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                                                                                                                                             T-533-93

 

 

OTTAWA (ONTARIO), le 23 mai 1997.

 

 

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE J.E. DUBÉ

 

 

ENTRE :

 

 

                              URBANDALE REALTY CORPORATION LIMITED,

 

                                                                                                                                     demanderesse,

 

 

                                                                             et

 

 

                                                       SA MAJESTÉ LA REINE,

 

                                                                                                                                               intimée.

 

 

 

 

 

                                                                   JUGEMENT

 

 

            L'appel est rejeté avec dépens.

 

 

 

 

                                                                                                                      J.E. DUBÉ        

                                                                                                                              Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                                                                            

 

                                                                                                                        Laurier Parenteau


 

 

 

                                                                                                                                             T-533-93

 

 

ENTRE :

 

 

                              URBANDALE REALTY CORPORATION LIMITED,

 

                                                                                                                                     demanderesse,

 

 

                                                                             et

 

 

                                                       SA MAJESTÉ LA REINE,

 

                                                                                                                                               intimée.

 

 

 

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

LE JUGE DUBÉ

 

            Le présent appel en matière d'impôt sur le revenu, vise une décision de la Cour canadienne de l'impôt, en date du 29 décembre 1992, rejetant l'appel interjeté par la demanderesse (Urbandale) au motif que les frais de lotissement ici en cause ne constituent pas des dépenses déductibles au titre de l'article 9 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi) et ne correspondaient pas non plus à un impôt foncier pouvant être déduit aux termes du paragraphe 18(2) de la Loi.

 

1-Contexte de l'affaire

 

            Voici les faits essentiels du dossier. Le 31 décembre 1986, Urbandale a versé à la Municipalité régionale d'Ottawa-Carleton la somme de 2 908 100 $ au titre de frais de «lotissement» et a cherché à déduire cette somme du revenu qu'elle avait perçu dans son année d'imposition 1986. Ces frais de lotissement lui avaient été imposés en vertu des pouvoirs conférés à la Municipalité régionale d'Ottawa-Carleton par le paragraphe 50(6) de la Loi sur l'aménagement du territoire, L.R.O. 1983, ainsi que par le paragraphe 31(1) et l'article 33 de la Loi sur la municipalité régionale d'Ottawa-Carleton, L.R.O. 1980. Ces frais sont imposés dans l'intérêt général, plus précisément pour financer divers services municipaux et ne sont pas affectés à l'aménagement ou à la viabilisation des terrains à l'égard desquels les redevances en question sont imposées.

 

            Urbandale exploite une entreprise de promotion immobilière. Elle achète des terrains vagues, les lotit, y installe les services publics et les vend à des compagnies de construction. En 1986, les terrains en question n'avaient encore fait l'objet que d'un avant-projet de lotissement déposé auprès de la municipalité régionale. Aucun aménagement n'y avait encore été apporté. Les redevances n'étaient dues que lors de l'émission d'un permis de construire mais Urbandale a décidé de les payer le dernier jour de 1986, prévoyant que leur taux augmenterait en 1987. Pour l'année d'imposition 1986, Urbandale avait enregistré 7 410 489 $ de ventes foncières, mais les frais de lotissement dont il est question ici n'avaient aucun lien avec ces ventes-là.

 

2-         Les points de droit

 

            Urbandale affirme que les frais de lotissement constituaient un impôt foncier et pouvaient donc être déduits au titre du paragraphe 18(2) de la Loi. Elle fait valoir, subsidiairement, que ces redevances constituaient des dépenses aux termes de l'article 9 de la Loi. Le Ministre fait pour sa part valoir que ces redevances ne peuvent pas être considérées comme une dépense courante lorsqu'il s'agit de calculer le revenu de Urbandale aux fins de l'article 9 de la Loi, que ces redevances ne constituent pas un impôt foncier au sens du paragraphe 18(2) et que, en tout état de cause, le paragraphe 18(2) ne permet pas de déduire pour l'année en cause le montant des impôts fonciers. Le Ministre soutient, subsidiairement, que les sommes versées par Urbandale l'ont été au titre d'une période postérieure à 1986 et qu'elle ne pourraient donc être déduites qu'au cours des années postérieures à 1986, comme le prévoit le paragraphe 18(9) de la Loi. Les dispositions pertinentes de la Loi sont les suivantes :

 

9. (1) Revenu tiré d'une entreprise ou d'un bien. - Sous réserve des dispositions de la présente Partie, le revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition est le bénéfice qu'il en tire pour cette année.

 

                [...]

 

18. (1) Exceptions d'ordre général. - Dans le calcul du revenu du contribuable, tiré d'une entreprise ou d'un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

 

a) exception d'ordre général - un débours ou une dépense, sauf dans la mesure où ce débours ou cette dépense a été fait ou engagé par le contribuable en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien;

 

                [...]

 

18. (2) Restriction relative à certains intérêts et à certains impôts fonciers. - Nonobstant l'alinéa 20(1)(c), lors du calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une entreprise ou d'un bien, aucune déduction ne peut être effectuée relativement à toute somme payée ou payable par le contribuable dans l'année et après 1971, au titre ou en paiement intégral ou partiel

 

a) d'intérêts sur de l'argent emprunté et utilisé pour acquérir un fonds de terre ou sur une somme payable par lui relativement à un fonds de terre, ou

 

b) d'impôts fonciers (non compris l'impôt sur le revenu ou sur les bénéfices ni l'impôt afférent au transfert de biens) payés ou payables par lui à une province ou à une municipalité canadienne, relativement à un fonds de terre, et

 

si, compte tenu de toutes les circonstances, y compris le prix que le contribuable a payé pour le fonds de terre par rapport au revenu brut, si revenu brut il y a, qu'il en a tiré dans cette année ou dans toute année antérieure, le fonds de terre ne peut pas raisonnablement être considéré comme ayant été, dans l'année

 

c) utilisé dans l'exploitation ou détenu dans le cadre d'une entreprise exploitée dans l'année par le contribuable, ou

 

d) [abrogé]

 

e) détenu par le contribuable principalement en vue de tirer de ce fonds de terre un revenu pour cette année,

 

sauf dans la mesure où le revenu brut, si revenu brut il y a, tiré du fonds de terre dans cette année par le contribuable dépasse le total de toutes les autres sommes déduites lors du calcul du revenu qu'il a tiré du fonds de terre dans cette année.

 

                [...]

 

18. (9) Limitation des dépenses payées d'avance. - Nonobstant tout autre disposition de la présente Loi,

 

a) dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition tiré d'une entreprise ou d'un bien (à l'exclusion du revenu tiré d'une entreprise calculé selon la méthode permise par le paragraphe 28(1)), il n'est accordé aucune déduction au titre d'un débours ou d'une dépense dans la mesure où ils peuvent raisonnablement être considérés comme faits ou engagés

 

                [...]

 

(ii) à l'égard, au titre ou en paiement intégral ou partiel d'intérêts, d'impôts ou taxes (à l'exclusion des taxes imposées sur les primes d'assurance), de loyer ou de redevances visant une période postérieure à la fin de l'année, ou

 

                [...]

 


3-         Témoignages d'experts

 

            Les deux parties ont convenu que le présent appel serait tranché uniquement en fonction des preuves portées devant la Cour de l'impôt et qu'aucun autre témoin ne serait produit.

 

            Au nom de la demanderesse, Me Alan Cohen, spécialiste du développement municipal et de l'aménagement du territoire, a exposé les politiques et pratiques en vigueur dans les divers paliers de gouvernement municipal concernés par les opérations de lotissement. Il a déclaré que les redevances régionales de lotissement représentaient un paiement unique censé atténuer les retombées, au niveau de l'assiette fiscale, des coûts en capital indirectement entraînés par les nouvelles constructions. Les redevances en question devaient donc permettre de financer les dépenses en immobilisations qu'exige le développement urbain et n'étaient pas directement liées à tel ou tel projet de lotissement. Urbandale a payé les frais de lotissement bien avant que ne soit émis le permis de construire afin d'éviter une augmentation prévue du taux de redevances. Dans ses états financiers vérifiés de 1986, Urbandale a rangé les redevances en question dans la catégorie «frais administratifs/frais généraux» aux fins du calcul de son revenu de l'année.

 

            Leonard Cogan, c.a., du cabinet comptable chargé de la vérification des états financiers de Urbandale pour l'année 1986, a déclaré que, conformément aux principes comptables généralement reconnus, Urbandale avait, dans ses états financiers, déduit en tant que dépenses, les intérêts, impôts et autres frais financiers en rapport avec des terrains destinés au lotissement. Cette approche lui a semblé parfaitement orthodoxe. D'après lui, les frais de lotissement sont tout simplement un impôt imposé aux lotisseurs et calculé en fonction du nombre de lots ayant fait l'objet d'un permis de construire. Le paiement de ces redevances n'entraîne aucune augmentation de la valeur du terrain : c'est pourquoi la capitalisation de ces redevances aurait pour effet de surévaluer les profits découlant des opérations de lotissement.

 

            Au nom du Ministre, D. Neil McFadgen, c.a., associé du cabinet Price, Waterhouse, où il est chargé du service national de vérification, a estimé que la manière dont Urbandale a intégré à son bilan les frais de lotissement n'était pas conforme aux principes comptables généralement reconnus. D'après lui, ces redevances constituent un paiement unique qui ne correspond guère à des frais généraux :

 

                [TRADUCTION] Dans une entreprise immobilière, les frais généraux consistent normalement en salaires et avantages sociaux du personnel et des dirigeants affectés à la promotion immobilière, en frais de déplacement et dépenses d'automobile, en fournitures et dépenses de bureau, en jetons de présence des administrateurs, en primes d'assurance, en frais afférents à l'équipement d'informatique, en abonnements, en impôts sur le capital et sur l'entreprise et en dons.

 

            Il a conclu que [TRADUCTION] «les principes comptables généralement reconnus au Canada veulent que les frais de développement soient capitalisés».

 

4-Analyse

 

            Le point de départ et la règle de base pour calculer le revenu provenant d'une entreprise ou d'un bien sont l'article 9 de la Loi, selon lequel le revenu d'un contribuable pour une imposition donnée est «le bénéfice qu'il en tire pour cette année». Or, la notion de «bénéfice» n'est pas définie dans la Loi. L'étape suivante consiste à appliquer le paragraphe 18(1) qui prévoit qu'une dépense n'est pas déductible sauf dans la mesure où elle a été engagée par le contribuable «en vue de tirer un revenu».

 

            La jurisprudence a établi qu'en matière fiscale il ne suffit pas que la déduction de la dépense en question soit conforme aux pratiques commerciales ordinaires : en dernière analyse, le montant des bénéfices au regard du paragraphe 9(1) est une question de droit. Autrement dit, s'il y a lieu de tenir compte des principes comptables généralement reconnus, c'est en définitive au regard du paragraphe 9(1) que la Cour doit se prononcer sur la déductibilité d'une dépense et, partant, sur le montant des bénéfices. Cette idée a été développée au nom de la Cour suprême du Canada, par le juge Iacobucci dans l'arrêt Symes c. Canada[1], ainsi qu'en témoigne l'extrait suivant :

 

C'est un critère qui a été formulé de bien des façons. Comme le juge de première instance l'a bien fait ressortir, la détermination du bénéfice en vertu du par. 9(1) est une question de droit : Neonex International Ltd. c. The Queen, [1978] C.T.C. 485 (C.A.F.). C'est peut-être pour ce motif (comme le laisse entendre implicitement Neonex) que les tribunaux ont hésité à énoncer, relativement au par. 9(1), un critère fondé «sur les principes comptables généralement reconnus» (P.C.G.R.) : voir aussi «Business Income and Taxable Income» (1953 Conference Report: Association canadienne d'études fiscales) cité dans B. J. Arnold et T. W. Edgar, dir. Materials on Canadian Income Tax (9e éd. 1990), à la p. 336. Toute mention des P.C.G.R. comporte l'idée d'un degré de contrôle exercé par des comptables professionnels, ce qui est incompatible avec un critère juridique du «bénéfice» en vertu du par. 9(1). Alors qu'un comptable s'interrogeant sur l'opportunité d'une déduction peut être motivé par le désir de présenter un tableau plutôt conservateur du niveau des profits courants, la Loi vise une fin différente : la perception de revenus publics. Pour ces motifs, dans l'examen du par. 9(1), il convient davantage de parler de «principes bien reconnus de la pratique courante des affaires (ou comptable)» ou de «principes bien reconnus des affaires commerciales».

 

            Ainsi que l'a déclaré le juge MacGuigan, de la Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt West Kootenay Power and Light Company Limited c. La Reine[2], il n'est pas souhaitable que les déclarations d'impôt soient toujours identiques aux états financiers préparés par le comptable de l'entreprise. Le principe comptable du «rattachement», qui revêt une importance fondamentale, exige qu'on calcule les bénéfices annuels d'une entreprise soient calculés en défalquant des revenus de l'année, le montant des dépenses engagées pour produire ces revenus :

 

[...] la méthode applicable est celle qui donne l'image la plus fidèle du revenu du contribuable, qui représente le plus fidèlement et proprement et qui permet le meilleur «rattachement» des charges et des produits.

 

            Dans l'arrêt Canada c. Canderel Ltd.[3], le juge Stone de la Cour d'appel fédérale a évoqué le principe du rattachement pour dire que, à son avis, «le principe comptable du rattachement a été élevé, du moins par la Cour, au statut de principe juridique». Dans une décision plus récente de la Cour d'appel, l'arrêt La Reine c. Toronto College Park Limited[4], le juge Robertson a cité l'arrêt Canderel ainsi que les trois solutions qui s'offrent au niveau des pratiques comptables généralement reconnues, notant que la question qui se posait n'était pas de savoir «laquelle des trois options relatives aux PCGR reflète le plus fidèlement les bénéfices ou le revenu net du contribuable, mais plutôt d'établir si la dépense en question peut se raccorder à une source de revenu déterminée».

 

            Je conviens avec le juge Bonner, de la Cour canadienne de l'impôt, que les principes comptables généralement reconnus invoqués par M. McFadgen sont davantage en accord avec les principes ayant normalement cours en matière commerciale que ceux qu'invoque M. Cogan. Ajoutons que ces principes sont conformes aux principes de rattachement développés par la Cour d'appel fédérale. Les droits de lotissement en cause n'ont rien à voir avec les revenus de Urbandale pour l'année 1986. Il ne s'agit ni de frais généraux ni de dépenses courantes. Il est clair que les frais de lotissement versés le dernier jour de l'année 1986, au titre de terrains qui n'étaient pas encore lotis, ne peuvent pas se rattacher à des revenus tirés de ces terrains. Le revenu de 1986 provenait d'autres terrains lotis et vendus plus tôt dans la même année. Au cours des années d'imposition à venir, les terrains en question seront — s'il ne le sont déjà — lotis et seront — s'il ne l'ont déjà été — vendus. Urbandale pourra déduire les droits en question des revenus tirés de la vente des lots formés à partir des terrains sur lesquels ont été payés lesdits droits de lotissement.

 

5-L'impôt foncier au regard du paragraphe 18(2)

 

            La demanderesse soutient que ces frais de lotissement constituent un impôt foncier. Un impôt est une contribution financière ou droit que le gouvernement prélève sur les revenus ou les biens, ou sur les articles de consommation; le produit de ces impôts fonciers ou de ces droits étant versé au gouvernement dans l'intérêt général. La notion d'impôt est une notion de caractère général qui comprend toutes sortes de prélèvements sur les personnes ou sur les biens afin d'alimenter le trésor public. Il s'agit aussi bien de péages, de charges, de redevances, d'aides, de tributs ou de droits de douane[5].

 

            Dans l'arrêt Organisation des produits agricoles, le juge en chef Dickson, de la Cour suprême du Canada[6], a déclaré que selon les critères de la fiscalité il faut que le prélèvement en cause soit (1) exigé par une loi, (2) en vertu des pouvoirs de la législature, (3) par un organisme public, et (4) dans un but d'intérêt public. Les mots «impôt foncier» doivent recevoir leur sens ordinaire et donc englober toutes sortes de redevances fiscales. Un impôt foncier est un impôt sur la propriété foncière et on ne peut pas, logiquement, n'englober dans cette notion que les impôts annuels[7].

 

            Je conviens donc, avec l'avocat de Urbandale, que ces frais de lotissement constituent un impôt foncier. Cela ne veut cependant pas dire qu'on puisse en l'espèce en déduire le montant au titre du paragraphe 18(2) de la Loi. Le paragraphe 18(2) prévoit une restriction et non pas une déduction. Au départ, ce paragraphe renvoie à l'alinéa 20(1)c) qui prévoit la déduction des intérêts. Le paragraphe 18(2) précise que, nonobstant les déductions autorisées à l'alinéa 20(1)c), aucune déduction ne peut être effectuée relativement à toute somme payée... au titre... d'impôts fonciers... payés ou payables par lui... relativement à un fonds de terre.

 

            Dans un paragraphe unique, le dernier de son jugement, le juge Bonner, de la Cour canadienne de l'impôt, se prononce sur l'argument présenté par la demanderesse sur la question de l'impôt foncier :

 

J'en viens maintenant à l'argument de M. Weinstein selon lequel les frais de lotissement représentent un impôt foncier au sens du paragraphe 18(2) de la Loi et sont, de ce fait, déductibles en application de cette disposition, lors même qu'ils ne sont pas déductibles sous le régime de l'article 9. Ce dernier prévoit que «[...] le revenu tiré par un contribuable d'une entreprise [...] pour une année d'imposition est le bénéfice qu'il en tire [...]». Il ressort clairement du libellé du paragraphe 18(2) que cette disposition vise à limiter la déduction de montants qui auraient été déductibles par ailleurs dans le calcul du revenu ou du bénéfice. Cette conclusion est inéluctable vu les termes employés dans la Loi : «Dans le calcul du revenu du contribuable, tiré d'une entreprise [...], les éléments suivants ne sont pas déductibles : [...]». Il s'ensuit que l'appelante, ayant invoqué en vain l'article 9, ne peut se tourner non plus vers l'article 18 pour obtenir un redressement. Par ces motifs, l'appel sera rejeté.

 

            Il me semble évident que si une dépense ne répond pas au premier critère de l'article 9 et ne constitue pas une dépense engagée par le contribuable en vue de tirer un revenu d'un bien, comme le prévoit l'alinéa 18(1)a), on ne saurait valablement prétendre en faire l'objet d'une déduction en invoquant une disposition qui a pour objet d'ajouter une restriction. Selon le sens ordinaire qu'il convient de leur donner, ces dispositions ne prévoient aucune déduction d'une dépense (qu'il s'agisse d'un impôt foncier ou d'une autre dépense) qui n'a pas été engagée par le contribuable en vue de tirer un profit d'une entreprise ou d'un bien. Si la dépense en question est une dépense en immobilisations, elle ne peut pas être déduite du revenu en raison d'autres restrictions prévues au paragraphe 18(2).

 

            La demanderesse plaide l'existence d'une ambiguïté au paragraphe 18(2), estimant que l'interprétation qui doit en être retenue serait celle qui est la plus avantageuse pour le contribuable[8]. On ne relève cependant aucune ambiguïté si l'on prend le paragraphe 18(2) pour ce qu'il est effectivement, c'est-à-dire une disposition mettant en place une restriction et non pas une disposition offrant une possibilité de déduction que n'envisagent pas les paragraphes 9(1) et 18(1). Par conséquent, les bulletins d'interprétation émis par le ministère du Revenu national ne sauraient en l'espèce être invoqués par la demanderesse à l'appui de sa thèse.

 

5-Dépenses payées d'avance au regard du paragraphe 19(9) de la Loi

 

            Ayant conclu que les frais de lotissement ne peuvent pas être considérés comme une dépense courante dans le calcul du revenu de la demanderesse au regard de l'article 9 de la Loi, et que le paragraphe 18(2) n'autorise pas la déduction courante des impôts fonciers, il n'y a pas lieu d'examiner l'argument subsidiaire invoqué par la défenderesse, selon lequel les frais de lotissement sont prescrits par le paragraphe 18(9) de la Loi.

 

7-Décision

 

            L'appel est rejeté avec dépens.

 

 

Ottawa (Ontario)

Le 23 mai 1997.

 

                                                                                                                                             

                                                                                                                                                     Juge

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                                                                            

 

                                                                                                                        Laurier Parenteau


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                             SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

                             AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

No DU GREFFE :                             T-533-93

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :Urbandale Realty Corporation Limited c.

                                                            Sa Majesté la Reine

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE : Le 20 mai 1997

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE M. LE JUGE DUBÉ

 

EN DATE DU :23 mai 1997

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

Stephen Victor,                                                           POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Robert McMechan,                                                     POUR L'INTIMÉE

 

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Kimmel, Victor, Ages                                     POUR LA DEMANDERESSE

Ottawa (Ontario)

 

 

George Thomson                                                         POUR L'INTIMÉE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)



[1][1993] 4 R.C.S. 695, à la p. 723.

[2]92 DTC 6023, à la p. 6028, [1992] 1 C.F. 132 (C.A.) à la p. 745.

[3][1995] 2 C.F. 232, à la p. 236 (une autorisation de pourvoir à la Cour suprême a été accordée).

[4]96 DTC 6407, à la p. 6411 (pourvoi également autorisé).

[5]Voir F. E. West and Company (1921), 50 O.L.R. 631, à la p. 640.

[6][1978] 2 R.C.S. 1198, à la p. 1237.

[7]Petrofina Canada Ltd. v. Markland Developments Ltd., [1977] 3 R.P.R. (C.S. N.-É.) 33, à la p. 37.

[8]Partington v. Attorney General, (1869) L.R. 4 H.L. 100; cité dans The Corporation of the City of Ottawa c. Royal Trust et autres, R.C.S. 526, à la p. 541.

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