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                                                                                                                                 Date : 19990824

                                                                                                                           Dossier : T-1103-98

                                  OTTAWA (ONTARIO), LE MARDI 24 AOÛT 1999

                            EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

ENTRE :

                                                  KATHLEEN HELEN WALKER,

                        demanderesse,

                                                                          - et -

                                             JOHN CHRISTOPHER RANDALL, et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

                                                                                                                                         défendeurs,

                       

                                                                           -et-   

                    COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE,

intervenante.

                                                                ORDONNANCE

            Pour les motifs que j'ai énoncés dans les Motifs de l'ordonnance, la demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens en faveur des défendeurs.

                                                                                                « Max M. Teitelbaum »

                                                                                                                                             

                                                                                                            J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Kathleen Larochelle, LL.B.


                                                                                                                                 Date : 19990824

                                                                                                                           Dossier : T-1103-98

ENTRE :

                                                  KATHLEEN HELEN WALKER,

            demanderesse,

                                                                          - et -

                                             JOHN CHRISTOPHER RANDALL, et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

            défendeurs,                                                                                                                                         

                                                                           -et-   

                    COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE,

intervenante.

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

[1]         Le 29 mai 1998, la demanderesse, Kathleen Helen Walker, a déposé un avis de demande de contrôle judiciaire au greffe de la Cour fédérale conformément à l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale concernant une décision rendue le ou vers le 20 avril 1998 par la Commission canadienne des droits de la personne (ci-après la CCDP) rejetant la plainte de harcèlement sexuel et de discrimination déposée contre John Christopher Randall et le ministère fédéral de la Justice.


[2]         La demanderesse affirme dans sa demande de contrôle judiciaire que :

[TRADUCTION] [l]a demanderesse présente une demande à la Cour afin que la décision de la Commission canadienne des droits de la personne rejetant sa plainte soit déclarée invalide ou illicite, qu'elle soit annulée et que sa plainte soit renvoyée devant un tribunal dûment désigné et que le tribunal examine la plainte et donne à toutes les parties une véritable possibilité, en personne ou par l'intermédiaire de leur avocat, de comparaître devant le tribunal, de présenter des éléments de preuve et des observations s'y rapportant.

[3]         Les motifs ayant mené au dépôt de la présente demande et apparaissant à la demande de contrôle judiciaire sont les suivants :

                                                [TRADUCTION]

1.La Commission canadienne des droits de la personne a agi sans compétence, a outrepassé sa compétence, ou a refusé d'exercer sa compétence en refusant de procéder à une enquête consciencieuse de la plainte en temps utile :

a)La demanderesse n'a jamais rencontré un enquêteur ou n'a jamais été interrogée officiellement par un enquêteur (il y en a eu trois, deux situés à Ottawa (Ontario) et un à Vancouver (Colombie-Britannique)).

b)La Commission canadienne des droits de la personne a fermé son bureau de Colombie-Britannique en juillet 1995 et la demanderesse a été contrainte de poursuivre les démarches concernant sa plainte au bureau d'Ottawa à ses propres frais. Un enquêteur a fini par être nommé en Colombie-Britannique parce qu'elle a insisté, mais l'enquête a été réassignée et renvoyée à Ottawa.

2.La Commission canadienne des droits de la personne a violé les droits de la demanderesse prévus au paragraphe 6(2) de la Charte canadienne des droits et libertés en ce qu'elle n'a pas nommé d'enquêteur ou n'a pas gardé de bureau dans la province de la Colombie-Britannique. Le défendeur procureur général du Canada et son avocat sont à Ottawa et conséquemment le défendeur procureur général a un accès aux bureaux de la Commission canadienne des droits de la personne que la demanderesse n'a pas.

3.La Commission canadienne des droits de la personne a fait défaut de se conformer à un principe de justice naturelle en ce que ses enquêteurs ont rencontré des témoins en entrevue et se sont fiés sur la preuve que ces derniers ont déposée, sans dévoiler leur identité à la demanderesse, ce qui aurait permis à la demanderesse de répondre à la preuve et de la soumettre à un contre-interrogatoire.

4.La Commission canadienne des droits de la personne a commis une erreur de droit en décidant que le témoignage de témoins oculaires était nécessaire pour que l'on puisse conclure au harcèlement sexuel, une position ne pouvant s'appuyer sur la Loi sur la preuve au Canada, sur la jurisprudence ou sur quelque autre fondement.

5.La décision ou ordonnance de la Commission canadienne des droits de la personne est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont la Commission disposait; notamment, la conclusion selon laquelle il n'y avait pas de témoins oculaires du harcèlement sexuel :

a)Le défendeur, John Christopher Randall, ne nie pas que le plus grave incident en cause s'est produit, conséquemment il est un témoin. La demanderesse est également un témoin. Exiger d'autres témoins de pareille conduite est manifestement déraisonnable.

b)De plus, la Commission canadienne des droits de la personne a omis de tenir compte, comme elle aurait dû le faire, de l'enquête que la Commission de la fonction publique avait effectuée antérieurement relativement à la même plainte. La Commission de la fonction publique avait conclu que la demanderesse avait été victime d'une conduite offensante et prohibée et que les représentants du ministère de la Justice avaient omis d'agir de façon à la protéger tel que le prévoit la politique.

6.En ce qui concerne la plainte de harcèlement sexuel et en ce qui concerne la demanderesse, la Commission canadienne des droits de la personne s'est basée sur de faux éléments de preuve déposés par des témoins n'ayant pas été identifiés.

[4]         La décision de la CCDP du 20 avril 1998 a été rendue sous le régime de la Loi canadienne sur les droits de la personne (ci-après la Loi), l'alinéa 44(3)b)(i) prévoyant que la Commission doit rejeter une plainte si elle est convaincue, compte tenu des circonstances, qu'un examen n'est pas justifié.

Les faits

[5]         La demanderesse est avocate et pratique le droit dans la province de la Colombie-Britannique. Elle a reçu son diplôme de la faculté de droit le 28 mai 1991. Elle a commencé ses stages au ministère de la Justice du Canada le 13 mai 1991. Dans l'affidavit de la demanderesse daté du 26 juin 1998, comprenant 128 paragraphes, dont la majorité ne sont pas pertinents quant à la présente demande de contrôle judiciaire, elle affirme qu'après avoir terminé son cours de formation professionnelle en droit, elle a commencé son stage en droit criminel, le 22 juillet 1991, au « bureau de la rue Main » à Vancouver. La demanderesse affirme que le 16 août 1991, vers 17 h [TRADUCTION] « tous les procureurs du bureau de la rue Main se sont rendus à une rencontre à caractère social après le travail. » La demanderesse était du nombre des personnes présentes à la « rencontre à caractère social après le travail » . À 18 h 30, la demanderesse affirme qu'elle voulait se rendre chez elle et que M. Randall lui a offert de la reconduire. Elle affirme, dans son affidavit, qu'elle a décliné son offre [TRADUCTION] « à plusieurs reprises » mais [TRADUCTION] « n'a pu trouver de prétexte pour ne pas accepter d'être reconduite par M. Randall » .

[6]         Alors qu'ils étaient en route, la demanderesse affirme que M. Randall [TRADUCTION] « a saisi ma main gauche, l'a tenue sur sa cuisse, et a commencé à la caresser et à passer ma main sur sa cuisse d'une façon sexuelle » . La demanderesse affirme également que quand le véhicule de M. Randall s'est engagé devant sa maison de ville, elle a alors tenté de sauter hors du véhicule avant qu'il ne se soit complètement immobilisé. Elle affirme [TRADUCTION] « [i]l a continué à serrer ma main gauche et a dit " embrasse-moi " sur un ton étrange, autoritaire comme s'il s'agissait là d'un ordre » .

Les plaintes à la CCDP

[7]         Le 30 janvier 1996, quelque quatre ans et demi après l'incident du 16 août 1991, la demanderesse a officiellement déposé deux plaintes devant la Commission. Dans sa première plainte, elle affirme que M. Randall a commis un acte discriminatoire contre elle au cours de son emploi en se livrant à du harcèlement sexuel, ce qui est interdit par l'article 14 de la Loi. La demanderesse affirme qu'au cours de l'été 1991, en tant que stagiaire au bureau de la Couronne fédérale, elle a fait l'objet d'attentions inconvenantes et importunes de la part de M. Randall. Elle a également allégué que le 16 août 1991, M. Randall avait insisté pour la reconduire chez elle et avait tenté de l'embrasser[1].

[8]         Dans une deuxième plainte, la demanderesse affirme que le ministère de la Justice s'adonnait à une pratique discriminatoire puisqu'il ne lui fournissait pas un milieu de travail exempt de harcèlement sexuel et refusait de continuer à l'employer, par dérogation aux articles 7 et 14 de la Loi. La demanderesse affirme qu'au cours de son stage au bureau de la Couronne fédérale, on ne lui a fourni aucune aide quand elle s'est plainte de la conduite de M. Randall. Elle allègue également qu'elle a fait l'objet de discrimination puisqu'on lui a donné un poste de durée déterminée de seulement un an après ses stages, qu'elle a été traitée injustement, qu'elle a reçu une évaluation défavorable et que son contrat n'a pas été renouvelé[2].

L'enquête

[9]         Je ne peux faire mieux que de citer l'exposé des faits et du droit du défendeur que l'on trouve aux pages 43 et 44 du dossier du défendeur, relativement au déroulement des événements après que la demanderesse eut officiellement déposé ses deux plaintes.

[TRADUCTION]

(i)Chronologie

6.À la suite du dépôt des deux plaintes de la demanderesse, la Commission a chargé un enquêteur le 25 mars 1996 de mener une enquête sur les allégations des plaintes.

7.Le 9 avril 1996, le ministère a été avisé de la plainte et on lui a demandé de répondre. Le ministère a répondu aux allégations le 19 juin 1996.

8.Le 23 avril 1996, le défendeur Randall a été avisé de la plainte portée contre lui et on lui a demandé de répondre. Le défendeur Randall a répondu à la plainte le 12 août 1996.

9.La demanderesse a eu la possibilité d'examiner et de réfuter les réponses soumises par le défendeur Randall et le ministère relativement aux plaintes.

10.Au mois d'avril 1997, l'enquêteur a demandé de l'information au sujet des témoins à la demanderesse, au défendeur Randall et au ministère, et le 29 octobre 1997, l'enquêteur a commencé à rencontrer les témoins en entrevue.

[10]       Subsidiairement, nous pourrions nous référer aux pages 11 et 26 du dossier du défendeur sous l'intitulé « Chronologie » afin de connaître le déroulement des événements à la suite du dépôt des deux plaintes par la demanderesse.


                                [TRADUCTION]

                                CHRONOLOGIE                                                  CHRONOLOGIE

Kathleen Walker c. Chris Randall - H34249                                 Kathleen Walker c. Ministère de la JusticeCanada -

                                                                                                                H34002

30 janvier 96          formule de plainte signée                                     30 janvier 96           formule de plainte signée

25 mars 96               enquêteur A de la Commission                           25 mars 96               enquêteur A de la Commission nommé                             nommé

23 avril 96               défendeur avisé                                                     9 avril 96                 défendeur avisé

12 août 96               reçu réponse du défendeur                                 19 juin 96                reçu réponse du défendeur

19 août 96               demandé réplique de la                                        19 août 96               demandé réplique de la plaignante                     plaignante

18 septembre 96     enquêteur B de la Commission                           18 septembre 96     enquêteur B de la Commission nommé

                                nommé

10 octobre 96         reçu réplique de la plaignante                             10 octobre 96         reçu réplique de la plaignante

                               

30 janvier 97          enquêteur sous contrat A nommé                      30 janvier 97          enquêteur sous contrat A assigné

21 avril 97               enquêteur B de la Commission                           21 avril 97               enquêteur B de la Commission                          nommé                                                                                                    nommé

24 avril 97               information relative aux témoins                         24 avril 97               information relative aux témoins                        demandée à la plaignante et au défendeur                                  demandées à la plaignante et au

                                                                                                                                                défendeur

29 octobre 97         début entrevues avec les témoins                      29 octobre 97         début entrevues avec les témoins

12 décembre 97      rapport d'enquête écrit                                        12 décembre 97      rapport d'enquête écrit

                                                                [À la page 11]                                                                                        [À la page 26]

[11]       La personne chargée de l'enquête des deux plaintes de la demanderesse était M. George Kolk, un agent des droits de la personne à la CCDP à Ottawa. Le rapport d'enquête de M. Kolk relatif à la plainte formulée par la demanderesse au sujet de M. Randall se trouve aux pages cinq à dix du dossier du défendeur. Ces pages comprennent également la position de M. Randall ainsi que celle de la demanderesse. Les recommandations que M. Kolk a formulées à la CCDP se trouvent à la page cinq.

[12]       Le rapport détaillé de l'enquête ayant trait à la plainte contre M. Randall se trouve aux pages six à huit inclusivement.

[13]       Le rapport d'enquête de M. Kolk ayant trait à la plainte de la demanderesse à l'endroit du ministère de la Justice, ainsi que les recommandations y afférentes, se trouve aux pages 18 à 25 du dossier du défendeur.

[14]       Après avoir reçu le rapport et les documents soumis avec le rapport, la CCDP a décidé le 20 avril 1998, de statuer sur la plainte conformément à l'alinéa 41e) de la Loi [TRADUCTION] « bien que la plainte ait été déposée après l'expiration d'un délai d'un an après le dernier des faits sur lesquels elle est fondée » . La Commission a décidé, conformément au sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi, de rejeter les plaintes de la demanderesse.

[15]       À la suite de la réception des décisions de la Commission, et comme je l'ai dit précédemment, la demanderesse a déposé une demande de contrôle judiciaire desdites décisions conformément à l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale.

[16]       À l'appui de sa demande de contrôle judiciaire, la demanderesse a déposé ses propres affidavits datés du 26 juin 1998 et du 18 septembre 1998. Le premier affidavit contient, comme je l'ai mentionné précédemment, 128 paragraphes. La demanderesse a déposé plusieurs pièces avec ses affidavits. La plupart, si ce n'est la totalité des pièces et des faits allégués dans les affidavits de la demanderesse ne peuvent être pris en considération par la Cour. Les allégations n'ont pas été soumises à l'enquêteur de la CCDP et ainsi n'ont pu être soumises à la CCDP pour examen. Je reviendrai sur cette question plus tard.

[17]       La demanderesse a également déposé l'affidavit de Raymond Patrick Enright daté du 17 juillet 1998, celui de Mike Brundrett daté du 11 juin 1998, celui de Dale Edward Walker daté du 25 juin 1998, ainsi que celui de George Kolk daté du 20 juillet 1998.

[18]       Le défendeur a également déposé l'affidavit de George Kolk daté du 20 juillet 1998, ainsi que le sien daté du 25 septembre 1998.

Les questions en litige

[19]       Dans ses observations écrites, la demanderesse dresse la liste suivante des questions en litige :

                                [TRADUCTION]

                                Question en litige I             

4.La Commission a-t-elle agi sans compétence, a-t-elle outrepassé sa compétence ou a-t-elle fait défaut d'exercer sa compétence en refusant de mener en temps opportun une enquête approfondie relativement à la plainte de la demanderesse; en faisant défaut d'aborder tous les aspects des plaintes de la demanderesse et en adoptant le rapport de l'enquêteur bien qu'il contienne des erreurs et soit inéquitable?

                                Question en litige II

5.La Commission a-t-elle violé les droits de la demanderesse prévus au paragraphe 6(2) de la Charte canadienne des droits et libertés en refusant à la demanderesse l'accès à ses services en Colombie-Britannique?

                                Question en litige III

6.La Commission a-t-elle fait défaut de fournir à la demanderesse une audition impartiale et a-t-elle fait défaut d'observer un principe de justice naturelle en :

a.se fiant sur de la preuve provenant d'entretiens téléphoniques tenus avec des personnes dont l'identité n'a pas été dévoilée à la demanderesse, omettant ainsi de donner à la demanderesse la possibilité de répondre à cette preuve ou de la soumettre à un contre-interrogatoire;

b.exigeant le témoignage de témoins oculaires du harcèlement sexuel autres que la demanderesse et M. Randal;

c.faisant défaut de tenir compte du fait que la demanderesse ait signalé les incidents à deux superviseurs immédiatement après que les événements en question se furent produits;

d.ne concluant pas que M. Randall avait fait un aveu lorsqu'il a dit avoir présenté ses excuses à la demanderesse pour sa conduite;

e.ne tenant pas compte de la preuve provenant de témoins identifiés lors de l'enquête menée par la Commission de la fonction publique;

f.négligeant ou en refusant de tenir compte d'une preuve de faits similaires selon laquelle le défendeur, M. Randall, aurait harcelé sexuellement d'autres employées; et

g.négligeant ou en refusant de tenir compte de la preuve selon laquelle le défendeur, M. Randall, aurait fait une remarque obscène à l'endroit de la demanderesse devant un autre procureur senior du bureau.

[20]       Le défendeur et l'intervenante affirment que l'unique question à trancher est de déterminer si la CCDP a commis une erreur de droit en rejetant les plaintes de discrimination de la demanderesse.

Requête en radiation

[21]       Au début de l'audition de la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse, le défendeur a présenté une requête en radiation visant [TRADUCTION] « l'affidavit de Kathleen Walker daté du 26 juin 1998, l'affidavit de Raymond Enright daté du 17 juin 1998, l'affidavit de Mike Brundrett daté du 11 juin 1998 et l'affidavit de Dale Walker daté du 25 juin 1998 » . Le défendeur fait valoir les motifs suivants au soutien de la requête en radiation[3] :

[TRADUCTION]

a)la preuve qu'ils contiennent n'est pas pertinente puisque la Commission ne disposait pas de cette preuve au moment de rendre la décision dont on demande le contrôle judiciaire;

b)les affidavits contiennent du ouï-dire;

c)la preuve n'est pas pertinente en ce qui a trait aux motifs invoqués par la demanderesse au soutien de sa demande de contrôle judiciaire.

[22]       Je crois que je n'ai pas à me prononcer sur la requête en radiation visant les affidavits mentionnés précédemment puisque je suis convaincu que même si j'admettais en preuve tout ce que les déposants ont déclaré dans leur affidavit, je ne pourrais en venir à aucune autre conclusion que la présente demande de contrôle judiciaire n'est pas fondée et doit être rejetée.

[23]       Néanmoins, je vais examiner la question de la requête en radiation de façon plus détaillée.

[24]       Au début de l'audition, la question de savoir à quel moment l'on devait présenter une telle requête s'est posée. Cette requête devrait-elle être présentée avant l'audition de la demande de contrôle judiciaire? L'avocat du défendeur affirme que la jurisprudence donnerait plutôt à penser que le moment approprié pour présenter une requête en radiation d'affidavits se situe au début de l'audition de la demande de contrôle judiciaire.

[25]       La demanderesse n'a pas présenté d'observations sur cette question de procédure si ce n'est de dire qu'elle ne s'opposait pas à ce que la requête en radiation soit examinée au début de l'audition.

[26]       L'avocat du défendeur a soumis deux décisions ayant trait à cette question afin que je les examine; la décision Prajapati c. Canada[4] et la décision Yazdanian et autres c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration[5]. Dans Prajapati, le juge Muldoon affirme à la page 40 :

[8] Que la fin de non-recevoir soit fondée ou non, l'avocat du requérant soutient qu'il était trop tard pour l'intimé de la soulever puisqu'il avait lui-même déposé l'affidavit du défendeur en réponse, après le dépôt de la demande de contrôle judiciaire et de l'affidavit attaqué. Il cite l'affaire Binepal c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration [dossier no IMM-6506-93, 29 août 1995 (non publiée) (C.F. 1re inst.)], dans laquelle l'intimé avait soulevé deux fins de non-recevoir à l'ouverture de l'audition d'une demande de contrôle judiciaire en matière d'immigration. Le juge McKeown s'est prononcé en ces termes :

Je suis d'avis que les requêtes ne devraient pas être accueillies. L'avocat du requérant a à juste titre signalé l'alinéa 302c) des Règles de la Cour fédérale, et je conviens que les points mentionnés précédemment auraient dû être soulevés bien avant aujourd'hui. L'intimé a eu amplement le temps avant l'audition de débattre des questions soulevées dans ses requêtes. L'alinéa 302c) est ainsi libellé :

302. Les dispositions suivantes s'appliquent en ce qui concerne les objections quant à la forme et les défauts d'observation des exigences des présentes règles : ...

                      

c) une demande d'annulation d'une procédure pour irrégularité ne doit être reçue que si elle est présentée dans un délai raisonnable et que si la partie requérante n'a fait aucune nouvelle démarche depuis qu'elle a eu connaissance de l'irrégularité;

Par contraste, en l'espèce, le juge Rothstein a, par les conclusions ci-dessous, rejeté la requête, faite par le requérant, en prorogation du délai de dépôt de son dossier complémentaire de la demande et en autorisation de déposer un autre affidavit à l'appui de son recours, au titre du dossier complémentaire de la demande :

La documentation versée au dossier par le requérant (probablement l'affidavit d'appui contesté en l'espèce) a été déposée par son avocat qui devrait connaître les Règles de la Cour.

La question de savoir si l'affidavit en question est admissible ou non sera débattue devant le juge saisi du contrôle judiciaire.

Il est indubitable que le juge Rothstein se prononçait sur la fin de non-recevoir dont moi-même suis saisi, et qu'il ne la considérait pas comme une question à trancher avant l'audition de la demande de contrôle judiciaire. Pareille conclusion va dans le même sens que la conclusion tirée par le juge Strayer dans Pharmacia Inc. v. Canada (Minister of National Health and Welfare)[(1995), 176 N.R. 48; 58 C.P.R. (3d) 209, aux pages 214 et 215] :

Le moyen approprié par lequel contester un avis de requête introductive d'instance consiste à comparaître et à faire valoir ses prétentions à l'audition de la requête même.

Il en est de même en l'espèce où la fin de non-recevoir opposée à l'affidavit déposé à l'appui de la demande de contrôle judiciaire du requérant est en fait une fin de non-recevoir opposée à la demande même puisque, si l'affidavit est radié, la demande ne reposera plus sur aucune articulation de faits.

[27]       Dans la décision Yazdanian, le protonotaire Hargrave affirme aux paragraphes 2 et 6 :

[2]            Par souci d'efficacité et à titre d'exercice pratique du pouvoir discrétionnaire judiciaire, les parties ne devraient pas être autorisées à radier les affidavits de chacune d'entre elles.    Cette généralité est, bien entendu, sujette à des circonstances spéciales, savoir par exemple qu'un affidavit est abusif ou clairement dénué de pertinence, qu'une partie a obtenu l'autorisation d'admettre des éléments de preuve qui se révèlent manifestement inadmissibles, ou que la cour est convaincue que la question d'admissibilité devrait être tranchée à une date prochaine pour qu'une audition puisse se dérouler de façon ordonnée. Il existe des décisions à cet égard qui comprennent la décision Home Juice Company v. Orange Maison Ltd., [1968] 1 R.C.É. 163, à la page 166 (le président Jackett), et la décision Unitel Communications Co. c. MCI Communications Corporation (1997), 119 F.T.R. 142, à la page 143. Dans cette affaire, le juge Richard (tel était alors son titre) a noté que le juge de première instance serait mieux placé pour apprécier le poids et l'admissibilité de tels affidavits (pages 143 et 145). Bien entendu, la conjecture, la spéculation et l'avis juridique ne doivent pas figurer dans un affidavit.

                                ...

[6]            À ce stade, avant le contre-interrogatoire même, il n'est pas approprié de radier l'ensemble d'un affidavit et la substance du second affidavit. Il s'agit de questions qui devraient être tranchées par le juge de première instance car, comme le juge en chef adjoint Richard l'a dit dans Unitel Communications (supra), devant une demande de radiation d'un affidavit :

« ...je conclus qu'il ne conviendrait pas de faire droit à la requête en radiation des demanderesses. Il s'agit d'une question qui doit être entendue et tranchée, si nécessaire, par le juge présidant le procès, en fonction de la force probante et de l'admissibilité des éléments en cause. Cette décision ne porte aucunement atteinte au droit des parties de présenter, en temps opportun, leurs arguments au juge qui sera désigné pour présider l'instruction accélérée. » (p. 145)

Le fait que l'instruction dans Unitel Communications devait être accélérée ne justifie pas qu'on distingue la présente situation, car les motifs dans Unitel Communications reposent sur les idées générales énoncées dans Home Juice Company (supra).

[28]       Je suis d'accord avec les commentaires émis à la fois par le juge Muldoon et par le protonotaire Hargrave. Je suis convaincu que la question de l'à-propos d'un (des) affidavit(s) au soutien d'une demande de contrôle judiciaire doit être tranchée par le juge qui préside l'audition du contrôle judiciaire de la demande puisque l' (les) affidavit(s) fait (font) partie intégrante de la demande de contrôle judiciaire.

[29]       Permettez-moi de réitérer que je suis convaincu que le fait d'accorder ou non la radiation de tous les affidavits déposés ou de seulement certains paragraphes desdits affidavits ne saurait affecter l'issue de la présente demande de contrôle judiciaire.

[30]       Il n'y a tout simplement aucun fondement à la présente demande.

Preuve non soumise au décideur

[31]       Le défendeur soutient que lors d'un contrôle judiciaire, la Cour peut prendre en considération uniquement la preuve ayant été soumise aux fins d'une décision par le décideur administratif, au moment d'en faire le contrôle, et aucune nouvelle preuve.

[32]       Dans la décision Naredo et Arduengo c. Canada[6], le juge Cullen affirme à la page 286 :

[21]          Concernant les deux autres affidavits contestés, la jurisprudence indique clairement que la Cour est liée par le dossier déposé devant un office fédéral [...]. Dans l'arrêt Rahi c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, Doc. 90-A-1343, en date du 25 mai 1990 (C.A.F.), le juge MacGuigan a rejeté une demande de prorogation de délai en vue du dépôt d'un affidavit supplémentaire. La décision Il c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Doc. IMM-466-96, en date du 20 décembre 1995 (C.F. 1re inst.), est une affaire semblable. Dans la décision Owusu c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Doc. A-1483-92 (C.F. 1re inst.), le juge Reed a refusé d'examiner de nouveaux éléments de preuve dont n'avait pas été saisie la Commission de l'immigration et du statut de réfugié [la CISR]. À la page 2 de cette décision, le juge Reed tient les propos pertinents suivants :

En ce qui concerne les preuves nouvelles, je ne pense pas être en droit de les examiner, ou de renvoyer la demande pour nouvelle audition afin que la Commission puisse les prendre en considération. Elles ne pourront être examinées que dans le cadre d'un recours non juridique fondé sur des raisons d'ordre humanitaire, lequel constitue la soupape de sûreté lorsqu'il y a des preuves de ce genre.

Dans la décision Asafov c.Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, Doc. IMM-7425-83, en date du 18 mai 1994 (C.F. 1re inst.), le juge Nadon fait observer que la demande visant à verser au dossier de nouveaux éléments de preuve dont n'était pas saisie la CISR quand elle a rendu sa décision aurait pour effet de convertir la procédure de contrôle judiciaire en une procédure d'appel.

[33]       Je partage l'opinion du juge Gibson énoncée dans Lemiecha et autres c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration[7] :

[4]            Il est bien établi en droit que le contrôle judiciaire d'une décision que rend un office, une commission ou un autre tribunal d'instance fédérale doit être fondé sur les éléments de preuve dont le décisionnaire était saisi. Il est évident que la date du rapport du Dr Newhouse était postérieure à celle de la décision en question et que ce document est donc un élément de preuve dont le décisionnaire n'était pas saisi. J'ai maintenu cette objection. Le contrôle judiciaire a donc été fondé uniquement sur les éléments de preuve soumis au décisionnaire.

[34]       Cela étant, la demanderesse ne peut, lors d'une demande de contrôle judiciaire, introduire au moyen d'affidavits des éléments de preuve « nouveaux » dont la CCDP n'était pas saisie. Je suis convaincu que c'est ce que la demanderesse tend à accomplir.

Analyse

[35]       L'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale et les articles 43, 44 et 49 de la Loi canadienne sur les droits de la personne fournissent le cadre légal applicable à la présente demande de contrôle judiciaire.

[36]       L'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale est rédigé ainsi :

18.1 (1) An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought.

(2) An application for judicial review in respect of a decision or order of a federal board, commission or other tribunal shall be made within thirty days after the time the decision or order was first communicated by the federal board, commission or other tribunal to the office of the Deputy Attorney General of Canada or to the party directly affected thereby, or within such further time as a judge of the Trial Division may, either before or after the expiration of those thirty days, fix or allow.

(3) On an application for judicial review, the Trial Division may

(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

(4) The Trial Division may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

(a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;

(b) failed to observe a principle of natural justice, procedural fairness or other procedure that it was required by law to observe;

(c) erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record;

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

(e) acted, or failed to act, by reason of fraud or perjured evidence; or

(f) acted in any other way that was contrary to law.

(5) Where the sole ground for relief established on an application for judicial review is a defect in form or a technical irregularity, the Trial Division may

(a) refuse the relief if it finds that no substantial wrong or miscarriage of justice has occurred; and

(b) in the case of a defect in form or a technical irregularity in a decision or order, make an order validating the decision or order, to have effect from such time and on such terms as it considers appropriate.

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l'objet de la demande.

(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l'office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu'un juge de la Section de première instance peut, avant ou après l'expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.

(3) Sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire, la Section de première instance peut_:

a) ordonner à l'office fédéral en cause d'accomplir tout acte qu'il a illégalement omis ou refusé d'accomplir ou dont il a retardé l'exécution de manière déraisonnable;

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu'elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l'office fédéral.

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises par la Section de première instance si elle est convaincue que l'office fédéral, selon le cas_:

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l'exercer;

b) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'il était légalement tenu de respecter;

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

e) a agi ou omis d'agir en raison d'une fraude ou de faux témoignages;

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

(5) La Section de première instance peut rejeter toute demande de contrôle judiciaire fondée uniquement sur un vice de forme si elle estime qu'en l'occurrence le vice n'entraîne aucun dommage important ni déni de justice et, le cas échéant, valider la décision ou l'ordonnance entachée du vice et donner effet à celle-ci selon les modalités de temps et autres qu'elle estime indiquées.

[37]       Les articles 43, 44 et 49 de la Loi canadienne sur les droits de la personne sont rédigés ainsi :

43. (1) The Commission may designate a person, in this Part referred to as an "investigator", to investigate a complaint.

(2) An investigator shall investigate a complaint in a manner authorized by regulations made pursuant to subsection (4).

(2.1) Subject to such limitations as the Governor in Council may prescribe in the interests of national defence or security, an investigator with a warrant issued under subsection (2.2) may, at any reasonable time, enter and search any premises in order to carry out such inquiries as are reasonably necessary for the investigation of a complaint.

(2.2) Where on ex parte application a judge of the Federal Court is satisfied by information on oath that there are reasonable grounds to believe that there is in any premises any evidence relevant to the investigation of a complaint, the judge may issue a warrant under the judge's hand authorizing the investigator named therein to enter and search those premises for any such evidence subject to such conditions as may be specified in the warrant.

(2.3) In executing a warrant issued under subsection (2.2), the investigator named therein shall not use force unless the investigator is accompanied by a peace officer and the use of force has been specifically authorized in the warrant.

(2.4) An investigator may require any individual found in any premises entered pursuant to this section to produce for inspection or for the purpose of obtaining copies thereof or extracts therefrom any books or other documents containing any matter relevant to the investigation being conducted by the investigator.

(3) No person shall obstruct an investigator in the investigation of a complaint.

43. (1) La Commission peut charger une personne, appelée, dans la présente loi, « l'enquêteur » , d'enquêter sur une plainte.

(2) L'enquêteur doit respecter la procédure d'enquête prévue aux règlements pris en vertu du paragraphe (4).

(2.1) Sous réserve des restrictions que le gouverneur en conseil peut imposer dans l'intérêt de la défense nationale ou de la sécurité, l'enquêteur muni du mandat visé au paragraphe (2.2) peut, à toute heure convenable, pénétrer dans tous locaux et y perquisitionner, pour y procéder aux investigations justifiées par l'enquête.

(2.2) Sur demande ex parte, un juge de la Cour fédérale peut, s'il est convaincu, sur la foi d'une dénonciation sous serment, qu'il y a des motifs raisonnables de croire à la présence dans des locaux d'éléments de preuve utiles à l'enquête, signer un mandat autorisant, sous réserve des conditions éventuellement fixées, l'enquêteur qui y est nommé à perquisitionner dans ces locaux.

(2.3) L'enquêteur ne peut recourir à la force dans l'exécution du mandat que si celui-ci en autorise expressément l'usage et que si lui-même est accompagné d'un agent de la paix.

(2.4) L'enquêteur peut obliger toute personne se trouvant sur les lieux visés au présent article à communiquer, pour examen, ou reproduction totale ou partielle, les livres et documents qui contiennent des renseignements utiles à l'enquête.

(3) Il est interdit d'entraver l'action de l'enquêteur.

(4) Le gouverneur en conseil peut fixer, par règlement_:

a) la procédure à suivre par les enquêteurs;

b) les modalités d'enquête sur les plaintes dont ils sont saisis au titre de la présente partie;

c) les restrictions nécessaires à l'application du paragraphe (2.1).

(4) The Governor in Council may make regulations

(a) prescribing procedures to be followed by investigators;

(b) authorizing the manner in which complaints are to be investigated pursuant to this Part; and

(c) prescribing limitations for the purpose of subsection (2.1).

44. (1) An investigator shall, as soon as possible after the conclusion of an investigation, submit to the Commission a report of the findings of the investigation.

(2) If, on receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission is satisfied

(a) that the complainant ought to exhaust grievance or review procedures otherwise reasonably available, or

(b) that the complaint could more appropriately be dealt with, initially or completely, by means of a procedure provided for under an Act of Parliament other than this Act,

it shall refer the complainant to the appropriate authority.

(3) On receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

(a) may request the Chairperson of the Tribunal to institute an inquiry under section 49 into the complaint to which the report relates if the Commission is satisfied

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is warranted, and

(ii) that the complaint to which the report relates should not be referred pursuant to subsection (2) or dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e); or

(b) shall dismiss the complaint to which the report relates if it is satisfied

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is not warranted, or

(ii) that the complaint should be dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e).

(4) After receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

(a) shall notify in writing the complainant and the person against whom the complaint was made of its action under subsection (2) or (3); and

(b) may, in such manner as it sees fit, notify any other person whom it considers necessary to notify of its action under subsection (2) or (3).

44. (1) L'enquêteur présente son rapport à la Commission le plus tôt possible après la fin de l'enquête.

(2) La Commission renvoie le plaignant à l'autorité compétente dans les cas où, sur réception du rapport, elle est convaincue, selon le cas_:

a) que le plaignant devrait épuiser les recours internes ou les procédures d'appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts;

b) que la plainte pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon des procédures prévues par une autre loi fédérale.

(3) Sur réception du rapport d'enquête prévu au paragraphe (1), la Commission_:

a) peut demander au président du Tribunal de désigner, en application de l'article 49, un membre pour instruire la plainte visée par le rapport, si elle est convaincue_:

(i) d'une part, que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l'examen de celle-ci est justifié,

(ii) d'autre part, qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la plainte en application du paragraphe (2) ni de la rejeter aux termes des alinéas 41c) à e);

b) rejette la plainte, si elle est convaincue_:

(i) soit que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l'examen de celle-ci n'est pas justifié,

(ii) soit que la plainte doit être rejetée pour l'un des motifs énoncés aux alinéas 41c) à e).

(4) Après réception du rapport, la Commission_:

a) informe par écrit les parties à la plainte de la décision qu'elle a prise en vertu des paragraphes (2) ou (3);

b) peut informer toute autre personne, de la manière qu'elle juge indiquée, de la décision qu'elle a prise en vertu des paragraphes (2) ou (3).

49. (1) At any stage after the filing of a complaint, the Commission may request the Chairperson of the Tribunal to institute an inquiry into the complaint if the Commission is satisfied that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry is warranted.

(2) On receipt of a request, the Chairperson shall institute an inquiry by assigning a member of the Tribunal to inquire into the complaint, but the Chairperson may assign a panel of three members if he or she considers that the complexity of the complaint requires the inquiry to be conducted by three members.

(3) If a panel of three members has been assigned to inquire into the complaint, the Chairperson shall designate one of them to chair the inquiry, but the Chairperson shall chair the inquiry if he or she is a member of the panel.

(4) The Chairperson shall make a copy of the rules of procedure available to each party to the complaint.

(5) If the complaint involves a question about whether another Act or a regulation made under another Act is inconsistent with this Act or a regulation made under it, the member assigned to inquire into the complaint or, if three members have been assigned, the member chairing the inquiry, must be a member of the bar of a province or the Chambre des notaires du Québec.

(6) If a question as described in subsection (5) arises after a member or panel has been assigned and the requirements of that subsection are not met, the inquiry shall nevertheless proceed with the member or panel as designated.

49. (1) La Commission peut, à toute étape postérieure au dépôt de la plainte, demander au président du Tribunal de désigner un membre pour instruire la plainte, si elle est convaincue, compte tenu des circonstances relatives à celle-ci, que l'instruction est justifiée.

(2) Sur réception de la demande, le président désigne un membre pour instruire la plainte. Il peut, s'il estime que la difficulté de l'affaire le justifie, désigner trois membres, auxquels dès lors les articles 50 à 58 s'appliquent.

(3) Le président assume lui-même la présidence de la formation collégiale ou, lorsqu'il n'en fait pas partie, la délègue à l'un des membres instructeurs.

(4) Le président met à la disposition des parties un exemplaire des règles de pratique.

(5) Dans le cas où la plainte met en cause la compatibilité d'une disposition d'une autre loi fédérale ou de ses règlements d'application avec la présente loi ou ses règlements d'application, le membre instructeur ou celui qui préside l'instruction, lorsqu'elle est collégiale, doit être membre du barreau d'une province ou de la Chambre des notaires du Québec.

(6) Le fait qu'une partie à l'enquête soulève la question de la compatibilité visée au paragraphe (5) en cours d'instruction n'a pas pour effet de dessaisir le ou les membres désignés pour entendre l'affaire et qui ne seraient pas autrement qualifiés pour l'entendre.

[38]       Une demande fondée sur l'article 18.1 est présentée dans le cas où un demandeur croit qu'un décideur a commis un erreur en rendant la décision dont il demande le contrôle, conformément aux motifs énoncés au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale.

[39]       En l'espèce, comme je l'ai mentionné précédemment, la demanderesse a déposé sa demande fondée sur l'article 18.1 relative à une décision rendue par la CCDP le 20 avril 1998.

[40]       Dans les observations orales de la demanderesse relatives à la requête en radiation, l'avocat de la demanderesse affirme que la décision de la CCDP est correcte. Aux pages 18 et 19 de la transcription de l'audition, on peut lire :

                                [TRADUCTION]

LA COUR :             ... Maintenant, je comprends, et je crois que ce que vous m'avez dit, vous n'avez aucunement l'intention d'utiliser la preuve contenue dans l'affidavit afin d'établir que la Commission a commis une erreur en rendant la décision.

M. McINTYRE : Exactement. Ce que l'on veut établir avec cette preuve c'est de voir si l'on a mené une enquête approfondie, et si l'information divulguée dans les affidavits, celui de M. Enright en particulier, aurait pû être disponible à la demanderesse au moment où elle était invitée à fournir des observations. Il ne fait aucun doute en ce qui concerne les propos de M. Enright contenus dans son affidavit, au sujet de la conversation qu'il a eue avec le défendeur, M. Randall, et ses conversations avec M. Randall au sujet de la demanderesse, que cette information n'avait jamais été portée à la connaissance de la demanderesse. Elle n'était pas au courant jusqu'au moment de la signature de l'affidavit en juin 1997 -- ou juin 1998, excusez-moi.

[41]       Si, de fait, la plainte porte sur la rigueur dans la préparation du rapport d'enquête, alors la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Le contrôle judiciaire n'est pas la procédure appropriée pour contester la « rigueur » du travail d'enquête d'un enquêteur sur une plainte.

[42]       Pour contester le rapport d'enquête au motif qu'il manque de rigueur, ou pour tout autre motif, le plaignant doit recevoir une copie du rapport, avec les documents y afférents, et obtenir la possibilité de présenter toute les observations qu'il désire avant que les rapports et les documents ne soient soumis à la CCDP afin qu'elle décide s'il est nécessaire de désigner un tribunal en vu d'une instruction en bonne et due forme.

[43]       Dans son affidavit du 20 juillet 1998, George Kolk, la personne qui a été nommée pour enquêter sur les deux plaintes de la demanderesse, expose comment la Commission a entrepris

l'enquête des plaintes et ce que la Commission a fait pour donner à la demanderesse la possibilité de présenter des observations quant à la rigueur du travail d'enquête et des conclusions tirées.

[44]       Il appert de la pièce « A » jointe à l'affidavit de M. Kolk qu'une lettre datée du 12 décembre 1997 a été expédiée à la demanderesse pour qu'elle soumette ses observations relatives au rapport d'enquête. La demanderesse n'avait pas reçu la lettre datée du 12 décembre 1997 ni les rapports l'accompagnant. Le 5 février 1998, la Commission a expédié à la demanderesse une deuxième lettre accompagnée du rapport d'enquête et lui a accordé jusqu'au 25 février 1998 pour soumettre ses observations. Le 27 février 1998, M. Kolk a téléphoné à la demanderesse, une fois de plus, pour lui demander si elle désirait présenter des observations. La demanderesse n'a jamais présenté d'observations à la CCDP relativement au bien-fondé du rapport et de ses conclusions. La demanderesse n'a pas présenté d'observations relativement à la rigueur avec laquelle l'enquête avait été menée.

[45]       À n'en pas douter, la demanderesse a eu la possibilité de le faire.

[46]       Je crois qu'il est important de reproduire l'affidavit de M. Kolk daté du 20 juillet 1998.

                                [TRADUCTION]

Je, soussigné George Kolk, de la ville d'Ottawa (Ontario), DÉCLARE SOUS SERMENT CE QUI SUIT :

1.              Je suis un agent des droits de la personne à la Commission canadienne des droits de la personne à Ottawa (Ontario). J'étais l'agent désigné pour mener l'enquête relative aux deux plaintes de la demanderesse (H34002 et H34249) et c'est à ce titre que j'ai une connaissance directe des faits sur lesquels je dépose.

2.              Les rapports d'enquête résument mon enquête menée sur les plaintes déposées par la demanderesse. Au cours de mon enquête, j'ai parlé à la demanderesse et aux défendeurs et j'ai reçu des observations écrites des parties. J'ai également fait passer des entrevues téléphoniques à des témoins qui avaient de l'information pertinente relativement aux plaintes. Les déclarations des témoins sont résumées dans mes rapports d'enquête.

3.              Le 12 décembre 1997, la Commission a prévenu la demanderesse par lettre que les enquêtes sur les plaintes étaient terminées et lui a fourni une copie des rapports de l'enquêteur. On lui a donné l'occasion de commenter les rapports jusqu'au 5 janvier 1998. La demanderesse a été informée que toute observation reçue serait soumise à la Commission avec les rapports d'enquête et que cela valait pour elle autant que pour les défendeurs. Une copie conforme de la lettre datée du 12 décembre 1997 est annexée en tant que pièce « A » .

4.              Le 4 février 1998, j'ai reçu dans ma boîte vocale un message de la demanderesse qui s'informait de se qu'il advenait de ses plaintes. J'ai parlé avec la demanderesse plus tard ce jour-là et elle m'a informé qu'elle n'avait pas reçu les rapports d'enquête. Une copie conforme de ma note au dossier, datée du 4 février 1998, attestant de mes conversations téléphoniques de ce jour avec la demanderesse, est annexée en tant que pièce « B » .

5.              Par une lettre datée du 5 février 1998, la Commission a fait parvenir à la demanderesse une autre copie des rapports d'enquête et lui a accordé jusqu'au 25 février 1998 pour soumettre des observations sur les rapports. Une copie conforme de la lettre datée du 5 février 1998 est annexée en tant que pièce « C » .

6.              Le 27 février 1998, j'ai téléphoné à la demanderesse pour lui demander si elle avait l'intention de soumettre des observations relatives aux rapports d'enquête puisque l'échéance était dépassée. Une copie de ma note au dossier, datée du 27 février 1998, attestant de ma conversation téléphonique est annexée en tant que pièce « D » .

7.              La Commission n'a pas reçu d'observations de la demanderesse relativement aux rapports d'enquête. Les plaintes de la demanderesse ont été envoyées aux commissaires pour leur réunion d'avril 1998 afin qu'ils rendent une décision.

8.              Je signe le présent affidavit pour les seuls besoins de la demande de contrôle judiciaire et pour aucune fin illégitime.

                                                                                                [signature de « G. Kolk » ]

[47]       Je crois qu'il serait important de reproduire également la lettre du 5 février 1998 envoyée à la demanderesse.

                                [TRADUCTION]

Madame,

                Les enquêtes menées relativement aux les plaintes que vous avez déposées contre le ministère de la Justice du Canada (H34002) et contre Chris Randall (H34249) alléguant discrimination en matière d'emploi fondée sur le sexe sont terminées. Les rapports d'enquête vous ont été expédiés le 12 décembre 1997. Le 4 février 1998, vous avez mentionné ne pas avoir reçu les rapports et vous avez demandé qu'ils soient télécopiés à votre avocat, Donald Jordan.

                Des copies des rapports de l'enquêteur sont annexées afin que vous puissiez les examiner. Ces rapports seront soumis à la Commission à l'une de leurs prochaines réunions, avec les observations que nous recevrons de vous ou des défendeurs.

                Comme vous le constaterez à la lecture des rapports d'enquête, ces rapports recommandent le rejet de la plainte dans les deux cas au motif qu'elles sont non pas fondées. La Commission peut accepter ou rejeter ces recommandations. Si vous désirez émettre des commentaires au sujet des rapports, vous pouvez le faire en écrivant à la soussignée. Vos commentaires ne doivent pas faire plus de dix pages, et doivent être soumis avant le 25 février 1998. Advenant le cas où vous désireriez les soumettre par télécopieur, notre numéro est le : 613-947-7279. Si d'ici là nous n'avons pas reçu de lettre de vous, nous conclurons que vous avez décidé de ne pas émettre de commentaires.

                Aussitôt que la Commission aura rendu ses décisions, vous en serez avisée. Si vous avez des questions relativement à ce qui précède ou si vous désirez de l'information supplémentaire, n'hésitez pas à communiquer avec l'enquêteur au 613-943-9545.

                Je vous prie d'accepter, Madame, l'expression de mes sentiments distingués.

                                [Signature de Françoise Girard, Directrice des plaintes et des enquêtes.]

[48]       Il se dégage clairement de cette lettre que la demanderesse est mise au courant que le rapport d'enquête recommande le rejet de ses plaintes au motif qu'elles ne sont pas fondées et qu'elle est invitée à faire des commentaires. Comme M. Kolk l'affirme dans son affidavit du 20 juillet 1998, la demanderesse n'a pas déposé d'observations.

[49]       Une fois la décision de la CCDP reçue, il est trop tard pour se plaindre du manque de rigueur du travail d'enquête de M. Kolk. Si la demanderesse était d'avis que l'enquête de M. Kolk manquait de rigueur ou si elle croyait que certains témoins auraient dû être rencontrés en entrevue et qu'ils ne l'ont pas été, la demanderesse aurait dû présenter des observations à la Commission quand on l'a invitée à le faire. La demanderesse a choisi de ne pas le faire. Tel était son choix. Elle ne peut, aujourd'hui, alléguer que la Commission a manqué de rigueur dans son enquête.

[50]       Puisque la demanderesse n'avait pas soumis d'observations à la Commission, la Commission s'est basée sur le rapport d'enquête et, en date du 20 avril 1998, la Commission a rejeté les plaintes de la demanderesse.

[51]       Dans la décision Slattery c. Canada (Commission des droits de la personne)[8], le juge Nadon expose le fondement de la norme de contrôle applicable dans les cas où la Commission décide de ne pas renvoyer la plainte pour qu'elle soit instruite par un tribunal. Il affirme à la page 609 :

En outre, la proposition du juge Huddart portant que le contrôle judiciaire du pouvoir discrétionnaire n'est justifié que dans des circonstances où l'exercice de ce pouvoir s'est fait de façon « manifestement déraisonnable » ne peut s'harmoniser facilement avec une norme qui permettrait un contrôle chaque fois que la cour conclut que la preuve produite au cours d'une enquête soulève une inférence de discrimination. Selon l'esprit de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Mossop, il faut privilégier la retenue plutôt que l'interventionnisme tant que la CCDP traite des questions d'appréciation des faits et de décision, tout particulièrement à l'égard de questions pour lesquelles la CCDP dispose d'un vaste pourvoir discrétionnaire, comme lorsqu'il s'agit de décider s'il y a lieu de rejeter une plainte sous le régime du paragraphe 44(3).

Compte tenu du fait que le pouvoir conféré à la CCDP par le paragraphe 44(3) est de nature discrétionnaire, je dois accepter la ligne directrice suivante énoncée par le juge McIntyre dans l'arrêt Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, aux pages 7 et 8 :

C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.

[52]       Dans un arrêt récent de la Cour d'appel fédérale[9], où il était également question du refus de la Commission de renvoyer la plainte afin qu'elle soit instruite par un tribunal, le juge Décary a affirmé :

[par. 4]     À notre avis, la Commission est investie d'un large pouvoir d'appréciation souveraine en matière d'instruction préliminaire. Cette règle de longue date a été récemment réitérée par notre Cour dans Bell Canada c. Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, en ces termes :

[35]          Il est établi en droit que, lorsqu'elle décide de déférer ou non une plainte à un tribunal à des fins d'enquête en vertu des articles 44 et 49 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Commission a « des fonctions d'administration et d'examen préalable » (Cooper c. Canada (Commission des droits de la personne), [1996] 3 R.C.S. 854, à la page 893, le juge La Forest) et ne se prononce pas sur son bien-fondé (voir Northwest Territories v. Public Service Alliance of Canada (1997), 208 N.R. 385 (C.A.F.)). Il suffit que la Commission soit « convaincue que compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l'examen de celle-ci est justifié » (paragraphes 44(3) et 49(1)). Il s'agit d'un seuil peu élevé et les faits de l'espèce font en sorte que la Commission pouvait, à tort ou à raison, en venir à la conclusion qu'il y avait « une justification raisonnable pour passer à l'étape suivante » (Syndicat des employés de production du Québec et de l'Acadie c. Canada (Commission des droits de la personne), précité, par. 30, à la page 899, juge Sopinka, approuvé par le juge La Forest dans Cooper, précité, à la page 891).

                                ¼

[38]          La Loi confère à la Commission un degré remarquable de latitude dans l'exécution de sa fonction d'examen préalable au moment de la réception d'un rapport d'enquête. Les paragraphes 40(2) et 40(4), et les articles 41 et 44 regorgent d'expressions comme « à son avis » , « devrait » , « normalement ouverts » , « pourrait avantageusement être instruite » , « des circonstances » , « estime indiqué dans les circonstances » , qui ne laissent aucun doute quant à l'intention du législateur. Les motifs de renvoi à une autre autorité (paragraphe 44(2)), de renvoi au président du Comité du Tribunal des droits de la personne (alinéa 44(3)a)) ou, carrément, de rejet (alinéa 44(3)b)) comportent, à divers degrés, des questions de fait, de droit et d'opinion (voir Latif c. Commission canadienne des droits de la personne, [1980] 1 C.F. 687, à la page 698 (C.A.F.), le juge Le Dain), mais on peut dire sans risque de se tromper qu'en règle générale, le législateur ne voulait pas que les cours interviennent à la légère dans les décisions prises par la Commission à cette étape.

[par. 5]     La question dont était saisie la Commission à l'étape en question était de savoir si, compte tenu de toutes les circonstances de la cause, il y avait lieu d'ouvrir une enquête. Elle y a répondu par la négative. Il y a divers motifs légitimes ou raisonnables par lesquels la Commission était fondée à décider comme elle l'a fait. Pour tirer une conclusion, elle a le droit et l'obligation de prendre en considération tous les faits et allégations soumis à son examen. En l'espèce, elle avait en main suffisamment de preuves pour conclure qu'il n'y avait pas lieu à poursuite de l'affaire devant un tribunal. Ainsi que l'a fait observer le juge La Forest dans Cooper c. Canada (Commission des droits de la personne) :

Il ne lui appartient pas de juger si la plainte est fondée. Son rôle consiste plutôt à déterminer si, aux termes des dispositions de la Loi et eu égard à l'ensemble des faits, il est justifié de tenir une enquête. L'aspect principal de ce rôle est alors de vérifier s'il existe une preuve suffisante¼

[53]       Ce jugement de la Cour d'appel fédérale vient confirmer, j'en suis convaincu, qu' « au stade de l'examen préalable » de l'enquête, à la suite de la réception d'une plainte de discrimination, la Commission a un « degré remarquable de latitude » en ce qui a trait au type d'enquête qui doit être tenue avant qu'elle puisse conclure que la plainte ne devrait pas être déférée à un tribunal pour instruction.

[54]       De toute évidence, une enquête relative à une plainte de harcèlement sexuel doit être faite de façon rigoureuse et approfondie avant que la Commission décide de ne pas déférer l'affaire à un tribunal pour instruction. La Commission doit être convaincue, au vu du rapport d'enquête, qu'il n'y a pas suffisamment de preuve pour que le tribunal soit saisi.

[55]       En l'espèce, le seul élément de preuve dont disposait la Commission était le rapport d'enquête. La Commission ne disposait pas de la preuve contenue dans les affidavits produits par la demanderesse dans sa demande de contrôle judiciaire. Elle ne disposait pas non plus d'observations de la demanderesse faisant état de lacunes dans le rapport d'enquête.

[56]       La Commission n'a pas commis d'erreur en décidant de rejeter les plaintes de la demanderesse.


[57]       La demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens en faveur des défendeurs.

                                                                                                « Max Teitelbaum »

                                                                                                                                                   

                                                                                                       J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Le 24 août 1999.

Traduction certifiée conforme

Kathleen Larochelle, LL.B.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                  AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DE DOSSIER :                                T-1103-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :    Kathleen Helen Walker c. John Christopher Randall et autres

LIEU DE L'AUDIENCE :                     Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 30 juin 1999

                                                                                                                                                            

MOTIFS D'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR :          LE JUGE TEITELBAUM

                                                EN DATE DU :           24 août 1999

                                                                                                                                                            

ONT COMPARU :

J.J. McIntyre                                                  POUR LA DEMANDERESSE

Ian McCowan                                                  POUR LE DÉFENDEUR

Fiona Keith                                                                  POUR L'INTERVENANTE

AVOCATS AU DOSSIER :

McIntyre Winteringham                                             POUR LA DEMANDERESSE

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

                       

Morris Rosenberg                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Service du contentieux                                               POUR L'INTERVENANTE

Commission canadienne des droits de la personne                                                         

Ottawa (Ontario)



           [1]                 Le dossier du défendeur comprend une copie de la formule de plainte à la page 3.

           [2]                  Dossier du défendeur à la page 15.

           [3]                  Dossier du défendeur à la page 54.

           [4]                  Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (1995), 103 F.T.R. 37.

           [5]                  Décision non publiée datée du 29 juin 1998, dossier no IMM-4894-97 (C.F. 1re inst.)

           [6]                  Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (1997), 132 F.T.R. 281.

           [7]                  (1993), 72 F.T.R. 49, à la page 51.

           [8]                  [1994] 2 C.F. 574 (1re inst.).

           [9]                  Holmes c. Canada (Procureur général du Canada), dossier A-430-97, 29 avril 1998 (C.A.F.).

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