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Date : 20020122

Dossier : T-2009-00

Référence neutre : 2002 CFPI 74

ADMIRALTY ACTION IN REM AGAINST THE VESSEL

"GTS KATIE"AND IN PERSONAM AGAINST THIRD

OCEAN MARINE NAVIGATION COMPANY L.L.C.

ENTRE :

                                                 FINANSBANKEN ASA

                                a body politic and corporate of Oslo, Norway

                                                                                                                 demanderesse

                                                                 et

                                             THE VESSEL "GTS KATIE",

                                       THE OWNERS AND ALL OTHERS

                               INTERESTED IN THE VESSEL "GTS KATIE",

                    THIRD OCEAN MARINE NAVIGATION COMPANY L.L.C.,

                     a body politic and corporate of Anapolis, Maryland, U.S.A.

                                                                                                                     défendeurs

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

[1]                 Il s'agit de déterminer en l'espèce si Peter Hornick (Hornick) bénéficie d'un privilège pour le paiement allégué des gages de l'équipage (crew wage lien) et peut ainsi rechercher que sa réclamation contre le produit de vente du navire "GTS Katie" soit payée après les frais du shérif ou en priorité aux réclamations des créanciers hypothécaires, soit la demanderesse Finansbanken ASA (la Banque) et Lloyd Werft Bremerhaven (Lloyd).

[2]                 Les faits essentiels supportant la réclamation d'Hornick peuvent se résumer comme suit.

[3]                 Il appert que le ou vers le 28 juillet 2000, Peter Margan, président de la corporation propriétaire du navire, Third Ocean Marine Navigation L.L.C. (Third Ocean), aurait demandé à Hornick de lui remettre une somme de 40 000 $ US pour que cette somme soit remise, en retour, à l'équipage en paiement de ses gages vu que Third Ocean n'arrivait plus à payer, entre autres difficultés, son équipage. En considération de ce paiement et en toute connaissance et participation de l'équipage, Hornick se serait trouvé à être subrogé dans le privilège pour les gages de l'équipage, et ce, pour une somme majorée de 25%, soit pour une somme de 50 000 $ US.

[4]                 Cette entente du 28 juillet 2000 entre Hornick et Third Ocean ne se serait traduite en un paiement à l'équipage que le 15 août 2000 à Montréal alors que le navire était à quai dans ce port depuis le 10 août 2000. En tout temps pertinent, le navire était enregistré à St-Vincent et les Grenadines.


Analyse

[5]                 Il m'appert que la réclamation d'Hornick fait face en les présentes à deux difficultés majeures.

[6]                 La première et principale difficulté reliée à la réclamation d'Hornick a trait à la qualité et à la suffisance de la preuve offerte par Hornick au soutien de sa réclamation.

[7]                 Il faut retenir en effet que la réclamation d'Hornick est introduite par du ouï-dire qui lui-même renvoie à une série d'autres ouï-dire. Bien que l'on puisse admettre qu'en la présente procédure sommaire la preuve par ouï-dire ne soit pas interdite, une telle présentation va de façon importante au poids à accorder à cette preuve.

[8]                 La preuve de réclamation d'Hornick nous vient premièrement via l'affidavit de son procureur. Par son affidavit, ce dernier nous réfère à ce qui devrait être un affidavit d'Hornick qui lui nous réfère à ce qui devrait être un affidavit du capitaine du navire à l'époque.


[9]                 Or, en réalité, ces "affidavits" d'Hornick et du capitaine n'en sont point puisque dans le cas d'Hornick il s'agit simplement d'une déclaration non assermentée qui renvoie non pas à un affidavit du capitaine mais bien simplement à une lettre de ce dernier. Un reçu (Receipt, Assignment and Subrogation Agreement) supposément signé par le capitaine se trouve à suivre cette lettre du capitaine sans que ce reçu également soit joint proprement à un affidavit. De façon étonnante et non expliquée en preuve, tous ces documents ainsi que l'affidavit du procureur d'Hornick se trouvent à être signés du 15 janvier 2001, soit la date limite pour soumettre une preuve de réclamation dans le présent dossier.

[10]            Le fait que la Banque ait procédé à un interrogatoire d'Hornick sur sa déclaration ne peut bonifier totalement les choses en faveur de ce dernier. Même si l'on doit accepter et reconnaître que les parties ont implicitement traité la déclaration d'Hornick comme un affidavit pour les fins de l'interrogatoire - puisqu'apparemment rien ne fut soulevé au début de cet interrogatoire quant à la présentation de la preuve d'Hornick -, il demeure que la lettre du capitaine et le reçu qui la suit ne sont point reliés proprement à la déclaration d'Hornick. De plus, la lettre du capitaine et le reçu constituent à l'égard de cette déclaration du ouï-dire qui elle-même, tel que mentionné précédemment, est introduite par ouï-dire.

[11]            Je ne suis donc pas prêt à considérer - et cela sera suffisant comme détermination - que la lettre du capitaine ou le reçu puissent servir à établir que les parties ont établi que le droit américain gouvernait la cession ou la subrogation du privilège de l'équipage. Ce consentement de l'équipage est pourtant essentiel en preuve puisque l'affirmation d'Hornick ou de Third Ocean n'est pas suffisante pour établir proprement que les deux parties véritables à la transaction ont convenu clairement que le droit américain était applicable.


[12]            Si l'on ne dispose pas d'une preuve valable établissant expressément l'agrément des parties pertinentes quant à l'application du droit américain, quel droit doit-on dans les faits appliquer à la situation?

[13]            Quoique l'entente de fin juillet 2000 fut établie en dollars américains entre deux Américains, il n'en demeure pas moins que le paiement à l'équipage - véritable étape pertinente - aurait pris place au Canada alors que le navire était en territoire canadien, soit le 15 août 2000. Ces facteurs de connexité font en sorte à mon avis que le droit canadien doit ici recevoir application. Il est à noter que ni le lieu d'enregistrement du navire ni la nationalité de l'équipage appert lier la situation au droit américain.

[14]            Par ailleurs, puisque la situation telle que présentée par Hornick ne se veut pas un simple prêt de lui à Third Ocean pour lequel Third Ocean aurait arbitrairement et unilatéralement cédé le privilège de l'équipage afin de procurer à ce prêt une protection autrement non disponible, le lieu de résidence d'Hornick ne m'apparaît pas pertinent.


[15]            Le droit canadien s'appliquant, il est établi sous celui-ci, outre les attentions particulières que l'on retrouve aux articles 196 et 203 de la Loi sur la marine marchande, L.R.C. (1985), ch. S-9, telle qu'amendée, que le privilège pour les gages des marins ne peut être cédé ou subrogé à moins qu'au préalable la Cour ait donné son consentement (voir Scott Steel Ltd. v. Ship Alarisa et al. (1996), 111 F.T.R. 81). Ici, un tel consentement ne fut point obtenu. Pourtant, malgré les difficultés vécues par le navire et son propriétaire, il ne fut pas établi qu'Hornick ou Third Ocean ne pouvait s'adresser à la Cour entre le 28 juillet et le 15 août 2000 pour obtenir l'autorisation de cette dernière.

[16]            Il n'y a pas lieu, d'autre part, de suivre en l'espèce l'approche particulière suivie par le juge Rouleau dans l'arrêt Metaxas et al. v. Ship "Galaxias" et al. (1998), 24 F.T.R. 243, puisqu'il ne s'agit pas dans les circonstances de protéger une organisation bénévole ayant payé par pur altruisme les frais de rapatriement d'un équipage. Au niveau de l'altruisme, on note en l'espèce qu'Hornick cherchait à obtenir une majoration de 25% de la somme payée à Third Ocean.

[17]            On doit donc considérer qu'Hornick n'a pas établi valablement une cession ou subrogation des gages de l'équipage opposable aux autres créanciers intéressés.

[18]            Par ailleurs, même si l'on devait considérer davantage soit la déclaration d'Hornick, soit la lettre du capitaine ou le reçu, et ce, en droit canadien ou même américain, aucun de ces documents ne fut constitué au moment de la transaction entre Hornick et Third Ocean. De plus, aucun n'établit de façon satisfaisante que le capitaine agissait avec l'autorisation de l'équipage ou même que cet équipage a bel et bien reçu les sommes d'argent.

[19]            Sur ce point particulier, même Margan dans son affidavit ne précise pas qu'il a remis cet argent au capitaine ou à l'équipage.

[20]            Quant au reçu plus particulièrement, la Cour ne peut considérer de façon additionnelle que ce document constitue pour Hornick un reçu constitué dans le cours normal des affaires. Ce reçu ne fut pas constitué au moment du paiement allégué le 15 août 2000 mais bien le dernier jour pour soumettre une preuve de réclamation, soit le 15 janvier 2001. De façon étrange, ce document porte le sceau du navire alors que le capitaine n'agissait plus à ce titre depuis le 9 septembre 2000.

[21]            La Cour ne peut donc suivre les conclusions de M. Donald C. Greenman, l'expert en droit américain soumis par Hornick, quant à la suffisance de la preuve au soutien d'une cession ou subrogation valable.

[22]            En conséquence, pour l'ensemble des motifs qui précèdent, Hornick ne peut rechercher que sa réclamation contre le produit de vente du navire "GTS Katie" soit payée après les frais du shérif ou en priorité aux réclamations des créanciers hypothécaires, soit la Banque et Lloyd.

Richard Morneau                                   

protonotaire

Montréal (Québec)

le 22 janvier 2002      


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

          NOMS DES PROCUREURS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

INTITULÉ :


T-2009-00

ADMIRALTY ACTION IN REM AGAINST THE VESSEL "GTS KATIE" AND IN PERSONAM AGAINST THIRD OCEAN MARINE NAVIGATION COMPANY L.L.C.

Entre :

FINANSBANKEN ASA,

a body politic and corporate of Oslo, Norway

                                                                 Demanderesse

et

THE VESSEL "GTS KATIE",

THE OWNERS AND ALL OTHERS INTERESTED IN THE VESSEL "GTS KATIE",

THIRD OCEAN MARINE NAVIGATION COMPANY L.L.C., a body politic and corporate of Anapolis, Maryland, U.S.A.

                                                                        Défendeurs


LIEU DE L'AUDIENCE :Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :le 19 décembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

EN DATE DU : 22 janvier 2002


ONT COMPARU:


Me Mireille Tabib

pour la demanderesse

Me Trevor H. Bishop

pour Lloyd Werft Bremerhaven GMBH


Me Guy Vaillancourt

pour Clipper Inc. et EPG--MZ L.L.C./Peter Hornick


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:


Stikeman, Elliott

Montréal (Québec)

pour la demanderesse

Brisset Bishop

Montréal (Québec)

pour Lloyd Werft Bremerhaven GMBH

Me Guy Vaillancourt

Québec (Québec)

pour Clipper Inc. et EPG--MZ L.L.C. et/ou Peter Hornick

Borden Ladner Gervais

Montréal (Québec)

pour Sa Majesté la Reine au droit du Canada et l'Administration portuaire de Montréal

Flynn, Rivard

Montréal (Québec)

pour Calogeras & Master Supplies Inc.

Gowling Lafleur Henderson

Montréal (Québec)

pour Andromeda Navigation Inc. and SDV Logistics (Canada) Inc.

De Man, Pilotte

Montréal (Québec)

pour Hempel Coatings (USA) Inc. and The State Ukrainian Crewing Company


Radnoff Pearl Slover Swedko Dwoskin

Ottawa (Ontario)

pour Macoil International S.A.

   


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