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Date : 19990308


Dossier : IMM-1681-98

Entre :

     YVACHESLAV SOROGIN

     Demandeur

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

     Défendeur

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER :

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire à l"encontre d"une décision de la Section du statut de réfugié selon laquelle le demandeur n"est pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]      Le demandeur est citoyen de Russie. Il allègue avoir une crainte bien fondée de persécution dans son pays d"origine et ce, en raison de sa nationalité tchétchène. À l"audition le tribunal a soulevé des doutes quant à l"authenticité de son certificat de naissance.

[3]      Celui-ci a donc décidé de le faire expertiser par la GRC.

[4]      Il fut convenu à l"audience que le demandeur pourrait faire des représentations relativement à cette expertise dans les dix jours de sa réception.

[5]      Une copie fut envoyée à Me Rios en date du 21 janvier 1998. Le demandeur prétend ne pas l"avoir reçue. Le résultat du laboratoire a établi que le certificat de naissance était contrefait. N"ayant pas reçu de commentaires dans le délai imparti, le tribunal a rejeté la revendication du demandeur.

[6]      Le demandeur soutient d"abord que le tribunal ne pouvait considérer cette preuve après l"audience et que compte tenu de l"arrêt Lawal1 il aurait dû réouvrir l"audience pour que cette preuve soit déposée.

[7]      En ce qui concerne la recevabilité de la preuve déposée après l'audience mais avant que ne soit rendue la décision finale du tribunal, la Cour d'appel fédérale, dans la décisionSalinas c. Canada (M.E.I.)2, indique que le tribunal est en mesure d'exercer ses fonctions, et donc de permettre le dépôt de nouvelles preuves avec la possibilité pour la partie adverse d'y répondre, jusqu'au moment où il rend sa décision :

             Nous estimons que la section du statut n"était pas non plus dessaisie de ses fonctions. Elle n"avait pas encore statué sur la revendication. Jusqu"à ce qu"elle l"ait fait, les procédures étaient toujours pendantes et il n"y avait pas encore irrévocabilité. Pour rendre sa décision, la section du statut pouvait exercer les pouvoirs qu"elle tenait de la Loi, pourvu qu"elle le fît de façon appropriée en donnant à l"intimée la possibilité de se faire entendre à la reprise de l"audience, ce qui a été fait. Il relève du mandat général de la section du statut, lorsqu"elle se prononce sur une revendication, de faire enquête sur le changement de conditions survenu dans le pays d"origine de l"intimée. On devrait lui permettre de remplir cette fonction que lui confère la Loi.             
             À notre avis, la question a déjà été implicitement tranchée pour cette Cour dans l"affaire Lawal c. Canada (Ministre de l"Emploi et de l"Immigration), [1991] 2 C.F. 404, où le juge Hugessen, J.C.A., a statué au nom de la Cour que la section du statut, après la fin d"une audience mais avant sa décision, ne pouvait examiner de nouveaux éléments de preuve outre ceux qu"il lui était loisible d"admettre d"office qu"en rouvrant l"audience, et qu"elle devait le faire3.             

[8]      La Cour d"appel fédérale a indiqué, dans l"affaire Lawal c. M.E.I., que le tribunal n"est pas habilité à recueillir des éléments de preuve si ce n"est par voie d"audience. La Cour indique que cette audience peut se dérouler hors de la présence du demandeur si celui-ci y consent.

             Le paragraphe 69.1(4) exige expressément que la section du statut tienne ses audiences en présence de l"intéressé. Il est tout à fait clair que, compte tenu de l"économie des articles 67 à 69.1 inclusivement, la Commission doit se prononcer sur les revendications du statut de réfugié seulement par voie d"audience. Dans le contexte, il doit s"agir d"une audience orale. La Commission n"est nullement habilitée à recueillir des éléments de preuve si ce n"est à une audience et, en l"absence d"une renonciation appropriée, une telle audience doit être tenue en présence de l"intéressé.4             

[9]      Hors, comme le soumet le procureur du défendeur l"alinéa 69.1(4) fut abrogé depuis l"arrêt Lawal de sorte que selon lui il serait maintenant permis d"avoir une procédure plus informelle laquelle permettrait le dépôt d"une preuve en dehors du cadre d"une audience lorsque les parties consentent à une telle procédure et lorsque les règles de justice naturelle sont respectées en permettant à l"intéressé de commenter cette preuve.

[10]      Il est certain que l"abrogation de l"alinéa 69.1(4) assouplit la règle établie par l"arrêt Lawal puisque le tribunal n"est plus obligé de tenir une audience en présence du revendicateur. Le législateur favorise donc une procédure plus souple. Dans la mesure où les règles d"équité procédurale sont respectées et que les parties y consentent, l"économie de la loi permet, à mon avis, de procéder ainsi puisque le législateur a prévu expressément que la Section du statut n"est pas liée par les règles formelles de preuve.

[11]      Bien qu"une réouverture d"audience soit toujours la procédure la plus appropriée, les circonstances peuvent être telles qu"elle serait impraticable ou qu"elle ne permettrait pas au tribunal d"agir avec célérité. J"accepte donc que l"on puisse y déroger dans la mesure où le demandeur y consent et qu"il n"en subisse aucun préjudice. Cependant, dans l"hypothèse où le demandeur s"y oppose, le tribunal devrait prévoir une réouverture d"audience.

[12]      Quant au deuxième point soulevé par Me Le Brun sur l"obligation de signifier le document à l"intéressé et à son représentant, je suis d"avis qu"il est impérieux pour le tribunal de s'assurer que le demandeur ait l'occasion de prendre connaissance de cette nouvelle preuve et d"y répondre dans le délai convenu. En ces circonstances, les principes de justice naturelle requièrent une signification autre que le simple envoi par courrier régulier.

[13]      Dans les circonstances, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. Je retourne le dossier au même panel pour permettre au revendicateur de faire ses représentations par écrit (puisqu"il a consenti à cette procédure) dans les dix jours de la signification du rapport d"expertise. Suite à la réception de ses commentaires le tribunal pourra rendre sa décision.



[14]      Aucun procureur n"a recommandé la certification d"une question.

     (Sgd.) "Daniele Tremblay-Lamer"

                                     JUGE

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

Le 8 mars 1999.

__________________

1      Lawal c. Canada (Ministre de l"Emploi et de l"Immigration), [1991] 2 C.F. 404 (C.A.F.)

2      [1992] 3 C.F. 274 (C.A.F.).

3      Ibid. à la p. 253.

4      Ibid. at 411.

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