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     T-1753-95

Entre :

     STUART HERTZOG,

     demandeur,

     et

     HIGHWIRE INFORMATION INC.,

     BUTTERWORTHS CANADA LTD. et

     ROBERT MacDONALD,

     défendeurs.

     RAPPORT DE RÉFÉRENCE

     concernant les profits, dommages-intérêts, dépens

     et intérêts avant et après jugement dus par

     les défendeurs Highwire Information Inc. et Robert MacDonald

     au demandeur, pour violation du droit d'auteur

     La présente référence, faite sur ordonnance de l'administrateur de la Cour le 29 novembre 1996, découle d'une ordonnance rendue le 21 mai 1996 en faveur du demandeur contre Highwire Information Inc. et Robert MacDonald avec référence à suivre, visant à fournir au demandeur un état de compte et une adjudication de profits, ainsi que de dommages-intérêts et dépens, et à fixer le taux d'intérêt applicable avant et après jugement.

     L'audition de la référence a eu lieu à Vancouver (C.-B.) l'après-midi du 12 juin 1997. Bien que Highwire Information Inc. et Robert MacDonald aient été dûment avisés des temps et lieu de l'audition de la référence et qu'ils aient obtenu copie du dossier y afférent, ni l'une ni l'autre partie ne se sont fait représenter à cette audition. L'avocat de Butterworths Canada Ltd., lui, était présent et a contribué utilement à l'instruction.

CONTEXTE

     Pour situer le cas, rappelons que le demandeur, Stuart Hertzog, qui a un intérêt dans la société de la défenderesse, Highwire Information Inc. ("Highwire"), a composé, avec le concours d'un coauteur et à l'intention de Highwire, deux manuels sur le mode d'emploi d'Internet. M. Barry Shell, le coauteur de ces manuels, qui avait un intérêt, peut-être assez mince, dans ces ouvrages a cédé son droit à MacDonald et à Highwire contre paiement, semble-t-il, de la somme de 7 500 $.

     À l'instigation du défendeur MacDonald et par le biais de sa compagnie, Media Studio Publishing Inc., les deux manuels ont été publiés et distribués par les soins de la division Reed Book de la défenderesse Butterworths.

     Les deux ouvrages ont eu beaucoup de succès et ont dégagé, jusqu'à ce jour, au titre des redevances, la somme de 49 966,01 $ (y compris la TPS), mis à part un montant de 11 674,30 $ retenu par Butterworths. L'avocat de celle-ci informe que l'édition d'un des manuels a été épuisée et que la vente du second ouvrage, quelles qu'elles seront, prendra fin prochainement ce qui permettrait d'apurer sous peu tous les comptes.

     Le demandeur, qui estime avoir fait 85 p. 100 du travail nécessité par les deux manuels, se plaint de n'avoir rien touché pour son oeuvre qu'il n'a cédée à personne et dont il n'a aucunement autorisé la publication. Avant d'engager la présente action, il a essayé pendant un nombre de mois, mais sans succès, d'obtenir un contrat ou un paiement de la part des défendeurs MacDonald et Highwire ainsi que de Media Studio Publishing Inc. Ses avocats ont alors, par lettre datée du 28 février 1995, fait part de leurs exigences à Highwire et MacDonald et, en conclusion, les ont avisés qu'à défaut de dûment reconnaître les droits de M. Hertzog, celui-ci les poursuivrait en justice. Cette lettre, demeurée sans réponse, a donné lieu à la présente action.

     Au début, Highwire et MacDonald ont présenté une défense, mais, par la suite, n'ont pas fait cas de l'ordonnance de la Cour portant production de documents et nomination d'un avocat, ce qui a donné lieu à un jugement par défaut en faveur du demandeur Hertzog.

     Pour revenir à la question des redevances, l'entente relative à la publication des deux manuels intervenue entre Highwire et la division Reed Book de Butterworths, stipule que les redevances seront payées à Media Clones Inc., une compagnie de l'Ontario administrée par M. MacDonald et qu'on dit être sa société de portefeuille (holding).

     Suite au paiement de redevances substantielles à Media Clones et Highwire, cette dernière a consenti, vers le mois d'octobre 1995, que les redevances soient désormais versées dans un compte de mise en main tierce ouvert par une avocate de Toronto, Roslyn Tsao. Les redevances payées jusqu'ici sont les suivantes :

         Media Clones              5 janvier 1995              10 700,00 $                 

         Media Clones              26 janvier 1995              21 400,00 $

         Highwire              27 juillet 1995              8 038,95 $

         Roslyn Tsao en fiducie          22 février 1996              5 630,18 $

         Roslyn Tsao en fiducie          22 août 1996              4 196,88 $

Le montant de 49 966,01 $ versé à ce titre couvre la période allant jusqu'au 24 février 1997. Comme je l'ai indiqué, un montant retenu de 11 674,30 $ aurait dû être libéré le mois dernier, mais il est encore susceptible d'ajustement en fonction du nombre de manuels invendus.

ANALYSE

Mesures de redressement

     Vu que la présente référence résulte d'une violation, le demandeur, créditeur saisissant, peut obtenir non seulement des dommages-intérêts, mais, à la discrétion de la Cour, les profits tirés de la violation et également, dans les circonstances appropriées, des dommages-intérêts exemplaires ou punitifs, le tout cumulativement : voir, par exemple, Prise de parole Inc. c. Guerin, éditeur Ltée (1996), 104 F.T.R. 104 (C.F. 1re inst.) et Pro Arts Inc. c. Campus Crafts Holdings Ltd. (1981), 50 C.P.R. (2d) 230 (H.C. de l'Ont.). En l'espèce, je recommande à la Cour d'accorder au demandeur une compensation pour manque à gagner ainsi que des dommages-intérêts et des dommages-intérêts exemplaires. Toutefois, avant d'aborder précisément chacune de ces trois mesures de redressement, quelques observations au sujet de leur évaluation s'imposent.

     En ce qui concerne le manque à gagner, le demandeur est tenu seulement d'établir les recettes perçues par les défendeurs. C'est à ceux-ci qu'il incombe, par la suite, de prouver leurs coûts et débours, c'est-à-dire les montants déductibles, pour déterminer finalement le profit approprié qui sera versé au demandeur, en l'occurrence le créditeur saisissant, M. Hertzog : voir paragraphe 35(2) de la Loi sur les droits d'auteur.

     Dans le cas où le débiteur saisi ne présente pas des états de compte montrant des profits, je dois, autant que faire se peut, procéder à une évaluation d'ensemble dictée par le bon sens, savoir : s'il y a quelque chose qui frôle l'injustice du fait que les défendeurs, Highwire et MacDonald, n'ont pas assisté à l'audience ni produit les documents indiquant ce que serait un profit raisonnable. En fait, une estimation de ce genre, même empirique, ne serait pas rejetée. Voir, par exemple, Wood c. Grand Valley Railway Co. (1915), 22 D.L.R. 614, p. 618, où le juge Davie, de la Cour suprême du Canada, formule l'observation suivante au sujet d'un cas où les circonstances n'ont pas permis d'évaluer les dommages-intérêts avec une précision mathématique quelconque; il dit :

         [TRADUCTION]                 
         "Il est manifestement impossible, vu les faits entourant cette cause, d'évaluer avec une quelconque précision mathématique les pertes subies par les demandeurs, mais il me semble que les distingués juges ont clairement établi à ce propos qu'une telle impossibilité ne saurait exonérer l'auteur du méfait de l'obligation de verser des dommages-intérêts pour violation de contrat, et, d'autre part, que le tribunal qui en fait l'estimation, qu'il s'agisse d'un jury ou d'un juge, doit, dans de telles circonstances, "faire tout son possible" à cet égard et sa détermination ne sera pas écartée même si le montant adjugé est empirique."                 

Cette citation tirée de la cause Grand Valley Railway ainsi que d'autres décisions judiciaires font l'objet de commentaires par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Penvidic Contracting Co. Ltd. c. International Nickel Co. of Canada Ltd. (1975), 53 D.L.R. (3d) 748, pages 756 et 757. En somme, il n'est pas faux de procéder au calcul des profits de façon rudimentaire, surtout si cela résulte de l'omission par les défendeurs de produire les renseignements et les documents nécessaires.

     Comme je l'ai dit, une autre difficulté intervient ici dans le calcul des profits, car les défendeurs, après avoir soumis une défense, ont complètement négligé l'affaire. Ils ont ainsi perdu l'occasion d'expliquer leurs débours, ce qui fait que je ne dispose pas des éléments de coûts à mettre en regard des profits bruts pour établir le profit net payable au demandeur. L'avocat de celui-ci soutient que je devrais, sans autre forme de procès, adjuger les profits bruts au demandeur, c'est-à-dire les redevances totales versées à l'égard des deux manuels.

     Dans l'affaire Alma Veneer Felt Company Ltd. c. Fisher (1896) 14, R.P.C. 159 (C.A.), le lord juge Lindley, qui a rédigé l'une des décisions concordantes, a fait état d'une situation où le demandeur avait droit à une redevance, mais par suite d'omissions de la part du défendeur, la cour n'avait pu connaître les détails relatifs au montant de la redevance. Il a évoqué le principe voulant que la cour fasse tout son possible à cet égard, quitte à ce que l'auteur du méfait subisse les conséquences de toute injustice.

         [TRADUCTION]                 
         Que peut-on faire? Peut-on dire au demandeur qui a droit à une redevance que nous ne lui accorderons rien du tout parce que nous ne sommes pas en mesure de l'établir du fait que le défendeur a manqué à son devoir, ou bien allons-nous lui dire que nous ferons tout notre possible quitte à ce que l'auteur du méfait fasse éventuellement les frais d'une injustice. C'est cette dernière solution qui a toujours constitué le principe sur lequel la Cour s'est appuyée. (Page 167)                 

L'absence de tout document émanant de l'auteur du méfait dont parle le lord juge Lindley, reflète le cas actuel où ni Highwire ni MacDonald n'ont cru bon de se présenter soit pour expliquer en quoi consistent leurs débours, soit pour fournir les états de compte indiquant les montants à défalquer en vue d'établir le montant des profits nets.

     Une justification des profits est une mesure de redressement équitable. L'un des axiomes établis en matière d'équité veut que celle-ci profite à qui fait preuve de vigilance. Les défendeurs, par leur insouciance, ont manqué l'occasion de limiter, possiblement dans une certaine mesure, les conséquences d'une adjudication à leur encontre. Je ne suis pas prêt à spéculer sur ce qu'auraient pu être les frais généraux de ces défendeurs dans le cadre du contrat signé avec Butterworths pour la publication des manuels produits, dans une large mesure, par le demandeur.

     Les dommages-intérêts ne sont pas de nature subsidiaire, mais plutôt générale et, en l'absence de preuve, peuvent être d'ordre nominal. Mais cela ne veut pas dire, dans ce cas-ci, qu'ils sont nécessairement faibles : voir, par exemple, Underwriters' Survey Bureau Ltd. v. Massie & Renwick Ltd., [1942] R.C.É. 1 à 4 jusqu'à 6. Lorsqu'ils sont adjugés, pareils dommages-intérêts doivent être envisagés largement. Dans la cause Underwriters' Survey Bureau (précitée), le demandeur était incapable de prouver des dommages réels. Le registraire, sur référence, lui a accordé des dommages-intérêts nominaux et exemplaires au montant de 5 000 $ considérant les circonstances du cas qui comportait une violation voulue et frauduleuse du droit de propriété du demandeur. Celui-ci a fait appel de cette décision à la Cour de l'Échiquier dont le président a été surpris par les actes de violation et d'usurpation délibérés, persistants et secrètement prémédités qui ont été commis. Le demandeur a dû pour cela et à grands frais intenter une poursuite plus coûteuse que les dépens taxés qui lui seront éventuellement adjugés, afin de protéger son droit d'auteur. La Cour de l'Échiquier a estimé cela, y compris les désagréments, le dérangement et la perturbation des affaires du demandeur, à 10 000 $.

     Je ferais deux observations au sujet de l'adjudication faite dans la cause Underwriters' Survey Bureau. En premier lieu, 45 ans marqués par l'inflation se sont écoulés depuis lors; ainsi, une adjudication appropriée aujourd'hui dans des circonstances analogues serait bien plus élevée. En deuxième lieu, la susdite affaire ne comportait pas de dommages-intérêts pour manque à gagner. Poussant la chose un peu plus loin, il ne faudrait pas que le cumul des dommages-intérêts afin de pleinement dédommager le demandeur, dépasse ce qui est nécessaire pour replacer celui-ci, dans la mesure où le peut une adjudication de dommages-intérêts, dans la situation qui eut été la sienne s'il n'avait pas subi un tort. Mais là aussi, je pourrais tenir compte du tort non pécuniaire causé au demandeur, notamment les désagréments, la tension et la perturbation de sa vie résultant de l'obligation de poursuivre l'auteur du méfait, ainsi que des dépenses engagées pour obtenir réparation, ce que ne reflète pas la taxation des dépens.

     Vient enfin la question des dommages-intérêts punitifs ou exemplaires. Le cas qui fait autorité est celui de Hill c. Church of Scientology of Toronto and Manning, [1995] 2 R.C.S. 1130. Le principe général qu'il faut garder à l'esprit est que "... les dommages-intérêts punitifs ne devraient être accordés que dans les situations où les dommages-intérêts généraux et majorés réunis ne permettent pas d'atteindre l'objectif qui consiste à punir et à dissuader." (ibid. , page 1208). Bien sûr, les dommages-intérêts punitifs comportent un élément de punition, mais la dissuasion est aussi un facteur essentiel. Dans Church of Scientology, la Cour suprême s'est prononcée en ces termes : "... la mauvaise conduite du défendeur était-elle si extravagante qu'il était rationnellement nécessaire d'accorder des dommages-intérêts dans un but de dissuasion?" (ibid. , page 1209).

     En rédigeant les motifs au nom de la Cour d'appel dans l'affaire Profekta International Inc. c. Theresa Lee, le juge Linden de cette Cour, dans une décision du 30 avril 1997 non publiée (action A-23-96), a ajouté 10 000 $ à titre de dommages-intérêts à un montant compensatoire déjà accordé pour violation suivie du droit d'auteur par le défendeur. D'autres facteurs entraient en ligne de compte dans ce cas, notamment une lettre de ne pas faire dont il n'a pas été tenu compte de même que l'attitude de la défenderesse qui aurait préféré payer les honoraires d'un avocat pour contester la prétention du défendeur, plutôt que de respecter le droit d'auteur. La Cour d'appel a estimé que cette adjudication répondait au critère énoncé dans Hill, à savoir : une conduite outrageante nécessitant des dommages-intérêts punitifs dans un but de dissuasion.

     En bref, les dommages-intérêts punitifs sont accordés lorsque le défendeur a agi de façon cavalière ou méprisante, pour le punir de s'être comporté de la sorte et pour en faire un exemple dissuasif pour autrui. C'est la conduite qui est "... de nature extrême et mérite, selon toute norme raisonnable, d'être condamnée et punie". : Vorvis c. Insurance Corporation of British Columbia , (1989) 1 R.C.S. 1085, page 1108. J'en arrive maintenant à l'application des principes généraux à la réclamation du demandeur dans ce cas particulier.

Profits

     Pour commencer, je recommande que le demandeur se voie accorder la totalité des profits, y compris la TPS, réalisés à ce jour. Ce montant pourrait bien dépasser ce que le demandeur aurait reçu si les défendeurs avaient participé aux procédures, mais il ne faudrait pas qu'il soit pénalisé pour cette omission de leur part.

     En recommandant l'adjudication du plein montant des profits, c'est-à-dire de toutes les redevances versées à ce jour, je n'ai pas perdu de vue que Highwire a peut-être acquis un intérêt dans les manuels, en payant la somme de 7 500 $ au coauteur, M. Shell, en contrepartie de la cession de son intérêt minoritaire quel qu'il fût. Si l'autre copropriétaire, probablement Highwire, est intéressé à protéger et à tirer profit de sa part, il reste toujours le montant substantiel retenu par la division Reed Book de Butterworths dont je recommande le paiement soit en exécution d'une ordonnance de la Cour, soit du consentement de Hertzog, Highwire et MacDonald.

Dommages-intérêts

     Les dommages-intérêts s'ils sont adjugés à M. Hertzog, sauf au titre des désagréments, de la tension (tous deux évidents en raison de la correspondance longue, vaine et plutôt unilatérale engagée entre lui et MacDonald en vue d'obtenir une partie de ses droits en tant que propriétaire des deux manuels à succès sur l'utilisation d'Internet) ainsi que les frais de poursuite n'entrant pas dans le montant des dépens taxés, feraient double emploi avec l'adjudication des redevances versées à ce jour par Butterworths. Quant aux dommages-intérêts relatifs aux éléments non pécuniaires appropriés et des frais judiciaires non compris dans les dépens taxés, je recommande l'adjudication du montant de 7 000 $. Même si ce chiffre est en-deça de ce que réclame l'avocat du demandeur, il cadre avec l'esprit des dommages-intérêts nominaux qui ne sont pas négligeables vu la recommandation adjugeant à l'intéressé des profits substantiels.

Dommages-intérêts exemplaires

     Ce serait une négligence que de ne pas recommander, dans ce cas-ci, l'adjudication de dommages-intérêts exemplaires. La conduite de Highwire et MacDonald qui ont combiné la vente à Butterworths du droit de publication des manuels, était dans son ensemble répréhensible considérant toutes les circonstances de l'affaire.

     Les défendeurs, MacDonald et Highwire, ont encouragé le demandeur à poursuivre le considérable et long travail de composition des manuels d'utilisation d'Internet. L'un et l'autre étaient au courant des droits d'auteur du demandeur que celui-ci, d'abord, et son avocat, plus tard, leur ont sans cesse rappelés. Les deux défendeurs savaient qu'il leur fallait l'autorisation du demandeur pour disposer des deux manuels, mais ont entrepris néanmoins de le frustrer de ses droits. C'est assez mal en soi que les défendeurs Highwire et MacDonald aient procédé à la vente des droits de publication des manuels et perçu des redevances sans obtenir la permission du demandeur et sans lui faire une offre satisfaisante. Mais le défendeur MacDonald a été plus loin : il a poussé Butterworths à payer une partie importante (65 %) des redevances non pas à Highwire, dans laquelle M. Hertzog avait un intérêt, mais à sa propre société de portefeuille, Media Clones Inc. Ce comportement désinvolte est répréhensible et mérite condamnation non seulement dans le dessein de punir, mais aussi pour servir d'exemple et dissuader autrui d'une telle conduite. Tout cela appelle l'adjudication de dommages-intérêts exemplaires substantiels.

     Je recommande que ces dommages-intérêts soient de 10 000 $. Si ce montant n'est pas plus élevé, c'est uniquement parce que le défendeur MacDonald a apparemment donné instruction à Butterworths d'effectuer un troisième versement de redevances, s'élevant à environ 16 p. 100 du total des redevances payées, au compte de Highwire et, un peu trop tard par la suite, de payer les deux dernières tranches des redevances, soit 18 p. 100 du total, dans un compte en fiducie.

Intérêts

     Par suite des agissements des défendeurs Highwire et MacDonald, le demandeur a été privé de l'usage de ses fonds. On peut compenser cela en bonne partie par l'adjudication d'un montant d'intérêts avant et après jugement. Ces intérêts s'appliqueront uniquement à la partie des redevances payée à Media Clones Inc. et à Highwire, parce que je présume que les fonds qui reposent dans le compte en fiducie de l'avocate sont productifs d'intérêts. Je reconnais ici que les intérêts produits par le compte en question, lequel s'élève à près de 10 000 $, ne refléteront pas le montant approprié des intérêts avant jugement; toutefois, j'ai tenu compte de ce point dans mes recommandations relatives à l'évaluation des dommages-intérêts généraux.

     Bien que la présente action mette en cause un demandeur et une société défenderesse de la Colombie-Britannique, elle comprend également un défendeur, M. MacDonald, domicilié en Ontario et qui dirige une société de portefeuille ontarienne, et je me réfère ici aux documents concernant la compagnie ontarienne Media Clones Inc. qui détient un montant de 32 100 $ appartenant au demandeur. Ces faits me permettent de recommander l'adjudication d'un montant d'intérêts avant jugement calculé à un taux raisonnable en toutes circonstances, aux termes du paragraphe 36(2) de la Loi sur la Cour fédérale. L'ordonnance qui a donné lieu à cette référence portait, à ce moment-là, sur une revendication non liquidée. Les intérêts courent, par conséquent et en vertu de l'alinéa 36(2)b) de la Loi sur la Cour fédérale, depuis la date de l'avis de demande adressé par écrit. L'avocat du demandeur a envoyé une lettre de demande appropriée à la défenderesse Highwire, à l'attention de MacDonald, en Ontario le 28 février 1995. Les intérêts courent donc depuis cette date jusqu'à celle de l'ordonnance de jugement par défaut en date du 21 mai 1996.

     Quant au taux d'intérêt, le demandeur a soumis un barème des taux préférentiels incluant les taux en vigueur pour la période allant de janvier 1995 à mai 1996. Le taux moyen vérifié se situe juste au-dessus de 8 p. 100. Un taux d'intérêt raisonnable refléterait ce taux préférentiel ainsi que le taux d'emprunt qu'aurait obtenu le demandeur de ses banquiers. Je recommande que le taux d'intérêt avant jugement soit fixée à 9 p. 100

     Pour ce qui est du taux d'intérêt après jugement, je ne vois aucune raison de m'écarter de la notion relative au taux d'emprunt probable appliqué par les banquiers du demandeur. Je recommande, par conséquent, qu'à partir du 21 mai 1996, le taux d'intérêt sur les redevances payées à Media Clones et à Highwire, soit fixé au taux d'emprunt établi de temps à autre par les banquiers du demandeur et qui pourrait correspondre au taux préférentiel majoré de un pour cent. L'intérêt courra de la même façon à l'égard des dommages-intérêts généraux, mais non des dommages exemplaires ou des dépens. J'en viens maintenant à la question des dépens.

Dépens

     Le demandeur a soumis un mémoire de frais provisoire dont copie est annexée (pièce A). Dans l'ensemble, les montants réclamés à la colonne 3 sont relativement modérés. Je ne suis pas d'accord sur la rubrique 23 du mémoire de frais, présence à l'audition de la référence, où je recommanderais l'allocation de quatre unités au lieu de six, ni sur la rubrique 26, taxation des dépens, où je recommanderais une unité au lieu de quatre. Toutefois, j'ai également tenu compte du travail de préparation considérable qu'a nécessité la référence et j'accorderai trois unités plutôt qu'une à la rubrique 27, pour tels services qui seraient approuvés par l'officier taxateur ou par une ordonnance de la cour. Ainsi sur les 24 unités demandées, 20 sont accordées et une fois ajoutées la TPS et la TVP, le total des dépens taxables que je recommande s'élève à 2 280 $.

     Le demandeur réclame des débours de 632,11 $, y compris la TPS sur une partie de ce montant. Il faut raisonnablement s'attendre à des débours. Si les dépenses de reprographie sont appréciables, la quantité de photocopies relatives aux plaidoiries et aux documents soumis et fournis à la Cour l'a été tout autant.

     Je recommanderais qu'une autre rubrique de dépenses soit approuvée relativement à la note d'honoraires soumise par l'avocate ontarienne qui détient une somme d'environ 10 000 $ dans son compte de fiducie. Je veux parler ici des honoraires de Roslyn Tsao au montant de 125,59 $ qui a été acquitté sur les fonds gardés en fiducie. Vu l'issue de la cause, c'est une dépense qui devrait être remboursée au demandeur.

CONCLUSION

     Je recommande à la Cour que soient adjugés au demandeur, et aux dépens de Highwire Information Inc. et de Robert MacDonald, les montants suivants :

     1.      Profits (y compris la TPS), au montant de 49 966,01 $, rajusté de façon à refléter le principal et les intérêts à l'égard de la somme gardée en fiducie par Roslyn Tsao;         
     2.      Dommages et intérêts au montant de 7 000 $;         
     3.      Dommages et intérêts exemplaires au montant de 10 000 $;         
     4.      Intérêts avant jugement depuis le 28 février 1995 jusqu'au 21 mai 1996 au taux de 9 p. 100 sur 31 000 $, montant payé par Butterworths à Media Clones Inc. et à Highwire;         
     5.      Intérêts après jugement au taux d'emprunt exigé du demandeur et revu de temps à autre par ses banquiers, fixé au taux préférentiel majoré de un pour cent sur la somme de 31 100 $ détenue par Media Clones et par Highwire, jusqu'à paiement.         
     6.      Frais et débours au montant de 3 037,70 $.         

     Les sommes retenues par Butterworths devraient être versées dans un compte de mise en main tierce. Du fait que l'avocat qui détient aujourd'hui le montant des redevances ne désire plus s'occuper du cas, toute redevance future reçue de Butterworths devrait être déposée dans le compte de fiducie d'un avocat ici à Vancouver dont le cabinet, comme lui-même, est étranger au présent litige.

     Enfin, je recommande que les fonds recevables de la division Reed Book de Butterworths ne soient pas déboursés sauf du consentement du demandeur et des défendeurs Highwire et MacDonald ou par une ordonnance de la Cour et, dans ce dernier cas, que la défenderesse Highwire, en sa qualité de copropriétaire des deux manuels d'utilisation d'Internet, et le défendeur Robert MacDonald en tant que partie jouissant d'un intérêt dans Highwire, soient avisés de toute demande de remise de fonds.

     Je remercie l'avocat du demandeur pour sa présentation claire et précise et celui de Butterworths pour ses suggestions utiles et son concours.

     (signé) "John A. Hargrave"

     Protonotaire

Le 20 juin 1997

Vancouver (Colombie-Britannique)

Traduction certifiée conforme     

                                     Martine Guay, LL.L.

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