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Date : 19980804


Dossier : T-111-98


ACTION RÉELLE CONTRE LE NAVIRE DÉFENDEUR " ATLANTIS TWO "

ENTRE


FRASER SHIPYARD AND INDUSTRIAL CENTRE LTD.,


demanderesse,


et


EXPEDIENT MARITIME COMPANY LIMITED,

EXPEDIENT MARITIME CO. (CYPRESS) LTD.,

INTERNATIONAL COFFEE AND FERTILIZER TRADING

CO. (INCOFE), MERMAID SHIPPING CO. LTD. et

les propriétaires et les autres personnes ayant un droit sur le navire

" ATLANTIS TWO ",


défendeurs,


et


LES OFFICIERS ET L"ÉQUIPAGE DU NAVIRE

" ATLANTIS TWO ",


intervenants,


et


LE REGISTRE DE LA LLOYD,


intervenant.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE JOHN A. HARGRAVE

[1]      Le 27 mai 1998, j"ai ordonné que l"Atlantis Two, qui avait été abandonné par ses propriétaires, soit mis en vente pendant le litige. La vente n"a pas encore eu lieu. Les présents motifs découlent d"une requête que le Registre de la Lloyd (la Lloyd) a présentée en vue d"obtenir immédiatement un rang prioritaire à l"égard du compte de services de classification de l"Atlantis Two. Après avoir entendu la requête, j"ai reporté ma décision pour la fin de semaine, mais j"ai fait savoir aux avocats qu"ils pouvaient songer à en arriver eux-mêmes à un règlement. L"ordonnance que j"ai rendue le 28 juillet 1998 est fondée sur ce règlement, mais certains points soulevés dans les plaidoyers qui ont donné lieu à l"ordonnance doivent être enregistrés et examinés.

LES FAITS

[2]      L"Atlantis Two doit "21 797,66 à l"un de ses créanciers, la Lloyd, pour les visites et la classification qui ont été effectuées en 1997 et en 1998. De fait, la dernière visite du navire par un visiteur de la Lloyd, qui a apparemment été effectuée à la demande des agents de Londres des propriétaires, a eu lieu après que l"ordonnance de vente eut été rendue.

[3]      La Lloyd, qui agit comme intervenante dans cette requête, a déclaré qu"elle ne fournirait pas d"autres services de classification ou de certification et qu"elle ne mettrait pas ses dossiers à la disposition des acheteurs éventuels à moins que sa réclamation, qui est fondée sur un simple droit réel prévu par la loi, ne se voie accorder la préférence au titre des frais de vente du shérif, prenant rang avant toutes les autres réclamations, y compris les salaires de l"équipage et les demandes relatives au rapatriement.

EXAMEN

[4]      La Lloyd a cité la décision rendue par Monsieur le juge Sheen dans l"affaire Honshu Gloria , [1986] 2 Lloyd"s 63, à l"appui de sa thèse. Toutefois, la décision Honshu Gloria est fondée sur la pratique anglaise actuelle; je reviendrai sur ce point ci-dessous. Il est plus approprié de se fonder au départ sur la décision Parita, [1964] 1 Lloyd"s 199, rendue par Monsieur le juge Hewson.

[5]      Le Parita était un petit navire alimenté au charbon construit en 1920 qui, deux ans plus tôt, en 1962, avait passé la visite spéciale de Bureau Veritas, mais qui était inscrit à titre de navire non classifié parce que les propriétaires n"avaient pas payé les "150 nécessaires pour qu"un certificat de classification soit délivré. Par conséquent, le Parita n"avait qu"une valeur de rebut. Toutefois, le prévôt avait obtenu des conseils et avait informé la Cour que la valeur du navire pourrait augmenter d"environ 20 p. 100, en sus de la valeur de rebut, s"il était de nouveau classifié. La Cour a fait remarquer que le montant demandé par Bureau Veritas était minime et que même une augmentation nominale de la valeur du navire par suite de la classification permettrait à certains pourvoyeurs d"approvisionnements nécessaires de rentrer dans leurs frais alors qu"autrement il leur serait impossible de le faire. Voici ce que Monsieur le juge Hewson a dit :

     [TRADUCTION]         
     Cette cour existe au profit de la marine marchande et si une partie décide de lui demander de l"aide, elle fera son possible pour l"aider. [Page 202]         

Par conséquent, pour permettre aux parties d"augmenter les fonds disponibles, la Cour a ordonné non seulement que le Parita soit évalué et vendu, mais elle a aussi demandé au prévôt de payer les frais qui étaient dus à Bureau Veritas de façon que le navire puisse être de nouveau classifié, le prévôt devant attendre une semaine avant de prendre des mesures en vue de payer Bureau Veritas, afin de donner aux parties intéressées le temps de se présenter et de s"opposer au paiement, qui constituerait une première charge.

[6]      De temps en temps, les tribunaux autorisent des dépenses en vue de protéger les intérêts non seulement des réclamants, mais aussi des propriétaires : voir par exemple The Westport (No. 2), [1965] 1 Lloyd"s 549, dans lequel Monsieur le juge Hewson a dit ceci :

     [TRADUCTION]         
     La Cour doit faire son possible pour protéger les intérêts de tous les réclamants ainsi que ceux des propriétaires du navire; je retiens l"avis des agents et je fais droit à la demande des demandeurs, le prévôt devant faire en sorte que la pompe d"alimentation soit réparée et que la visite nécessaire soit effectuée sans délai. [Pages 549-550]         

Il est intéressant de noter que, dans l"affaire Westport , les demandeurs étaient représentés par M. Barry Sheen, qui a par la suite été nommé juge, et qui a présidé dans l"affaire Honshu Gloria .

[7]      Dans la décision Honshu Gloria, Monsieur le juge Sheen a donné des précisions au sujet du principe de la protection des intérêts, dont il avait été question dans la décision Westport, en soulignant que toute dépense doit comporter un avantage net, mais pas nécessairement pour toutes les parties (page 66). Monsieur le juge Sheen, que le montant de la réclamation faite par Bureau Veritas préoccupait, a parlé de la pratique habituelle selon laquelle on attendait que le navire soit vendu pour payer les frais de visite et de classification, mais il a confirmé la décision du prévôt de payer les frais de la société de classification. Cependant, il est encore plus important de noter les remarques qu"il a faites au sujet de l"entente que le prévôt avait conclue avec les principales sociétés de classification : si une société conservait la classification d"un navire, et si ses dossiers pouvaient être inspectés, le prévôt envisagerait de présenter une demande à la Cour en vue du paiement des frais qui étaient dus, à l"aide du produit de la vente, au titre des frais du prévôt. Toutefois, [TRADUCTION] " [...] le prévôt n"essaie pas de conclure une entente avec Bureau Veritas ou avec une autre société de classification ". (page 65)

[8]      Monsieur le juge Sheen a ensuite souligné la raison pour laquelle le prévôt présentait habituellement sa demande à un moment précis conformément à cette entente :

     [TRADUCTION]         
     Cependant, en pratique, il existe de bonnes raisons pour le prévôt de présenter la demande une fois que la vente a été conclue le cas échéant. En premier lieu, si le prix obtenu au moment de la vente n"excède pas la valeur de rebut du navire, il n"aurait servi à rien de conserver la classification du navire et de produire les dossiers de la société de classification. Il serait malheureux qu"une petite somme s"amenuise encore plus au détriment de certains créanciers. En vertu de la présente entente, les sociétés de classification reconnaissent la chose. En second lieu, si une demande doit être présentée à la Cour en vue du paiement des frais qui sont dus avant que le navire soit vendu, la vente sera retardée pour une longue période, et ce, à grands frais. Si le prévôt ne peut pas verser à Bureau Veritas le montant qui lui est dû à l"égard des services fournis au Honshu Gloria , je ne doute pas que dans l"avenir les sociétés de classification exigent le paiement de leurs frais avant de produire leurs dossiers. Ou encore, elles excluront le navire de la classification. Dans le cas d"un navire comme le Honshu Gloria , il en coûterait plus de "22 000 aux acheteurs pour obtenir de nouveau la classification. Si une société de classification devait exiger le paiement des frais qui lui sont dus avant que les dossiers soient mis à la disposition de l"acheteur éventuel pour qu"il puisse les examiner, il y aurait probablement un retard d"environ trois semaines avant que la navire puisse être mis en vente. (loc. cit. ).         

En d"autres termes, il ne servirait à rien de payer une société de classification à un stade peu avancé de l"affaire si le navire ne rapportait que sa valeur de rebut; deuxièmement, débattre la question du rang prioritaire et des paiements avant que la vente soit conclue aurait pour effet de retarder la vente pour une longue période.

[9]      En l"espèce, la valeur que le shérif intérimaire, M. Bernard Jones, a attribuée à l"Atlantis Two, qui est loin d"être un nouveau navire et qui a besoin d"énormément de réparations, n"est pas encore connue du public. Il y a aussi le facteur " retard " que le shérif intérimaire a porté à l"attention de la Cour. Cela nous amène à la position qu"il a avancée.

[10]      M. Jones a reçu une télécopie de la Lloyd, qui refusait apparemment de communiquer les dossiers du navire aux acheteurs éventuels, à moins que son compte ne soit payé. Voici en partie ce que M. Jones a écrit :

     [TRADUCTION]         
     [...] pas en mesure d"approuver les frais qui vous sont dus à titre de frais administratifs. Vous devriez communiquer avec la Cour fédérale du Canada à cet égard.         
     J"agis principalement à titre d"agent lorsqu"il s"agit d"organiser cette vente et je ne possède pas les connaissances juridiques nécessaires pour examiner cette affaire.         
     Toutefois, j"aimerais faire remarquer qu"il pourrait être dangereux de tenter de retarder ou d"empêcher cette vente en refusant de communiquer les documents relatifs au navire aux acheteurs éventuels.         
     Si votre réclamation est fondée en droit, elle sera reconnue par la Cour et il y sera fait droit; dans la négative, vous devrez vous joindre aux autres créanciers selon l"ordre de priorité.         
     Le produit de la vente sera versé à la Cour, qui examinera à ce moment-là les réclamations des créanciers.         

Cette position est appropriée étant donné que, comme on l"a souligné dans la décision Honshu Gloria , supra, il n"appartient pas au shérif intérimaire de conclure une entente avec la Lloyd.

[11]      Dans le rapport qu"il a présenté à la Cour, M. Jones a parlé de l"avis qu"il avait reçu des représentants locaux de la Lloyd, à savoir que la Lloyd ne communiquerait pas les documents à moins qu"il ne soit prêt à considérer le compte comme se rapportant à des frais administratifs du shérif. M. Jones a fait remarquer que la Lloyd avait attendu un certain temps pour prendre cette position et il croyait qu"elle tentait d"exercer des pressions. Il ajoute ceci, dans son rapport du 17 juillet :

     [TRADUCTION]         
     Si, de fait, leur réclamation est fondée, la Cour le confirmera dans sa décision et ils auront atteint leur objectif. Le fait qu"ils ne sont pas prêts à permettre aux acheteurs éventuels de consulter les documents relatifs à la classification du navire, ce qui constitue un élément essentiel des enquêtes que tout acheteur fait avant de présenter une soumission, ne sert à rien en pratique si ce n"est que cela met gravement en danger tout le processus de vente qui jusqu"ici a pris plus de six semaines et a coûté plusieurs milliers de dollars. À mon avis, en ma qualité d"agent ayant plus de 20 ans d"expérience et ayant conclu plusieurs ventes tant au Canada qu"à l"étranger, je crois que la Cour devrait ordonner au Registre de la Lloyd de communiquer immédiatement les documents relatifs à la classification du navire aux acheteurs éventuels et que s"ils devaient continuer à tenter de faire échouer le processus de vente, toute perte ou conséquence en résultant devrait leur être imputée.         
     Enfin, je tiens à faire remarquer certaines observations qui ont été faites dans l"action de la Lloyd, à savoir que la valeur du navire augmentera si l"examen des documents relatifs à la classification est autorisé. Je crois qu"il serait plus exact de dire que si les documents n"étaient pas communiqués, le processus de vente échouera probablement au complet; or, si un autre processus de vente devait avoir lieu, tout retard pourrait influer énormément sur la valeur du navire.         

[12]      Dans une certaine mesure, je comprends le point de vue de M. Jones, en particulier en ce qui concerne le fait que la Lloyd a tardé à agir et a attendu environ deux mois pour faire connaître sa position et en ce qui concerne le danger que présente la politique que la Lloyd cherche à adopter. Toutefois, la Cour n"ordonnera pas à la Lloyd, comme l"a proposé M. Jones, de permettre l"accès de ses dossiers à ce stade, non en tant que mesure procédurale mais à une fin commerciale accessoire : voir l"examen qui a été effectué sur ce point dans le jugement Sa Majesté la Reine c. ICHI Canada Ltd. [1992] 1 C.F. 571 (1re inst.). À l"audition de cette requête, on a soutenu que la Cour devrait ordonner à la Lloyd de produire les documents relatifs à la classification en vertu du paragraphe 233(1) des Règles , qui porte sur la production de documents par une personne qui n"est pas partie à une action. Il s"agit en pareil cas de savoir si cela a quelque chose à voir avec une question en litige dans l"instance : voir par exemple The Marina Di Alimuri , décision inédite du 25 novembre 1994 de Monsieur le juge Nadon, dans l"action T-067-88. Dans ce cas-ci, les documents relatifs à la classification de la Lloyd se rapportent à la vente du navire et peuvent bien devenir pertinents lorsqu"il s"agira d"apprécier les réclamations qui sont faites à l"égard du produit éventuel de la vente, mais en ce moment les documents n"ont rien à voir avec le litige qui oppose la demanderesse, en sa qualité de pourvoyeur d"approvisionnements nécessaires, et les défendeurs qui ont un droit sur le navire Atlantis Two . Le fait que la Lloyd agit maintenant à titre d"intervenante ne nous aide pas particulièrement, car elle n"est pas pour autant partie à l"action et, même si elle l"était, au sens strict, les documents relatifs à la classification n"ont pas été remis en question dans l"action dans son ensemble. En outre, en exigeant la production des documents relatifs à la classification à ce stade, on ne tient pas compte du fait que la Lloyd pourrait bien annuler complètement la classification du navire, ce qui n"aiderait personne. En conclusion, sur ce point, la Lloyd a le droit d"exiger le plein paiement1, peu importe l"effet que cette position pourrait avoir sur les autres intéressés.

[13]      Quel avantage y aurait-il à permettre l"accès des dossiers de la Lloyd dans ce cas-ci? M. Langam, directeur, Contrôle du crédit, à la Lloyd, qui a laissé les propriétaires d"Atlantis Two s"endetter pour un montant élevé au cours de la dernière année et qui a attendu environ deux mois après que l"ordonnance de vente eut été rendue pour prendre la position que la Lloyd adopte maintenant, dit simplement ceci :

     [TRADUCTION]         
     J"ai tous les motifs de croire que si le navire était mis en vente en bénéficiant d"une classification et si les acheteurs éventuels pouvaient consulter les dossiers de classification, cela aurait pour effet d"augmenter de beaucoup la valeur du navire aux fins de la vente et constituerait un avantage pour les créanciers.         

Cela est plutôt imprécis, en ce sens en particulier que les dossiers de classification sont habituellement mis à la disposition des tribunaux, ou qu"on leur en révèle le contenu, de façon que la décision d"accorder la priorité parce que les dossiers ont été produits est une décision réfléchie. La Lloyd n"était même pas prête à faire savoir si l"Atlantis Two était encore classifié.

[14]      Par contre, le shérif intérimaire Bernard Jones a été plus réaliste dans son évaluation, car un navire non classifié engendre de la part des acheteurs éventuels non seulement la crainte de l"inconnu mais aussi le spectre des dépenses d"un montant incertain, qui pourraient être nécessaires pour mettre les choses en ordre; or, les assureurs savent fort bien qu"il est fort difficile d"assurer un navire non classifié. Comme Monsieur Jones le dit dans son rapport à la Cour, que j"ai cité ci-dessus, toute vente possible de l"Atlantis Two, sans que les dossiers de classification soient communiqués pour examen, échouera totalement. En outre, M. Jones est d"avis que tout retard pourrait influer sur la valeur du navire. Dans ce cas-ci, je m"attends à ce que M. Jones songe non seulement à l"âge du navire et à son mauvais état, mais aussi au fait que tout acheteur hésiterait à acheter un navire chargé de potasse devant être transportée au Guatemala et à Costa Rica sans connaître son état, ou même sans savoir si le navire peut être autorisé à effectuer le voyage nécessaire pour livrer la cargaison.

[15]      Les avocats des intéressés, en particulier ceux qui représentent les personnes qui ont un droit réel, ont vigoureusement exprimé leur avis au sujet de ce fait que la Lloyd essayait de faire. Cela était tout à fait compréhensible, car la Lloyd voulait se voir accorder un rang prioritaire sans montrer son jeu. De fait, les avocats ont cité le jugement Metaxas c. Le Galaxias [1989] 1 C.F. 286 (1re inst.), dans lequel la Cour a parlé des mesures prises par le gouvernement grec lorsqu"il avait refusé de délivrer un certificat de radiation afin d"obtenir un rang prioritaire, comme " équiva[lant] à un chantage " (page 426), le gouvernement ayant demandé à la Cour de se prononcer sur le fond de sa réclamation en menaçant de nuire à l"acheteur du navire si la Cour ne reconnaissait pas la réclamation telle qu"elle était faite. Toutefois, en fait, le shérif intérimaire et la Cour étaient aux prises avec un navire qui n"était peut-être pas vendable si les dossiers de la Lloyd ne pouvaient pas être examinés, soit une situation qui a permis à la Lloyd d"exercer fort tardivement énormément de pressions sur le shérif intérimaire et sur la Cour afin d"avoir priorité sur les autres créanciers de même rang.

[16]      Il est malheureux que la Lloyd ait laissé les frais impayés s"accumuler jusqu"à un montant de "21 797,66. Les remarques que Monsieur le juge Sheen a faites dans le jugement Honshu Gloria sont appropriées, étant donné que les frais de visite, dans cette affaire, étaient aussi élevés :

     [TRADUCTION]         
     Il est rare que les frais qui sont dus aux sociétés de classification soient aussi élevés qu"ils le sont dans ce cas-ci. C"est peut-être la raison pour laquelle la pratique suivie par le prévôt n"a jamais jusqu"à maintenant été contestée. Il est possible de dire que si le prévôt cherche à faire approuver le paiement des frais dus à une société de classification dans un cas, il devrait le faire dans tous les cas. Il ne peut exister aucune distinction logique. Toutefois, les sociétés de classification admettent que dans certains cas, elles ne seront pas payées. Ce sont les créanciers de l"armateur qui en profitent. Je considère la pratique actuelle comme sensée et efficace. C"est également une pratique qui est avantageuse pour tous ceux qui s"adressent à cette cour en vue de recouvrer les sommes que l"armateur leur doit. [page 66]         

En d"autres termes, la pratique du prévôt, lorsqu"il recommande le paiement des frais d"une société de classification au moment de la conclusion d"une vente, est sensée et efficace. La société de classification admet ainsi que dans certains cas elle ne sera pas payée, mais que dans d"autres cas elle sera payée au complet avant les autres créanciers. Toutefois, cette concession est également avantageuse pour les créanciers du navire, car il se peut qu"une somme plus élevée soit mise à leur disposition lorsqu"il s"agira de recouvrer les montants qui leur sont dus. Il est malheureux que la Lloyd n"ait pas initialement été prête à se fonder sur la pratique établie et qu"elle n"ait pas avancé sa position devant la Cour une fois la vente conclue, comme il aurait convenu qu"elle le fasse.

CONCLUSION

[17]      Accorder la priorité dans les circonstances de l"espèce aurait non seulement été prématuré, mais aussi inapproprié, et ce, compte tenu du fait en particulier que la Lloyd s"est adressée à la Cour en vue de recouvrer une dette en se fondant sur le processus suivi par cette dernière, mais que son attitude n"était pas irréprochable puisqu"elle était prête à faire échouer la vente complètement.

[18]      La Lloyd s"est rétractée et a décidé qu"il serait préférable de traiter les ventes ordonnées par la Cour ici au Canada de la même façon qu"à Londres, mais cela a eu pour effet de retarder la vente, d"augmenter les frais de gestion et d"obliger ensuite le shérif intérimaire à demander la prorogation du délai de vente.

[19]      Je remercie les avocats qui ont présenté des observations intéressantes et pleines de verve et qui en sont arrivés à un règlement sensé par lequel la Lloyd a permis l"accès des documents relatifs à la classification aux acheteurs éventuels aux mêmes conditions que celles qui s"appliqueraient aux autres ventes judiciaires, tout en réservant son droit de demander à avoir priorité à l"égard de ses frais, à titre de frais du shérif, conformément au protocole décrit dans la décision Honshu Gloria .


(Sign.) " John A. Hargrave "

Juge

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 4 août 1998

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DATE DE L"AUDIENCE :          le 23 juillet 1998
No DU GREFFE : :              T-111-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Fraser River Shipyard and Industrial Centre Ltd. et al.
                     c.
                     le navire " Atlantis Two " et al.
LIEU DE L"AUDIENCE :          Vancouver (C.-B.)

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DU PROTONOTAIRE JOHN A. HARGRAVE EN DATE DU 4 AOÛT 1998

ONT COMPARU :

Christopher Giaschi              pour la demanderesse

Douglas Morrison              pour INCOFE, défenderesse

James Hall                  pour le registre de la Lloyd, intervenant

Sam Black                  pour les officiers et l"équipage du navire " Atlantis Two ", intervenants
Douglas Schmitt              pour ABN-AMRO Bank M.V., opposante et créancière hypothécaire
J.D. Buchan                  pour Mermaid Shipping Co. Ltd., défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Christopher Giaschi          pour la demanderesse

Giaschi & Margolis

Douglas Morrison          pour INCOFE, défenderesse

Bull, Housser

James Hall              pour le registre de la Lloyd, intervenant

Owen, Bird

Sam Black              pour les officiers et l"équipage du navire " Atlantis Two ",

McGrady Baugh Whyte      intervenants
Douglas Schmitt          pour ABN-AMRO Bank M.V., opposante et créancière
McEwen, Schmitt & Co.      hypothécaire
J.D. Buchan              pour Mermaid Shipping Co. Ltd., défenderesse

Avocat

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1      Voir Honshu Gloria , supra, page 66, colonne 2.

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