels étaient utiles pour répondre à la question en litige dans cette affaire.

[19]      En 1998, le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) a été modifié en réponse au rapport remis en avril 1997 par le Comité permanent de l'industrie, chargé d'examiner la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets. Dans ce rapport, le Comité recommandait de modifier « [...] le cadre de réglementation afin de répondre aux préoccupations des intervenants par rapport à l'équité, à l'efficacité et à la réduction du nombre de litiges inutiles » . En particulier, plusieurs changements ont été faits dans le but de « réduire le nombre des litiges inutiles et de rationaliser le processus judiciaire » [voir le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation, DORS/98-166, Gazette du Canada, partie II, vol. 132, no 7, aux pages 1057 et 1058]. Une des modifications qui était expressément mentionnée dans le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation comme constituant un mécanisme visant à réduire le nombre de litiges inutiles était l'insertion de l'alinéa 6(7)a), qui permettrait à la Cour d'ordonner la divulgation d'éléments de la demande d'avis de conformité, si cela peut aider le tribunal à trancher le litige. Il ressort donc à l'évidence du Résumé de l'étude d'impact de la réglementation qu'en adoptant l'alinéa 6(7)a), le législateur fédéral voulait diminuer le nombre de litiges et rationaliser le processus judiciaire. Nous ne disposons toutefois d'aucun élément de preuve précis, dans le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation ou ailleurs, au sujet de la volonté du législateur sous-jacente à l'adoption de l'alinéa 6(7)b).

[20]      Après avoir situé le paragraphe 6(7) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) dans son contexte législatif, il y a maintenant lieu d'examiner l'interprétation proposée par le ministre. Ainsi qu'il a déjà été précisé, le ministre fait valoir deux arguments en ce qui concerne l'interprétation qu'il convient de donner du paragraphe 6(7). Premièrement, le prononcé de l'ordonnance visant le ministre dont il est question à l'alinéa 6(7)b) constitue une « réparation additionnelle ou supplémentaire » qui ne devrait pas nécessairement être accordée après le prononcé d'une ordonnance de production rendue en vertu de l'alinéa 6(7)a). En second lieu, le demandeur doit démontrer qu'il « existe des différences marquées » entre les documents produits et les renseignements déposés devant le ministre dans la demande d'avis de conformité, avant que la Cour puisse enjoindre au ministre de vérifier si les extraits produits correspondent fidèlement aux renseignements figurant dans la demande d'avis de conformité.

[21]      Pour examiner le premier moyen invoqué par le ministre, en l'occurrence que la réparation prévue à l'alinéa 6(7)b) constitue une « réparation additionnelle ou supplémentaire » qui ne devrait pas « nécessairement » être accordée à la suite du prononcé d'une ordonnance de production fondée sur l'alinéa 6(7)a), il est important de souligner qu'avant l'adoption du paragraphe 6(7), c'est systématiquement au ministre, et non à la seconde personne (dans la plupart des cas, le fabricant de produits génériques), à qui le tribunal enjoignait de produire les renseignements confidentiels. Dans ces conditions, on ne se préoccupait de toute évidence jamais de l'exactitude, de l'exhaustivité ou de la fiabilité des renseignements produits, compte tenu de la neutralité du ministre en pareil cas. L'alinéa 6(7)a) habilite cependant la Cour à ordonner à la seconde personne, et non au ministre, de produire les extraits pertinents des renseignements confidentiels contenus dans la demande d'avis de conformité. Dans ces conditions, l'alinéa 6(7)b) visait de toute évidence à servir de mécanisme de contrôle administratif conçu pour supprimer toute question quant aux renseignements produits, notamment en ce qui concerne leur exactitude, leur exhaustivité et leur fiabilité. Le législateur ne voulait pas que l'alinéa 6(7)b) soit interprété isolément en tant que « réparation additionnelle ou supplémentaire » , mais plutôt qu'il fasse partie intégrante de toute ordonnance prononcée par la Cour au sujet de la production des renseignements confidentiels. En d'autres termes, l'alinéa 6(7)b) ne devrait pas être interprété comme un pouvoir distinct de l'alinéa 6(7)a). D'ailleurs, lorsqu'on l'examine dans son contexte, on se rend compte que le seul but législatif de l'alinéa 6(7)b) est de diminuer le nombre de litiges inutiles en éliminant l'incertitude en ce qui concerne les renseignements produits. L'objet des deux volets du paragraphe 6(7) est de réduire le nombre de litiges inutiles. Finalement, les modifications apportées à la loi déchargent le ministre du fardeau plus onéreux d'avoir à effectivement produire les renseignements, comme il était tenu de le faire suivant la jurisprudence antérieure, et elles remplacent cette obligation par la tâche administrative simple et élémentaire de vérifier si les extraits produits correspondent fidèlement aux renseignements déposés. Voilà un prix relativement peu élevé à payer pour rendre le processus plus sûr, réduisant ainsi le nombre de litiges inutiles.

[22]      Quant au second volet de sa thèse, l'avocat du ministre soutient qu'avant de prononcer une ordonnance de vérification en vertu de l'alinéa 6(7)b), la Cour devrait obliger le demandeur à faire la preuve des différences marquées qui peuvent exister entre les extraits produits et les renseignements déposés auprès du ministre. Je ne puis accepter cet argument au motif que le paragraphe 6(7) ne renferme pas un tel critère, et je ne vois aucune raison d'interpoler ces mots dans le texte de la loi. Qui plus est, la thèse défendue par le ministre est tout à fait incompatible avec l'intention véritable du législateur au paragraphe 6(7), en l'occurrence la réduction des procès inutiles. D'ailleurs, l'interprétation préconisée par le ministre aurait comme conséquence peu souhaitable d'obliger le demandeur à faire la preuve, dans le cadre d'une requête, des différences marquées qui peuvent exister entre les extraits produits et les renseignements contenus dans la demande d'avis de conformité. Pour que le tribunal puisse se prononcer sur cette question, des affidavits seraient produits, des contre-interrogatoires auraient lieu, d'autres requêtes seraient peut-être présentées au sujet des refus opposés lors des contre-interrogatoires et une audience aurait lieu. En d'autres termes, les parties seraient tenues de se lancer dans de longs procès dans le seul but de s'assurer que la Cour dispose des bons éléments pour se prononcer sur les questions de fond soulevées dans le procès. L'interprétation proposée par le ministre est tout simplement incompatible avec la volonté du législateur de réduire le nombre de litiges. Elle est également incompatible avec le libellé explicite du paragraphe 6(7), lorsqu'on le situe dans tout son contexte.

[23]      La requête est accueillie avec dépens. Apotex devra produire tous les passages pertinents de la demande d'avis de conformité dans lesquels elle explique le procédé de fabrication de son médicament, le chlorhydrate de paroxétine. Le ministre de la Santé s'assurera que les extraits produits correspondent fidèlement aux renseignements figurant dans la demande d'avis de conformité qui a été déposée devant lui.



     D. McGillis

     JUGE


OTTAWA

Le 12 novembre 1999.




Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



No DU GREFFE :              T-1042-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      SMITHKLINE BEECHAM PHARMA INC. et autre c. APOTEX INC. et autre


LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      Le 2 novembre 1999


MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge McGillis

             en date du 12 novembre 1999


ONT COMPARU :

Me J. Mills                          pour la demanderesse
Me Michael Roach                      pour le ministre de la Santé
Me D. Scrimger                      pour Apotex

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling, Strathy & Henderson              pour la demanderesse

Ottawa (Ontario)

Ministère de la Justice                  pour le ministre de la Santé

Ottawa (Ontario)

Goodman, Phillips & Vineberg              pour Apotex

Toronto (Ontario)

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