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Date : 20001128

Dossier : T-647-98

ENTRE :

MAPLE LEAF MEATS INC.

appelante

- et -

CONSORZIO DEL PROSCIUTTO DI PARMA

et

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

intimés

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE


[1]         Il s'agit d'un appel interjeté en vertu de l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 (la Loi) à l'encontre de la « décision » du registraire des marques de commerce, en date du 11 février 1998, de donner, en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi, un avis public de l'adoption et de l'emploi de la marque de commerce « PARMA & Design » comme marque officielle par l'intimée Consorzio Del Prosciutto Di Parma (le consortium).

LE CONTEXTE FACTUEL

[2]         L'intimée, Consorzio Del Prosciutto Di Parma, est un consortium regroupant environ 210 producteurs de jambon italiens de la province de Parme, en Italie. Le consortium a pour objet de veiller au respect des normes de production applicables au jambon et de prévenir l'emploi non autorisé de ses désignations et marques de commerce, qui attestent en fait que le produit vient de la région de Parme et satisfait aux contrôles de qualité et normes de production sévères établis par le consortium et par la loi italienne.

[3]         L'appelante, Maple Leaf Meats Inc. (l'appelante) fabrique différents produits alimentaires, dont des produits du jambon. Elle est propriétaire de la marque de commerce déposée PARMA, qu'elle a utilisée pour la première fois dans les années 1960.


[4]         Précisons que l'expression « jambon de Parme » , en Italie, est réservée au jambon qui présente des caractéristiques et des qualités liées à la région géographique où il est produit, qui comprend les vallées, collines et montagnes de la province de Parme, en Italie. Le « jambon de Parme » est fabriqué avec la viande de porcs adultes de poids élevé, à l'exclusion des femelles et des mâles reproducteurs. Les processus d'élevage des porcs, d'abattage et de salaison sont assujettis à un contrôle strict. Le « jambon de parme » n'est pas cuit ni congelé, mais salé sans fumée.

[5]         L'appelante fabrique des produits carnés portant la marque de commerce DI PARMA au Canada. Elle est propriétaire de cette marque de commerce déposée au Canada depuis 1971 et employée au Canada depuis 1958. Le jambon fait partie de la liste des marchandises associées à la marque de commerce.

[6]         Le consortium avait déjà déposé, le 13 août 1984, des demandes d'enregistrement des marques suivantes comme marques de certification : PARMA HAM; PARMA & Design; et PROSCIUTTO DI PARMA. Ces demandes ont toutefois été rejetées par le registraire des marques de commerce, qui était d'avis que les marques de certification proposées créeraient une confusion avec la marque déposée PARMA de l'appelante. Le consortium a tenté, jusqu'à maintenant en vain, de convaincre le registraire du contraire.


[7]         Le consortium a écrit au registraire le 19 septembre 1997 pour lui demander de donner un avis public de l'adoption et de l'emploi de la marque de commerce PARMA & Design comme marque officielle pour des services en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(iii). Le registraire a demandé de l'information au consortium, dont des précisions sur ses caractéristiques et obligations qui renseigneraient le registraire sur la question de savoir si le consortium peut à juste titre être considéré comme une « autorité publique » au sens de la Loi.

[8]         Après avoir reçu cette information additionnelle, le registraire a donné l'avis public demandé le 11 février 1998, en publiant un avis dans le Journal des marques de commerce. Cette marque officielle a reçu le numéro de série 908349.

[9]         Par la suite, l'appelante a interjeté le présent appel sollicitant un jugement déclaratoire portant que le consortium n'est pas une autorité publique et que l'avis public est nul et sans effet. L'appelante demande aussi à la Cour d'enjoindre au registraire de publier une rétractation de l'avis public et d'ordonner qu'une copie du jugement soit jointe en annexe aux dossiers du Bureau des marques de commerce.

LES ARGUMENTS DE L'APPELANTE

[10]       L'appelante soutient que le seul mécanisme qui permet au public de contester l'adoption d'une marque comme marque officielle est un appel formé en vertu de l'article 56 de la Loi, après la publication de l'avis dans le Journal des marques de commerce. L'appelante affirme qu'il est clair que le registraire a commis une erreur en donnant un avis public de l'adoption et de l'emploi de la marque officielle en l'espèce.


[11]       L'appelante soutient en outre que la Cour est en mesure d'exercer son pouvoir discrétionnaire de novo, compte tenu du poids considérable de la preuve additionnelle relative au statut du consortium. La protection que la Loi accorde aux marques officielles est extraordinaire et la Cour doit examiner attentivement les circonstances de l'espèce. La preuve présentée au registraire se limitait à celle fournie par les agents de marques de commerce canadiens du consortium.

[12]       L'appelante fait valoir que le consortium n'est pas une autorité publique au sens de la Loi. La jurisprudence a établi les facteurs à prendre en compte pour déterminer si un organisme est une autorité publique :

L'organisme a une obligation envers le public en général.

Il est soumis au contrôle public dans une mesure importante.

Ses profits doivent obligatoirement profiter à l'ensemble du public et non pas servir un intérêt privé.

[13]       Selon l'appelante, le consortium ne satisfait pas à ce critère : il sert des intérêts privés, il n'a aucune obligation envers le public canadien en général et le contrôle public auquel il est soumis est le contrôle d'un gouvernement étranger. La Cour doit se garder de reconnaître une « organisation commerciale étrangère » comme autorité publique.


[14]       L'appelante soutient aussi que les conditions voulant que la marque soit adoptée et employée au Canada par le consortium ne sont pas remplies en l'espèce. L'appelante affirme non seulement qu'il n'y a aucune preuve d'emploi au Canada, mais encore qu'il existe une preuve que le consortium n'emploie pas et n'a pas employé la marque au Canada : la marque figure sur les marchandises de tiers.

[15]       L'appelante souligne que le consortium n'a pas déposé d'élément de preuve dans le cadre de l'appel et n'a pas contre-interrogé les auteurs des documents déposés.

LES ARGUMENTS DE L'INTIMÉE

[16]       L'intimée fait valoir que le fait de donner un avis public en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi ne constitue pas une « décision » du registraire au sens où ce terme est utilisé à l'article 56. De plus, il est possible de porter en appel une décision définitive portant sur une marque de commerce et non sur une marque officielle. Le registraire n'est tenu par la Loi de suivre aucune procédure particulière pour donner un avis public d'une marque officielle.


[17]       L'intimée affirme donc que la Cour n'a pas compétence pour entendre l'affaire car le registraire n'a rendu aucune décision susceptible d'appel. Tout droit d'appel doit nécessairement être expressément établi dans une disposition législative. En outre, comme l'appelante n'était pas partie aux événements sous-jacents, elle n'aurait pas la qualité requise pour former un appel si la Cour était compétente. Aucune décision n'a été « expédiée » par le registraire - il a simplement publié un avis dans le Journal des marques de commerce.

[18]       Subsidiairement, si l'appelante a la qualité requise pour former un appel, elle n'a pas démontré l'existence d'un acte irrégulier ou d'une erreur de droit.

[19]       L'intimée soutient que le consortium est une autorité publique et que le critère en trois volets décrit pas l'appelante et établi dans une décision de la Section de première instance n'a pas été retenu par la Cour d'appel. Celle-ci a statué que, pour être une autorité publique, un organisme doit être soumis à un [Traduction] « contrôle suffisant du gouvernement » Il n'est pas nécessaire que l'organisme soit soumis au contrôle du gouvernement canadien. Les conventions internationales exigent que l'on attribue les mêmes droits aux ressortissants étrangers qu'aux Canadiens. L'intimée est soumise à un contrôle considérable de la part du gouvernement italien.

[20]       L'intimée fait aussi valoir que le consortium a adopté et employé la marque au Canada. L'intimée prétend que le consortium place la marque sur le jambon qui répond à ses normes en Italie et que ce jambon est ensuite importé au Canada.


LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[21]       Voici les dispositions de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, qui sont pertinentes. L'article 2 dispose :


"use", in relation to a trade-mark, means any use that by section 4 is deemed to be a use in association with wares or services;

"wares" includes printed publications;

"certification mark" means a mark that is used for the purpose of distinguishing or so as to distinguish wares or services that are of a defined standard with respect to

(a) the character or quality of the wares or services,

(b) the working conditions under which the wares have been produced or the services performed,

(c) the class of persons by whom the wares have been produced or the services performed, or

(d) the area within which the wares have been produced or the services performed,

from wares or services that are not of that defined standard;

« emploi » ou « usage » À l'égard d'une marque de commerce, tout emploi qui, selon l'article 4, est réputé un emploi en liaison avec des marchandises ou services.

« marchandises » Sont assimilées aux marchandises les publications imprimées.

« marque de certification » Marque employée pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises ou services qui sont d'une norme définie par rapport à ceux qui ne le sont pas, en ce qui concerne_:

a) soit la nature ou qualité des marchandises ou services;

b) soit les conditions de travail dans lesquelles les marchandises ont été produites ou les services exécutés;

c) soit la catégorie de personnes qui a produit les marchandises ou exécuté les services;

d) soit la région à l'intérieur de laquelle les marchandises ont été produites ou les services exécutés.


L'article 3 décrit les circonstances dans lesquelles une marque de commerce est réputée adoptée :



3. A trade-mark is deemed to have been adopted by a person when that person or his predecessor in title commenced to use it in Canada or to make it known in Canada or, if that person or his predecessor had not previously so used it or made it known, when that person or his predecessor filed an application for its registration in Canada.


L'article 4 prévoit :


4. (1) A trade-mark is deemed to be used in association with wares if, at the time of the transfer of the property in or possession of the wares, in the normal course of trade, it is marked on the wares themselves or on the packages in which they are distributed or it is in any other manner so associated with the wares that notice of the association is then given to the person to whom the property or possession is transferred.

(2) A trade-mark is deemed to be used in association with services if it is used or displayed in the performance or advertising of those services.

(3) A trade-mark that is marked in Canada on wares or on the packages in which they are contained is, when the wares are exported from Canada, deemed to be used in Canada in association with those wares.

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l'exécution ou l'annonce de ces services.

(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises.


L'article 5 dispose :



5. A trade-mark is deemed to be made known in Canada by a person only if it is used by that person in a country of the Union, other than Canada, in association with wares or services, and

(a) the wares are distributed in association with it in Canada, or

(b) the wares or services are advertised in association with it in

(i) any printed publication circulated in Canada in the ordinary course of commerce among potential dealers in or users of the wares or services, or

(ii) radio broadcasts ordinarily received in Canada by potential dealers in or users of the wares or services,

and it has become well known in Canada by reason of the distribution or advertising.

5. Une personne est réputée faire connaître une marque de commerce au Canada seulement si elle l'emploie dans un pays de l'Union, autre que le Canada, en liaison avec des marchandises ou services, si, selon le cas_:

a) ces marchandises sont distribuées en liaison avec cette marque au Canada;

b) ces marchandises ou services sont annoncés en liaison avec cette marque_:

(i) soit dans toute publication imprimée et mise en circulation au Canada dans la pratique ordinaire du commerce parmi les marchands ou usagers éventuels de ces marchandises ou services,

(ii) soit dans des émissions de radio ordinairement captées au Canada par des marchands ou usagers éventuels de ces marchandises ou services,


L'article 9 prévoit :


9. (1) No person shall adopt in connection with a business, as a trade-mark or otherwise, any mark consisting of, or so nearly resembling as to be likely to be mistaken for,

. . .

(n) any badge, crest, emblem or mark

(i) adopted or used by any of Her Majesty's Forces as defined in the National Defence Act,

(ii) of any university, or

(iii) adopted and used by any public authority, in Canada as an official mark for wares or services,

in respect of which the Registrar has, at the request of Her Majesty or of the university or public authority, as the case may be, given public notice of its adoption and use;

. . .

9. (1) Nul ne peut adopter à l'égard d'une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, une marque composée de ce qui suit, ou dont la ressemblance est telle qu'on pourrait vraisemblablement la confondre avec ce qui suit_:

. . .

n) tout insigne, écusson, marque ou emblème_:

(i) adopté ou employé par l'une des forces de Sa Majesté telles que les définit la Loi sur la défense nationale,

(ii) d'une université,

(iii) adopté et employé par une autorité publique au Canada comme marque officielle pour des marchandises ou services,

à l'égard duquel le registraire, sur la demande de Sa Majesté ou de l'université ou autorité publique, selon le cas, a donné un avis public d'adoption et emploi;


LES QUESTIONS EN LITIGE

[22]       1.          L'appelante bénéficie-t-elle d'un droit d'appel en vertu de l'article 56 de la Loi?

2.          Si l'appelante bénéficie d'un droit d'appel en vertu de l'article 56 de la Loi, le registraire a-t-il commis une erreur en donnant un avis public de l'adoption et de l'emploi de la marque par l'intimée?


ANALYSE ET DÉCISION

[23]             Première question

L'appelante bénéficie-t-elle d'un droit d'appel en vertu de l'article 56 de la Loi?

L'intimée a soulevé à titre préliminaire la question de savoir si l'appelante bénéficie d'un droit d'appel en vertu de cette disposition. Dans une procédure prévue par le paragraphe 9(1) de la Loi, le registraire reçoit une demande le priant de donner un avis public dans le Journal des marques de commerce de l'adoption et de l'emploi par l'auteur de la demande d'une marque officielle, en l'occurrence, la marque PARMA & Design. Le sous alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi ne prévoit aucune possibilité pour les personnes qui s'opposent à cette publication de faire valoir leurs prétentions. Le registraire examine vraisemblablement la demande de publication et détermine si son auteur répond aux conditions fixées par cette disposition; le cas échéant, il publie l'avis dans le Journal des marques de commerce. C'est à ce moment qu'une personne, comme l'appelante, prend connaissance de la décision du registraire de publier la marque. L'appelante n'était pas partie à la procédure devant le registraire. La question se pose donc de savoir si l'appelante a le droit d'interjeter appel de la décision du registraire de publier la marque en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi en formant un appel conformément à l'article 56 de la Loi.


[24]       L'une des difficultés majeures que doit surmonter l'appelante tient au fait qu'elle n'était pas partie à la procédure devant le registraire. Il ne s'agit pas en l'espèce d'un appel interjeté en vertu de l'article 56 par l'auteur débouté d'une demande de publication fondée sur le sous-alinéa 9(1)n)(iii), mais d'un appel formé par un tiers qui prétend être touché par la publication.

[25]       La Cour s'est prononcée à plusieurs occasions sur les mécanismes de révision ou d'appel d'une décision rendue par le registraire en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(iii). Dans l'arrêt Association olympique canadienne c. USA Hockey Inc. (1999), 3 C.P.R. (4th) 759 (C.A.F.), à la page 260, madame le juge Desjardins a écrit :

Il n'y a pas lieu de déterminer si l'appelante aurait dû interjeter appel ou demander un contrôle judiciaire. Nous sommes convaincus que la présentation d'une demande contestant la décision implicite du registraire selon laquelle les intimées USA BASKETBALL et USA HOCKEY INC. étaient des « autorité[s] publique[s] » aux fins du sous-alinéa 9(1)n) (iii) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, ne constituait pas la procédure appropriée.

[26]       Et dans la décision Magnotta Winery Corp. c. Vintners Quality Alliance of Canada (1999) 1 C.P.R. (4th) 68 (C.F. 1re inst.) madame le juge Reed a dit, aux pages 75 et 76 :

L'avocat de la VQA a répondu de la façon suivante : (1) Magnotta ne pouvait invoquer l'article 57 pour faire radier une marque officielle du registre parce que cette marque ne figurait pas au registre ; (2) elle n'avait pas de droit d'appel concernant la décision du registraire en vertu de l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce parce qu'elle n'était pas partie à la décision du registraire et que, de toute façon, le délai pour interjeter appel était expiré ; (3) Magnotta ne pouvait demander le contrôle judiciaire en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale,L.R.C. (1985), ch. F-7, parce qu'elle n'avait pas d'intérêt légal dans la décision au moment oùcelle-ci a étéprise et que, de toute façon, le délai prévu pour déposer une telle demande était expiré.


Il n'est pas si certain que les demanderesses puissent interjeter appel en s'appuyant sur l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce. Le paragraphe 56(1) dispose comme suit :


An appeal lies to the Federal Court from any decision of the Registrar under this Act within two months from the date on which notice of the decision was dispatched by the Registrar or within such further time as the Court may allow, either before or after the expiration of the two months.

Appel de toute décision rendue par le registraire, sous le régime de la présente loi, peut être interjeté à la Cour fédérale dans les deux mois qui suivent la date où le registraire a expédié l'avis de la décision ou dans tel délai supplémentaire accordé par le tribunal, soit avant, soit après l'expiration des deux mois.


Dans la décision Association olympique canadienne c. USA Hochey Inc. (1997), 74 C.P.R. (3d) 348 (C.F. 1re inst.), à la page 350, le juge en chef adjoint Jerome déclarait qu'aucune disposition n'autorisait la révocation d'une marque officielle, ni l'annulation de la décision du registraire de donner un avis public d'adoption et d'emploi d'une marque officielle. Toutefois, il précise que « la seule voie de recours qui était ouverte à la demanderesse en ce qui concerne la décision du registraire, en supposant qu'elle avait qualitépour agir, était d'interjeter appel » . On trouve une déclaration semblable dans la décision Association olympique canadienne c. USA Basketball, [1997] A.C.F. no 825 (13 juin 1997), paragraphe 7. Par ailleurs, dans l'extrait tiréde l'ouvrage Hughes on Trade Marks, aux pages 453 et 454, à la note 27, les auteurs indiquent qu'à leur avis ces déclarations sont erronées étant donnéqu'il n'y a pas de procédure concernant un avis viséà l'alinéa 9(1)n) dont une personne autre que la personne qui demande cet avis pourrait interjeter appel.

Elle a ajouté, à la page 79 :

Je reviens à la question de savoir si la demande de contrôle judiciaire est de toute façon la procédure appropriée. D'après ce que je comprends, d'autres demandeurs ont intentédes actions par voie d'appel fondésur l'article 56 (par exemple, dans le dossier T-2127-98). Comme il a éténotéci-dessus, il n'est pas certain que ce soit là la procédure appropriée. Il est certain qu'une demande de contrôle judiciaire est une procédure qui sied bien à une situation dans laquelle aucun avis n'a étédonnéà une partie intéressée et je note que les tribunaux ont intégréimplicitement de telles exigences dans les procédures législatives quand celles-ci n'étaient pas exigées par la loi. L'avocat des demanderesses est d'avis qu'une demande de contrôle judiciaire fondée sur l'article 18.1 est le recours juridique le plus approprié. Il ne fait aucun doute que ce n'est pas la présente Cour qui se prononcera sur la procédure appropriée. Cette décision appartient à la Cour d'appel. Toutefois, il peut être justifiéd'intenter les deux instances simultanément. Dans la mesure oùil est nécessaire d'avoir un intérêt légal pour déposer une demande de contrôle judiciaire, je ne suis pas convaincue que seules les parties qui ont participéà la procédure qui a menéà la décision dont on demande le contrôle ont un tel intérêt. Il en est ainsi à tout le moins lorsque la personne intéressée n'a pas obtenu d'avis ou n'a pas eu la possibilitéde participer à la procédure.


[27]       La dernière décision portant sur un appel ou une demande de contrôle d'une décision rendue par registraire en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(iii) est la décision Ordre des architectes de l'Ontario c. Association of Architectural Technologists of Ontario (26 octobre 2000), dossier no T-1157-99 (C.F. 1re inst.) (Ordre des architectes). Dans cette cause, les demandeurs sollicitaient une ordonnance infirmant la décision du registraire des marques de commerce de donner, en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi, un avis public de l'emploi et de l'adoption de certaines marques officielles par l'intimée, l'Association of Architectural Technologists of Ontario. Il ressort clairement de la décision du juge McKeown que l'énoncé de la demande, fondée sur l'article 56 selon ce qui a été prétendu à l'audition, ne mentionnait pas expressément l'article 56. Le juge McKeown a finalement conclu que l'affaire lui était soumise par voie de contrôle judiciaire. Voici les propos qu'il a tenus, aux pages 5 et 6 de sa décision :

Le demandeur a porté la présente affaire à l'attention de la Cour au moyen d'une demande. Dans ses observations écrites, il a soutenu que la demande a été présentée par voie d'appel en application de l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce et de la Règle 300 des Règles de la Cour fédérale, qui exige qu'un appel fondé sur l'article 56 soit présenté au moyen d'une demande. Cependant, la demande en soi ne renvoie nullement à un appel visé à l'article 56.

Par sa demande, le demandeur cherche à obtenir [TRADUCTION] « une ordonnance annulant la décision du registraire des marques de commerce... de donner un avis public de l'adoption et de l'emploi par la défenderesse » des marques officielles ainsi qu'une ordonnance portant [TRADUCTION] « que la publication des marques officielles... dans le Journal des marques de commerce en date du 28 avril 1999 est nulle ab initio et inopérante » .

Le demandeur n'était pas partie à l'affaire dont le registraire était saisi et, à mon avis, il n'a pas qualité pour procéder par voie d'appel. Toutefois, il a certainement un intérêt à l'égard de ces marques officielles. Effectivement, le demandeur est concerné par la décision du registraire, parce que l'article 11 de la Loi sur les marques de commerce interdit à quiconque d'employer une marque officielle comme marque de commerce ou autrement. Par conséquent, lorsqu'aucun autre moyen d'appel n'existe, il est possible de présenter une demande de contrôle judiciaire. À mon sens, l'affaire a été portée à bon droit à mon attention à titre de demande de contrôle judiciaire fondée sur l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale.


[28]       Le droit d'appel établi par le paragraphe 56(1) de la Loi n'est pas limité à quelqu'un en particulier, mais il ne s'ensuit pas que n'importe qui peut déposer un avis d'appel. Comme l'a dit le juge Pinard de notre Cour dans l'affaire Les Restaurants Pacini Inc. (successeur en titre de Groupe Resto Inc.) c. Pachino's Pizza Limited (28 octobre 1994), dossier no T-3149-92 (C.F. 1er inst.), à la page 4 :

À mon avis, bien que l'appel statutaire énoncé au paragraphe 56(1) ne soit pas expressément réservé à quiconque en particulier, cela ne veut pas dire pour autant que toute personne peut exercer ce droit exceptionnel. Les commentaires suivants exprimés par la Cour suprême du Canada, sur la nature exceptionnelle du droit d'appel, méritent d'être rappelés :

[Traduction] Nous croyons qu'un appel, qui n'est pas reconnu en common law, doit être prévu par la loi en termes suffisamment clairs et explicites pour lever tout doute sur l'existence du droit d'appel.

. . . . . .

Le droit d'appel est un droit d'exception. Il n'est pas nécessaire que la loi précise expressément que les dispositions substantielles et procédurales qui le concernent doivent être considérées comme exhaustives et exclusives. Cela découle nécessairement du caractère exceptionnel de ce droit.

[29]       Je souscris à la conclusion énoncée par le juge McKeown dans l'affaire Ordre des architectes, précitée, selon laquelle l'appelant n'avait pas la qualité requise pour former un appel en vertu du paragraphe 56(1) de la Loi parce qu'il n'était pas partie à la procédure devant le registraire. Je suis donc d'avis de statuer que l'appelante en l'espèce n'a pas la qualité requise pour former un appel en vertu du paragraphe 56(1) de la Loi à l'encontre de la décision du registraire des marques de commerce de publier la marque officielle de l'intimée en vertu du sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi.


[30]       Cela ne règle toutefois pas l'affaire car l'appelante, sans admettre qu'elle n'a pas de droit d'appel en vertu du paragraphe 56(1) de la Loi, m'a demandé de convertir son appel en demande de contrôle judiciaire si je concluais à l'inexistence d'un droit d'appel. L'intimée a soutenu que je ne devais pas acquiescer à cette demande sans que l'appelante demande d'abord la prorogation du délai imparti pour le dépôt d'une demande de contrôle judiciaire, étant donné que ce délai est expiré. De même, l'intimée a affirmé que la demande de contrôle judiciaire et la demande de prorogation de délai devraient faire l'objet d'une plaidoirie complète étayée par la présentation de la preuve appropriée devant la Cour. Je partage l'opinion de l'intimée, mais je souhaite néanmoins préciser que ma décision concernant la possibilité de former un appel n'a pas pour effet d'empêcher l'appelante de présenter une demande de prorogation du délai imparti pour le dépôt d'une demande de contrôle judiciaire ni de présenter une requête visant à faire convertir son appel en demande de contrôle judiciaire. Ce n'est que justice, puisque l'appelante a soulevé la question d'une demande de contrôle judiciaire et de la conversion de l'appel lors de l'audition tenue devant moi.

[31]       Compte tenu de ma décision concernant l'appel, il n'est pas nécessaire que je traite les autres questions soulevées dans l'avis d'appel.

[32]             L'intimée a droit à ses dépens relatifs à l'appel.


ORDONNANCE

[33]       LA COUR STATUE que l'appel est rejeté, sous réserve des remarques que j'ai formulées au paragraphe 30 de ma décision.

[34]             LA COUR STATUE EN OUTRE que l'intimée a droit à ses dépens relatifs à l'appel.

                                                    « John A. O'Keefe »               

                                                                       J.C.F.C.                     

Toronto (Ontario)

28 novembre 2000

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

        SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

           Avocats et avocats inscrits au dossier

NUMÉRO DU GREFFE :         T-647-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :MAPLE LEAF MEATS INC.

appelante

- et -

CONSORZIO DEL PROSCIUTTO DI PARMA

et

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

intimés

                                         

LIEU DE L'AUDIENCE :         TORONTO (ONTARIO)

DATES DE L'AUDIENCE :     LE JEUDI 22 ET LE VENDREDI 23 JUIN 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET

ORDONNANCE PRONONCÉS PAR : LE JUGE O'KEEFE

EN DATE DU :                         MARDI 28 NOVEMBRE 2000

ONT COMPARU :

Me James Buchan

Me Dan McKay                                                            

Pour l'appelante

Me Brian Edmonds

Me Kirsten Thompson

Pour les intimés


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling Strathy & Henderson

Avocats, agents de brevets et de marques de commerce

4900, Commerce Court ouest

C.P. 438, succursale Commerce Court

Toronto (Ontario)

M5L 1J3

Pour l'appelante

McCarthy Tétrault

Avocats

4700, Tour de la Banque TD, C.P. 48

Succursale Toronto Dominion

Toronto (Ontario)

M5K 1E6

Pour les intimés


                   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               

Date : 20001128

Dossier : T-647-98

Entre :

MAPLE LEAF MEATS INC.

appelante

- et -

CONSORZIO DEL PROSCIUTTO DI PARMA

et

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

intimés

                                                                                                                      

                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                      

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