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Date : 20010327

Dossier : T-1855-99

Référence : 2001 CFPI 250

Halifax (Nouvelle-Écosse), le 27 mars 2001

EN PRÉSENCE DU JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

N.V. SUMATRA TOBACCO TRADING COMPANY,

appelante/

demanderesse,

- et -

IMPERIAL TOBACCO LIMITED,

intimée/défenderesse.

APPEL interjeté en vertu de l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce,

L.R.C. (1985),ch. T-13, modifiée (la Loi), à l'encontre d'une décision

du registraire des marques de commerce en vertu de l'article 38 de la Loi

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

La procédure

[1]              Il s'agit d'un appel interjeté en vertu de l'article 56 de la Loi sur les marques de


commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 (la Loi) à l'encontre de la décision de l'agent de la Commission des oppositions des marques de commerce qui a présidé l'audience (le registraire), datée du 24 août 1999. Dans sa décision, le registraire a rejeté l'enregistrement de la marque de commerce HERO & Design (demande n º 773 162) produite par la N.V. Sumatra Tobacco Trading Company (Sumatra).

[2]         L'appelante cherche à obtenir une ordonnance annulant la décision, admettant la demande d'enregistrement et repoussant l'opposition.

Le contexte

[3]         Le 17 janvier 1995, Sumatra a produit une demande d'enregistrement de la marque de commerce HERO & Design. La demande était fondée sur l'emploi antérieur et l'enregistrement de la marque en Indonésie en liaison avec des cigarettes et avec un emploi projeté de la marque au Canada en liaison avec des cigarettes et des briquets. Le demande comportait une photocopie de la marque HERO & Design faisant l'objet de la demande représentant un paquet de cigarettes dont les six côtés étaient visibles.

[4]         La demande a été annoncée en vue de la procédure d'opposition dans le Journal

des marques de commerce du 20 décembre 1995. En réponse, la société Imperial Tobacco Limited (Imperial) a produit une déclaration d'opposition à l'enregistrement de la marque de Sumatra le 19 février 1996. Les motifs d'opposition étaient les suivants :


[TRADUCTION]

1.          La marque faisant l'objet de l'opposition a été annoncée dans le numéro du Journal des marques de commerce paru le 20 décembre 1995 dans les termes suivants :

773,162. 95-1-17. N.V. SUMATRA TOBACCO TRADING COMPANY, JLN. PATTIMURA NO. 3, PEMATANG SIANTAR, SUMUT, Indonesia. Representative for Service/Représentant pour Signification: SCOTT & AYLEN, 60 QUEEN STREET, OTTAWA, ONTARIO, K1P 5Y7.

The translation of the words KURANG PUAS in English means IF NOT SATISFIED and the word COBALAH in English means PLEASE TRY as provided by the applicant.

The right to the exclusive use of the words KING SIZE and 20 CLASS A CIGARETTES is disclaimed apart from the trade mark.

WARES: (1) Cigarettes. (2) Cigaretttes; cigarette lighters. Used: Indonesia on wares marked (01). Registered: Indonesia on December 13, 1983 under No. 178,166 in respect of wares marked (01). Proposed use in Canada on wares marked (02).

La traduction en anglais des mots KURANG PUAS est IF NOT SATISFIED, telle que fournie par le requérant, et la traduction en français est SI INSATISFAIT, telle que fournie par le bureau des marques de commerce et la traduction en anglais du mot COBALAH est PLEASE TRY, telle que fournie par le requérant, et la traduction en français est PRIÈRE D'ESSAYER, telle que fournie par le bureau des marques de commerce.

Le droit à l'usage exclusif des mots KING SIZE et 20 CLASS A CIGARETTES en dehors de la marque de commerce n'est pas accordé.


MARCHANDISES: (1) Cigarettes. (2) Cigarettes; briquets. Employée: Indonesie en liaison avec les marchandises mentionnées sous (01). Enregistrée: Indonesie le 13 décembre 1983 sous le No. 178 166 en liaison avec les marchandises mentionnées sous (01). Emploi Projeté au Canada en liaison avec les marchandises mentionnées sous (02).

2.          La marque de commerce alléguée qui est visée par la demande n º 773 162 n'est pas une marque de commerce. Comme le montrent les spécimens produits à l'appui de la demande d'enregistrement, la marque de commerce alléguée se compose d'une découpe qui, pliée ou assemblée, peut servir à l'emballage de cigarettes. La découpe non pliée n'est pas en elle-même une marque de commerce et ne peut être protégée en vertu de la Loi sur les marques de commerce.

3.          La marque de commerce alléguée n'a pas été employée en Indonésie, comme le prétend la demande, et la requérante n'a pas l'intention de faire usage au Canada de la marque alléguée.

4.          Compte tenu des faits qui sont allégués aux alinéas 1a), b) et c), la demande d'enregistrement de la requérante ne satisfait pas aux dispositions de l'article 30.

5.          L'opposante est propriétaire d'une série de marques de commerce qui comportent le mot HERO (parfois désignées ci-après les marques de commerce HERO). Ces marques de commerce HERO font l'objet des enregistrements suivants :


N º d'enreg.                               Date d'enreg.

LMCD11355                            26 oct. 1906

LMCD23018                            15 nov. 1917

LMCD23018                            15 nov. 1917

LMC255728                             24 févr. 1978

LMC254016                             03 déc. 1979

LMC248605                             24 févr. 1978

LMC294125                             15 juillet 1983

LMC417174                             13 août 1992

LMC220643                             31 mai 1976

LMC417460                             13 août 1992

LMC350655                             21 mars 1988

LMC277895                             27 nov. 1981

LMC277502                             01 juin 1982

LMC420712                             04 août 1992

LMC417675                             04 août 1992

LMC252506                             03 déc. 1979

Les détails de chaque enregistrement figurent à l'annexe A ci-jointe.

6.          Les marques de commerce HERO de l'opposante ont été largement employées et annoncées au Canada depuis de nombreuses années. L'emploi de ces marques se poursuit. Un achalandage très important est attaché aux marques de commerce HERO de l'opposante.


7.          L'emploi simultané des marques de commerce HERO de l'opposante et de toute marque de commerce renfermant le mot HERO en liaison avec des cigarettes et/ou des briquets, notamment de la marque de commerce alléguée qui fait l'objet de la demande d'enregistrement de la requérante, serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées ou vendues par la même personne.

8.          Compte tenu des faits qui sont allégués aux alinéas 1a), 1e), 1f) et 1g), la marque de commerce alléguée qui fait l'objet de la demande d'enregistrement de la requérante n'est pas enregistrable et la requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement. En outre, la marque de commerce de la requérante n'est pas distinctive, dans la mesure où elle ne distingue pas ou n'est pas apte à distinguer les marchandises en liaison avec lesquelles la requérante se propose d'employer cette marque au Canada des marchandises fabriquées ou vendues par l'opposante en liaison avec ses marques de commerce HERO.

[5]         Par la voie d'une contre-déclaration produite le 19 février 1996, Sumatra a nié toutes les allégations de la déclaration d'opposition d'Imperial. Les parties ont chacune déposé une plaidoirie écrite. Imperial a présenté en preuve les affidavits de Denise Johnson, Herbert McPhail, Margaret Kruszewski et Melissa J. Payne. Sumatra a présenté en preuve l'affidavit de Karen E. Thompson. Une audience s'est tenue à laquelle les deux parties étaient représentées.


La décision de la Commission des oppositions des marques de commerce

[6]         Dans une décision écrite datée du 24 août 1999, le registraire a repoussé la demande de Sumatra. Ses conclusions se résument en ces termes :

[TRADUCTION] Imperial s'est acquittée du fardeau de présentation de la preuve à l'égard des motifs fondés sur l'article 30. Le registraire a conclu que l'affidavit Kruszewski (concernant les découpes non pliées produites comme spécimens par Sumatra) indiquait que Sumatra cherchait peut-être à faire enregistrer sa marque de commerce d'une manière différente de celle qui serait ordinairement présentée au consommateur moyen des marchandises de Sumatra, lors du transfert de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce. Par conséquent, il semble que Sumatra n'avait pas l'intention d'employer la marque de la manière visée au paragraphe 4(1) de la Loi.

[7]         Sumatra ne s'est pas acquittée du fardeau de persuasion, n'ayant pas démontré que

sa demande est en conformité avec l'article 30 de la Loi. C'est en fin de compte la raison pour laquelle le registraire a repoussé la demande. S'agissant de l'article 30, le registraire déclare à la page 3 de sa décision :

[TRADUCTION] La requérante a [...] soutenu que rien dans la Loi sur les marques de commerce n'empêche sa marque de servir de marque de commerce. Il se peut qu'il en soit effectivement ainsi. Cependant, en cherchant à faire enregistrer sa marque à titre de marque de commerce projetée, la requérante, directement ou par un licencié ou encore directement et par un licencié, doit avoir l'intention d'utiliser la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises visées par la demande. En l'espèce, la preuve versée au dossier d'opposition confirme l'allégation de l'opposante que la requérante n'a peut-être pas l'intention d'employer la marque de commerce visée par la présente demande d'enregistrement et, comme on l'a signalé précédemment, cette preuve suffit pour que l'opposante se soit acquittée de son fardeau de présentation par rapport aux motifs fondés sur l'article 30. Comme la requérante n'a pas établi qu'elle entend employer sa marque de commerce de la manière dont elle est exposée dans la présente demande, elle ne s'est pas acquittée du fardeau de persuasion à l'égard des motifs fondés sur l'article 30.


[8]         Bien que le registraire ait repoussé la demande de Sumatra pour ce motif, il s'est également penché sur les allégations d'Imperial portant que la marque de Sumatra n'est pas enregistrable ni distinctive, et que Sumatra n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement dans la mesure où la marque visée par la demande crée de la confusion avec la marque d'Imperial.

[9]         Le registraire a conclu qu'il n'y a pas de risque raisonnable de confusion entre la marque de la demande d'enregistrement et la marque d'Imperial. Il a donc rejeté ces motifs d'opposition.

[10]       Les questions en litige

1.          Quelle est la norme de contrôle applicable à une décision de la Commission des oppositions?

2.          La Commission des oppositions a-t-elle commis une erreur quand elle a conclu que l'intimée ne s'était pas acquittée du fardeau de persuasion à l'égard de l'alinéa 30h) de la Loi? La Loi ne spécifie pas une forme particulière de représentation de la marque de commerce. Il n'existe pas de jurisprudence qui limite la représentation suggérée par le « dessin » de la demande d'enregistrement.


3.          La Commission des oppositions n'a pas reconnu son obligation de tenir compte de l'état du registre.

4.          La Commission des oppositions a-t-elle commis une erreur quand elle a conclu que l'appelante ne pouvait pas avoir été convaincue, conformément à l'alinéa 30i) de la Loi, de son droit à « employer » sa marque de commerce, de la manière prévue au paragraphe 4(1) de la Loi sur les marques de commerce. La Commission a commis une erreur en concluant que l'intimée s'était acquittée de la charge initiale de la preuve à l'égard de tous les faits pertinents à l'appui de son opposition fondée sur l'article 30 de la Loi.

Les observations de l'appelante/demanderesse

[11]             Dans son exposé des faits et du droit, Sumatra définit ainsi les questions en jeu :

1.          Le registraire a commis une erreur en concluant que Sumatra ne s'était pas acquittée du fardeau de persuasion relatif à l'alinéa 30h) de la Loi.


Sumatra soutient que la Loi ne spécifie aucune forme particulière de « dessin » à l'alinéa 30h) et que la seule condition requise est qu'il s'agisse d'un « dessin de la marque de commerce » . Le dessin de la marque de Sumatra, qui représente les six côtés d'un paquet de cigarettes, constitue une représentation adéquate et aussi exacte que peut l'être dans les circonstances la représentation bidimensionnelle d'un objet à trois dimensions, en particulier compte tenu du fait que les paquets de cigarettes ne sont pas immédiatement jetés. En outre, sans égard à la perspective, le dessin est par nature une forme bidimensionnelle.

Sumatra fait valoir que ses dessins répondent aux conditions applicables aux dimensions prescrites et n'incluent pas de matière qui ne fait pas partie de la marque. Comme le registraire a reproduit ce dessin au Journal des marques de commerce et n'en a pas demandé un autre, cela indique qu'il considérait le dessin de la marque de commerce comme approprié. Sumatra allègue de plus que le Règlement sur les marques de commerce (1996), DORS/96-195 (le Règlement) prévoit que certaines marques de commerce peuvent être représentées par un dessin bidimensionnel, qui n'est pas la présentation de la marque auprès des consommateurs. Sumatra donne en exemple un son qui a été enregistré comme marque de commerce et cite la règle 28 relative à l'enregistrement des couleurs.

2.          Le registraire n'a pas reconnu son obligation de tenir compte de l'état du registre.


Bien que la décision prise en regard de chaque demande d'enregistrement repose sur le bien-fondé de chacune, la Cour a noté l'importance d'assurer une cohérence dans le traitement des demandes. Sumatra dresse une liste d'exemples de marques de commerce déposées de cigarettes qui sont représentées par des « dessins » ou par des photocopies de paquets de cigarettes dépliés. Par conséquent, dans ses observations, Sumatra prétend que le registraire a toujours considéré qu'il s'agissait d'une représentation exacte de la marque de commerce au titre des exigences en matière de « dessin » de l'alinéa30h) de la Loi et qu'il ne sera pas tenu compte du registre si la décision du registraire est confirmée.

3.          Le registraire a commis une erreur en concluant que Sumatra ne pouvait pas avoir été convaincue, conformément à l'alinéa 30i) de la Loi, de son droit à « employer » sa marque de commerce.


Sumatra soutient que la loi ne prescrit pas que la marque de commerce soit employée [TRADUCTION] « comme elle serait normalement présentée au consommateur moyen des marchandises de la requérante » . La marque sera considérée comme employée si la marque de commerce effectivement utilisée n'est pas fondamentalement différente et si les variations ne sont en aucune manière de nature à induire le public en erreur ou à lui causer un préjudice. Le dessin présenté ressemble d'aussi près qu'un dessin bidimensionnel peut le faire de la représentation réelle de la marque qui serait utilisée dans la pratique normale du commerce. Sumatra fait valoir que toute variante entre le dessin et la marque en usage n'induirait pas le public en erreur ni ne lui causerait de préjudice.

Sumatra prétend qu'elle a le droit de déclarer qu'elle était persuadée qu'elle avait droit d'employer la marque au Canada en liaison avec des cigarettes comme le prévoit l'alinéa 30i). La marque a été employée dans la pratique normale du commerce sous une forme fondamentalement identique à la représentation de la demande d'enregistrement.

4.          Le registraire a commis une erreur en concluant qu'Imperial s'était acquittée de la charge initiale de la preuve à l'égard de tous les faits pertinents à l'appui de son opposition fondée sur l'article 30 de la Loi.

Sumatra affirme que, puisqu'il a été établi que la représentation satisfait aux dispositions de l'alinéa 30h), le registraire a commis une erreur en décidant qu'Imperial s'était acquittée de la charge initiale de la preuve. La preuve d'Imperial portait sur l'acceptabilité de la marque et non sur le non-usage de la marque.

Les observations de l'intimée/défenderesse


[12]       Selon Imperial, les questions soulevées sont de savoir [TRADUCTION] « si la marque qui fait l'objet de la demande est celle qui a été employée en Indonésie et dont l'usage est projeté au Canada, et si tel n'est pas le cas, si la marque dont l'enregistrement est sollicité peut être admise à l'enregistrement » .

[13]       A.         Quelle est la marque visée par la présente demande?

Imperial fait valoir qu'il y a une différence importante entre : 1) la marque employée par Sumatra en Indonésie et que la requérante projette d'employer au Canada (qui consiste en des mots et une autre matière s'appliquant à un paquet de cigarettes à six côtés à trois dimensions, comme le reconnaît maintenant Sumatra dans son mémoire) et 2) la marque qui fait l'objet de la présente demande (qui consiste en des mots et une autre matière contenue dans une forme bidimensionnelle à 20 côtés).

[14]       Imperial soutient que Sumatra n'a pas présenté un dessin de la marque de commerce ni des représentations exactes de la marque de commerce comme le prévoit l'alinéa 30h). En outre, le paragraphe 27(1) du Règlement dispose que le dessin de la marque de commerce ne doit pas inclure de matière qui ne fait pas partie de la marque de commerce.

[15]             Imperial renvoie aux affaires Novopharm Limited c. Bayer Inc. et al. (1999), 3


C.P.R. (4th) 305 et Calumet Manufacturing Ltd. c. Mennen Canada Inc. (1991), 40 C.P.R. (3d) 76, pour établir toute l'importance que revêt, aux yeux de la Cour, l'exactitude du dessin représentant la marque faisant l'objet de la demande. Imperial soutient que la demande de Sumatra ne fait aucune mention du fait que la marque faisant l'objet de la demande est autre chose que ce qui est spécifiquement illustré, ni que la marque faisant l'objet de la demande est un paquet de cigarettes, dont la forme dépliée est représentée sur le dessin.

[16]             Dans le cas où l'objet de la demande d'enregistrement est en réalité un paquet qui

est représenté sur le dessin sous forme dépliée, l'énoncé de pratique du Bureau des marques de commerce prescrit à Sumatra de l'indiquer, de présenter le contour du paquet ouvert en pointillé et d'inclure une déclaration portant que le contenant déplié ne fait pas partie de la marque. Sumatra ne l'a pas fait. Le défaut de Sumatra d'avoir fourni une représentation exacte justifie le rejet de la demande d'enregistrement.

[17]       B.          Le registraire n'est pas tenu par l'état du registre.

Imperial plaide que le registraire a l'obligation de conserver l'intégrité du registre et qu'il doit décider en fonction du bien-fondé de chaque demande. Imperial cite cinq affaires à l'appui de son affirmation. Elle fait également valoir que la présence au registre de marques représentées par des copies bidimensionnelles de paquets de cigarettes dépliées n'est pas un argument pertinent, à moins qu'il soit établi que ces marques ont fait l'objet d'une procédure d'opposition sur le même fondement que la présente opposition.


[18]       Imperial soutient qu'aucun élément de preuve n'a laissé entendre que le registraire savait que l'une ou l'autre des marques déposées antérieures alléguées à l'appui par Sumatra consistait en copies de paquets de cigarettes dépliés. Ces marques auraient donc été traitées par le registraire comme des dessins-marques ordinaires bidimensionnels à plusieurs côtés et le registraire n'aurait pas jugé qu'elles étaient représentées exactement sous la seule forme du paquet plié. En tout état de cause, Imperial renvoie à l'affaire Novopharm c.Bayer, précitée, à l'appui de sa proposition que le registraire n'est pas lié par l'existence d'une pratique antérieure (l'admission de copies bidimensionnelles de paquets de cigarettes dépliés) s'il est établi que cette pratique était erronée.

Les dispositions applicables de la Loi

[19]             Les articles pertinents de la Loi sur les marques de commerce prévoient :



« marque de commerce » Selon le cas_:

a) marque employée par une personne pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d'autres;

b) marque de certification;

c) signe distinctif;

d) marque de commerce projetée.

"trade-mark" means

(a) a mark that is used by a person for the purpose of distinguishing or so as to distinguish wares or services manufactured, sold, leased, hired or performed by him from those manufactured, sold, leased, hired or performed by others,

(b) a certification mark,

(c) a distinguishing guise, or


(d) a proposed trade-mark;


4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

4. (1) A trade-mark is deemed to be used in association with wares if, at the time of the transfer of the property in or possession of the wares, in the normal course of trade, it is marked on the wares themselves or on the packages in which they are distributed or it is in any other manner so associated with the wares that notice of the association is then given to the person to whom the property or possession is transferred.



30. Quiconque sollicite l'enregistrement d'une marque de commerce produit au bureau du registraire une demande renfermant_:

. . .

h) sauf si la demande ne vise que l'enregistrement d'un mot ou de mots non décrits en une forme spéciale, un dessin de la marque de commerce, ainsi que le nombre, qui peut être prescrit, de représentations exactes de cette marque;

i) une déclaration portant que le requérant est convaincu qu'il a droit d'employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises ou services décrits dans la demande.

30. An applicant for the registration of a trade-mark shall file with the Registrar an application containing

. . .

(h) unless the application is for the registration only of a word or words not depicted in a special form, a drawing of the trade-mark and such number of accurate representations of the trade-mark as may be prescribed; and

(i) a statement that the applicant is satisfied that he is entitled to use the trade-mark in Canada in association with the wares or services described in the application.




37. (1) Le registraire rejette une demande d'enregistrement d'une marque de commerce s'il est convaincu que, selon le cas_:

a) la demande ne satisfait pas aux exigences de l'article 30;

b) la marque de commerce n'est pas enregistrable;

c) le requérant n'est pas la personne qui a droit à l'enregistrement de la marque de commerce parce que cette marque crée de la confusion avec une autre marque de commerce en vue de l'enregistrement de laquelle une demande est pendante.

Lorsque le registraire n'est pas ainsi convaincu, il fait annoncer la demande de la manière prescrite.

37. (1) The Registrar shall refuse an application for the registration of a trade-mark if he is satisfied that

(a) the application does not conform to the requirements of section 30,

(b) the trade-mark is not registrable, or

(c) the applicant is not the person entitled to registration of the trade-mark because it is confusing with another trade-mark for the registration of which an application is pending,

and where the Registrar is not so satisfied, he shall cause the application to be advertised in the manner prescribed.


[20]             Les dispositions applicables du Règlement sur les marques de commerce prévoient :


25. Sous réserve de l'article 34 de la Loi, la date de production de la demande d'enregistrement d'une marque de commerce est la date à laquelle les pièces suivantes sont livrées au registraire:

. . .

c) un dessin de la marque de commerce, sauf s'il s'agit d'un mot ou de mots non décrits en une forme spéciale.

25. Subject to section 34 of the Act, the date of filing of an application for the registration of a trade-mark is the date on which the following are delivered to the Registrar:

. . .

(c) a drawing of the trade-mark, unless the trade-mark consists solely of a word or words not depicted in a special form.


27. (1) Lorsque le dessin d'une marque de commerce est exigé par l'alinéa 30h) de la Loi, il est en noir et blanc, mesure au plus 2 3/4 pouces sur 2 3/4 pouces ou 7 cm sur 7 cm, n'inclut pas de matière qui ne fait pas partie de la marque de commerce, et peut être sur une feuille qui satisfait aux exigences de l'article 13.

(2) Le registraire peut exiger que le requérant produise un nouveau dessin si le dessin au dossier ne se prête pas à la reproduction dans le Journal.

27. (1) Where a drawing of a trade-mark is required by paragraph 30(h) of the Act, the drawing shall be in black and white, no larger than 2 3/4 inches by 2 3/4 inches or 7 cm x 7 cm, and shall not include any matter that is not part of the trade-mark, and may be on paper that satisfies the requirements of section 13.


(2) Where the drawing of the trade-mark on file is not suitable for reproduction in the Journal, the Registrar may require an applicant to file a new drawing.

Analyse et décision

[21]             Première question soulevée

Quelle norme de contrôle est applicable à une décision de la Commission des oppositions?

La norme de contrôle applicable aux décisions du registraire a été définie par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Brasseries Molson, Société en nom collectif c. John Labatt Ltée (2000) 5 C.P.R. (4th) 180 (C.A.F.) à la page 196 :

Je pense que l'approche suivie dans les affaires Benson & Hedges et McDonald's Corp. est conforme à la conception moderne de la norme de contrôle. Même s'il y a, dans la Loi sur les marques de commerce, une disposition portant spécifiquement sur la possibilité d'un appel à la Cour fédérale, les connaissances spécialisées du registraire sont reconnues comme devant faire l'objet d'une certaine déférence. Compte tenu de l'expertise du registraire, et en l'absence de preuve supplémentaire devant la Section de première instance, je considère que les décisions du registraire qui relèvent de son champ d'expertise, qu'elles soient fondées sur les faits, sur le droit ou qu'elles résultent de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, devraient être révisées suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter. Toutefois, lorsqu'une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l'exactitude de la décision du registraire.

Les appels interjetés en vertu de l'article 56 de la Loi sont souvent désignés comme des procès de novo, mais cette désignation de l'appel n'est pas tout à fait exacte, car l'appel prévu par l'article 56 implique également une révision des conclusions du registraire.



[22]       Sumatra a présenté à la Cour le deuxième affidavit de Karen Ardis Messer,souscrit le 17 novembre 1999, et le deuxième affidavit d'Elizabeth M. Leasure. Il s'agit donc de décider si cette preuve est de nature telle « qu'elle aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire » . J'ai procédé à l'examen des deux nouveaux affidavits et j'en suis venu à la conclusion que la preuve supplémentaire n'est pas de nature telle « qu'elle aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire » . En l'espèce, il s'agit d'une décision de la Commission des oppositions. L'affidavit d'Elizabeth M. Leasure porte sur les types de marques de commerce qui sont enregistrés aux États-Unis. Il n'aurait pas pu avoir un effet sur les conclusions du membre de la Commission ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. N'oublions pas que la Commission des oppositions est régie par la loi canadienne et non par la loi américaine. Il n'a pas été établi que les exigences en matière d'enregistrement sont les mêmes aux États-Unis qu'au Canada. L'un des affidavits Messer porte sur une marque sonore, cas où le dessin servant à représenter la marque sonore enregistrée représente sur une portée les notes d'une musique qui, s'il elle était jouée, reproduirait la marque sonore. Le second affidavit Messer présente un certain nombre de marques de commerce qui ont été enregistrées accompagnées de dessins qui, selon Sumatra, sont similaires à son dessin. Aucune preuve n'a établi si ces demandes d'enregistrement avaient fait l'objet d'opposition et, le cas échéant, si l'opposition était fondée sur un motif similaire à celui de la présente opposition, soit celui de l'article 30. Par conséquent, j'estime qu'aucun des affidavits Messer ne fournit une preuve de nature telle « qu'elle aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire » parce que cette conclusion, en l'occurrence la décision du membre de la Commission des oppositions relevant de son champ d'expertise, doit être révisée suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter.

[23]             Deuxième question soulevée

La Commission des oppositions a commis une erreur quand elle a conclu que l'intimée ne s'était pas acquittée du fardeau de persuasion à l'égard de l'alinéa 30h) de la Loi. La Loi ne spécifie pas une forme particulière de représentation de la marque de commerce. Aucune jurisprudence ne limite la représentation suggérée par le « dessin » de la demande d'enregistrement.


Dans sa demande d'enregistrement de marque de commerce, Sumatra a présenté à titre de dessin exigé par l'alinéa 30h), une photocopie d'une découpe de paquet de cigarettes. Dans les demandes d'enregistrement de marques de commerce, le fardeau de persuasion incombe à la requérante, qui doit établir que sa demande d'enregistrement satisfait à l'article 30 de la Loi sur les marques de commerce, mais l'opposante doit s'acquitter du fardeau initial de preuve à l'égard des faits qui étayent son opposition au titre du motif de l'article 30 (voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al. c. Seagrams Real Estate Ltd. (1984) 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.) aux pages 329 et 330). Pour s'acquitter du fardeau de présentation au sujet d'un point donné, l'opposante doit produire une preuve admissible suffisante à partir de laquelle on puisse raisonnablement conclure à la véracité des faits allégués à l'appui de ce point (voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990) 30 C.P.R. (3d) 293 à la page 298).

[24]       Je n'estime pas que la Commission des oppositions a commis une erreur quand elle a décidé que Sumatra ne s'était pas acquittée du fardeau de persuasion à l'égard de l'alinéa 30h) de la Loi. À mon avis, le dessin en l'espèce est l'ensemble du paquet de cigarettes déplié. Tant le spécimen que la photocopie du paquet l'indiquent. Il me semble que la marque de commerce employée par Sumatra en Indonésie et dont l'usage est projeté au Canada consiste en des mots et une autre matière constituée d'un paquet de cigarettes à trois dimensions à six côtés. La marque de commerce qui fait l'objet de la demande consiste en des mots et une autre matière contenue dans une forme bidimensionnelle à 20 côtés. Dans l'affaire Calumet Manufacturing Ltd. c. Mennen Canada Inc. et dans Gillette Canada Inc. c. Mennen Canada Inc. (1991) 40 C.P.R. (3d) 76 (C.F.1re inst.), le juge MacKay a déclaré à la page 87 :


Sauf dans le cas où la marque est constituée uniquement d'un mot ou de mots non décrits en une forme spéciale, la Loi oblige à produire avec la demande d'enregistrement un dessin de la marque de commerce, ainsi que des représentations exactes de cette marque. C'est la marque ainsi illustrée dans le dessin et qui peut être reproduite grâce à un certificat d'enregistrement qui informe alors les tiers du droit de propriété que possède le propriétaire ou l'usager inscrit à l'égard de la marque de commerce et qui constitue le fondement de preuve dans une action en contrefaçon ou en radiation. Aussi utiles que des photographies et des échantillons d'une marque de commerce, y compris d'un signe distinctif, puissent être dans une demande d'enregistrement pour s'assurer que le dessin constitue une représentation raisonnable de la marque de commerce revendiquée, elles ne font pas partie, à mon avis, de la marque de commerce aux fins de l'enregistrement et pour toute autre fin visée par la Loi.

Il est important que les dessins illustrent exactement la marque de commerce car la connaissance de la marque de commerce que la requérante souhaite protéger par sa demande représente une considération importante d'intérêt public. Je conclus donc que la Commission des oppositions a rendu une décision non seulement raisonnable, mais correcte.

[25]             Troisième question soulevée

La Commission des oppositions n'a pas reconnu son obligation de tenir compte de l'état du registre.

Sumatra a fait valoir que comme il existait d'autres marques de commerce déposées pour des cigarettes qui sont représentées par des paquets de cigarettes dépliés, la photocopie de son paquet déplié aurait dû être considérée comme une représentation exacte de la marque de commerce pour l'application de l'alinéa 30h) de la Loi. Deux raisons justifient le rejet de ce motif d'appel. Premièrement, la Commission des oppositions doit rendre une décision sur chaque demande en fonction du bien-fondé de la demande et, en deuxième lieu, si des enregistrements antérieurs ont été admis par erreur ou sans qu'une opposition soit produite à l'égard du « dessin » , la Commission des oppositions n'est pas liée par l'état du registre.


[26]             Quatrième question soulevée

La Commission des oppositions a commis une erreur quand elle a conclu que l'appelante ne pouvait pas avoir été convaincue, conformément à l'alinéa 30i) de la Loi, de son droit à « employer » sa marque de commerce, de la manière prévue au paragraphe 4(1) de la Loi sur les marques de commerce. La Commission a commis une erreur en concluant que l'intimée s'était acquittée de la charge initiale de la preuve à l'égard de tous les faits pertinents à l'appui de son opposition fondée sur l'article 30 de la Loi.

Bien que l'alinéa 30i) n'ait pas été mentionné dans l'argumentation, je prends à ma charge l'argument que la marque de commerce faisant l'objet de la demande n'est pas la marque de commerce employée en Indonésie ni la marque de commerce dont l'usage est projeté au Canada. Je partage l'avis de la Commission des oppositions sur ce point. L'appelante n'a pas vendu ses cigarettes en Indonésie dans des paquets de cigarettes dépliés et elle n'a pas l'intention de vendre des cigarettes au Canada de cette manière. Les cigarettes ne seront pas vendues dans un paquet déplié. La Commission des oppositions n'a pas commis d'erreur sur ce point.

[27]             Enfin, l'appelante fait valoir que la Commission des oppositions a commis une


erreur en concluant que l'intimée s'était acquittée du fardeau initial de la preuve à l'égard de tous les faits pertinents à l'appui de son opposition, fondée sur l'article 30 de la Loi. Je ne partage pas l'avis de l'appelante. L'intimée a présenté l'affidavit de Margaret Kruszewski qui comportait une photocopie du paquet de cigarettes déplié produit comme spécimen.

[28]             Comme l'a déclaré la Commission des oppositions :

[TRADUCTION] En l'espèce, la preuve de l'opposante est suffisante pour qu'elle se soit acquittée du fardeau de présentation à l'égard des motifs de l'article 30 ...

[29]             Pour chacune des conclusions du membre de la Commission des oppositions, je

conclus qu'elle était raisonnable et même correcte.

[30]             Compte tenu des conclusions auxquelles j'arrive, je rejette l'appel.

[31]             L'intimée a droit aux dépens en appel.

ORDONNANCE

[32]             IL EST ORDONNÉ que l'appel soit rejeté.


[33]             IL EST ORDONNÉ EN OUTRE que l'intimée ait droit aux dépens.

                                                                            « John A. O'Keefe »            

                                                                                               J.C.F.C.                    

Halifax (Nouvelle-Écosse)

Le 27 mars 2001

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                T-1855-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         N.V. SUMATRA TOBACCO TRADING COMPANY

- et -

IMPERIAL TOBACCO LIMITED

                                                     

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE MARDI 21 NOVEMBRE 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DU JUGE O'KEEFE

EN DATE DU :         27 MARS 2001

ONT COMPARU :

M. Gordon J. Zimmerman

POUR LA REQUÉRANTE

M. Glen Tremblay et M. Kohji Suzuki

POUR L'INTIMÉE

AVOCATS AU DOSSIER :

Borden Ladner Gervais LLP

Scotia Plaza 40 King St. W.

Toronto (Ontario) M5H 3Y4

POUR LA REQUÉRANTE

Smart & Biggar

900-55, rue Metcalfe

B.P 2999, Succ. D

Ottawa (Ontario) K1P 5Y6

POUR L'INTIMÉE


                                               

                   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

              SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Date : 20010327

Dossier : T-1855-99

Référence neutre : 2001 CFPI 250

ENTRE :

N.V. SUMATRA TOBACCO TRADING COMPANY

demanderesse

- et -

IMPERIAL TOBACCO LIMITED

défenderesse

                                                                                                                                              

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                                                                                                                

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