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     Date : 19981203

     Dossier : T-2408-96

OTTAWA (ONTARIO), LE 3 DÉCEMBRE 1998

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE MULDOON

ENTRE

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     demandeur,

     et

     VLADIMIR KATRIUK,

     défendeur.

     ORDONNANCE

     Sur présentation d'une requête par l'intervenant éventuel, Kenneth M. Narvey (le requérant), qui prétend agir pour son compte ainsi que pour le compte de la Coalition of Concerned Congregations on the Law Relating to War Crimes and Crimes Against Humanity Including Those of the Holocaust (la coalition) en vue de l'obtention d'une ordonnance suspendant le prononcé du jugement de Monsieur le juge Nadon dans l'instance en attendant qu'il soit statué sur l'appel interjeté par le requérant, lequel a été entendu à Toronto le 19 octobre 1998 en présence du requérant et de l'avocat de chacune des parties,

CETTE COUR ORDONNE que la coalition susmentionnée soit par les présentes dispensée de participer à l'instance engagée par M. Narvey et qu'elle soit dégagée de toute responsabilité à cet égard;

CETTE COUR ORDONNE EN OUTRE que la requête que le requérant a présentée en vue de faire suspendre le prononcé du jugement de Monsieur le juge Nadon dans l'instance principale entre les parties soit par les présentes rejetée;

CETTE COUR ORDONNE EN OUTRE au requérant, Kenneth M. Narvey, de verser à chacune des parties les frais entre parties qu'elles ont engagés dans l'instance.

     F.C. Muldoon

     ________________________________

     Juge

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.

     Date : 19981203

     Dossier : T-2408-96

ENTRE

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     demandeur,

     et

     VLADIMIR KATRIUK,

     défendeur.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE MULDOON

[1]      Kenneth M. Narvey, de Montréal, est un soi-disant " chercheur juridique " bien connu de cette cour à titre de défenseur de l'intérêt public, même s'il n'est membre d'aucun barreau au Canada. M. Narvey prétend non seulement se représenter lui-même, mais représenter aussi (" conformément à l'article 114 des Règles [...] ") la Coalition of Concerned Congregations on the Law Relating to War Crimes and Crimes Against Humanity Including Those of the Holocaust (la coalition), qui est une association sans personnalité morale au sens de l'article 2 des Règles de cette cour.

[2]      L'article 2 des Règles renferme la définition suivante :

         " association sans personnalité morale " Groupement, à l'exclusion d'une société de personnes, constitué d'au moins deux personnes qui exercent leurs activités sous un nom collectif dans un but commun ou pour une entreprise commune.                 

L'article 114 des Règles prévoit ce qui suit :

         114.(1) Lorsque des personnes ont un intérêt commun dans une instance, celle-ci peut être engagée par ou contre l'une ou plusieurs de ces personnes au nom de toutes celles-ci ou de certaines d'entre elles.                 
         (2) Dans une instance visée au paragraphe (1), la Cour peut, à tout moment, sur requête, désigner une personne en tant que représentant de toutes les parties ou de certaines d'entre elles.                 
         (3) Si la personne désignée aux termes du paragraphe (2) n'est pas une partie, la Cour rend une ordonnance constituant cette personne partie à l'instance.                 
         (4) L'ordonnance rendue dans une instance visée au paragraphe (1) lie toutes les personnes représentées, mais ne peut être exécutée contre celles-ci sans la permission de la Cour.                 

L'article 104(1) des Règles se lit comme suit :

         104.(1) La Cour peut, à tout moment, ordonner :                 
         a) [...]                 
         b) que soit constituée comme partie à l'instance toute personne qui aurait dû l'être ou dont la présence devant la Cour est nécessaire pour assurer une instruction complète et le règlement des questions en litige dans l'instance; toutefois, nul ne peut être constitué codemandeur sans son consentement, lequel est notifié par écrit ou de telle autre manière que la Cour ordonne.                 

L'article 109 des Règles dispose que :

         109.(1) La Cour peut, sur requête, autoriser toute personne à intervenir dans une instance.                 
         (2) L'avis d'une requête présentée pour obtenir l'autorisation d'intervenir :                 
         a) précise les nom et adresse de la personne qui désire intervenir et ceux de son avocat, le cas échéant;                 
         b) explique de quelle manière la personne désire participer à l'instance et en quoi sa participation aidera à la prise d'une décision sur toute question de fait et de droit se rapportant à l'instance.                 
         (3) La Cour assortit l'autorisation d'intervenir de directives concernant :                 
         a) la signification de documents;                 
         b) le rôle de l'intervenant, notamment en ce qui concerne les dépens, les droits d'appel et toute autre question relative à la procédure à suivre.                 

Les articles 119 et 120 des Règles sont ainsi libellés :

         119. Sous réserve de la règle 121, une personne physique peut agir seule ou se faire représenter par un avocat dans toute instance.                 
         120. Une personne morale, une société de personnes ou une association sans personnalité morale se fait représenter par un avocat dans toute instance, à moins que la Cour, à cause de circonstances particulières, ne l'autorise à se faire représenter par un de ses dirigeants, associés ou membres, selon le cas.                 

[3]      Compte tenu des dispositions des articles 119 et 120 des Règles, la personne représentant un groupe de personnes, en vertu de l'article 114 des Règles, s'entend d'un avocat. Étant donné qu'il est possible que des frais soient engagés par une partie qui n'aura pas gain de cause, chacune des diverses congrégations, en vertu de l'alinéa 104(1)b) des Règles, doit donner par écrit son consentement en vue d'être constituée comme partie, ou d'être mise en cause à titre d'intervenante en vertu de l'article 109 des Règles. Personne ne peut être désigné à titre de demandeur ou de requérant et risquer d'être tenu de payer les dépens, sans son consentement écrit. Or, en l'espèce, aucun consentement écrit n'a été déposé auprès de la Cour. M. Narvey, qui n'est pas un avocat habilité à exercer cette profession, peut se représenter sans autre formalité, mais il ne peut pas représenter les diverses congrégations en cause, avec qui il affirme s'être entendu oralement par l'entremise de leur rabbin. Une résolution ou un autre consentement écrit obligatoire est nécessaire au cas où une congrégation pourrait avoir à payer des frais ou être assujettie à la saisie de ses biens.

[4]      À l'audience, ces questions ont été portées à l'attention de M. Narvey qui a reconnu que si des dépens étaient adjugés, il les prendrait personnellement en charge.

[5]      M. Narvey - le requérant - était présent à l'audience lorsque Monsieur le juge Nadon, de cette cour, entendait l'affaire et qu'à la demande du demandeur, il examinait la question de savoir si M. Katriuk, le défendeur, devait voir sa citoyenneté révoquée parce qu'il l'avait censément obtenue en mentant ou encore en ayant recours à la tromperie. M. Narvey croyait que certaines observations orales que Monsieur le juge Nadon avait faites pendant l'audience montraient que ce dernier était partial à l'égard de la question à trancher. Le requérant a cité quatre passages de la transcription de cette audience.

[6]      Le requérant, M. Narvey, a alors demandé à la Cour, c'est-à-dire au juge Nadon, de lui accorder le statut d'intervenant de façon qu'il puisse faire suspendre le prononcé du jugement à cause d'une présumée crainte de partialité de la part du juge. Monsieur le juge Nadon a refusé d'accorder au requérant la qualité voulue pour intervenir. Ni l'avocat du demandeur ni l'avocat du défendeur ne se sont plaints d'une crainte de partialité de la part de Monsieur le juge Nadon, et ils n'ont jamais porté plainte, ou ils n'ont jamais affirmé avoir une crainte de partialité, à l'audition de la présente instance.

[7]      Le requérant, M. Narvey, a interjeté appel contre la décision par laquelle Monsieur le juge Nadon avait refusé de lui accorder la qualité pour agir : l'appel doit être entendu par la Section d'appel de cette cour. Toutefois, le requérant craint que Monsieur le juge Nadon rende jugement au sujet de la révocation possible avant que l'appel qu'il a interjeté soit entendu et réglé par la Section d'appel. Il a donc présenté cette requête en vue de faire suspendre toutes les procédures concernant la citoyenneté de M. Katriuk. Étant donné que cette affaire avait été entendue et débattue au complet et qu'il ne reste plus au juge Nadon qu'à rendre une décision, la suspension de l'instance vise en fait à réduire Monsieur le juge Nadon au silence. Le requérant croyait, à l'audience, que le mot " bâillonner " était trop péjoratif, mais en fait c'est exactement ce qu'il demande à la Cour de faire : empêcher Monsieur le juge Nadon de rendre sa décision en attendant qu'il soit statué sur l'appel connexe qu'il a interjeté devant la Section d'appel.

[8]      Cette cour n'a pas le pouvoir d'empêcher un juge d'une cour supérieure ayant une compétence égale de rendre une décision. Seule la majorité d'un groupe, d'un comité ou d'une formation d'autres juges d'une cour supérieure que le législateur fédéral (et le législateur provincial) appelle communément une cour d'appel, ou une section d'appel dans le cas d'une cour plus importante, peut empêcher un juge d'une cour supérieure de rendre des ordonnances ou des décisions. En outre, cette cour refuse habituellement de suspendre les procédures, même s'il s'agit de procédures d'exécution, en attendant qu'il soit statué sur un appel.

[9]      Cette cour refuse donc d'essayer de bâillonner Monsieur le juge Nadon - de l'empêcher temporairement de rendre jugement - dans ce cas-ci et en fait dans tous les cas. La requête que M. Narvey a présentée en vue de l'obtention d'une ordonnance de suspension est donc rejetée, et celui-ci devrait payer les frais entre parties personnellement en ce qui concerne tant le demandeur que le défendeur.

     F.C. Muldoon

     ________________________________

     Juge

OTTAWA (Ontario)

Le 3 décembre 1998

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  T-2408-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :          Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Vladimir Katriuk

LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          le 19 octobre 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge MULDOON en date du 3 décembre 1998

ONT COMPARU :

David Lucas                      pour le demandeur

Orest Rudzik                      pour le défendeur

Kenneth Narvey                  pour son propre compte

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                  pour le demandeur

Sous"procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Orest Rudzik                      pour le défendeur

Avocat

Toronto (Ontario)

Kenneth M. Narvey                  pour son propre compte

Montréal (Québec)

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