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Date : 20041103

Dossier : T-1605-04

Référence : 2004 CF 1545

                                               

ENTRE :

                                 AGUSTAWESTLAND INTERNATIONAL LIMITED

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

     MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

et SIKORSKY INTERNATIONAL OPERATIONS INC.

                                                                                                                                          défendeurs

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE KELEN

[1]         La présente instance concerne deux requêtes. La première, qui a été introduite par les défendeurs Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et Sikorsky International Operations Inc., vise à obtenir la radiation de la présente demande de contrôle judiciaire de la procédure suivie par Travaux publics pour l'adjudication d'un marché prévoyant la fourniture d'hélicoptères aux Forces armées canadiennes. La seconde est une requête présentée par AgustaWestland International Limited en vue d'obtenir un jugement déclarant que la demande a été introduite dans les délais prescrits ou, à titre subsidiaire, pour obtenir la prorogation du délai imparti à la demanderesse pour présenter une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, modifiée.


FAITS À L'ORIGINE DU LITIGE

[2]         La présente affaire porte sur la fourniture de 28 hélicoptères maritimes.

[3]         La Cour d'appel fédérale a exposé les faits à l'origine du litige dans l'arrêt E.H. Industries Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), (2001) 267 N.R. 173, 2001 CAF 48. Au paragraphe 4, le juge Malone relate succinctement les faits que je reproduis ici tout en signalant que EHI a changé de nom et s'appelle désormais AgustaWestland International Limited :

¶ 4         Pour trancher ces questions, il est nécessaire de rappeler brièvement les faits :

i)                     En 1987, le Canada a adjugé à EHI un marché prévoyant la fourniture d'hélicoptères EH-101 pour remplacer le parc d'hélicoptères maritimes du Canada. En 1991, un marché semblable a été signé en vue de remplacer le parc d'aéronefs de recherche et de sauvetage. En tout, 50 hélicoptères EH-101 ont été commandés, mais ces commandes ont par la suite été annulées et des pénalités importantes ont été versées à EHI.

ii)                    En 1996, le Canada a publié une demande de propositions (DDP) au sujet d'hélicoptères de recherche et de sauvetage. C'est ce qu'on a appelé le marché public relatif aux hélicoptères de recherche canadiens. EHI a obtenu ce marché et s'est engagé à fournir au Canada 15 hélicoptères de recherche et de sauvetage Cormorant.


iii)                  Le 17 août 2000, le ministre de la Défense nationale a annoncé l'intention du Canada de procéder au remplacement du parc d'hélicoptères CH124 Sea King des Forces canadiennes. Le 22 août 2000, une lettre d'intention (IL) a été affichée dans le Service électronique d'appels d'offres du gouvernement (MERX). La IL donnait aux fournisseurs potentiels des renseignements d'ordre général au sujet de l'obligation stricte imposée à tout fournisseur intéressé de répondre à la IL en indiquant qu'il était intéressé à agir comme entrepreneur principal pour l'un ou l'autre des deux projets proposés dans la IL.

[...]

viii)        Le 11 octobre 2000, la demanderesse a porté plainte auprès du TCCE au motif que le Canada avait structuré la procédure de passation du marché des hélicoptères maritimes de façon à la soumettre intentionnellement à un traitement discriminatoire, contrairement au paragraphe 504(2) de l'ACI;

            [...]

x)                   Le 31 octobre 2000, le TCCE a informé EHI qu'il avait examiné la plainte et qu'il avait conclu qu'elle ne démontrait pas dans une mesure raisonnable que le Canada avait agi contrairement à la procédure de passation de marchés publics prévue par l'accord en question. Voici les motifs du Tribunal :

[traduction] Le Tribunal a examiné la preuve et étudié les renseignements communiqués par la plaignante et est d'avis que la plainte ne démontre pas, dans une mesure raisonnable, que TPSGC a agi contrairement à la procédure de passation de marché prévue par l'accord applicable, en l'occurrence l'Accord sur le commerce intérieur (ACI). L'ACI n'oblige pas le gouvernement à utiliser une méthode de sélection déterminée et l'ACI n'oblige en rien le gouvernement à acheter une sorte ou une marque de produit simplement parce qu'il possède déjà cette marque ou ce produit. De plus, la procédure de passation de marchés en est présentement à l'étape de la « lettre d'intérêt » et le cahier des charges et les critères de sélection n'ont pas encore été arrêtés définitivement.


xi)         Le 8 novembre 2000, EHI a introduit la présente demande de contrôle judiciaire de la décision du TCCE. Le 21 novembre 2000, la demanderesse a de nouveau communiqué avec le TCCE pour lui demander de réexaminer sa décision du 31 octobre en raison des nouveaux éléments d'information portés à sa connaissance. Le 28 novembre 2000, le TCCE a refusé la seconde demande d'EHI au motif que les nouveaux éléments soumis ne soulevaient aucune nouvelle question litigieuse.

[4]         Le juge Malone a signalé que la preuve administrée dans la présente affaire était susceptible de démontrer que la procédure de passation de marché avait souffert d'une « politisation flagrante » , mais qu'elle ne démontrait pas qu'EHI avait été victime de discrimination à cette étape préliminaire du processus. Voici en quels termes le juge Malone s'est exprimé au paragraphe 16 :

Pris globalement, ces éléments de preuve pourraient démontrer que la procédure de passation de marché a souffert d'une politisation flagrante au sein du ministère de la Défense nationale. J'estime toutefois qu'elle ne démontre pas qu'EHI a été victime de discrimination à cette étape préliminaire du processus ou au cours des consultations avec les intervenants de l'industrie.

Finalement, le juge Malone a précisé que la Cour n'exprimait aucune opinion au sujet de la compétence du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) pour instruire la plainte et il a ajouté que le Tribunal avait eu tort d'examiner le bien-fondé de la plainte. Le juge Malone a déclaré ce qui suit, au paragraphe 18 :

Vu la conclusion à laquelle elle en arrive au sujet du bien-fondé de la demande de contrôle judiciaire, la Cour n'exprime aucune opinion en ce qui concerne la compétence du Tribunal pour instruire la plainte déposée par la demanderesse. Le Tribunal a eu tort, à mon avis, d'examiner le bien-fondé de la plainte. Il aurait dû rejeter la plainte au seul motif qu'elle était prématurée, et les conclusions qu'il a tirées au sujet du bien-fondé de la plainte n'ont, évidemment, aucune valeur de précédent.


[5]         C'est dans ce contexte que la procédure de passation du marché s'est poursuivie. La demanderesse était l'un de deux entrepreneurs qualifiés et elle a été invitée à soumettre une offre pour les 28 hélicoptères. La demanderesse a présenté sa soumission le 23 juillet 2004. Travaux publics a annoncé que le marché serait attribué à l'autre soumissionnaire qualifié, Sikorsky.

[6]         La demanderesse a cherché à obtenir des réponses à plusieurs des questions qu'elle se posait au sujet de cette décision. Travaux publics lui a répondu le 23 août 2004. La demanderesse a introduit la présente demande de contrôle judiciaire le 1er septembre 2004, neuf jours après avoir reçu les renseignements qu'elle avait réclamés à Travaux publics.

Faits survenus après l'annonce de l'évaluation des soumissions et de l'attribution du marché à Sikorsky

[7]         Le ministre a publié les résultats de l'évaluation des soumissions le vendredi 23 juillet 2004 lorsqu'il a annoncé que le marché serait attribué à Sikorsky. Agusta a rencontré le lundi 27 juillet 2004 des représentants du bureau de gestion du projet des hélicoptères maritimes de Travaux publics pour un « entretien final » officiel. Agusta a d'entrée de jeu posé un certain nombre de questions au sujet de l'évaluation de l'offre qu'elle avait soumise. Travaux publics lui a demandé de lui soumettre ces questions par écrit.

[8]         Agusta a par conséquent soumis le 31 juillet 2004 une lettre contenant neuf questions.


[9]         Ne recevant pas de réponse, Agusta a de nouveau écrit à Travaux publics le 9 août 2004 pour réclamer une réponse à sa lettre du 31 juillet 2004. Voici un extrait de cette lettre :

[traduction]Nous vous saurions gré de communiquer avec nous dès qu'il vous sera possible de le faire pour nous faire savoir à quelle date vous prévoyez être en mesure de répondre à notre lettre du 31 juillet afin de fixer un rendez-vous pour discuter de l'évaluation des soumissions [...]

[10]       Ne recevant toujours pas de réponse, Agusta a écrit une autre lettre à Travaux publics le 12 août 2004 pour lui demander de nouveau quand elle pouvait compter recevoir une réponse à ses lettres. Voici un extrait de cette lettre :

[traduction]AWIL souhaite ardemment poursuivre l'entretien final technique dès que possible. Nous vous saurions par conséquent gré de nous préciser quand nous pouvons prévoir recevoir une réponse à nos lettres des 30 juillet, 31 juillet et 9 août.

[11]       Agusta a envoyé un courriel à Travaux publics le 13 août 2004 pour lui demander de nouveau quand elle pouvait s'attendre à recevoir une réponse à ses lettres.

[12]       Agusta s'inquiétait du « temps excessif » que Travaux publics mettait à répondre aux questions qu'elle lui avait soumises par écrit le 31 juillet 2004. L'avocat d'Agusta a par conséquent écrit le 23 août 2004 au sous-ministre adjoint des Travaux publics pour lui expliquer qu'on l'avait assuré qu'on répondrait « en priorité » à ses questions écrites et que Agusta avait besoin de ses réponses pour bien comprendre les observations des évaluateurs.


[13]       Travaux publics a fini par répondre aux questions d'Agusta dans une lettre datée du 23 août 2004. Dans l'affidavit qu'elle a souscrit au nom d'Agusta, Gabriele A. Galleazzi précise les trois types de renseignements obtenus le 23 août 2004 que Agusta ignorait jusqu'alors au sujet de l'évaluation et qu'elle invoque au soutien de sa demande d'annulation de l'évaluation des soumissions.

Moyens invoqués au soutien de la demande de contrôle judiciaire

[14]       La demanderesse affirme que la décision d'adjuger le marché à Sikorsky est entachée de mauvaise foi du fait notamment que le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux avait un parti pris contre elle et qu'il s'est immiscé dans la procédure d'évaluation, qu'il a contrôlée, de sorte que la soumission de la demanderesse a été rejetée.

Moyens invoqués au soutien de la requête en radiation de la demande de contrôle judiciaire

[15]       Travaux publics et Sikorsky font valoir deux moyens pour affirmer que la présente demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée :

1.          la demande a été introduite après l'expiration du délai applicable et aucune prorogation de délai ne devrait être accordée;


2.          la demande est irrecevable parce que la demanderesse dispose d'un autre recours approprié en vertu d'une loi fédérale, en l'occurrence le dépôt d'une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique, le Tribunal ayant la compétence et les connaissances spécialisées nécessaires pour enquêter sur cette plainte.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[16]       Voici les dispositions pertinentes de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, art. 1; 2002, ch. 8, art. 14 :


18.1(3) Pouvoirs de la Cour fédérale

(3) Sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut :

a) ordonner à l'office fédéral en cause d'accomplir tout acte qu'il a illégalement omis ou refusé d'accomplir ou dont il a retardé l'exécution de manière déraisonnable;

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu'elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l'office fédéral.

[...]

18.2 Mesures provisoires

18.2 La Cour fédérale peut, lorsqu'elle est saisie d'une demande de contrôle judiciaire, prendre les mesures provisoires qu'elle estime indiquées avant de rendre sa décision définitive.

18.1(3) Powers of Federal Court

(3) On an application for judicial review, the Federal Court may

(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

[...]

18.2 Interim orders

18.2 On an application for judicial review, the Federal Court may make any interim orders that it considers appropriate pending the final disposition of the application.


[17]       Voici les dispositions pertinentes de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985, ch. 47 (4e suppl.) (la Loi sur le TCCE) :



Définitions

30.1 Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et aux articles 30.11 à 30.19.

30.1 « _contrat spécifique_ » "designated contrat"

« _contrat spécifique_ » Contrat relatif à un marché de fournitures ou services qui a été accordé par une institution fédérale - ou pourrait l'être -, et qui soit est précisé par règlement, soit fait partie d'une catégorie réglementaire.

30.1 « _fournisseur potentiel_ » "potential supplier"

« _fournisseur potentiel_ » Sous réserve des règlements pris en vertu de l'alinéa 40f.1), tout soumissionnaire - même potentiel - d'un contrat spécifique.

30.1 « _institution fédérale_ » "government institution"

« _institution fédérale_ » Ministère ou département d'État fédéral, ainsi que tout autre organisme, désigné par règlement.

30.1 « _intéressée_ » "interested party"

« _intéressée_ » S'appliquant à « _partie_ » , le terme vise tout fournisseur potentiel ou toute personne ayant un intérêt économique direct dans l'affaire en cause dans une plainte.

30.1 « _plainte_ » "complaint"

« _plainte_ » Plainte déposée auprès du Tribunal en vertu du paragraphe 30.11(1).

[...]

30.11(1) Dépôt des plaintes

30.11 (1) Tout fournisseur potentiel peut, sous réserve des règlements, déposer une plainte auprès du Tribunal concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d'enquêter sur cette plainte.

30.11(2) Forme et teneur

(2) Pour être conforme, la plainte doit remplir les conditions suivantes :

a) être formulée par écrit;

b) préciser le contrat spécifique visé, le nom du plaignant et celui de l'institution fédérale chargée de l'adjudication du contrat;

c) exposer de façon claire et détaillée ses motifs et les faits à l'appui;

d) préciser la nature de la réparation demandée;

e) préciser l'adresse du plaignant où peuvent être envoyées les notifications et autres communications relatives à la plainte;

f) fournir tous les renseignements et documents pertinents que le plaignant a en sa possession;

g) fournir tous renseignements et documents supplémentaires exigés par les règles;

h) comporter le paiement des droits réglementaires.

30.11(3) Désignation de membre

(3) Le président peut désigner un membre du Tribunal pour l'instruction de la plainte. Celui-ci exerce dès lors les pouvoirs et fonctions du Tribunal.

[...]

30.13(3) Report de l'adjudication

(3) Le cas échéant, le Tribunal peut ordonner à l'institution fédérale de différer l'adjudication du contrat spécifique en cause jusqu'à ce qu'il se soit prononcé sur la validité de la plainte.

30.13(4) Annulation

(4) Il doit toutefois annuler l'ordonnance dans le cas où, avant l'expiration du délai réglementaire suivant la date où elle est rendue, l'institution fédérale certifie par écrit que l'acquisition de fournitures ou services qui fait l'objet du contrat spécifique est urgente ou qu'un retard pourrait être contraire à l'intérêt public.

[...]

30.15(2)Mesures correctives

(2) Sous réserve des règlements, le Tribunal peut, lorsqu'il donne gain de cause au plaignant, recommander que soient prises des mesures correctives, notamment les suivantes :

a) un nouvel appel d'offres;

b) la réévaluation des soumissions présentées;

c) la résiliation du contrat spécifique;

d) l'attribution du contrat spécifique au plaignant;

e) le versement d'une indemnité, dont il précise le montant, au plaignant.

30.15(3) Critères

(3) Dans sa décision, le Tribunal tient compte de tous les facteurs qui interviennent dans le marché de fournitures ou services visé par le contrat spécifique, notamment des suivants :

a) la gravité des irrégularités qu'il a constatées dans la procédure des marchés publics;

b) l'ampleur du préjudice causé au plaignant ou à tout autre intéressé;

c) l'ampleur du préjudice causé à l'intégrité ou à l'efficacité du mécanisme d'adjudication;

d) la bonne foi des parties;

e) le degré d'exécution du contrat.

[...]

Definitions

30.1 In this section and in sections 30.11 to 30.19,

30.1 "complaint" « _plainte_ »

"complaint" means a complaint filed with the Tribunal under subsection 30.11(1);

30.1 "designated contract" « _contrat spécifique_ »

"designated contract" means a contract for the supply of goods or services that has been or is proposed to be awarded by a government institution and that is designated or of a class of contracts designated by the regulations;

30.1 "government institution" « _institution fédérale_ »

"government institution" means any department or ministry of state of the Government of Canada, or any other body or office, that is designated by the regulations;

30.1 "interested party" « _intéressée_ »

"interested party" means a potential supplier or any person who has a material and direct interest in any matter that is the subject of a complaint;

30.1 "potential supplier" « _fournisseur potentiel_ »

"potential supplier" means, subject to any regulations made under paragraph 40(f.1), a bidder or prospective bidder on a designated contract.

[...]

30.11(1) Filing of complaint

30.11 (1) Subject to the regulations, a potential supplier may file a complaint with the Tribunal concerning any aspect of the procurement process that relates to a designated contract and request the Tribunal to conduct an inquiry into the complaint.

30.11(2) Contents of complaint

(2) A complaint must

(a) be in writing;

(b) identify the complainant, the designated contract concerned and the government institution that awarded or proposed to award the contract;

(c) contain a clear and detailed statement of the substantive and factual grounds of the complaint;

(d) state the form of relief requested;

(e) set out the address of the complainant to which notices and other communications respecting the complaint may be sent;

(f) include all information and documents relevant to the complaint that are in the complainant's possession;

(g) be accompanied by any additional information and documents required by the rules; and

(h) be accompanied by the fees required by the regulations.

30.11(3) Chairperson may assign member

(3) The Chairperson may assign one member of the Tribunal to deal with a complaint and a member so assigned has and may exercise all of the Tribunal's powers, and has and may perform all of the Tribunal's duties and functions, in relation to the complaint.

[...]

30.13(3) Postponement of award of contract

(3) Where the Tribunal decides to conduct an inquiry into a complaint that concerns a designated contract proposed to be awarded by a government institution, the Tribunal may order the government institution to postpone the awarding of the contract until the Tribunal determines the validity of the complaint.

30.13(4) Idem

(4) The Tribunal shall rescind an order made under subsection (3) if, within the prescribed period after the order is made, the government institution certifies in writing that the procurement of the goods or services to which the designated contract relates is urgent or that a delay in awarding the contract would be contrary to the public interest.

[...]

30.15(2) Remedies

(2) Subject to the regulations, where the Tribunal determines that a complaint is valid, it may recommend such remedy as it considers appropriate, including any one or more of the following remedies:

(a) that a new solicitation for the designated contract be issued;

(b) that the bids be re-evaluated;

(c) that the designated contract be terminated;

(d) that the designated contract be awarded to the complainant; or

(e) that the complainant be compensated by an amount specified by the Tribunal.

30.15(3) Criteria to be applied

(3) The Tribunal shall, in recommending an appropriate remedy under subsection (2), consider all the circumstances relevant to the procurement of the goods or services to which the designated contract relates, including

(a) the seriousness of any deficiency in the procurement process found by the Tribunal;

(b) the degree to which the complainant and all other interested parties were prejudiced;

(c) the degree to which the integrity and efficiency of the competitive procurement system was prejudiced;

(d) whether the parties acted in good faith; and

(e) the extent to which the contract was performed.

[...]


[18]       Voici les extraits pertinents du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics, DORS/93-602 (le Règlement sur les enquêtes du TCCE sur les marchés publics) :



3. (1) Pour l'application de la définition de « _contrat spécifique_ » à l'article 30.1 de la Loi, est un contrat spécifique tout contrat ou catégorie de contrats relatif au marché passé par une institution fédérale pour des produits ou des services, ou pour toute combinaison de ceux-ci, visé à l'article 1001 de l'ALÉNA, à l'article 502 de l'Accord sur le commerce intérieur, à l'article premier de l'Accord sur les marchés publics ou à l'article premier de l'Accord Canada - Corée sur les marchés d'équipements de télécommunications.

[...]

DÉLAIS DE DÉPÔT DE LA PLAINTE

6. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), le fournisseur potentiel qui dépose une plainte auprès du Tribunal en vertu de l'article 30.11 de la Loi doit le faire dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l'origine de la plainte.

[...]

CONDITIONS DE L'ENQUÊTE

7. (1) Dans les cinq jours ouvrables suivant la date du dépôt d'une plainte, le Tribunal détermine si les conditions suivantes sont remplies :

a) le plaignant est un fournisseur potentiel;

b) la plainte porte sur un contrat spécifique;

c) les renseignements fournis par le plaignant et les autres renseignements examinés par le Tribunal relativement à la plainte démontrent, dans une mesure raisonnable, que le marché public n'a pas été passé conformément au chapitre 10 de l'ALÉNA, au chapitre cinq de l'Accord sur le commerce intérieur, à l'Accord sur les marchés publics ou à l'Accord Canada - Corée sur les marchés d'équipements de télécommunications, selon le cas.

3. (1) For the purposes of the definition "designated contract" in section 30.1 of the Act, any contract or class of contract concerning a procurement of goods or services or any combination of goods or services, as described in Article 1001 of NAFTA, in Article 502 of the Agreement on Internal Trade, in Article I of the Agreement on Government Procurement or in Article 1 of the Canada - Korea Agreement on the Procurement of Telecommunications Equipment, by a government institution, is a designated contract.

[...]

TIME LIMITS FOR FILING A COMPLAINT

6. (1) Subject to subsections (2) and (3), a potential supplier who files a complaint with the Tribunal in accordance with section 30.11 of the Act shall do so not later than 10 working days after the day on which the basis of the complaint became known or reasonably should have become known to the potential supplier.

[...]

CONDITIONS FOR INQUIRY

7. (1) The Tribunal shall, within five working days after the day on which a complaint is filed, determine whether the following conditions are met in respect of the complaint :

(a) the complainant is a potential supplier;

(b) the complaint is in respect of a designated contract; and

(c) the information provided by the complainant, and any other information examined by the Tribunal in respect of the complaint, discloses a reasonable indication that the procurement has not been carried out in accordance with whichever of Chapter Ten of NAFTA, Chapter Five of the Agreement on Internal Trade, the Agreement on Government Procurement or the Canada - Korea Agreement on the Procurement of Telecommunications Equipment applies.


[19]       Voici les dispositions pertinentes de l'Accord sur le commerce intérieur (ACI) :         

Article 501 : Objet


Conformément aux principes énoncés au paragraphe 101(3) (Principes convenus) et à leurs modalités d'application énoncées au paragraphe 101(4), le présent chapitre vise à établir un cadre qui assurera à tous les fournisseurs canadiens un accès égal aux marchés publics, de manière à réduire les coûts d'achat et à favoriser l'établissement d'une économie vigoureuse, dans un contexte de transparence et d'efficience.

Article 504 : Non-discrimination réciproque

[...]

2. Sous réserve de l'article 404 (Objectifs légitimes), le paragraphe 1 a pour effet d'interdire au gouvernement fédéral d'exercer de la discrimination :

a) entre les produits ou services d'une province ou d'une région, y compris entre ceux inclus dans les marchés de construction, et les produits ou services d'une autre province ou région;

b) entre les fournisseurs de tels produits ou services d'une province ou d'une région et les fournisseurs d'une autre province ou région.

[...]

Article 506 : Procédures de passation des marchés publics

1. Chaque Partie veille à ce que les marchés publics visés par le présent chapitre soient passés conformément aux procédures prévues au présent article.

[...]

Article 518 : Définitions

Les définitions qui suivent s'appliquent au présent chapitre.

[...]

« établissement » Endroit où le fournisseur exerce ses activités de façon permanente et qui est clairement désigné par un nom et accessible durant les heures normales de travail.

« fournisseur canadien » Fournisseur qui a un établissement au Canada.


QUESTIONS EN LITIGE

[20]       Voici les questions litigieuses soulevées par les deux présentes requêtes :

1.         Agusta devrait-elle être déboutée de sa demande de contrôle judiciaire au motif que la loi lui ouvre un autre recours approprié qui s'applique manifestement au point que sa demande de contrôle judiciaire n'a aucune chance d'être accueillie? Cette question soulève à son tour deux sous-questions :

a)          Le Tribunal a-t-il compétence pour enquêter sur la plainte d'Agusta?

b)          Agusta est-elle un « fournisseur canadien » au sens de l'ACI?

2.          Agusta a-t-elle satisfait aux quatre critères qui doivent être respectés pour que la Cour puisse accorder une prorogation - de dix jours en l'espèce - du délai imparti pour déposer la demande de contrôle judiciaire?            

THÈSE DES PARTIES AU SUJET DE LA COMPÉTENCE DU TRIBUNAL POUR RÉVISER LA PROCÉDURE DE PASSATION DU PRÉSENT MARCHÉ

Travaux publics


[21]       Travaux publics affirme que la demanderesse dispose d'un autre recours approprié, en l'occurrence la révision de la procédure de passation des marchés publics prévue à l'alinéa 30.11c) de la Loi sur le TCCE. Toutefois, en réponse aux questions de la Cour, l'avocat de Travaux publics a refusé de confirmer la position de Travaux publics sur la compétence du Tribunal pour enquêter sur la plainte formulée par Agusta au sujet du présent marché. De même, l'avocat de Travaux publics n'a pas reçu d'instructions de son client pour confirmer ou infirmer les éléments de preuve d'Agusta selon lesquels un fonctionnaire et un conseiller principal de Travaux publics avaient tous les deux affirmé que Travaux publics ne contesterait pas la compétence du Tribunal pour enquêter sur la procédure suivie pour adjuger le présent marché au motif que Agusta n'est pas un « fournisseur canadien » . Agusta estime que Travaux publics abuse de la procédure de la Cour parce que, d'une part, il demande la radiation de la présente demande de contrôle judiciaire au motif que le Tribunal constitue un autre recours approprié ouvert par la loi pour obtenir la révision de la procédure de passation du marché et que d'autre part il précise qu'il contestera la compétence du Tribunal pour réviser la procédure suivie pour adjuger le présent marché au motif qu'Agusta n'est pas un « fournisseur canadien » .

Agusta

[22]       Agusta affirme qu'elle a des raisons valables de croire que le Tribunal se déclarera incompétent pour enquêter sur la plainte dont elle pourrait le saisir au sujet du présent marché. Voici ces raisons :

1.          Agusta n'est plus un « fournisseur canadien » parce qu'elle n'est pas inscrite comme fournisseur canadien en vertu du Règlement sur les marchandises contrôlées, DORS/2001-32, modifié, et parce qu'elle a cessé d'exploiter une filiale au Canada;

2.          La plainte n'a pas de composante interprovinciale comme l'exige l'ACI;


3.          En 2000, le Tribunal a lui-même remis en cause sa compétence pour réviser l'adjudication du présent marché, là encore parce que Agusta n'est pas un « fournisseur canadien » ;

4.          Le Tribunal s'est déjà déclaré incompétent pour enquêter sur la question de savoir si l'exigence relative à l'offre du moins-disant dont était assorti le présent marché contrevenait à la politique générale de l'État de chercher les propositions qui offrent la « meilleure valeur » .

[23]       Agusta affirme également que la procédure de révision des marchés publics du Tribunal ne constitue pas un autre recours approprié visant à faire réviser l'adjudication du présent marché parce que les réparations que le Tribunal peut accorder sont limitées et ne pourraient répondre aux besoins complexes d'Agusta dans le cadre d'un procès aussi complexe que celui-ci.

Sikorsky

[24]       Sikorsky affirme que le Tribunal est compétent pour réviser le présent marché. Il ajoute qu'Agusta est un fournisseur canadien, que les dispositions de l'ACI sur la procédure de passation des marchés publics peuvent être enfreintes sans qu'il soit nécessaire que la plainte ait une composante interprovinciale et que la Cour d'appel fédérale a statué que le Tribunal a compétence sur de vastes aspects de la plainte tels que la partialité et l'iniquité. Sikorsky en conclut que la procédure de révision des marchés publics constitue un autre recours approprié et que la présente demande devrait être rejetée.


THÈSE DES PARTIES AU SUJET DU RESPECT DES DÉLAIS ET DE LEUR PROROGATION

Agusta

[25]       Agusta précise qu'elle s'élève contre la ligne de conduite suivie par le ministre dans son ensemble plutôt que contre une seule de ses décisions. Elle explique que l'adjudication du présent marché n'est assujettie à aucune date limite parce qu'elle n'est pas encore achevée. Elle cite les arrêts Krause c. Canada, [1999] 236 N.R., (1999) 2 C.F. 476, et Hamilton-Wentworth (Municipalité régionale) c. Canada (Ministre de l'Environnement), (2001) 213 F.T.R. 57, 2001 CAF 347, à l'appui de son argument que la Cour a compétence pour interdire une mesure en cours prise dans le cadre d'une procédure qui serait illicite et ce, lors même que cette mesure reposerait sur une décision qui remonte à plus de trente jours.

[26]       À titre subsidiaire, Agusta avance que si le 23 juillet 2004 est retenu comme date à laquelle la décision contestée a été prise, la Cour doit proroger le délai parce que ce n'est que le 23 août 2004, date à laquelle elle a obtenu des renseignements détaillés au sujet de la procédure d'évaluation, qu'elle a découvert certains faits lui permettant de contester la décision, faits qu'il lui était impossible de connaître avant cette date.

[27]       Voici les faits qu'Agusta affirme avoir découverts le 23 août 2004 :


1.         Le « surveillant de l'équité » chargé de s'assurer de l'équité de l'évaluation des soumissions est un ami des évaluateurs de Travaux publics et il a déjà agi comme lobbyiste pour un des sous-traitants du soumissionnaire retenu, ce qui soulève une crainte raisonnable de partialité;

2.         Il manquait une centaine de pages à la version papier de la soumission retenue, ce qui contrevenait à l'une des conditions obligatoires de l'appel d'offres au point où, selon Agusta, cette soumission aurait dû être écartée. Agusta affirme que le nom du soumissionnaire dont l'offre était amputée d'une centaine de pages était oblitéré sur la copie des renseignements qu'elle a reçue mais qu'on avait par inadvertance oublié de masquer ce nom dans le rapport du surveillant de l'équité qu'elle a reçu le 23 août 2004;

3.          Les documents renfermaient des politiques et procédures internes qui avaient pour effet de restructurer la procédure d'évaluation présentée au public dans l'appel d'offres du 17 décembre 2003 et qui révélaient que le ministre était intervenu directement dans cette procédure.

[28]       Selon Agusta, le ministre avait déjà ces renseignements en main le 23 juillet 2004 et c'est de propos délibéré qu'il ne les a rendus publics que 31 jours après la décision.

[29]       Agusta affirme qu'elle respecte le critère posé dans l'arrêt Grewal c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1985] 2 C.F. 263, (1985) 63 N.R. 106, en matière de prorogation de délai. Le critère de la décision Grewal comporte quatre volets :

1.          la demande est bien fondée;

2.         il existe une explication raisonnable pour justifier le retard;


3.          il existe une intention constante de poursuivre la demande;

4.          accorder la prorogation demandée ne causera aucun préjudice au défendeur.

[30]       Agusta affirme que sa demande est bien fondée parce qu'elle renferme des allégations qui soulèvent des doutes sérieux au sujet de la conduite de Travaux publics. Agusta explique que sa demande soulève des questions d'intérêt public mettant en jeu des sommes appréciables en derniers publics.

[31]       Le retard s'explique par la présumée suppression des faits donnant ouverture au contrôle judiciaire. Agusta explique en effet que ce n'est que le 23 août 2004 qu'elle a été mise au courant des faits à l'origine de sa demande et elle ajoute qu'elle ne pouvait découvrir ces faits plus tôt. Avant le 23 août 2004, Agusta n'avait aucune raison valable de présenter une demande de contrôle judiciaire « à tout hasard » .

[32]       Agusta affirme que l'obligation de l' « intention constante » ne se limite pas à l'intention de présenter une demande de contrôle judiciaire : il suffit d'avoir l'intention de contester la décision. Agusta prévoyait intenter une action en dommages-intérêts, ce qu'elle ne pouvait faire tant que le marché n'était pas adjugé, mais elle a finalement décidé d'introduire une demande de contrôle judiciaire lorsqu'elle a découvert les faits susmentionnés.


[33]       Agusta affirme qu'une prorogation de dix jours ne causerait aucun préjudice aux défendeurs.

Sikorsky

[34]       Selon Sikorsky, Agusta cherche à faire réviser deux décisions distinctes du Ministre dont le délai est expiré dans les deux cas. La première décision est la structuration de la procédure de passation du marché et d'évaluation des soumissions qui a été publiée par le biais de l'appel d'offres lancé aux soumissionnaires présélectionnés le 17 décembre 2003. La seconde décision est la décision prise le 23 juillet 2004 d'attribuer le marché à Sikorsky.

[35]       Sikorsky explique que c'étaient les motifs de la décision que Agusta réclamait à titre de renseignements complémentaires. Or, ces motifs lui ont été communiqués verbalement lors des rencontres des 26 et 27 juillet 2004, et par écrit, dans les documents d'évaluation des offres qui lui ont été remis le 29 juillet 2004. Sikorsky reconnaît que Agusta a soulevé des questions pour lesquelles elle n'a obtenu de réponses que le 23 août 2004, lorsqu'elle a été mise au courant de certains faits. Elle affirme toutefois qu'on lui a répondu dans un délai acceptable.


[36]       Sikorsky affirme que la seule question qui se pose est celle de l'opportunité d'accorder la prorogation de délai demandée pour contester l'une ou l'autre de ces décisions. Elle explique que Agusta ne satisfait à aucun des quatre volets du critère posé dans l'arrêt Grewal pour ce qui est de la première décision. En ce qui concerne le bien-fondé de la demande, Sikorsky affirme que Travaux publics est libre de structurer son appel d'offres à sa guise conformément à l'ACI et elle signale que Agusta n'a présenté aucun élément probant qui démontre l'existence d'une crainte raisonnable de partialité. Sikorsky affirme que Agusta n'a fourni aucune explication valable pour préciser pourquoi elle n'a pas contesté la structure de la procédure de passation du marché annoncée le 17 décembre 2003, moment où la Cour d'appel fédérale lui a suggéré de le faire dans l'arrêt E.H. Industries, précité. Elle cite les jugements Au c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (2001) 202 F.T.R. 57, 2001 CFPI 243, et Zündel c. Canada (Commission des droits de la personne), (1999) 164 F.T.R. 250, [1999] 3 C.F. 58 à l'appui de l'argument que toute allégation de parti pris doit être soulevée à la première occasion. Selon Sikorsky, l'intention d'Agusta d'intenter une action illustre bien qu'elle n'avait pas l'intention constante d'introduire une demande de contrôle judiciaire. En ce qui concerne la question du préjudice, Sikorsky signale que la procédure que Agusta aurait dû contester au début de l'année est maintenant chose du passé, que Sikorsky a consacré des énergies et des frais considérables qu'il lui faudrait répéter si elle devait reprendre la procédure depuis le début, qu'elle a gagné son procès et que dans le domaine de la passation des marchés, les délais sont de rigueur.


[37]       En ce qui concerne la seconde décision, Sikorsky affirme là encore que Agusta n'a satisfait à aucun des quatre volets du critère de l'arrêt Grewal. Sikorsky répète que la contestation de cette décision serait sans fondement pour les mêmes raisons que celles qui ont déjà été évoquées. Elle ajoute que Agusta n'a fourni aucune explication valable pour justifier le fait qu'elle avait attendu 40 jours - au lieu de 30 - pour contester la décision. Elle cite la correspondance du lobbyiste d'Agusta, Gabriele Galleazzi, et en particulier son affirmation, dans sa lettre du 9 août 2004, que Agusta [traduction] « ne souhaite pas débattre de l'évaluation » , pour démontrer l'absence d'intention constante. Elle affirme que les tentatives faites par Agusta pour introduire une instance après l'expiration du délai prescrit par la loi ébranlent la stabilité qui est censée caractériser la procédure d'appel d'offres, causant ainsi un préjudice tant à Travaux publics qu'à Sikorsky.

Travaux publics


[38]       Travaux publics reprend pour l'essentiel la thèse de Sikorsky et insiste notamment sur la jurisprudence selon laquelle un éventuel plaignant ne peut invoquer le fait qu'il « attend de prendre connaissance des motifs de la décision » pour justifier de ne pas avoir contesté cette décision en temps opportun. Travaux publics cite à cet égard les jugements Skycharter Ltd. c. Canada (Ministre des Transports), (1997) 125 F.T.R. 307, et Westinghouse Canada Inc. c. Canada (Tribunal canadien du commerce extérieur), (1989) 104 N.R. 191, à l'appui de cette proposition. Travaux publics affirme aussi que la demande d'Agusta n'a pas la moindre chance d'être accueillie au sens du critère de l'arrêt Pharmacia Inc. c. David Bull Laboratories (Canada) Inc., (1994) 182 N.R. 158, et il ajoute que la demande d'Agusta ne repose sur aucun élément de preuve. Il soutient aussi que la demande d'Agusta ne satisfait pas au volet du critère posé dans l'arrêt Grewal en ce qui concerne l' « intention constante » , étant donné que Agusta n'a formé l'intention d'introduire une demande de contrôle judiciaire que le 23 août 2004, soit 31 jours après la décision contestée.

ANALYSE

Première question

Agusta devrait-elle être déboutée de sa demande de contrôle judiciaire au motif que la loi lui ouvre un autre recours approprié qui s'applique manifestement au point que sa demande de contrôle judiciaire n'a aucune chance d'être accueillie?

Autre recours approprié

[39]       Pour répondre à la question de savoir s'il existe en l'espèce un autre recours approprié, il convient de se référer au critère analysé par le juge Lemieux dans le jugement Telus Integrated Communications c. Canada (Procureur général), (2000) 192 F.T.R. 248, [2000] A.C.F. no 1263 (Q.L.), au paragraphe 41 :

[...] En ce qui concerne la présente requête en radiation, la question est de savoir si la doctrine de l'autre recours approprié s'applique manifestement au point que la demande de contrôle judiciaire de Telus n'a aucune chance d'être accueillie.


[40]       Dans le jugement Telus, la Cour emploie un critère à deux volets qui combine le critère de l'autre recours approprié élaboré par la Cour suprême du Canada dans les arrêtsHarelkin c. Université de Regina, [1979] 2 R.C.S. 561 (1979) 96 D.L.R. (3d) 14 et 18, et Canadien Pacifique Limitée c. Bande indienne de Matsqui et al., [1995] 1 R.C.S. 3, (1995) 122 D.L.R. (4th) 129, et le critère établi par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt David Bull, précité, en matière de radiation de demandes de contrôle judiciaire.

[41]       Suivant le principe de l'autre recours approprié, lorsqu'elle exerce son pouvoir discrétionnaire pour statuer sur une demande de contrôle judiciaire fondée sur l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, la Cour fédérale doit refuser d'exercer sa compétence si le législateur fédéral a prévu un autre recours approprié. La Cour suprême a jugé que le principe de l'autre recours approprié s'applique même aux questions portant sur la compétence de l'autre juridiction d'appel créée par la Loi (Canadien Pacifique Limitée, précité, le juge en chef Lamer, aux paragraphes 31, 32, 33, 36 et 37).

[42]       Dans l'arrêt Harelkin, précité, la Cour énumère à la page 51 les facteurs dont il y a lieu de tenir compte :

[...] la procédure d'appel, la composition du comité du sénat, ses pouvoirs et la façon dont il serait probablement exercé par un organisme qui ne constitue pas une véritable cour d'appel et qui n'est pas tenu d'agir comme s'il en était une, ni n'est susceptible de le faire. D'autres facteurs comprennent le fardeau d'une conclusion intérieure, la célérité et les frais.

[43]       Dans l'arrêt Canadien Pacifique Limitée, le juge en chef Lamer a énuméré d'autres facteurs à la page 145 :


Pour déterminer si elles doivent entreprendre le contrôle judiciaire plutôt que d'exiger que le requérant se prévale d'une procédure d'appel prescrite par la loi, les cours de justice doivent considérer la commodité de l'autre recours, la nature de l'erreur et la nature de la juridiction d'appel (c.-à-d. sa capacité de mener une enquête, de rendre une décision et d'offrir un redressement). Il ne faut pas limiter la liste des facteurs à prendre en considération, car il appartient aux cours de justice, dans des circonstances particulières, de cerner et de soupeser les facteurs pertinents.

[44]       En conséquence, les facteurs dont il faut tenir compte pour appliquer le critère de l'autre recours approprié sont les suivants :

1.          les pouvoirs et la nature de l'autre organe ou juridiction;

2.          la nature de l'erreur;

3.          la commodité de l'autre recours;

4.          le contexte juridique de l'affaire;

5.         le fardeau d'une conclusion antérieure;

6.         la célérité;

7.          les frais.

[45]       Dans l'arrêt Anderson c. Canada, (1996) 141 D.L.R. (4th) 54, [1997] 1 C.F. 273, le juge Stone a ajouté un autre facteur. Il déclare en effet au paragraphe 6 : « Afin d'examiner s'il existe une autre voie de recours appropriée dans les circonstances de la cause, il faut prendre en compte le contexte juridique de l'affaire » .

[46]       En l'espèce, le premier facteur à examiner est celui de savoir si le Tribunal peut connaître de la présente plainte. S'il ne le peut pas, il n'existe aucun autre recours approprié et la requête en radiation ne peut être accueillie.

Compétence du Tribunal


[47]       Le législateur fédéral a conféré au Tribunal la compétence pour « enquêter » sur une plainte portant sur un « marché désigné » qui a été accordé par une institution fédérale. Tout « fournisseur potentiel » peut, sous réserve des règlements, déposer une plainte auprès du Tribunal concernant « la procédure des marchés publics » qui a été suivie (voir le paragraphe 30.11(1) et les définitions contenues à l'article 30.1).

[48]       Le Règlement sur les enquêtes du TCCE sur les marchés publics définit le « marché désigné » comme étant tout contrat relatif au marché passé par une institution fédérale pour des produits ou des services visé à l'article 502 de l'ACI (voir le paragraphe 3(1) du Règlement). Le marché relatif à la fourniture des hélicoptères est un « marché spécifique » au sens de l'article 502 de l'ACI.

[49]       L'alinéa 7(1)c) du Règlement prévoit que dans les cinq jours ouvrables suivant la date du dépôt de la plainte, le Tribunal détermine si trois conditions précises sont remplies et notamment si les renseignements examinés relativement à la plainte « démontrent, dans une mesure raisonnable, que le marché public n'a pas été passé conformément [...] au chapitre cinq de l'Accord sur le commerce intérieur [...] »

[50]       L'article 501 de l'ACI définit l'objet du chapitre 5 :

[...] le présent chapitre vise à établir un cadre qui assurera à tous les fournisseurs canadiens un accès égal aux marchés publics, de manière à réduire les coûts d'achat et à favoriser l'établissement d'une économie vigoureuse, dans un contexte de transparence et d'efficience.


Les dispositions de l'article 506, qui exposent la procédure de passation des marchés exigée par l'ACI, mentionnent explicitement les « fournisseurs canadiens » . L'article 518 de l'ACI définit comme suit le « fournisseur canadien » :

« fournisseur canadien » Fournisseur qui a un établissement au Canada.

L'article 518 donne la définition suivante du terme « établissement » :

« établissement » Endroit où le fournisseur exerce ses activités de façon permanente et qui est clairement désigné par un nom et accessible durant les heures normales de travail.

[51]       Par conséquent, la procédure de révision des marchés publics suivie par le Tribunal en l'espèce ne s'applique à Agusta que si celle-ci répond à la définition de « fournisseur canadien » . Le Tribunal a rendu une décision dans l'affaire Winchester Division - Olin Corp., dossier no PR-2003-064, [2004] T.C.C.E. no 44 (QL), sur la question de savoir si une filiale américaine faisant affaires au Canada était un « fournisseur canadien » au sens de l'ACI. Le Tribunal a estimé que l'ACI constitue un accord interne qui ne peut conférer de droits à un fournisseur étranger. Pour pouvoir se prévaloir de l'ACI, le plaignant doit être un « fournisseur canadien » au sens de l'article 518 de l'ACI. Le Tribunal a conclu que Olin était un fournisseur canadien parce qu'elle possédait une filiale au Canada qui exerçait des activités au Canada. Le Tribunal a estimé qu'un fournisseur qui n'est pas canadien ne peut déposer une plainte portant sur la passation d'un marché public en vertu de l'ACI. Le Tribunal a déclaré ce qui suit, aux paragraphes 35 et 36 :


¶ 35       Avant de décider du bien-fondé de la plainte, le Tribunal doit d'abord établir qu'Olin a qualité, aux termes des accords commerciaux, pour déposer la plainte. L'ACI est un accord intérieur entre le gouvernement fédéral du Canada et ses gouvernements provinciaux et territoriaux. Dans le cas des accords internationaux, un État tiers, qui n'est pas partie à un accord, ne peut bénéficier des droits ni être contraint d'accepter les obligations de l'accord sans son consentement. [Non souligné dans l'original]

Note 9 : Convention de Vienne sur le droit des traités, Recueil des traités du Canada, 1980, no 37, 34.

¶ 36       Puisque les États-Unis ne sont pas partie à l'ACI, un fournisseur des États-Unis ne peut se voir accorder de droits aux termes de l'ACI. Pour avoir qualité pour agir aux termes de l'ACI, une partie plaignante doit être un « fournisseur canadien » au sens de l'article 518 de l'ACI, [non souligné dans l'original] qui définit « fournisseur canadien » comme un « [f]ournisseur qui a un établissement au Canada » et « établissement » comme un « [e]ndroit où le fournisseur exerce ses activités de façon permanente et qui est clairement désigné par un nom et accessible durant les heures normales de travail » .

[52]       La Cour ne dispose pas pour le moment de suffisamment de faits pour pouvoir décider si Agusta répond à la définition de « fournisseur canadien » pour l'application de l'ACI. Agusta devrait présenter au Tribunal le fondement factuel de sa plainte.

[53]       Compte tenu de la jurisprudence et des faits qui lui ont été soumis, la Cour n'est pas en mesure de dire si le principe de l'autre recours approprié s'applique manifestement au point que la demande de contrôle judiciaire d'Agusta n'a aucune chance d'être accueillie.


[54]       La demanderesse a invoqué plusieurs autres motifs pour expliquer pourquoi elle estime que la procédure de révision des marchés publics du Tribunal ne constitue pas un autre recours approprié. Je ne souscris pas à ces motifs, en l'occurrence que la plainte doit avoir une composante interprovinciale sous le régime de l'ACI et que la procédure de révision des marchés publics du Tribunal ne s'applique ni à l'obligation d'agir avec équité qui est imposée par la common law à la procédure d'adjudication des marchés publics fédéraux ni aux règles de droit relatives à la partialité. Dans l'arrêt Cougar Aviation Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), (2000) 264 N.R. 49, la Cour d'appel fédérale a statué que les pouvoirs de révision de la procédure d'adjudication des marchés publics du Tribunal comprend l'obligation d'agir avec équité, l'impartialité et le droit du soumissionnaire dont l'offre n'a pas été retenue de formuler une allégation de crainte raisonnable de partialité. Le juge Evans déclare, aux paragraphes 23 et 24 :

¶ 23    À mon avis, les diverses obligations imposées aux parties par les dispositions pertinentes de l'Accord devraient, dans la mesure où leur libellé le permet, être interprétées d'une manière qui soit compatible avec l'obligation d'agir avec équité qui est imposée par la common law à la procédure d'adjudication des marchés publics fédéraux. Dans le contexte de la procédure administrative, l' « impartialité » s'entend normalement aussi de l'apparence d'impartialité.

¶ 24 Qui plus est, on assisterait à une fragmentation indue de la contestation portée contre un marché public si on obligeait le soumissionnaire dont l'offre n'a pas été retenue à soumettre son allégation de crainte raisonnable de partialité, non pas devant le Tribunal qui pourrait être compétent pour se prononcer sur d'autres aspects de la plainte, mais devant la Section de première instance de la Cour fédérale, par le biais d'une demande de contrôle judiciaire. Compte tenu de la nature technique de la procédure d'appel d'offres et du régime législatif dans le cadre duquel elle se déroule, il semblerait qu'on contredirait l'économie de la loi si l'on interprétait la compétence du Tribunal d'une manière aussi étroite.

[55]       Je suis également convaincu que le Tribunal dispose de vastes pouvoirs et notamment des pouvoirs suivants :

1.          Le pouvoir d'enquêter sur la plainte et notamment de tenir une audience en vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE;


2.          Le pouvoir de recommander des mesures correctives, notamment la réévaluation des soumissions ou la résiliation du contrat spécifique, en vertu de l'article 30.15 de la Loi sur le TCCE;

3.          Le pouvoir, prévu au paragraphe 30.13(3) de la Loi sur le TCCE, d'ordonner à l'institution fédérale de différer l'adjudication du marché jusqu'à ce que le Tribunal se soit prononcé sur la validité de la plainte.

Le législateur fédéral a donc prévu un autre recours approprié en ce qui concerne la plainte formulée par Agusta au sujet de la procédure de passation du présent marché si le Tribunal conclut que Agusta répond à la définition de « fournisseur canadien » au sens de l'ACI. Aux termes du paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du TCCE sur les marchés publics, le Tribunal se prononce sur cette question dans les cinq jours ouvrables suivant la date du dépôt de la plainte.

Seconde question

Agusta a-t-elle satisfait aux quatre critères qui doivent être respectés pour que la Cour puisse accorder une prorogation - de dix jours en l'espèce - du délai imparti pour déposer la demande de contrôle judiciaire?


[56]       Comme il a été précisé à l'audience, la question de savoir si la procédure de passation du marché constitue une ligne de conduite pouvant faire l'objet d'une demande de contrôle judiciaire est une question qu'il est préférable de laisser trancher par le juge qui instruira la demande de contrôle judiciaire. En conséquence, je me bornerai à examiner la question de savoir si la demande a été introduite en temps opportun, compte tenu de la décision du 23 juillet 2004.

[57]       La demande de contrôle judiciaire a été déposée le 1er septembre 2004. Elle a donc été introduite dix jours après l'expiration du délai de 30 jours prévu au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, d'où la nécessité de proroger ce délai.

[58]       La Cour accorde une prorogation de délai dans certaines circonstances. Le critère de l'arrêt Grewal, que j'ai récemment appliqué dans le jugement Saskatchewan Wheat Pool c. Canada (Commission canadienne des grains), 2004 CF 1307, comporte quatre volets que je répète par souci de commodité :

1.         La prorogation du délai est-elle nécessaire pour que justice soit rendue entre les parties;

2.          la demanderesse a-t-elle invoqué des arguments défendables justifiant l'annulation de la décision contestée;

3.          existe-t-il une raison valable qui justifie le retard, en tenant compte de facteurs comme l'intention de déposer une demande dans le délai prescrit et le fait que cette intention a été maintenue constamment par la suite;

4.          l'octroi d'une prorogation causera-t-elle un préjudice à la partie adverse.


[59]       En ce qui concerne le premier volet du critère, je suis convaincu que les allégations de la demanderesse au sujet de la mauvaise foi dont serait entachée l'adjudication d'un marché aussi important justifient la tenue d'une audience en bonne et due forme. Le présent marché public met en jeu des milliards de dollars, et une prorogation de délai de dix jours est nécessaire pour que « justice soit rendue » entre les parties.

[60]       En ce qui a trait au deuxième volet du critère, la demanderesse a invoqué des arguments défendables qui justifient l'annulation de la décision du 23 juillet 2004 d'adjuger le marché à Sikorsky. La demanderesse affirme que le marché a été attribué de mauvaise foi à Sikorsky. Elle explique notamment que la procédure d'évaluation était entachée de partialité de sorte que son offre a été écartée. Ces graves allégations peuvent s'avérer non fondées mais elles soulèvent effectivement des arguments défendables.


[61]       Pour ce qui est du troisième volet du critère, je suis convaincu qu'il y a des raisons qui justifient le retard de dix jours. À la suite de la décision du 23 juillet, Agusta a demandé à Travaux publics de lui communiquer les renseignements sur lesquels était fondée sa décision. Travaux publics a demandé à Agusta de lui soumettre ces questions par écrit, ce qui a été fait le 31 juillet. Agusta a écrit de nouveau le 9 août pour réclamer des réponses à ces questions. Ce n'est que le 23 août, 31 jours après la décision, que Agusta a reçu les renseignements qu'elle réclamait à Travaux publics. À la suite de la réception de ces renseignements, Agusta a introduit la présente demande de contrôle judiciaire neuf jours plus tard. La preuve m'a convaincu que Agusta a en tout temps démontré une intention constante de contester l'adjudication du marché et que le délai de dix jours s'explique raisonnablement par le défaut de Travaux publics de lui répondre en temps utile. Les renseignements en question renfermeraient les raisons qui permettent à Agusta de contester et de faire annuler la décision du 23 juillet 2004. La Cour a fréquemment accordé des prorogations de délai lorsque la partie qui la réclame justifie son retard. Dans bien des cas, le retard était bien supérieur à dix jours.

[62]       Les renseignements réclamés à Travaux publics ne constituent pas des « raisons » au sens où ce terme est employé dans la jurisprudence. Si Agusta avait introduit la présente demande avant le 23 août, elle n'aurait peut-être pas reçu les renseignements en question de Travaux publics.

[63]       Il ressort par ailleurs de la preuve que Agusta a toujours eu l'intention de contester l'adjudication du présent marché. Agusta a entrepris il y a quatre ans sa contestation en justice de la procédure de passation du présent marché. La Cour lui a expliqué que ses démarches étaient prématurées. Il est indubitable que tous les intéressés savaient que Agusta avait l'intention de contester en justice l'adjudication du présent marché dès qu'elle serait en mesure d'invoquer des motifs lui permettant de le faire.

[64]       Pour ce qui est du quatrième volet du critère, accorder une prorogation de délai de 10 jours ne saurait causer de préjudice à qui que ce soit. La procédure de passation du présent marché s'est étalée sur de nombreuses années. Elle remonte au moins à 1992, année où le gouvernement a pris la décision d'acheter les hélicoptères en question. Ajouter dix jours à ce processus ne causera aucun préjudice aux parties.


[65]       Pour ces motifs, et après examen de l'abondante jurisprudence dans laquelle notre Cour a normalement accordé de telles prorogations de délai lorsque les parties étaient en mesure de fournir des explications raisonnables pour justifier leur retard, la Cour accordera la prorogation demandée.

MOTIFS RAISONNABLES PERMETTANT À AGUSTA DE CONCLURE QUE LA PROCÉDURE DE RÉVISION DES MARCHÉS PUBLICS DU TRIBUNAL NE CONSTITUAIT PAS UN AUTRE RECOURS APPROPRIÉ

[66]       Travaux publics a prévenu Agusta qu'il déclinerait la compétence du Tribunal pour réviser l'adjudication du présent marché au motif que Agusta n'était pas un « fournisseur canadien » . En 2000, le Tribunal avait remis en question sa compétence pour examiner une plainte déposée par Agusta au motif que celui-ci était un fournisseur étranger.

[67]       Agusta explique qu'en 2000, elle a décidé de ne pas se faire inscrire auprès de Travaux publics comme « fournisseur canadien » en vertu du Règlement sur les marchandises contrôlées, et elle ajoute qu'elle a cessé ses activités au Canada en tant que filiale canadienne.

[68]       Lors de l'audience qui s'est déroulée devant la Cour, Travaux publics a soutenu que la procédure de révision des marchés publics du Tribunal constitue un autre recours approprié. Il a toutefois refusé de s'engager à ne pas contester la compétence du Tribunal à cet égard. Pour tous ces motifs, la Cour est convaincue que Agusta avait des raisons valables de ne pas porter plainte plus tôt auprès du Tribunal.


LE TRIBUNAL EN TANT QUE JURIDICTION COMPÉTENTE

[69]       Le Tribunal est l'organisme spécialisé à qui le législateur fédéral a confié la mission d'enquêter sur les plaintes portant sur la procédure de passation des marchés publics. C'est probablement la raison pour laquelle Agusta a d'abord soumis au Tribunal sa plainte relative à l'adjudication du présent marché. Travaux publics et Sikorsky ont affirmé devant la Cour que le Tribunal est l'organe compétent pour réviser la procédure qui a été suivie en l'espèce pour adjuger le marché (sous réserve de l'argument déconcertant de Travaux publics, qui affirme ne pas être en mesure de préciser à la Cour s'il contestera ou non la compétence du Tribunal). En conséquence, les trois parties et la Cour s'entendent pour dire que le Tribunal est l'organe compétent pour réviser la procédure de passation du présent marché si tant est que le Tribunal est compétent sur Agusta.

CONCLUSION

[70]       Si le dépôt d'une plainte auprès du Tribunal constitue effectivement un autre recours ouvert à la demanderesse, je suis d'accord avec Travaux publics et Sikorsky pour dire que la présente demande de contrôle judiciaire n'est pas recevable. Or, on ne peut affirmer avec certitude que le Tribunal est compétent.


[71]       J'estime que l'intérêt de la justice commande que, dans les 10 jours ouvrables de la présente ordonnance, Agusta dépose auprès du Tribunal sa plainte portant sur la décision prise au sujet de l'adjudication du présent marché. Le Tribunal peut, en se fondant sur les présents motifs, recevoir la plainte en considérant que la demanderesse n'a appris qu'à la date de la présente ordonnance et des présents motifs qu'elle avait des raisons valables de croire qu'elle était admissible, à titre de « fournisseur canadien » à porter plainte devant le Tribunal.

[72]       Aux termes de l'article 7 du Règlement sur les enquêtes du TCCE sur les marchés publics, le Tribunal détermine dans les cinq jours ouvrables suivant la date du dépôt de la plainte si la demanderesse remplit les conditions prescrites pour la tenue d'une enquête. Si la demanderesse peut se prévaloir de la procédure de révision de la procédure de passation des marchés publics du Tribunal, la Cour suspendra la présente demande de contrôle judiciaire. Dans l'intervalle, la Cour suspend la présente requête en radiation sine die. Les parties peuvent pour le moment tenir pour acquis que la requête en injonction interlocutoire sera instruite le 23 novembre 2004.


DÉPENS

[73]      Comme elle l'a précisé à la clôture de la séance, la Cour ne rendra pas d'ordonnance au sujet des dépens tant que les parties n'auront pas eu l'occasion de présenter d'autres observations après qu'il aura été décidé si le Tribunal a compétence.

                                                   « Michael A. Kelen »                                                                                                       _______________________________

               Juge

Ottawa (Ontario)

Le 3 novembre 2004

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.B.


                                                                                  COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-1605-04

INTITULÉ :                                        AGUSTAWESTLAND INTERNATIONAL LIMITED c.

MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX et SIKORSKY INTERNATIONAL OPERATIONS INC.

                                                                             

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le mardi 26 octobre 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE KELEN

DATE DES MOTIFS :                       Le mercredi 3 novembre 2004

COMPARUTIONS :

G. Cameron                                          POUR LA DEMANDERESSE

M. Gardner

V. Cherneski    

M. Ciavaglia                                          POUR LE DÉFENDEUR

J. Brongers                                           MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

B.A. McIsaac, c.r.                                 POUR LA DÉFENDERESSE

R. B. Mills                                             SIKORSKY INTERNATIONAL OPERATIONS INC.

V. Gruben                    

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Blake Cassels & Graydon, s.r.l.             POUR LA DEMANDERESSE

Ottawa (Ontario)

Morris Rosenberg                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur                                    LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS

général du Canada                                 ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

McCarthy Tetrault                                 POUR LA DÉFENDERESSE SIKORSKY

Ottawa (Ontario)                                   INTERNATIONAL OPERATIONS, INC.     


                         COUR FÉDÉRALE

                                                         Date : 20041103

                                       Dossier : T-1605-04

ENTRE :

AGUSTAWESTLAND INTERNATIONAL LIMITED

                                                            demanderesse

et

MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX et SIKORSKY INTERNATIONAL OPERATIONS INC.

                                                                  défendeurs

                                                                                       

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                    

  


                                                                                                                                 Date : 20041103

                                                                                                                           Dossier : T-1605-04

OTTAWA (ONTARIO), LE 3 NOVEMBRE 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

ENTRE :

                                AGUSTA WESTLAND INTERNATIONAL LIMITED

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

     MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

                              et SIKORSKY INTERNATIONAL OPERATIONS, INC.

                                                                                                                                          défendeurs

                                                                ORDONNANCE

LA COUR, STATUANT SUR une requête présentée au nom des défendeurs en vue d'obtenir la radiation de la présente demande de contrôle judiciaire de la procédure de passation de marché suivie par Travaux publics relativement à un contrat de fourniture d'hélicoptères aux Forces armées;


ET STATUANT SUR une requête présentée au nom de la demanderesse en vue d'obtenir un jugement déclarant que la demande a été introduite dans les délais prescrits ou, à titre subsidiaire, pour obtenir la prorogation du délai imparti à la demanderesse pour présenter une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 8.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, modifiée;

LECTURE FAITE des pièces versées au dossier et APRÈS AUDITION des arguments des parties;

ET pour les motifs d'ordonnance prononcés ce jour :

1.          PROROGE le délai prévu pour déposer la présente demande de contrôle judiciaire;

2.          AJOURNE sine die la requête en radiation de la présente demande.

                                       « Michael A. Kelen »                                                                                                     _______________________________

              Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


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