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Date : 20030408

Dossier : IMM-2244-02

Référence neutre : 2003 CFPI 413

Ottawa (Ontario), le 8 avril 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL                                 

ENTRE :

                                                    THEMBINKOSI BRI NXUMALO

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 La présente demande de contrôle judiciaire porte sur une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), datée du 16 avril 2002. Dans cette décision, le demandeur, M. Thembinkosi Bri Nxumalo, se voyait refuser le statut de réfugié au sens de la Convention.


[2]                 Le demandeur revendique le statut de réfugié pour des raisons d'opinions politiques. Il soutient avoir été membre d'un syndicat affilié au Congrès des syndicats du Zaïre (ZCTU) et ajoute qu'en septembre 1999, il a adhéré au Mouvement pour le changement démocratique (MDC). Il est devenu actif dans la section 6 de la circonscription de Bulawayo sud, en tant que membre du comité des jeunes. Le demandeur soutient avoir participé pour son parti aux élections parlementaires de 2000 et aux élections municipales de septembre 2001. Selon lui, il a commencé à avoir des problèmes en août 2001.

[3]                 Le 20 août 2001, trois personnes se sont présentées chez lui. Il lui a semblé qu'il s'agissait de membres des services secrets de l'État. Ils voulaient que le demandeur leur fournisse des renseignements sur le MDC. Le 28 août 2001, les mêmes personnes sont revenues et ont amené le demandeur dans une pièce où il dit avoir été détenu pendant une journée et torturé.

[4]                 Dès qu'il a été relâché le jour suivant, le demandeur est allé se cacher chez un ami à Harare. Il a quitté le Zimbabwe le 23 septembre 2001.

[5]                 La Commission a conclu que la preuve du demandeur « manque, dans l'ensemble, de crédibilité et de sincérité » . Cette conclusion est fondée sur plusieurs contradictions entre le témoignage du demandeur, son Formulaire de renseignements personnel (FRP) et les notes au point d'entrée (PDE), ainsi que sur des invraisemblances dans son histoire.


[6]                 Le demandeur soutient que la Commission a mal évalué sa crédibilité. Il soutient aussi que son histoire est tout à fait cohérente par rapport à ce que l'on connaît de la situation au Zimbabwe aujourd'hui et que sa situation objective n'a pas été examinée par la Commission. Finalement, le demandeur soutient que son expulsion serait contraire à la Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada 1982, ch. 11 (R.-U.), ainsi que d'autres traités internationaux.

[7]                 Au sujet de la crédibilité du demandeur, je suis d'avis que ce dernier cherche à obtenir de la Cour qu'elle substitue son opinion à celle de la Commission. Comme le déclare le juge Blanchard dans Hosseini c. Canada (M.C.I.), [2002] A.C.F. no 509 (C.F. 1re inst.) :

L'appréciation de la valeur des explications du demandeur, tout comme celle des autres faits, est entièrement du ressort de la Section du statut qui, en outre, a une expertise reconnue pour apprécier la valeur des témoignages sur la situation dans les différents pays. Dans ce contexte, je suis en accord avec les prétentions du défendeur, à savoir que le demandeur ne peut se contenter de réitérer en contrôle judiciaire une explication qui a déjà été présentée au tribunal spécialisé et que celui-ci a rejetée. Dans l'arrêt Muthuthevar c. MCI, [1996] A.C.F. No. 207, en ligne : QL, le juge Cullen au paragraphe 7 de ses motifs a abondé dans le même sens :

...Bien que le requérant cherche à clarifier cette partie du témoignage que la Commission a jugé invraisemblable, il ne faut pas oublier que les mêmes explications ont été fournies à la Commission et que celle-ci ne les a pas jugées crédibles. Le requérant n'a pas soumis à la présente Cour des éléments de preuve qui ont été ignorés ou mal interprétés et, pour cette raison, les conclusions de la Commission concernant la crédibilité doivent être confirmées.

[8]                 Par exemple, le demandeur soutient que la Commission a tiré une conclusion négative de la réponse qu'il a donnée à la question 20 de son FRP. La question 20 est rédigée comme suit : « recherché(e), par la police, par les autorités militaires ou par d'autres autorités » , et le demandeur a déclaré qu'il n'était pas recherché par l'État du Zimbabwe. Il a expliqué qu'il aurait pu répondre oui, il était recherché par l'agence de sécurité de l'État, mais aussi non, parce qu'aucune accusation n'avait été formellement portée contre lui. Il a aussi déclaré qu'il n'avait jamais été en prison, mais qu'il avait été détenu par la police secrète.


[9]                 Les arguments du demandeur au sujet des conclusions de la Commission sur sa crédibilité ne m'ont pas convaincu qu'elles étaient manifestement déraisonnables. J'ai examiné chaque conclusion sur la crédibilité et je suis convaincu que chacune, sauf la dernière, s'appuie sur la preuve.

[10]            S'agissant de l'allégation du demandeur que la Commission n'a pas examiné son cas au vu de la situation qui prévaut en ce moment au Zimbabwe, je dirai simplement que notre Cour a non seulement conclu que la preuve des conditions dans un pays ne suffit pas à établir l'existence d'une crainte fondée, mais aussi qu'il est absolument nécessaire que cette crainte soit à la fois objective et subjective. Si l'on devait décider chaque revendication de statut de réfugié uniquement sur la preuve documentaire au sujet des conditions dans le pays, n'importe quel revendicateur pourrait inventer une histoire qui convient.

[11]            De toute façon, la Commission a admis que le demandeur avait une « bonne compréhension » de certains des enjeux politiques au Zimbabwe. Afin de vérifier cette connaissance, la Commission a dû la comparer avec la preuve documentaire objective sur le Zimbabwe. De plus, la Commission a conclu que le comportement du demandeur indiquait qu'il n'avait pas de crainte subjective et, par conséquent, comme l'aspect subjectif et l'aspect objectif doivent tous deux être démontrés pour établir l'existence d'une crainte fondée, il n'était pas nécessaire d'établir l'existence d'une crainte objective au Zimbabwe.


[12]            S'agissant du troisième argument du demandeur qui porte que son expulsion contreviendrait à la Charte, notre Cour a déjà traité de cette question. Elle a maintes fois confirmé que la Commission n'a pas compétence pour appliquer les traités internationaux que le demandeur invoque à l'encontre de son renvoi. En fait, la Cour a déclaré qu'il était tout simplement prématuré de les invoquer à une étape où la seule compétence de la Commission consiste à déterminer si oui ou non un demandeur est un réfugié au sens de la Convention [Sandhu c. Canada (M.C.I.) (2000), 258 N.R. 100 (C.A.), Barrera c. Canada (M.E.I.), [1993] 2 C.F. 3, Arica c. Canada (M.E.I.), [1995] A.C.F. no 670 et Kofitse c. Canada (M.C.I), [2002] A.C.F. no 1168].

[13]            Après l'audience, le demandeur a obtenu trois jours pour présenter des questions à certifier. Le demandeur a soutenu qu'il y a une certaine confusion entourant la signification du mot « recherché » dans l'ancienne question 20 du Formulaire de renseignements personnels, et que le tribunal met souvent en question la crédibilité des revendicateurs du statut de réfugié parce qu'ils ont répondu dans les notes du port d'entrée qu'ils n'étaient pas recherchés par la police où par les autorités militaires alors qu'ils ont eu des problèmes de détention ou de persécution pour des raisons politiques dans leur pays. Il déclare que ce motif de mettre la crédibilité en cause est mentionné dans un grand nombre d'affaires devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

[14]            En soutenant qu'au vu de la confusion inhérente qui existe entre le fait d'être « recherché » et celui d'être persécuté pour des raisons politiques, ou le fait d'être en prison ou d'être détenu pour des raisons politiques, cet élément est souvent mis en cause dans l'examen de la crédibilité et utilisé pour contester la version présentée par les revendicateurs du statut de réfugié, le demandeur présente les questions suivantes à certifier :

[traduction]

L'existence d'une divergence entre les notes du port d'entrée et le FRP quant à savoir si une personne est recherchée suffit-elle à fonder des conclusions négatives quant à la crédibilité lorsque le demandeur explique qu'il avait compris qu'on lui demandait s'il était poursuivi pour des infractions criminelles?

Le même genre de conclusion est-elle valable lorsque le demandeur déclare qu'il n'a jamais été en prison dans sa déclaration initiale, pour ensuite déclarer qu'il a été détenu pour des raisons politiques?


[15]            Le défendeur soutient que les questions proposées par le demandeur ne satisfont pas aux critères établis par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Canada (M.C.I.) c. Liyanagamage (1994), 176 N.R. 4, en ce qu'elles n'abordent pas d'éléments ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale. Il soutient d'abord que le demandeur n'a présenté aucune preuve à l'appui de son allégation portant que les questions qu'il suggère sont souvent mises en cause dans l'examen de la crédibilité et utilisées pour contester la version présentée par les revendicateurs de statut de réfugié.

[16]            Le défendeur soutient que l'explication du demandeur voulant qu'il a cru que la question voulait dire : « êtes-vous recherché pour des infractions criminelles? » n'explique pas du tout l'incohérence qui existe entre les notes du port d'entrée et le FRP. En toute logique, son explication aurait été plus crédible si le demandeur avait répondu de la même façon à la même question dans les notes du port d'entrée et dans le FRP.

[17]            Les commentaires du juge Martineau dans sa décision récente Monteiro c. Canada (M.C.I.), [2002] A.C.F. no 1720, portent directement sur les critères établis par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Liyanagamage, précité :

Dans l'arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Liyanagamage (1994), 176 N.R. 4, la Cour d'appel fédérale a précisé, au paragraphe 4, qu'une question certifiée est une question qui « transcende les intérêts des parties au litige, [qui] aborde des éléments ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale [...] et [qui] est aussi déterminante quant à l'issue de l'appel » De plus, dans la décision Huynh c. Canada, [1995] 1 C.F. 633 (C.F. 1re inst.) (confirmé par [1996] 2 C.F. 976 (C.A.F.)), la Cour a indiqué qu' « [u]ne question certifiée ne se rapporte pas à l'affaire qui est entendue; elle vise à clarifier un point de droit de portée générale qui n'a pas été réglé » . Les questions proposées en l'espèce ne permettent pas de trancher l'appel. En outre, il serait difficile, en raison du dossier et des circonstances particulières en cause, de clarifier, dans le cadre d'un appel, tout point de droit de portée générale qui n'a pas été réglé. Par conséquent, aucune question de portée générale ne sera certifiée.


[18]            En l'espèce, je partage l'avis du défendeur que le demandeur n'a pas présenté de preuve à l'appui des ses arguments. Toutefois, si les allégations du demandeur que la Commission fonde ses conclusions au sujet de la crédibilité sur le fait que le demandeur comprend mal le sens de la question 20 dans le FRP et de la question semblable dans les notes au port d'entrée sont vraies, je ne partage pas l'avis du défendeur qu'il ne s'agit pas de questions de portée générale. Je peux voir comment on peut se demander quel est le sens réel de la question : « Êtes-vous recherché(e) par la police, les autorités militaires ou par d'autres autorités dans un pays quelconque? » . Qu'est-ce que les agents d'immigration veulent vraiment savoir? Veulent-ils savoir si le demandeur cherche à échapper à la justice par suite d'une infraction criminelle qu'il aurait commise, ou s'il cherche à échapper à la persécution qu'il prétend subir?

[19]            Je considère donc que de ce fait qu'il s'agirait d'une question de portée générale. Nonobstant mon point de vue à ce sujet, je conclus que les questions proposées ne permettraient pas de trancher l'appel puisque la décision de la Commission n'est pas fondée uniquement sur cette question. Les autres conclusions seraient confirmées et la décision ne serait donc pas renvoyée pour nouvel examen.

[20]            Pour les motifs que je viens d'énoncer, je rejette la demande, sans proposer de question certifiée.


                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question n'est certifiée.

                  « Simon Noël »                  

             Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                        IMM-2244-02

INTITULÉ :                       THEMBINKOSI BRI NXUMALO c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                               Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                           Le 18 mars 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :      LE JUGE SIMON NOËL

DATE DES MOTIFS :     Le 8 avril 2003

COMPARUTIONS :

Me Stewart Istvanffy                                             POUR LE DEMANDEUR

Me Jocelyne Murphy                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Stewart Istvanffy                                             POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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