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     IMM-4780-96

Ottawa (Ontario), le 11 juillet 1997

En présence de Monsieur le juge Muldoon

Entre :

     HARRY L. LADIO,

     requérant,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     ORDONNANCE

LA COUR,

     VU la requête non motivée, par laquelle l'intimé conclut à l'annulation de la décision qu'a rendue la section d'appel de l'immigration, le 3 décembre 1996, contre le requérant dans le dossier portant le numéro V95-02348,

     ATTENDU que la Cour a, de son propre chef, découvert un motif que l'intimé aurait dû proposer lui-même au lieu de procéder comme s'il s'agit en l'espèce d'une affaire de droit privé,

ORDONNE CE QUI SUIT :

1.      La décision susmentionnée de la section d'appel de l'immigration dans l'affaire no V95-02348 est annulée; et

2.      L'appel en matière d'immigration du requérant est renvoyé à une formation de composition différente de la section d'appel, pour nouvelle instruction et nouvelle décision conformes à la loi.

     Signé : F.C. Muldoon

     ________________________________

     Juge

Traduction certifiée conforme      ________________________________

     F. Blais, LL. L.

     IMM-4780-96

Entre :

     HARRY L. LADIO,

     requérant,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge MULDOON

     Il y a requête inusitée de la part de l'intimé qui conclut à l'accueil de la demande de contrôle judiciaire introduite contre la décision en date du 3 (et non du 6) décembre 1996 de la section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, le motif pris à cet effet étant tout simplement " le consentement des parties ".

     Il s'agit là d'un motif défectueux, nullement admissible dans une affaire de droit public comme celle qui nous occupe en l'espèce. Les parties ont procédé à tort comme s'il s'agit d'une affaire de droit privé. Elles ont obligé la Cour à faire le travail de l'intimé (et, du coup, le travail du requérant). Ce motif est si défectueux de la part d'un ministre de la Couronne, partie à un différend de droit public, que la Cour a été tout d'abord tentée de rejeter la requête de l'intimé pour défaut de motifs. Peut-être par le passé, la Cour a-t-elle hésité quelque peu à dire pourquoi le gouvernement devait proposer des motifs conséquents pour acquiescer à la demande de contrôle judiciaire de candidats à l'immigration. Il y a une certaine jurisprudence en la matière : Antan Jebanayagam c. Solliciteur général du Canada, [1994] 3 C.F. D-24 / F-31, (1994) 85 F.T.R. 277, repris sous l'intitulé Jebanayagam c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (1995), 91 F.T.R. 193, 30 Imm. L.R. (2d) 194.

     Pour parler sans ambages, puisqu'il incombe au ministre, et au procureur général, d'appliquer et de faire respecter les règles de droit public, la Cour et, par extension, le public ont besoin de voir et de faire publiquement assumer au ministre des motifs conséquents qui expliquent pourquoi il " abandonne la partie ". La Cour et le public ont besoin d'être assurés qu'il ne s'agit pas d'un cas de favoritisme, que le demandeur du droit d'établissement ou du droit d'asile n'est pas un monstre coupable de génocide ou de quelque autre crime grave; c'est pourquoi la Cour n'a pas acquiescé les yeux fermés au consentement du ministre. La Cour pose des questions et n'acceptera pas le risque, par son silence dans une affaire de droit public, d'être complice dans une tractation illégale ou le moindrement teintée de corruption. Personne ne peut affirmer que ce risque est exclu en l'espèce.

     Ainsi donc, le ministre et l'avocat de la Couronne sont-ils dans l'impossibilité d'expliquer leur consentement par un motif conséquent, à supposer que le consentement ait été donné pour une raison légitime, licite et logique? Le ministre et le gouvernement auraient à en assumer publiquement la responsabilité, comme il convient en droit public à l'autorité chargée d'appliquer et de faire respecter les règles de droit public; et la Cour n'aurait pas à poser nombre de questions, voire pas de questions du tout, et elle n'aurait certainement pas à exhorter le ministre à remplir ses responsabilités publiques.

     C'est pourquoi la Cour n'acceptera pas un consentement laconique et non motivé au manquement manifeste de l'administration à ses responsabilités. Il ne suffit pas que justice soit faite, il faut que tous s'en rendent compte.

     En l'espèce, faisant le travail de la Couronne, la Cour a examiné le dossier du tribunal de bout en bout. Dans la décision attaquée, le section d'appel relève ce qui suit dans ses motifs : " Cependant, aucun membre de sa famille [c'est-à-dire la famille du requérant] n'a comparu pour témoigner à l'appui de sa demande, " " (p. 009). La transcription de l'audience indique par contre, aux pages 028, 038, 046 et 065, que ces témoins ont en fait témoigné. Que le tribunal ait oublié ce fait ou l'ait négligé d'une façon ou d'une autre, constitue un motif suffisant d'annulation de la décision. Pourquoi l'avocat représentant le ministre n'aurait-il pas pu le relever dans l'avis de requête déposé le 24 juin 1997? Pourquoi le ministre ou son avocat avait-il si peur de faire valoir ce motif?

     S'il était possible de condamner le ministre aux frais et dépens, la Cour l'aurait fait en l'espèce. Cependant, et sans que son avocat y soit pour rien, la requête sera accueillie et la décision datée du 3 décembre 1996 de la section d'appel de l'immigration dans l'affaire no V95-02348 sera annulée, et l'appel du requérant renvoyé à une formation de composition différente pour nouvelle instruction et nouvelle décision conformes à la loi.

     Signé : F.C. Muldoon

     ________________________________

     Juge

Ottawa (Ontario),

le 11 juillet 1997

Traduction certifiée conforme      ________________________________

     F. Blais, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :          IMM-4780-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Harry L. Ladio

                     c.

                     Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

REQUÊTE INSTRUITE SUR PIÈCES SANS LA COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE MULDOON

LE :                      11 juillet 1997

CONCLUSIONS ÉCRITES :

Esta Resnick                      pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Poyner, Baxter, Blaxland              pour le requérant

North Vancouver (C.-B.)

M. George Thomson                  pour l'intimé

Sous-procureur général du Canada

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