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Date : 19990201


Dossier : T-1048-89

ENTRE

     ITT INDUSTRIES OF CANADA LTD.,

     demanderesse,

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     défenderesse.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE SIMPSON

LA REQUÊTE

[1]      La défenderesse a présenté une requête en vertu du paragraphe 220(1) des Règles de la Cour fédérale (1998) pour qu"il soit statué sur la question de droit suivante :

     Le permis d"exploitation d"une ferme forestière 6 (le PEFF 6) constitue-t-il un " avoir forestier " au sens de l"alinéa 13(21)d.1) de la Loi de l"impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, ch. 148 (mod. par S.C. 1970-71-72, ch. 63)?         

LES FAITS

[2]      La requête a fait l"objet d"un exposé conjoint partiel des faits daté du 29 mai 1998 (l"exposé conjoint). Il est " partiel " parce qu"il ne porte que sur les faits pertinents à la présente requête. Il relate l"historique de la société demanderesse ainsi que les circonstances entourant la vente par celle-ci du PEFF 6.

[3]      L"exposé conjoint indique également que le permis d"exploitation d"une ferme forestière consistait en une convention conclue conformément à la Forest Act, R.S.B.C. 1948, ch. 128 (la loi de 1948), entre la province de Colombie-Britannique (la province) et le titulaire. En gros, cette convention octroyait au titulaire des droits exclusifs de coupe de bois appartenant à la province dans des régions désignées. Le PEFF 6 était un permis de cette nature, et il a été délivré à un titulaire antérieur à la demanderesse le 26 octobre 1950. Fait important, il s"agissait d"un permis à perpétuité. Le 1er mai 1961, la demanderesse a acquis de son titulaire initial le PEFF 6, qu"elle a possédé ensuite pendant environ 20 ans.

[4]      Des modifications législatives majeures ont eu lieu au cours de cette période. La loi de 1948 a été modifiée en 1958 par la Forest Act Amendment Act, 1958, S.B.C. 1958, ch. 17. Cette dernière prévoyait que les permis d"exploitation d"une ferme forestière délivrés après le 19 mars 1958 l"étaient pour une durée de 21 ans avec possibilité de renouvellement. Cette modification ne touchait pas le PEFF 6, qui continuait à être un permis à perpétuité. Cependant, en 1978, la loi de 1948 a été abrogée et remplacée par la loi de 1978 , S.B.C. 1978, ch. 23 (la loi de 1978), qui prévoyait notamment que l"ensemble des permis d"exploitation d"une ferme forestière à perpétuité étaient remplacés par des permis d"une durée de 25 ans. Le processus législatif ayant mené à la loi de 1978 (qui est devenue la 1979 Forest Act , R.S.B.C. 1979, ch. 140, lors de la refonte des lois de la Colombie-Britannique en 1979) a entraîné l"expiration du PEFF 6 le 31 décembre 1979. Un permis de remplacement a été délivré le 1er janvier 1980 (le permis de remplacement). Il a également été appelé PEFF 6 mais sa durée était de 25 ans. C"est cette dernière version du PEFF 6 que la demanderesse a vendu le 30 octobre 1980 au prix de 72 180 000 $ (le produit de la vente).

[5]      Dans le cadre du calcul de son revenu pour l"année d"imposition 1980, la demanderesse a estimé que le PEFF 6 était une concession forestière, et non pas un avoir forestier. En conséquence, la demanderesse a inclus dans le calcul de son revenu de l"année d"imposition 1980 un montant égal à la moitié de l"excédent du produit de la vente sur le prix de base rajusté du PEFF 6.

[6]      Le ministre du Revenu national (le ministre) a établi une nouvelle cotisation pour l"année d"imposition 1980 de la demanderesse au motif que le produit de la vente provenait de la vente d"un avoir forestier plutôt que de celle d"une concession forestière. Par conséquent, le ministre a inclus la totalité du produit de la vente dans le revenu de la demanderesse pour l"année d"imposition 1980.

LA QUESTION EN LITIGE

[7]      Il s"agit de déterminer si le PEFF 6 est un avoir forestier au sens de l"alinéa 13(21)d.1 ) de la Loi de l"impôt sur le revenu (l"alinéa). Cet alinéa prévoit :

                      d.1) " avoir forestier " " avoir forestier " d"un contribuable désigne                 
         sous-alinéa      (i)      un droit ou un permis de couper ou de retirer du bois sur une concession ou un territoire du Canada (appelé, au présent alinéa, " droit initial ") si                 
                          (A)      le contribuable a acquis ce droit initial (mais non de la manière visée au sous-alinéa (ii)) après le 6 mai 1974, et si,                 
                          (B)      à la date de l"acquisition du droit initial,                 
                              (I)      le contribuable peut raisonnablement être considéré comme ayant acquis, directement ou indirectement, le droit à la prolongation ou au renouvellement de ce droit initial ou le droit d"acquérir un autre droit ou permis de ce genre pour le remplacer, ou,                 
                              (II)      dans le cours ordinaire des choses, le contribuable peut raisonnablement s"attendre de pouvoir obtenir la prolongation ou le renouvellement de ce droit initial ou de pouvoir acquérir un autre droit ou permis de ce genre pour le remplacer, OU                 
         sous-alinéa      (ii)      tout droit ou permis de couper ou de retirer du bois sur une concession ou un territoire du Canada qui appartient au contribuable si ce droit ou ce permis peut raisonnablement être considéré                 
                          (A)      comme une prolongation ou un renouvellement d"un droit initial ou comme l"une de plusieurs prolongations ou renouvellements d"un tel droit du contribuable, ou                 
                          (B)      comme ayant été acquis en remplacement d"un droit initial ou en                                  remplacement d"un renouvellement ou prolongation de celui-ci ou                  lors d"un ou de plusieurs remplacements d"un tel droit du                      contribuable ou renouvellement ou d"une telle prolongation.                 
         (La mention des sous-alinéas dans la marge de gauche et le soulignement du mot OU entre les sous-alinéas ne figurent pas dans l"original.)

Cet alinéa a été édicté par S.C. 1974-75-76, ch. 26, paragraphe 6(7). En ce qui a trait à l"entrée en vigueur du paragraphe 6(7), le paragraphe 6(9) de cette loi prévoyait ce qui suit :

                 6. (9) Les paragraphes (1), (7) et (8) s"appliquent aux avoirs forestiers acquis après le 6 mai 1974, le paragraphe (2) s"applique aux sommes qui deviennent recevables après le 6 mai 1974 et le paragraphe (3) s"applique après le 6 mai 1974.                 

L"ARGUMENTATION DE LA DEMANDERESSE

[8]      La demanderesse prétend que les sous-alinéas (i) et (ii) de l"alinéa doivent être interprétés conjointement et que, si cette démarche est suivie, aucun de ces sous-alinéas ne s"applique au PEFF 6. Ce dernier a été acquis par la demanderesse le 1er mai 1961. Cette acquisition est antérieure au 6 mai 1974, de sorte que le sous-alinéa (i) ne peut s"appliquer. De même, le PEFF 6 était un permis à perpétuité qui ne comportait donc pas de droits ou d"attentes raisonnables à l"égard de prolongations, de renouvellements ou de remplacements. La demanderesse n"a obtenu de droits de remplacement qu"après le 6 mai 1974, au moment où le permis de remplacement a été délivré. Le ministre convient que le sous-alinéa (i) ne s"applique pas au PEFF 6.

[9]      La demanderesse affirme également que le sous-alinéa (ii) ne s"applique pas au PEFF 6 parce que le droit ou le permis décrit dans son préambule est le même que celui décrit au sous-alinéa (i). La demanderesse soutient que le sous-alinéa (ii) est une disposition visant uniquement à englober les renouvellements, les prolongations et les remplacements des droits initiaux décrits au sous-alinéa (i). Étant donné qu"il n"est pas contesté que le PEFF 6 n"est pas visé par le sous-alinéa (i), la demanderesse prétend que le sous-alinéa (ii) ne peut s"y appliquer, ce avec quoi le ministre est en désaccord.

[10]      La demanderesse invoque deux arguments à l"appui de sa prétention. En premier lieu, elle affirme que la totalité du sous-alinéa (i) (à l"exception de la division A) constitue la définition du terme " droit initial ". Cet argument est fondé sur l"arrêt de la Cour d"appel fédérale Kettle River Sawmills Ltd. et al. v. The Queen , 94 D.T.C. 6086 (C.A.F.), qui a confirmé pour l"essentiel la décision rendue par le juge Strayer (qui était alors juge à la Section de première instance), 92 D.T.C. 6525 (1re inst.) (ces deux décisions étant ci-après appelées " Kettle River "), sur le libellé d"autres articles de la Loi de l"impôt sur le revenu. En deuxième lieu, la demanderesse prétend que cet alinéa doit être considéré comme un tout parce que 1) les dispositions des subdivisions (i)(B)(I) et (II) sont un reflet des divisions (ii)(A) et (B), que 2) le préambule du sous-alinéa (ii) est vide de sens à moins que le terme " droit initial " ne soit interprété, comme le propose la demanderesse, selon la définition donnée au sous-alinéa (i), et que 3) l"avis de motion des voies et moyens (l"avis) qui accompagnait le budget fédéral de novembre 1974 le donne à penser. Enfin, la demanderesse mentionne également que des considérations de principe appuient son interprétation de cet alinéa.

J"examinerai chaque argument à tour de rôle.

Premier argument :      La définition du terme " droit initial " inclut la division (i)(B)

[11]      Dans Kettle River, les contribuables avaient acquis un certain nombre de concessions de terres forestières. Celle qui était en cause avait fait l"objet d"un contrat ou permis de vente de bois qui avait été obtenu en 1961 (soit avant le 6 mai 1974). Il ne s"agissait pas d"un permis à perpétuité. Il était valide pour une durée de 10 ans avec possibilité de renouvellements annuels après 1971. Dans les faits, il a été renouvelé avant et après le 6 mai 1974, et puis a été vendu en 1980. La Cour était notamment saisie de la question de savoir si le sous-alinéa (ii) s"appliquait à ce permis. Il s"agissait de la deuxième question en litige examinée par le juge de première instance dans cette affaire.

[12]      À cet égard, le juge Strayer (alors juge à la Section de première instance) a dit :

                 La question essentielle est la suivante : si les demanderesses, dans l"année d"imposition en cause, ont disposé de droits qui étaient, en réalité, des renouvellements, des prolongations, ou des remplacements, obtenus après le 6 mai 1974, de droits initiaux acquis avant cette date, ces renouvellements, prolongations ou remplacements sont-ils assimilés à des avoirs forestiers en vertu du sous-alinéa d .1)(ii)?                 
                 Les demanderesses plaident que les renouvellements, les prolongations, ou les remplacements de droits initiaux nés avant le 6 mai 1974 ne sont pas visés par le sous-alinéa d.1)(ii). Cet argument est fondé sur la disposition d"entrée en vigueur qui énonce que l"alinéa d .1) est seulement applicable                 
                         aux avoirs forestiers acquis après le 6 mai 1974 ...                         
                              [c"est moi qui souligne]                         
                 Les demanderesses prétendent que l"expression " acquis " ne saurait s"appliquer aux prolongations, aux renouvellements, ou aux remplacements de permis. Selon elles, cette expression peut uniquement s"appliquer à l"obtention initiale des permis (avec les quotas).                 

Le juge de première instance s"est alors penché sur l"interprétation appropriée de l"expression " acquis " et a conclu que les droits initiaux pouvaient devenir des avoirs forestiers si, après le 6 mai 1974, ils étaient acquis sous forme de renouvellement, de prolongation ou de remplacement, ou en remplacement de droits antérieurs. En bref, il a rejeté l"argument des contribuables selon lequel les " acquisitions " n"étaient pas visées par le sous-alinéa (ii).

[13]      La Cour d"appel a décrit la question comme suit :

                 La difficulté se fait jour avec le sous-alinéa (ii) relatif aux prolongations, renouvellements et remplacements; les divisions (ii)(A) et (ii)(B) sont suspendues l"une à l"autre à la question de savoir si le droit prolongé, renouvelé ou remplacé est un " droit initial ". L"emploi de cette expression renvoie au sous-alinéa (i), aux termes duquel le droit qui y est visé est " appelé " " droit initial ".                 
                 C"est ce renvoi du sous-alinéa (ii) au sous-alinéa (i) qui crée la difficulté et sert de fondement sur lequel les intimées s"appuient pour soutenir que la prolongation, le renouvellement ou le remplacement, après le 6 mai 1974, d"un droit acquis avant cette date ne constitue pas une acquisition.                 

[14]      Il ressort clairement de l"analyse qui suit que le contribuable avait lui aussi prétendu que la prolongation, le renouvellement ou le remplacement d"un droit antérieur au 6 mai 1974 qui avait lieu après cette date ne pouvait constituer une " acquisition ".

[15]      Dans la première des deux conclusions ci-après citées, le juge Hugessen, s"exprimant au nom de la Cour d"appel fédérale (dont il était alors juge), a confirmé la conclusion du juge de première instance selon laquelle il y avait bel et bien eu acquisitions en vertu du sous-alinéa (ii).

[16]      Il a dit :

                 La réponse, à ce qu"il me semble et ainsi que l"a conclu le juge de première instance, réside dans les mots figurant entre parenthèses à la division (i)(A) : " (mais non de la manière visée au sous-alinéa (ii)) ". Ces mots ont une fonction double. En premier lieu , ils indiquent que, dans l"esprit du rédacteur de la loi, le processus visé au sous-alinéa (ii) se traduit par un droit " acquis ". En second lieu , ils ont pour effet d"exclure du sens à attribuer au concept de " droit initial " défini au sous-alinéa (i), la limite de temps imposée par la division (i)(A), tout en retenant les autres conditions prévues à la division (i)(B).                 
                      [Non souligné dans l"original.]                 

[17]      La demanderesse prétend que je suis liée par la conclusion qui commence par le terme " En second lieu " (la deuxième conclusion) et selon laquelle la division (i)(B) fait partie de la définition de " droit initial " au sens où ce terme est utilisé à maintes reprises dans l"alinéa. Si cet argument était accepté, cela signifierait qu"un permis à perpétuité, comme le PEFF 6, ne pourrait pas être un droit initial au sens du sous-alinéa (ii) car il n"y aurait jamais eu d"attente à l"égard de sa prolongation, de son renouvellement ou de son remplacement.

[18]      Je n"accepte pas cet argument car je suis d"avis que la deuxième conclusion est manifestement une remarque incidente et que, par conséquent, elle ne me lie pas. Les deux jugements de la Cour fédérale n"ont pas traité comme question en litige de l"étendue de la définition du terme " droit initial ", et cette question n"est mentionnée nulle part. Cela est logique puisque l"argumentation des contribuables portait uniquement sur la question de savoir si le sous-alinéa (ii) pouvait viser une acquisition.

[19]      Dans la présente affaire, la demanderesse n"admet pas que la deuxième conclusion soit une remarque incidente, mais elle soutient subsidiairement que, si tel est le cas, je suis liée par cette remarque en raison des principes énoncés dans Sellars c. La Reine , [1981] R.C.S. 527, à la page 530, et dans Friedman Equity Developments Inc. v. Final Note Ltd. et al. (9 septembre 1998), (C.A. Ont.) C27293.

[20]      L"examen de ces décisions me mène à la conclusion que lorsque la Cour suprême du Canada, à la majorité, énonce un principe de droit de portée générale, celui-ci fait autorité même s"il est énoncé à titre de remarque incidente. Toutefois, ces décisions sont inapplicables en l"espèce. D"une part, la Cour suprême du Canada ne s"est pas prononcée et, d"autre part, la deuxième conclusion ne constitue pas l"énoncé d"un principe de droit de portée générale.

[21]      Bien que Kettle River n"appuie pas l"argumentation de la demanderesse, il reste à examiner s"il existe d"autres motifs permettant de conclure que la division (i)(B) fait partie de la définition du terme " droit initial ". La demanderesse avance que les définitions comprises dans d"autres dispositions de la Loi de l"impôt sur le revenu sont rédigées de façon semblable à l"interprétation qu"elle propose à l"égard de la première partie du sous-alinéa (i) et que je dois m"en inspirer pour tirer une conclusion relativement à ce sous-alinéa. Ces dispositions de la Loi de l"impôt sur le revenu et du Règlement sont le :

     par. 19(5)          qui porte sur un journal ou périodique canadien et sur la définition de société de portefeuille dans le cadre de la division e)(iii)(B).         
     art. 54.              qui porte sur la résidence principale et sur la définition de " bénéficiaire déterminé " figurant au sous-alinéa c.1 )(ii).         
     art. 54.              qui porte sur la perte apparente et sur la définition de " bien de remplacement " figurant à l"alinéa a ).         
     par. 108(1)      qui porte sur les bénéficiaires privilégiés et sur la définition "d"année du bénéficiaire "                  figurant au sous-alinéa a )(i).         
     par. 146(1)      qui porte sur le remboursement de primes et sur la définition de " personne à charge "                                              figurant à l"alinéa b ).         
     par. 248(1)      qui porte sur la convention de retraite et sur la définition de régime de sportifs figurant à l"alinéa j )         
     règ. 8500(1)      qui porte sur l"employeur remplacé et sur la définition de " vendeur ".         

La demanderesse affirme que chacune de ces définitions comporte la disposition du terme de référence (c.-à-d., le terme descriptif entre parenthèses) après le terme générique ou la description, mais avant la description des caractéristiques propres de ce terme de référence. Elle prétend que ces exemples démontrent que les mots qui suivent le terme de référence entre parenthèses peuvent faire partie " et font partie " de la définition de ce dernier.

[22]      Le ministre affirme que lorsque des définitions comportent des termes de référence, seuls les mots qui précèdent les parenthèses décrivent le terme défini. Selon lui, il s"agit d"une convention nécessaire pour éviter la confusion qui surviendrait si la définition se poursuivait après les parenthèses. En conséquence, le ministre plaide que la définition de " droit initial " est totalement englobée par la permière partie du sous-alinéa (i), qui se trouve avant les parenthèses. Il ajoute que la division (i)(B) ne fait pas partie de cette définition.

[23]      L"examen des définitions énumérées précédemment me mène à la conclusion qu"il n"y a aucun exemple où une partie de la définition du terme mis entre parenthèses suit celles-ci. Je suis convaincue que les mots qui suivent les parenthèses décrivent l"utilisation du terme défini ou indiquent le lien entre ce terme et le sujet que l"ensemble de la disposition est censée définir.

[24]      Relativement à l"alinéa en cause dans la présente affaire, la demanderesse m"invite à interpréter les subdivisions (i)(B)(I) et (II) comme faisant partie de la définition de " droit initial ", qui figure au préambule du sous-alinéa (i). La demanderesse n"a pas démontré l"existence d"un style de rédaction, dans la Loi de l"impôt sur le revenu, qui serait de nature à soutenir une telle interprétation. De plus, la définition proposée par la demanderesse est tronquée. Dans l"alinéa, la division (A) du sous-alinéa (i) s"interpose entre la définition mise entre parenthèses et la division (B), que la demanderesse prétend être la suite de la définition. Je ne suis pas prête à conclure que la définition de " droit initial " s"arrête après les parenthèses pour ensuite réapparaître et se poursuivre dans la deuxième division, après les parenthèses.

[25]      L"argument de la demanderesse n"est pas plus convaincant lorsque l"alinéa est pris comme un tout. Il est important de se souvenir que l"alinéa vise à définir ce qu"est un avoir forestier. Selon moi, la division (i)(B) décrit des cas où des droits originaux peuvent être considérés comme des avoirs forestiers. Elle n"ajoute rien à la définition de ce que sont des droits initiaux. En conséquence, je conclus que cette définition se termine avec les parenthèses situées dans le préambule du sous-alinéa (i).

Deuxième argument : L"alinéa doit être interprété comme un tout, de façon que le                              sous-alinéa (ii) porte uniquement sur les droits originaux décrits au                              sous-alinéa (i)

[26]      La demanderesse estime qu"il existe un rapport direct entre la description des droits ou des permis figurant aux subdivisions (i)(B)(I) et (II) et celle figurant aux divisions (ii)(A) et (B). Il s"agit d"une autre façon de soutenir que les droits décrits dans les dernières découlent des premières. Toutefois, j"estime que ces descriptions n"ont pas de rapport clair. En effet, la demanderesse ne tient pas compte du fait que le contenu de la division (i)(A) n"est pas reproduit, de sorte que le sous-alinéa (ii) nécessitait la disposition " d"application " distincte décrite au paragraphe 7 des présents motifs. De plus, en ce qui concerne les rapports proposés par la demanderesse, il m"apparaît que la division (i)(B) vise l"acquisition de droits qui, une fois acquis, comportent le droit ou la possibilité de renouvellement, de prolongation ou de remplacement, tandis que le sous-alinéa (ii) vise un autre genre d"acquisition, c.-à-d., l"acquisition des droits futurs eux-mêmes une fois qu"ils ont pris naissance.

[27]      Je partage l"opinion du juge Hugessen, qui a dit dans Kettle River1 que l"alinéa en question n"était pas un modèle de clarté. En fait, il s"agissait d"un euphémisme. Je suis également d"accord avec la demanderesse que le préambule du sous-alinéa (ii) est mal rédigé, puisque le terme défini " droit initial " n"est pas repris. S"il l"avait été, cette partie aurait été rédigée comme suit : " tout droit initial [...] qui appartient au contribuable si ce droit ou ce permis peut raisonnablement être considéré ... ". Toutefois, je ne peux être d"accord avec l"argument de la demanderesse selon lequel si le terme " droit initial " avait été utilisé, le sous-alinéa (ii) serait vide de sens. Selon moi, sa formulation serait étrange mais il aurait toujours un sens.

[28]      La demanderesse fait également valoir que l"avis accompagnant le budget de novembre 1974 qui est à l"origine de cet alinéa doit en guider l"interprétation. Sous la rubrique " Concessions forestières et droits de coupe ", à la page 35, l"avis est rédigé en partie comme suit :

                 Que, lorsqu"un contribuable acquiert après le 6 mai 1974 un bien qui est une concession forestière ou un droit ou permis de coupe de bois dans une concession forestière au Canada, à condition que la totalité ou une partie du coût puisse raisonnablement être considérée comme la contrepartie de l"espoir de fournir, renouveler, acquérir ou demander une concession ou un droit ou permis de coupe de bois dans une concession forestière au Canada...                 

La demanderesse prétend que l"avis montre que l"ensemble de cet alinéa ne s"applique qu"aux droits de coupe qui, au moment de l"acquisition, sont susceptibles d"être renouvelés, prolongés ou remplacés. Le problème, selon moi, est que l"avis n"apparaît décrire que les acquisitions faites conformément au sous-alinéa (i). Il n"aborde pas les acquisitions faites aux termes du sous-alinéa (ii), soit celles de droits sous forme de prolongations, de renouvellements ou de remplacements. Il importe de souligner que la première phrase du texte de l"avis énonce qu"" [...] il y a lieu de modifier la Loi de l"impôt sur le revenu, et de prévoir, entre autres choses... " (non souligné dans l"original). Je conclus de cet énoncé que l"avis présente les points saillants des modifications apportées à la Loi de l"impôt sur le revenu sans chercher à en faire un examen exhaustif. Il n"est donc pas surprenant que le sous-alinéa (ii) n"ait pas été abordé.

[29]      La demanderesse a aussi avancé que le fardeau fiscal plus grand lié à un avoir forestier est justifié du point de vue des principes parce que, s"il existe, au moment de l"acquisition, un droit ou une attente de renouvellement, de prolongation ou de remplacement, un tel permis aura plus de valeur. J"ai deux réserves quant à cette proposition. Tout d"abord, comme le juge de première instance l"a fait remarquer dans Kettle River , la valeur d"un permis donné peut varier selon le quota annuel de coupe qui y est prévu. Je pense également qu"il se peut que les permis à perpétuité aient la plus grande valeur et que, si on appliquait le raisonnement de la demanderesse, ces permis feraient l"objet du fardeau fiscal le plus grand en matière d"avoirs forestiers. En bref, je conclus que l"argumentation de la demanderesse quant aux principes est trop hypothétique pour être utile aux fins de la présente décision.

[30]      Il faut également se pencher sur la logique interne de l"alinéa. À cet égard, je dois examiner s"il y avait des permis auxquels le sous-alinéa (ii) aurait pu s"appliquer au moment de son entrée en vigueur en mai 1974. Les permis à perpétuité existaient toujours à l"époque, et les dispositions législatives qui y ont mis fin n"ont pas été adoptées avant 1978. Il s"ensuit qu"on ne peut avoir édicté le sous-alinéa (ii) en ayant à l"esprit les permis à perpétuité car ce sous-alinéa ne leur aurait jamais été applicable. Cependant, il ressort clairement de la jurisprudence que d"autres types de permis existaient en 1974 et qu"ils faisaient déjà l"objet de renouvellements. Il en était d"ailleurs ainsi pour le permis en cause dans Kettle River , décision qui a été analysée précédemment dans le cadre des présents motifs. Il s"agissait d"un permis antérieur au 6 mai 1974 auquel était rattachée une attente de renouvellement et qui avait été renouvelé avant et après cette date. Le sous-alinéa (i) ne s"appliquait pas à ce permis mais le sous-alinéa (ii), lui, s"y appliquait. En conséquence, lorsque l"alinéa est entré en vigueur en 1974, le sous-alinéa (ii) avait un objet distinct de celui du sous-alinéa (i), en ce qu"il pouvait s"appliquer aux prolongations, aux renouvellements et aux remplacements des droits auxquels le sous-alinéa (i) ne s"appliquait pas.

[31]      Enfin, il existe deux éléments m"indiquant que, contrairement à l"argumentation de la demanderesse, les sous-alinéas ont été conçus pour s"appliquer de façon autonome. Je les expose brièvement :

     a)      Le mot disjonctif " ou " a été mis entre les sous-alinéas.

    

     b)      Il y a une date d"application dans le sous-alinéa (i). Aucune ne figure au sous-alinéa (ii). S"il fallait interpréter les alinéas comme s"ils n"en formaient qu"un seul, il serait inutile que le législateur indique une date d"application pour le sous-alinéa (ii), ce qui a pourtant été fait.

CONCLUSION

[32]      Pour tous ces motifs, je conclus que le PEFF 6 est un avoir forestier parce qu"il est visé par le sous-alinéa 13(21)d.1 (ii).

                                                         " Sandra J. Simpson "

                                                                 Juge

Vancouver (C.-B.)

Le 1er février 1999

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M.

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

INTITULÉ DE LA CAUSE :      ITT INDUSTRIES OF CANADA LTD.

                                             et

                                             SA MAJESTÉ LA REINE

NO DU GREFFE :              T-1048-89

LIEU DE L"AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

DATE DE L"AUDIENCE :      le 17 décembre 1998

MOTIFS DE L"ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MADAME LE JUGE SIMPSON

EN DATE DU :                      1 er février 1999

ONT COMPARU :

     M. Colin Campbell                  pour la demanderesse

     M. Brian Carr

     Jag S. Gill, c.r.                  pour la défenderesse

     M. David E. Spiro

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

     Davies, Ward & Beck              pour la demanderesse

     Toronto (Ontario)

     Morris Rosenberg                  pour la défenderesse

     Sous-procureur général

     du Canada

__________________

1      Précité, à la p. 6090.

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