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     Date : 19981103

     Dossier : T-3236-90

Ottawa (Ontario), le mardi 3 novembre 1998

EN PRÉSENCE DE : Monsieur le juge Gibson

ENTRE :

     IAN V. MACDONALD,

     demandeur,

ET :

     SA MAJESTÉ LA REINE ET

     L'INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE,

     défendeurs.

     ORDONNANCE

     L'action du demandeur est rejetée avec dépens payables par le demandeur à Sa Majesté la Reine si celle-ci en fait la demande. Aucune ordonnance d'adjudication des dépens n'est prononcée pour ou contre l'Institut professionnel de la fonction publique, en sa qualité de défendeur.

     FREDERICK E. GIBSON

                                         JUGE

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     Date : 19981103

     Dossier : T-3236-90

ENTRE :

     IAN V. MACDONALD,

     demandeur,

ET :

     SA MAJESTÉ LA REINE ET

     L'INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE,

     défendeurs.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE GIBSON

INTRODUCTION

[1]      Dans sa déclaration, déposée à l'origine le 7 décembre 1990 et modifiée à deux reprises avec l'autorisation de la Cour, le demandeur sollicite les réparations suivantes :

         [Traduction]         
         A.      Une déclaration portant que l'allégation d'abandon de son poste [dans la fonction publique du Canada] était illicite, illégale, nulle et non autorisée par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique1;         
         B.      des dommages-intérêts payables par la défenderesse [apparemment Sa Majesté la Reine] pour avoir mis fin illicitement à l'emploi du demandeur, sans motif, raisonnable ou non, sans préavis et sans audition équitable;         
         C.      des dommages-intérêts punitifs;         
         D.      les dépens;         
         E.      l'intérêt couru avant le procès;         
         F.      toute autre réparation que la Cour jugera indiquée.         

[2]      L'Institut professionnel de la fonction publique (IPFP), qui représente différents groupes de fonctionnaires dans leurs relations de travail avec le gouvernement du Canada, a été joint en qualité de défendeur par la première déclaration modifiée. Le dossier ne contient aucun élément de preuve établissant que l'IPFP aurait reçu signification de l'une ou l'autre version de la déclaration. L'IPFP n'a pas déposé de défense et n'a pas comparu à l'instruction. Dans les circonstances, l'avocat du demandeur a reconnu à juste titre, devant la Cour, que l'IPFP n'est défendeur que de nom. Aucune demande de réparation n'est dirigée contre l'IPFP. En conséquence, dans les présents motifs, j'emploierai le terme " défenderesse " pour renvoyer uniquement à Sa Majesté la Reine.

LA PREUVE

[3]      Les parties ont déposé l'exposé conjoint des faits qui suit au début de l'instruction :

         [Traduction]         
         1.      Le demandeur est entré au service du ministère du Commerce le 10 mai 1951, à la suite d'un concours national de recrutement du Service des délégués commerciaux, auquel le demandeur s'est classé deuxième. Le demandeur est demeuré au service du ministère pendant 33 ans.         
         2.      En 1984, le demandeur travaillait à la Direction des industries de service du ministère, qui s'appelait à l'époque le ministère de l'Expansion industrielle régionale. Il relevait alors de Mme A.K. Liljefors, directrice générale de la Direction des industries de service.         
         3.      Le 31 mai 1984, A.K. Liljefors a imposé au demandeur une suspension de quatre jours sans salaire prenant effet le 4 juin 1984, pour n'avoir pas suivi les instructions qui lui avaient été données relativement aux tâches qui lui étaient assignées.         
         4.      Le même jour, Mme Liljefors a imposé au demandeur une suspension de six jours prenant effet le 9 juin 1984, pour ne pas avoir suivi les instructions qui lui avaient été données relativement à ses conversations téléphoniques, à ses heures de travail et aux tâches qui lui étaient assignées.         
         5.      Le demandeur a déposé des griefs contre ces deux suspensions le 13 juin 1984.         
         6.      Le 21 août 1984, le demandeur a obtenu un Certificat médical d'incapacité de travail signé par son médecin, indiquant que l'état du demandeur " devait être réévalué après une semaine ". Le demandeur a remis ce certificat à sa supérieure, Kristyna Liljefors, directrice générale de la Direction des industries de service, le jour même ou peu après.         
         7.      Le 5 septembre 1984, le demandeur a obtenu et remis à la directrice générale un Certificat médical d'incapacité de travail signé par son médecin, qui mentionnait le 1er octobre 1984 comme date de retour au travail.         
         8.      Le demandeur s'est absenté du travail le 21 août 1984 et ne s'est jamais représenté au travail pour y exercer ses fonctions, sauf le 30 août/98 [sic - 1984].         
         9.      Le 9 octobre 1984, le sous-chef du ministère, par l'intermédiaire de son représentant autorisé, M. Lucien Bradet, directeur de la Direction des ressources humaines du ministère, a jugé que le demandeur s'était absenté de son poste sans autorisation du 1er octobre 1984 au 9 octobre 1984, et que son absence n'était pas imputable à des raisons indépendantes de sa volonté. Par application de l'article 27 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, M. Bradet a adressé une lettre au demandeur et à la Commission de la fonction publique, dans laquelle il déclarait que le demandeur avait abandonné son poste et cessé d'être un employé de la fonction publique le 9 octobre 1984.         
         10.      Le 30 octobre 1984, le demandeur a déposé un grief pour contester la déclaration portant qu'il avait abandonné son poste.         
         11.      Le 1er novembre 1984, le demandeur a obtenu un Certificat médical d'incapacité de travail signé par son médecin, mentionnant le 1er décembre 1984 comme date estimative de son retour au travail.         

[4]      La preuve a révélé que l'emploi du demandeur au Service des délégués commerciaux a bien débuté et s'est poursuivi sans encombre jusqu'en 1972. À cette époque, son affectation à Beyrouth, au Liban, a pris fin abruptement et il a été rappelé au Canada. Son rappel était apparemment imputable à un désaccord de principe entre le demandeur et les dirigeants du ministère pour lequel il travaillait2. Le demandeur a été exclu du Service des délégués commerciaux et n'y a jamais été réintégré. En fait, ses très intéressantes perspectives de carrière se sont alors évanouies. On l'a affecté à des postes dont il était de moins en moins satisfait. Ses rapports avec les dirigeants du ministère ne sont jamais redevenus harmonieux.

[5]      Comme le précise l'exposé conjoint des faits, à la fin du mois de mai 1984, le demandeur a été suspendu à deux reprises, d'abord " pour n'avoir pas suivi les instructions qui lui avaient été données relativement aux tâches qui lui étaient assignées ", puis " pour ne pas avoir suivi les instructions qui lui avaient été données relativement à ses conversations téléphoniques, à ses heures de travail et aux tâches qui lui étaient assignées ". Le demandeur a écrit directement au sous-ministre. Le sous-ministre lui a répondu par une lettre, dont voici un extrait :

         [Traduction] Je considère cette conduite [du demandeur] comme de l'insubordination répétée de votre part et je vous prie de donner des précisions à Mme Liljefors concernant ce " contact limité " afin d'évaluer si la direction doit prendre des mesures. Je lui ai en outre donné pour instructions de m'aviser chaque fois que vous ne vous conformerez pas, à l'avenir, aux instructions de la direction et je dois vous informer que ces manquements seront traités avec sévérité.         

[6]      Dans son témoignage devant moi, le demandeur a décrit les actes accomplis par sa supérieure, avec l'accord manifeste du sous-ministre, comme du " harcèlement ".

[7]      Le demandeur a écrit à nouveau au sous-ministre, qui lui a répondu notamment dans les termes suivants :

         [Traduction] Je dois aussi commenter votre remise en question de l'autorité de Mme Liljefors. En sa qualité de directrice générale de la Direction des industries de service, la responsabilité d'en diriger les activités lui a été déléguée. Cette responsabilité englobe toute une gamme d'obligations, dont celle d'assigner les tâches aux employés. En conséquence, elle avait le pouvoir de vous assigner de nouvelles fonctions au sein de la Direction et je suis convaincu qu'elle l'a fait en tenant compte des besoins légitimes du service.         

[8]      Le demandeur a répondu au sous-ministre le 24 août. Sa lettre se lit en partie comme suit :

         [Traduction] En ce qui concerne " l'autorité de Mme Liljefors ", je ne puis que préciser que cette autorité est assujettie à certaines limites et qu'elle ne peut être exercée de façon arbitraire, abusive ni incompatible avec l'intérêt public. Le problème qui se pose, en l'occurrence, tient non pas à l'autorité conférée à Mme Liljefors (que je ne remets pas en question), mais à l'utilisation discriminatoire qu'elle en fait à des fins auxquelles elle n'est pas destinée.         

[9]      Après avoir examiné la preuve documentaire déposée par le demandeur, complétée par le témoignage de vive voix qu'il a rendu devant moi le 24 août 1984, je suis convaincu que les rapports entre le demandeur et la direction du ministère s'étaient tellement détériorés qu'ils avaient atteint un point de non-retour.

[10]      Selon le témoignage offert par le demandeur, le climat et le milieu de travail dans lesquels il travaillait ont eu des effets sur sa santé, comme on pouvait s'y attendre. Le 21 août, un médecin a remis au demandeur un " Certificat médical d'incapacité de travail " dans lequel le médecin affirmait être d'avis que le demandeur était incapable de s'acquitter de ses tâches habituelles, pour cause de maladie ou de blessure. Le certificat ne mentionnait aucune date estimative de retour au travail. Le médecin a plutôt précisé que son état de santé devrait être réévalué " après une semaine ". Le médecin a prescrit des médicaments au demandeur, qui devaient, selon le demandeur, traiter son état dépressif, son inquiétude, son sentiment de détresse et la frustration qui l'accablait. Le demandeur n'a fourni aucune preuve médicale à l'appui de cette description de son état.

[11]      Le 30 août, le demandeur s'est présenté à son lieu de travail. On lui a demandé de remettre son laissez-passer de sécurité et on ne l'a pas laissé entrer.

[12]      Le demandeur a obtenu, apparemment à la suite de la " réévaluation " mentionnée dans le certificat d'incapacité daté du 21 août, un nouveau certificat indiquant qu'il était toujours incapable de s'acquitter de ses tâches habituelles et mentionnant le 1er octobre 1984 comme date estimative de retour au travail.

[13]      Le 1er octobre a passé. Le demandeur ne s'est pas représenté au travail. Le 9 octobre, le directeur de la Direction des ressources humaines du ministère a adressé à la Commission de la fonction publique et au demandeur une lettre, apparemment remise en mains propres au demandeur, libellée en partie comme suit :

         [Traduction] Je constate que vous êtes absent sans autorisation depuis le 1er octobre 1984, la date prévue de votre retour au travail. Je constate aussi que vous êtes passé au bureau le 4 octobre 1984, mais n'avez pas jugé bon de profiter de cette occasion pour faire autoriser votre absence.         
         En conséquence, en vertu du pouvoir qui m'est conféré, par application de l'article 27 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, je déclare par les présentes que vous avez abandonné votre poste et cessé d'être un employé de la fonction publique le 9 octobre 1984. J'ai avisé la Commission de la fonction publique en conséquence.3         

Voici ce que je déduis de la teneur du témoignage du demandeur : le piège s'est refermé sur lui. La supérieure du demandeur lui avait dit que le ministère trouverait un motif pour le congédier. Il a fourni un motif au ministère, du moins sur le plan technique. Le ministère a saisi l'occasion et l'a licencié selon des modalités qui l'ont privé de tous ses avantages, y compris de ses prestations de retraite accumulées au cours de ses trente-trois (33) années de service. Et ce, selon le témoignage du demandeur, bien que le ministère soit au courant que son état de santé n'avait pas changé, comme l'ont confirmé un certificat d'incapacité informel daté du 9 octobre, indiquant que le demandeur ne pourrait pas travailler avant le 1er novembre, et un certificat en bonne et due forme, daté du 1er novembre, indiquant que le demandeur était incapable de s'acquitter de ses tâches habituelles au moins jusqu'au 1er décembre 1984.

[14]      Le demandeur recevait déjà depuis quelque temps des conseils et l'appui de l'IPFP, dont il était membre. Il s'est adressé à nouveau à l'IPFP et à un avocat pour demander conseil relativement aux derniers événements. Il a écrit, dans une lette adressée à quelqu'un de ses amis ou de ses connaissances :

         [Traduction] J'ai fait part de cette tentative de congédiement à l'Institut professionnel qui me représente dans la procédure de grief et qui me fournira probablement de l'aide supplémentaire au besoin.         

[15]      L'IPFP a écrit au demandeur le 18 octobre :

         [Traduction] ...         
         2.      Comme nous en avons discuté, j'essaierais, si vous être d'accord, de convaincre le ministère de retirer sa lette concernant d'abandon de poste en échange de votre consentement à démissionner. Votre démission vous éviterait une perte financière. Toutefois, vous avez dit que vous ne vouliez pas démissionner.         
         ...         

[16]      L'IPFP a écrit à nouveau au demandeur le 26 octobre, pour lui dire notamment :

         [Traduction] ...         
         1.      Il serait peut-être possible de convaincre le ministère de (a) vous rembourser la perte de salaire que vous avez subie pendant vos trois suspensions et de (b) retirer la lettre d'abandon en échange de votre démission. [Un agent de l'IPFP] estimait que si ce compromis était envisagé, MEIR [le ministère] ajouterait probablement une disposition concernant votre renonciation à exercer tout recours judiciaire.         
              Cette solution vous éviterait de subir une perte financière et atténuerait le stress qui vous a obligé récemment à prendre des congés de maladie.         
         ...         
                 

La lettre se termine ainsi :

         [Traduction] Nous attendons votre décision quant aux mesures que vous désirez que nous prenions, c'est-à-dire si vous voulez que nous essayions de conclure un compromis avec le MEIR ou que nous soumettions à l'arbitrage à la fois les trois griefs relatifs à votre suspension et le grief portant sur l'abandon, relativement auquel nous allèguerions un motif disciplinaire.         

[17]      Il est évident que l'IPFP a, par la suite et peut-être même avant la deuxième lettre précitée qu'elle a adressée au demandeur, entamé des négociations avec le ministère au nom du demandeur. Bien que ces négociations aient donné lieu à la signature d'une entente par le ministère, l'IPFP et le demandeur, dont je parlerai brièvement, le demandeur a témoigné devant moi qu'il a commencé à craindre de plus en plus que l'IPFP ne défende pas effectivement ses intérêts, qu'il soit en conflit d'intérêts et que l'avocat qui le conseillait ne défende pas non plus ses véritables intérêts.

[18]      L'entente signée à la fin du mois de décembre 1984 est reproduite dans l'appendice joint aux présents motifs. Voici ce qu'elle prévoit pour l'essentiel : l'avis d'abandon de poste a été annulé et le dossier du demandeur a été épuré de tous les éléments qui s'y rapportaient; tous les avis de mesures disciplinaires devaient être retirés du dossier du demandeur; les trois suspensions, totalisant 12 jours, imposées au demandeur devaient être annulées et le demandeur devait être payé pour ces 12 jours; le demandeur devait obtenir un congé de maladie payé du 1er octobre 1984 au 2 novembre 1984; du 5 novembre 1984 à la fermeture des bureaux le 28 décembre 1984, le demandeur devait être en vacances payées; le demandeur a accepté de prendre sa retraite le 29 décembre 1984 " ... avec tous les avantages auxquels il aura droit à cette date "; l'IPFP a accepté de retirer tous les griefs en cours déposés au nom du demandeur; l'IPFP et le demandeur ont accepté de se désister de tous les renvois à l'arbitrage; le demandeur a accepté de retirer une plainte qu'il avait apparemment déposée en vertu de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité4; enfin, le demandeur a accepté de renoncer à toute poursuite judiciaire découlant de son emploi dans la fonction publique jusqu'à la date de la signature de l'entente.

[19]      L'un des documents produit devant moi est intitulé [Traduction] " EXPOSÉ des événements à l'origine de " l'abandon de poste " en 1984 ". Il n'es pas daté. Il a été préparé par le demandeur qui n'a pas été en mesure, dans son témoignage, de préciser quand il l'avait rédigé. Ce document indique que l'entente signée lui a été présentée pour la première fois dans le bureau d'un représentant de l'IPFP le 7 décembre 1984. Le demandeur a déclaré qu'à cette époque, il était [Traduction] " profondément déprimé et confus ", comme l'indique ce document, non seulement en raison de la fin de ses rapports avec son employeur, mais aussi en raison de ce qu'il a décrit comme [Traduction] " ... l'attitude de mes conseillers, qui paraît ambiguë ". Dans ce document, le demandeur mentionne l'avis que lui a donné l'avocat auquel il s'est adressé, selon lequel [Traduction] " ... les ententes signées sous l'effet de la contrainte ne sont pas exécutoires en droit. " Le demandeur estimait subir effectivement une contrainte. Selon son témoignage, il a signé l'entente sur la foi de cet avis, selon lequel la contrainte dont il se sentait victime lui donnerait la possibilité de renier plus tard l'entente pour cause de contrainte.

[20]      La défenderesse n'a présenté aucune preuve.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[21] Les questions que la Cour est appelée à trancher en l'espèce peuvent se résumer succinctement comme suit :

         1.      Au moment de l'introduction de l'action, soit le 7 décembre 1990, le délai de prescription applicable était-il expiré?         
         2.      Si le délai de prescription applicable à une action de ce type n'était pas expiré, l'entente conclue par la défenderesse, l'IPFP et le demandeur, signée à la fin du mois de décembre 1984 constitue-t-elle un empêchement absolu à l'action?         
         3.      Si le délai de prescription n'était pas expiré et si l'entente ne constitue pas un empêchement, les faits de l'espèce ont-il donné naissance à une cause d'action raisonnable pour congédiement injuste découlant de l'avis d'abandon de poste daté du 9 octobre 1984?         
         4.      Faut-il tirer une conclusion défavorable à la défenderesse du fait qu'elle n'a présenté aucune preuve à l'instruction?         

ANALYSE

1.      L'action est-elle prescrite?

[22]      L'avocat de la défenderesse a soutenu que, par application de l'article 32 de la Loi sur la responsabilité de l'État5, les lois provinciales régissant la prescription des actions s'appliquent à une procédure de la nature de la présente instance introduite contre la Couronne fédérale. Il prétend que le par. 39(1) de la Loi sur la Cour fédérale6 a le même effet. En se reportant aux faits de l'espèce, il affirme que la loi provinciale pertinente est la Loi sur la prescription des actions7 de la province d'Ontario. Voici les dispositions pertinentes du par. 45(1) de cette loi :

         45.(1)      Les actions suivantes se prescrivent par les délais respectifs indiqués ci-dessous :         
              ...         
              g) l'action pour atteinte à la possession mobilière ou de biens-fonds, l'action sur contrat sans le sceau, en remboursement d'une dette fondée sur un prêt ou un contrat sans acte scellé, ou en remboursement d'une dette pour arriérés de loyer, l'action pour détention illicite, l'action en restitution ou l'action pour atteinte indirecte autre que pour diffamation verbale, se prescrit par six ans à compter de la naissance de la cause d'action.         

L'avocat fait valoir que la demande du demandeur en l'espèce est fondée sur un contrat nu, sans acte scellé, et que la cause d'action a pris naissance au moment de la remise de l'avis d'abandon de poste, c'est-à-dire le 9 octobre 1984. L'action a été intentée par le dépôt de la déclaration, dans sa version originale, le 7 décembre 1990. L'avocat soutient donc que plus de six ans se sont écoulés entre la naissance de la cause d'action et l'introduction de l'action.

[23]      L'avocat du demandeur soutient au contraire que la cause d'action a pris naissance au moment de la signature de l'entente entre la défenderesse, l'IPFP et le demandeur à la fin du mois de décembre 1984, un peu moins de six ans avant l'introduction de l'action.

[24]      Sur ce point, je donne raison au demandeur. Je suis convaincu que l'avis d'abandon donné le 9 octobre constitue un point culminant du long différend entre le demandeur et la défenderesse, mais que la principale question en litige sur laquelle la Cour doit se prononcer est l'effet, le cas échéant, du présumé contrat conclu à la fin du mois de décembre 1984. Le demandeur, par l'entremise de l'IPFP, a déposé un grief relativement à l'avis d'abandon. Selon le présumé contrat, lui et l'IPFP ont renoncé au droit de mener ce grief à terme. Par conséquent, je suis d'avis que la question cruciale dont la Cour est saisie est celle de savoir si la renonciation à ce grief, et à toute réparation éventuelle que le demandeur pourrait obtenir à l'issue de ce grief, a été consentie en échange d'une contrepartie valable de sorte qu'il y aurait eu arrangement et exécution (accord and satisfaction) entre le demandeur et la défenderesse. Sous un autre angle, la question cruciale est celle de savoir si, lorsqu'il a signé l'entente, le demandeur a subi une contrainte suffisante pour que cette entente, par laquelle il a renoncé à son droit d'obtenir réparation au moyen d'un grief, constitue un marché inique.

[25]      Je conclus donc que l'action du demandeur n'est pas prescrite.

2.      L'entente conclue par la défenderesse, l'IPFP et le demandeur à la fin du mois de décembre 1984 constitue-t-elle un empêchement absolu?

[26]      Par souci de commodité, je reproduis ci-dessous de brèves stipulations de l'entente :

         [Traduction]         
         7)      L'institut professionnel de la fonction publique et M. Macdonald [le demandeur] conviennent de retirer tous les griefs en cours, y compris         
              ...         
         c)      Le grief déposé le 30 octobre 1984, relativement à l'abandon de poste du 1er octobre 1984         
              ...         
         10)      M. Macdonald convient de ne pas déposer de réclamation, de plainte ni de grief et de n'exercer aucun recours juridique relativement à une partie ou à la totalité de la durée de son emploi dans la fonction publique fédérale; il convient en outre de se désister de toute procédure judiciaire en cours à cet égard. Cette renonciation ne s'applique pas aux demandes, aux plaintes ni aux recours juridiques découlant de ses rapports futurs avec la fonction publique fédérale.         

[27]      Dans l'affaire Blackmore c. Cablenet Ltd.8, le juge Feehan a tenu les propos suivants sur la question du caractère inique :

         [Traduction] Dans Stephenson v. Hilti (Can.) Ltd., (1989), 29 C.C.L.E. 80 (C.S. N.-É. 1re inst.) ... le juge Hallett a résumé ainsi l'état du droit (à la page 87) :         
                 Une opération peut être annulée en raison de son caractère inique si la preuve établit les éléments suivants :                 
                 (1)      inégalité du pouvoir de négociation résultant de l'ignorance, de l'indigence ou de la détresse de la partie la plus faible;                 
                 (2)      utilisation de son pouvoir par la partie la plus forte afin d'obtenir un avantage;                 
                 (3)      conclusion d'une entente très injuste envers la partie la plus faible ou, selon les termes utilisés dans l'affaire Harry v. Kreutziger, d'une entente qui déroge suffisamment aux normes de moralité de la collectivité en matière commerciale pour en justifier l'annulation.                 

[28]      Plus récemment, le juge Coultas a examiné la même question sous l'angle du concept d'arrangement et exécution dans la décision Kerster v. Alkali Lake Indian Band9. Il a cité, en les approuvant, les remarques formulées par le juge Middleton de la Cour d'appel dans l'arrêt Lindsey v. Heron & Co.10, selon lequel :

         [Traduction] Les règles de droit applicables en l'espèce ont été exprimées on ne peut plus clairement dans le Corpus Juris, vol. 13, à la page 265 :         
                 Le consentement réciproque apparent des parties, essentiel à la formation d'un contrat, doit ressortir des termes qu'ils ont employés, et le droit impute à une personne l'intention qui correspond à l'interprétation raisonnable de ses paroles ou de ses actes. Il juge son intention à partir de son expression et il écarte toute question relative à son intention non exprimée. Si les paroles et les actes d'une personne, appréciés de façon raisonnable, expriment son intention de donner son accord sur un sujet, cet accord est établi et le véritable état d'esprit de cette personne sur le sujet n'a aucune importance si elle ne l'a pas exprimé.                 
                 Peu importe l'intention véritable d'une personne dont le comportement ferait croire à quelqu'un de raisonnable qu'elle a consenti aux conditions proposées par l'autre partie, si son comportement mène l'autre partie à s'engager envers elle par contrat sur la foi de cette conviction, elle est liée par le contrat au même titre que si elle avait réellement eu l'intention de donner son accord aux conditions proposées par l'autre partie...                 
                      [citation omise]                 

[29]      Après avoir observé le demandeur qui a témoigné devant moi, je ne doute aucunement de son honnêteté, de son intégrité et du fait qu'il agit en accord avec ses principes. Par ailleurs, son témoignage de vive voix et les documents qu'il a déposés devant la Cour, par l'entremise de son avocat, ont démontré que la souplesse et la capacité de composer avec des positions de principe différentes des siennes ne font pas partie de ses traits de caractère les plus marqués. Au cours de son témoignage, il a affirmé :

         [Traduction]         
         R. Eh bien, j'ai communiqué avec le sous-ministre adjoint responsable de ce secteur du ministère et avec le sous-ministre, pour protester parce qu'on m'empêchait d'exercer mes fonctions et de mettre mon expérience à profit et que cette façon d'agir de la directrice générale -- Mme Liljefors -- était abusive et contraire aux intérêts du ministère.         
         Et je pense avoir bien établi que nous devions cultiver ces marchés arabes, tout simplement parce que c'était là que l'argent se trouvait. Le fait que les Arabes soient communistes n'était absolument pas pertinent à mes yeux, parce que les exportations sont en quelque sorte apolitiques, à moins qu'il s'agisse par exemple d'envoyer des armes à vos ennemis, ou quelque chose du genre. Autrement, il aurait fallu s'appuyer sur des éléments universels et purement objectifs.         
         Mais ni le sous-ministre, ni le sous-ministre adjoint n'ont reconnu le bien-fondé de mes arguments et j'ai été congédié de nouveau.11         

[30]      Comme je l'ai déjà indiqué dans les présents motifs, je suis convaincu qu'à l'été 1984, les rapports entre le demandeur et la direction de son ministère s'étaient tellement détériorés qu'il avaient atteint un point de non-retour. Le demandeur a dit dans son témoignage que la direction l'avait averti qu'il serait congédié s'il ne démissionnait pas volontairement. Lorsqu'il a répondu qu'il n'avait pas l'intention de démissionner et qu'il ne pouvait pas être congédié sans motif valable, on l'a avisé qu'un motif valable existerait bien un jour. Je n'ai aucune raison de douter qu'un tel échange a eu lieu. Il a eu pour effet, entre autres, de confirmer hors de tout doute au demandeur que la direction du ministère, sans agir arbitrairement, saisirait assurément l'occasion de le congédier lorsqu'elle se présenterait. Dans les circonstances, il est facile d'accorder foi au témoignage du demandeur selon lequel il ressentait une tension extrême au travail et que cela l'a épuisé, dans une certaine mesure. Il a néanmoins persévéré, sans faire de compromis sur sa façon de voir les choses, jusqu'à ce qu'il prenne un congé pour cause de maladie, attestée par un certificat médical, à la fin du mois d'août 1984. Et même alors, lorsqu'il s'est représenté au travail, on lui a carrément retiré son laissez-passer de sécurité et refusé l'accès à son bureau.

[31]      Entre le 1er et le 9 octobre, le demandeur a fourni à la direction de son ministère l'occasion qu'elle attendait. D'après la preuve produite devant moi, il s'est bel et bien absenté du travail au sens de l'article 27 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, cité plus tôt dans la note 3, " ... sauf pour des raisons qui, de l'avis du sous-chef, sont indépendantes de sa volonté, ou sauf en conformité de ce qui est autorisé ou prévu par une loi du Parlement ou sous son régime ... ". Le certificat médical qui justifiait son absence était expiré. Il n'a présenté aucune preuve selon laquelle il était dans l'impossibilité d'obtenir un nouveau certificat et de le remettre à son employeur. En fait, c'est exactement ce qu'il a fait le 9 octobre, censément après avoir reçu l'avis d'abandon. Bien que je sois parvenu à la conclusion qu'il souffrait de dépression et d'épuisement pendant cette période critique, la preuve ne va pas jusqu'à démontrer que son état l'empêchait d'obtenir et de remettre à son employeur un certificat justifiant la prolongation de son congé de maladie.

[32]      La preuve établit que le demandeur, après avoir reçu l'avis d'abandon, a demandé et reçu des conseils et de l'aide quant à sa situation juridique et qu'il a eu une possibilité raisonnable d'évaluer les choix qui s'offraient à lui et de donner des instructions en conséquence. La preuve indique en outre que, peu importe son état mental - je ne dispose que du témoignage du demandeur sur cette question, et je lui accorde peu de poids - il a donné des instructions, une ébauche de contrat a été rédigée, il a eu la possibilité de l'examiner et l'IPFP lui a conseillé de la signer. Bien que le demandeur prétende maintenant que le conseil de l'IPFP servait ses propres intérêts, il a signé ce contrat sans révéler au ministère ni à l'IPFP l'élément auquel il accorde aujourd'hui une importance cruciale : c'est-à-dire qu'il agissait ainsi parce qu'il croyait pouvoir changer d'idée, s'il le voulait, parce qu'il signait le contrat sous l'effet de la contrainte.

[33]      Si j'applique le critère du caractère inique énoncé dans Blackmore et cité plus tôt, je suis persuadé qu'il y avait une inégalité du pouvoir de négociation entre le ministère et le demandeur et que cette inégalité résultait de la détresse de la partie la plus faible, savoir le demandeur. Par contre, je ne suis pas convaincu que la partie la plus forte, savoir le ministère se soit servi de son pouvoir, " sans scrupule " ou peut-être " de façon inique ", ces termes étant utilisés dans le même sens, pour obtenir un avantage. Comme je l'ai déjà précisé, la direction du ministère avait clairement indiqué qu'elle voulait que le demandeur démissionne et affirmé que leurs rapports entre employeur et employé étaient irrémédiablement compromis. Elle avait aussi indiqué clairement qu'elle ferait tout ce qui était possible sans enfreindre la loi pour congédier le demandeur s'il ne démissionnait pas. Le demandeur était averti. La preuve démontre qu'il a fait preuve d'une grande prudence, malgré sa détresse, jusqu'à ce qu'il commette son erreur " fatale ". Compte tenu de toutes les circonstances, je ne peux pas conclure que la partie la plus forte, le ministère, a agit sans scrupule ou de façon inique.

[34]      Je ne peux pas non plus conclure que l'entente signée à la fin du mois de décembre 1984 était très injuste envers la partie la plus faible, savoir le demandeur, ni qu'elle dérogeait suffisamment aux normes de la collectivité en matière commerciale ou, plus précisément en l'occurrence, à la moralité dans les rapports entre employeur et employé, pour en justifier l'annulation. Par sa propre inaction, et par l'action du ministère contre laquelle il avait été prévenu, le demandeur a perdu tous les avantages auxquels il aurait normalement eu droit en prenant sa retraite. L'entente lui a redonné droit à ces avantages. Son dossier personnel a été épuré de tout renseignement défavorable. Les périodes pendant lesquelles il a été suspendu sans paye ont été converties en périodes d'emploi normal payé, même s'il n'a pas travaillé pendant ces périodes. On lui a accordé un congé de maladie payé additionnel. Il a en outre obtenu une période de vacances payées jusqu'à sa démission à la fin du mois de décembre 1984. Le demandeur a décrit ces concessions non pas comme des concessions, mais comme la reconnaissance des droits que lui conférait la loi. Je ne suis pas de son avis.

[35]      En me reportant au critère applicable pour déterminer s'il y a eu arrangement et exécution, je suis convaincu qu'il y a eu un arrangement entre le ministère, l'IPFP et le demandeur, quel qu'ait été son état d'esprit lorsqu'il l'a signé en croisant pour ainsi dire les doigts derrière son dos. L'intention qu'il a exprimée est celle de signer l'entente. C'est ce qui est pertinent. Son intention non exprimée n'est pas pertinente. Encore une fois, selon l'extrait du Corpus Juris cité dans Kerster :

         [Traduction]      Si les paroles et les actes d'une personne, appréciés de façon raisonnable, expriment son intention de donner son accord sur un sujet, cet accord est établi et le véritable état d'esprit de cette personne sur le sujet n'a aucune importance si elle ne l'a pas exprimé.12         

Si l'on applique ce critère, il y a eu arrangement et exécution, dont les aspects positifs et négatifs s'appliquent au demandeur, lorsqu'il a signé l'entente à la fin décembre 1984.

[36]      Pour les motifs qui précèdent, je conclus que l'entente constitue un empêchement absolu à une décision favorable au demandeur.

3.      Si l'entente ne constitue pas un empêchement absolu, compte tenu des faits de l'espèce, le demandeur peut-il faire valoir devant la Cour une cause d'action raisonnable pour congédiement injuste?

[37]      Compte tenu de ma conclusion sur la deuxième question, la troisième ne se pose pas. Toutefois, au cas où ma décision serait portée en appel et où il serait jugé que ma conclusion concernant la deuxième question est erronée, j'examinerai brièvement la troisième question.

[38]      Selon l'article 24 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, le demandeur a été nommé dans la fonction publique du Canada pour une durée " indéterminée ". Lorsqu'un fonctionnaire comme le demandeur est suspendu ou congédié dans le cours de son emploi d'une durée indéterminée, ce fonctionnaire, l'occurrence le demandeur, a le droit, en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique13, de déposer un grief et de renvoyer l'affaire à l'arbitrage s'il n'est pas satisfait du résultat du processus de grief. Le demandeur pouvait exercer ces recours. En fait, il a enclenché ces processus par l'entremise de L'IPFP. Dans l'entente qu'il a signée en décembre 1984, il a renoncé à son droit de les mener à terme. En supposant que cette entente soit inexécutoire, contrairement à la conclusion à laquelle je suis parvenu, il faut maintenant se demander si le demandeur aurait le loisir de reprendre ces processus. Dans la décision Ricafort et al. c. Canada14, monsieur le juge Strayer a écrit :

         On a jugé à maintes reprises qu'en l'absence de circonstances spéciales, ce n'est pas par l'action pour renvoi injustifié que les fonctionnaires congédiés peuvent obtenir réparation ... Pourrait par exemple constituer une circonstance spéciale le fait que l'employé ait été nommé pour une période déterminée ... mais ce n'est pas ce que les demandeurs prétendent en l'espèce.         
              [les renvois ont été omis]         

Cet énoncé du droit formulé par le juge Strayer a été confirmé par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Hodson c. R.15. Compte tenu de mes conclusions antérieures, je ne conclus à l'existence d'aucune circonstance spéciale en l'espèce. S'il devait être décidé que j'ai commis une erreur en tirant ces conclusions antérieures et que l'entente du mois de décembre 1984 n'est pas exécutoire, je reconnais que l'action pourrait révéler l'existence de circonstances spéciales en raison desquelles elles échapperait à l'application du principe général énoncé dans la décision Ricafort.

4.      Faut-il tirer une conclusion défavorable à la défenderesse du fait qu'elle n'a présenté aucune preuve à l'instruction?

[39]      Cette question n'a pas été soulevée par les parties, mais par moi, à l'audience, en raison de la décision que j'ai rendue dans les affaires Apotex c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social)16 et Highwood Distillers Ltd c. La Reine17. Ces deux décisions tranchaient une demande de contrôle judiciaire à l'égard de laquelle la partie défenderesse n'avait déposé aucune preuve. J'ai laissé aux avocats le temps d'examiner ces décisions et de présenter des observations par écrit. L'avocat de la défenderesse m'a soumis des observations écrites. L'avocat du demandeur ne s'est pas prévalu de cette possibilité.

[40]      Dans les motifs que j'ai prononcés dans la décision Apotex, j'ai écrit :

         Le ministre n'a, en ce qui concerne la présente demande, présenté aucun élément de preuve qui se rapporterait à la question de savoir pourquoi, à la lumière de la jurisprudence déjà mentionnée dans les présents motifs, le registre a été expurgé en partie seulement, des brevets portant sur des procédés, et pas du tout, des brevets portant sur des intermédiaires ... Le ministre n'était évidemment nullement tenu de produire de tels éléments de preuve.         

J'ai enchaîné en citant des éléments de preuve produits devant moi, qui commandaient qu'une preuve soit présentée pour les réfuter.

[41]      Tout comme dans l'affaire Apotex, je suis convaincu en l'espèce que la défenderesse n'était nullement tenue de produire des éléments de preuve si son avocat était persuadé que le demandeur, à qui incombait le fardeau de la preuve, n'avait tout simplement pas établi le bien-fondé de sa cause. En l'espèce, aucun élément de preuve ne commande qu'une preuve soit présentée pour le réfuter, contrairement à ce qui s'est passé dans l'affaire Apotex.

[42]      J'ai la conviction que la présente affaire se distingue totalement des affaires Apotex et Highwood. En m'appuyant sur les observations que j'ai reçues de l'avocat de la défenderesse, je conclus qu'absolument rien ne me permettrait de tirer une conclusion défavorable aux défendeurs en raison de leur décision, exprimée par leur avocat, de ne produire aucun élément de preuve à l'instruction.



CONCLUSION

[43]      Compte tenu des conclusions auxquelles je suis arrivé, il n'y a lieu de prononcer aucun jugement déclaratoire en faveur du demandeur. Le demandeur n'a présenté aucune preuve relative à la question des dommages-intérêts et son avocat n'a présenté aucun argument de fond quant à son droit à des dommages-intérêts punitifs ou exemplaires. Compte tenu de mes conclusions antérieures, il n'est pas nécessaire que j'ordonne la reprise de l'audience aux fins de l'examen de ces questions et du montant de quelque forme de dommages-intérêts que ce soit. L'action du demandeur sera rejetée.

DÉPENS

[44] Le demandeur paiera à la défenderesse ses dépens relativement à l'action, si elle en fait la demande. Il n'y aura bien sûr pas d'adjudication des dépens pour ou contre l'IPFP.

     FREDERICK E. GIBSON

                                             juge

Ottawa (Ontario)

3 novembre 1998

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.


[Traduction]      APPENDICE

Entente conclue entre :

     Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre de l'Expansion industrielle régionale,
     L'Institut professionnel de la fonction publique, et

     M. I. V. Macdonald

     Il est entendu par les parties à la présente entente que le règlement a été conclu sous toutes réserves et sans admission de responsabilité. Ni le ministère de l'Expansion industrielle régionale, ni l'Institut professionnel de la fonction publique ne considéreront les conditions énoncées ci-dessous comme établissant un précédent quant aux dossiers futurs.

     Les parties conviennent en outre de ne pas publier ni divulguer à un tiers les conditions énoncées ci-dessous.

     Toutes les parties à l'entente ont convenu des conditions qui suivent :

         1)      Le ministère de l'Expansion industrielle régionale (le ministère) annulera l'avis d'abandon de poste daté du 9 octobre 1984 et M. Macdonald sera à nouveau un employé du ministère à compter du 1er octobre 1984. Le dossier de l'employé sera épuré de toute mention concernant l'abandon de poste.
         2)      Le dossier de l'employé sera épuré de tous les avis de mesures disciplinaires relativement à une partie ou à la totalité de la durée de son emploi dans la fonction publique.
         3)      Les trois suspensions imposées pour les périodes des 16 et 17 janvier, des 4, 5, 6, et 7 juin et des 8, 11, 12, 13, 14 et 15 juin (totalisant 12 jours) seront annulées et l'employé sera payé pour cette période.
         4)      Le ministère accordera un congé de maladie à M. Macdonald pour la période du 1er octobre au 2 novembre 1984.
         5)      Le ministère lui accordera des vacances payées du 5 novembre 1984 à la fermeture des bureaux le 28 décembre 1984.
         6)      M. Macdonald prend sa retraite le 29 décembre 1984, avec tous les avantages auxquels il aura droit à cette date.
         7)      L'institut professionnel de la fonction publique et M. Macdonald conviennent de retirer tous les griefs en cours, y compris :
              a)      Le grief déposé le 13 juin 1984, relativement à la suspension de quatre jours prenant effet le 4 juin 1984
              b)      Le grief déposé le 13 juin 1984, relativement à la suspension de six jours prenant effet le 8 juin 1984
              c)      Le grief déposé le 30 octobre 1984, relativement à l'abandon de poste du 1er octobre 1984
              d)      Le grief déposé le 10 octobre 1984, relativement au retrait, par le ministère, du laissez-passer de sécurité de M. Macdonald.
         8)      e)      tout autre grief déposé depuis le 10 octobre 1984 et dont le ministère n'a pas encore reçu avis.
         9)      L'Institut professionnel de la fonction publique et M. Macdonald conviennent de se désister de tous les renvois à l'arbitrage.
              M. Macdonald convient de retirer sa plainte déposée le 18 octobre 1984 en vertu de la Loi sur le Service canadien de renseignements de sécurité.
         10)      M. Macdonald convient de ne pas déposer de réclamation, de plainte ni de grief et de n'exercer aucun recours juridique relativement à une partie ou à la totalité de la durée de son emploi dans la fonction publique fédérale; il convient en outre de se désister de toute procédure judiciaire en cours à cet égard. Cette renonciation ne s'applique pas aux demandes, aux plaintes ni aux recours juridiques découlant de ses rapports futurs avec la fonction publique fédérale.
              Les stipulations de la présente entente s'appliquent dès que tous les signataires y ont apposé leur signature.


Pour le ministre de l'Expansion industrielle régionale :

" signé par le directeur général "      " 27 décembre 84 "

Directeur général                                      Date

Direction des ressources humaines

Pour l'Institut professionnel de la fonction publique :

" signé par K. Phythian "      " 20 décembre 84 "

K. Phythian

Directeur

Service des relations de travail

" signé par I. Macdonald "      " date illisible "

I. V. Macdonald

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER DU GREFFE :              T-3236-90

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Ian V. Macdonald c. Sa Majesté la Reine et l'Institut professionnel de la fonction publique

LIEU DE L'AUDIENCE :              OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :          8 septembre 1998

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE GIBSON

DATE DES MOTIFS :              3 novembre 1998

ONT COMPARU :

Me Douglas H. Christie                  POUR LE DEMANDEUR

Me J. Sanderson Graham                  POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Douglas H. Christie

Victoria (C.-B.)                      POUR LE DEMANDEUR

Me Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada          POUR LA DÉFENDERESSE

__________________

1      Dans sa version applicable aux faits de l'espèce, S.R.C. 1970, ch. P-32.

2      Comme l'indique l'exposé conjoint des faits, le demandeur a d'abord été embauché par le ministère du Commerce. Ce ministère a été remanié à au moins deux reprises pendant la durée de l'emploi du demandeur, pour devenir, premièrement, le ministère de l'Industrie et du Commerce et, deuxièmement, le ministère de l'Expansion industrielle régionale. J'utiliserai simplement le terme " le ministère " pour désigner le ministère pour lequel le demandeur a travaillé, car le changement de nom et de mandat du ministère ne me semble pas pertinent à l'issue de l'instance.

3      À l'époque pertinente, l'article 27 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique était ainsi libellé :

     27. An employee who is absent from duty for a period of one week or more, otherwise than for reasons over which, in the opinion of the deputy head, the employee has no control or otherwise than as authorized or provided for by or under the authority of an Act of Parliament, may by an appropriate instument in writing to the Commission be declared by the deputy head to have abandoned the position he occupied, and thereupon the employee ceases to be an employee.      27. Lorsqu'un employé s'absente de son poste pendant une semaine ou davantage, sauf pour des raisons qui, de l'avis du sous-chef, sont indépendantes de sa volonté, ou sauf en conformité de ce qui est autorisé ou prévu par une loi du Parlement ou sous son régime, le sous-chef peut, au moyen d'un écrit approprié adressé à la Commission, déclarer que l'employé a abandonné le poste qu'il occupait. Cet employé cesse dès lors d'être un employé.

4      S.C. 1984, ch. 21.

5      L.R.C. (1985), ch. C-50, art. 32.

6      L.R.C. (1985)m ch. F-7.

7      R.S.O. 1980, ch. 240.

8      [1995] 3 W.W.R. 305, à la page 315 (B.R. Alb.).

9      [1988] B.C.J. no 1869 (C.S. C.-B.), (Q.L.).

10      (1921), 50 O.L.R. 1, 64 D.L.R. 92 (C.A. Ont.).

11      Transcription, vol. 1, aux pages 42 et 43.

12      Précité, note 9.

13      S.R.C. 1970, ch. P-35.

14      (1988), 24 F.T.R. 200, à la page 203 (C.F. 1re inst.).

15      [1992] A.C.F. no 1004 (C.A.F.), (Q.L.).

16      [1998] A.C.F. no 1096 (C.F. 1re inst.), (Q.L.).

17      [1998] A.C.F. no 210 (C.F. 1re inst.), (Q.L.).

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