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Date: 20041217

Dossier: T-1080-04

Référence : 2004 CF 1754

Ottawa (Ontario), ce 17ième jour de décembre 2004

Présent :          L'HONORABLE JUGE SIMON NOËL

ENTRE :

                                                          YVES BOURBONNAIS

                                                                                                                                         Demandeur

                                                                             et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                          Défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION

[1]                M. Bourbonnais ("le demandeur") demande à la Cour d'émettre des conclusions déclaratoires, le tout selon les articles 18 et 18.1 de la Loi sur les cours fédérales, L.R.C. (1985), ch.F-7, telle que modifiée ("la L.C.F.").

[2]                Sommairement, le demandeur, ex-commissaire (Section d'appel de l'immigration) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la "C.I.S.R.") est accusé de différentes infractions criminelles qui auraient eu lieu pendant qu'il était membre actif de ladite Commission et, selon lui, en relation avec ses responsabilités de commissaire.


[3]                Pour se défendre, il demande à la C.I.S.R. d'assumer les frais et honoraires légaux. Celle-ci refuse en se basant sur la Politique sur l'indemnisation des fonctionnaires de l'état et sur la prestation de services juridiques à ces derniers, émise par le secrétariat du Conseil du trésor en juin 2001 ("la politique concernant les services juridiques").

[4]                Les conclusions déclaratoires recherchées sont les suivantes :

-           Déclarer qu'un commissaire de la C.I.S.R., siégeant à la Section d'appel de l'immigration, dispose des mêmes pouvoirs, droits et privilèges qu'un juge de la Cour supérieure sur toute question pertinente de sa compétence et que par conséquent, qu'il ait droit à ce que la C.I.S.R. assume les frais et honoraires légaux de sa défense lorsqu'il est accusé d'avoir commis des actes ou des omissions criminels alors qu'il exerçait ses fonctions de commissaire à la C.I.S.R., même si de telles accusations sont portées alors qu'il est à la retraite;

-           Déclarer qu'un commissaire de la C.I.S.R., siégeant à la Section d'appel de l'immigration, n'est pas un fonctionnaire et que la politique concernant les services juridiques ne s'applique pas.

[5]                Le demandeur fit signifier un avis de question constitutionnelle selon l'article 57 de la L.C.F. au Procureur général du Canada et ceux des provinces informant ceux-ci que "... le demandeur a l'intention de réclamer l'application de protections constitutionnelles garantissant l'indépendance judiciaire des tribunaux supérieures à un commissaire de la Section d'appel de la C.I.S.R.". À l'exception du procureur général du Canada (le "défendeur"), les procureurs généraux des provinces n'ont pas comparu. Tel que formulé, l'avis ne remet pas en question la validité d'une loi, d'un règlement ou encore d'une politique.

[6]                Pour les raisons expliquées ci-après, la demande en jugement déclaratoire n'est pas accordée car :

-           L'indépendance judiciaire associée au tribunal judiciaire n'est pas celle attribuée aux tribunaux administratifs, celle-ci étant déterminée par la loi habilitante les créant;

-           L'indépendance judiciaire associée à la C.I.S.R. et à ses commissaires, y incluant ceux de la Section d'appel de l'immigration, n'inclut pas un droit absolu à ce que les frais et honoraires soient assumés par la C.I.S.R. lorsqu'un commissaire à la retraite est poursuivi pour des faits et gestes qui ont eu lieu pendant qu'il assumait ses fonctions de commissaire;

-           Un commissaire de la C.I.S.R. n'est pas un fonctionnaire du Gouvernement fédéral;


-           Selon les faits et les arguments présentés, la politique concernant les services juridiques s'applique aux commissaires en fonction et ceux à la retraite alors la décision de la C.I.S.R. de ne pas assumer les frais et honoraires légaux est maintenue compte tenu des circonstances particulières de la présente procédure.

LE CONTEXTE FACTUEL

[7]                Le 4 octobre 1996, le demandeur fut nommé membre à temps plein de la Section du statut de réfugié de la C.I.S.R. à titre inamovible pour une période de quatre (4) ans par le Gouverneur général en conseil, le tout en vertu des articles 59 et 61 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, abrogée, L.C. 2001, ch. 27, art. 274 (l'ancienne Loi). Le 5 novembre 1996, il signa une attestation dans laquelle il s'engageait à observer le Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat ("Code de conduite des titulaires").

[8]                Le 27 juillet 2000, son mandat à temps plein à titre inamovible fut renouvelé pour une période de trois (3) ans se terminant le 27 octobre 2003 (mandat maximal de sept (7) ans en totalisant les deux termes, conformément au paragraphe 61(1) de l'ancienne Loi), mais comme membre de la Section d'appel de l'immigration et du statut de réfugié de la C.I.S.R. en vertu des articles 60 et 61 de l'ancienne Loi. En date du 20 décembre 2000, il signa le serment professionnel de la C.I.S.R.


[9]                Suite à une perquisition en date du 25 octobre 2001 au bureau de la C.I.S.R. à Montréal, le président, le 1er novembre 2001, informa le demandeur qu'il était en congé avec solde pendant l'enquête.

[10]            Avant que les sommations contenant les chefs d'accusation furent émises contre le demandeur, celui-ci vit le terme de son deuxième mandat expiré, et ce, en date du 27 octobre 2003.

[11]            Ce n'est que le 18 mars 2004 que les sommations furent signées à la demande de sa Majesté, au nom de la Gendarmerie Royale du Canada (la "G.R.C.") et que quatre-vingt-dix-sept (97) chefs d'accusation furent émis contre le demandeur sous l'égide du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, telle que modifiée. Ceux-ci portent sur des faits et gestes s'échelonnant entre le 26 mai 2000 et le 25 octobre 2001, période pendant laquelle le demandeur était membre soit de la Section du statut de réfugié ou encore de la Section d'appel de l'immigration et du statut de réfugié de la C.I.S.R. Toutefois, la très grande partie des faits et gestes ont eu lieu pendant qu'il était à la Section d'appel de l'immigration.


[12]            Sans présumer de l'ultime résultat de ces chefs d'accusation et ayant à l'esprit le principe de la présomption d'innocence, et tenant compte de l'importance du lien des faits à la base des chefs d'accusation et les fonctions de l'emploi, il est nécessaire pour les fins de la présente de donner une brève description des chefs d'accusation :

-           55 chefs d'accusation concernant des allégations de fraude envers le Gouvernement fédéral et d'abus de confiance;

-           18 chefs d'accusation d'entrave à la justice;

-           18 chefs d'accusation de complot pour entrave à la justice;

-           1 chef d'accusation concernant une fausse déclaration relative à un passeport;

-           1 chef d'accusation concernant une allégation de fraude de moins de 5 000.00 $ à l'endroit d'une compagnie d'assurance;

-           4 chefs d'accusation concernant des allégations d'avoir entreposé de façon négligente des armes à feu.

[13]            Le demandeur se dit " ... à la retraite" depuis le 22 octobre 2003 et qu'il a, à titre de revenu mensuel, 1 648.53 $ provenant du régime de pension du Gouvernement fédéral et 650.75 $ de la Régie des rentes du Québec.

[14]            Ses avoirs se limitent à un compte de régime enregistré d'épargne-retraite (REER) démontrant un capital d'environ 22 000.00 $ et un compte d'épargne ayant un actif de plus de


44 000.00 $.

[15]            En date du 26 avril 2004, par l'entremise de ses avocats, le demandeur demandait à la C.I.S.R. d'assumer les frais et honoraires légaux de ses avocats pour le défendre contre les chefs d'accusation dirigés contre lui, la raison étant que c'est "... à titre de juge administratif que les responsabilités s'exerçaient ..." et que c'est " ... dans le cadre de l'exercice de ses responsabilités de juge administratif que le Procureur général, à la demande de la G.R.C., a choisi de porter des accusations contre M. Bourbonnais ... C'est pourquoi selon la tradition juridique en vigueur, tous les honoraires et déboursés encourus pour la défense de M. Bourbonnais devraient être assumés par le Gouvernement du Canada."


[16]            Après avoir informé le président de la C.I.S.R. de la situation et des alternatives à envisager et ayant obtenu de celui-ci la décision de ne pas assumer les frais et honoraires légaux du demandeur, l'avocat général par intérim et directeur-général, Réforme et directions stratégiques de la C.I.S.R., Me Paul Aterman (l'avocat de la C.I.S.R.) signait une lettre à cet effet en date du 30 avril 2004.


[17]            Dans cette lettre, l'avocat de la C.I.S.R. informait que la demande était refusée et que la C.I.S.R. avait "la discrétion ultime" pour prendre une telle décision et ce, autant pour un fonctionnaire à l'emploi de la Commission que pour un commissaire nommé par le Gouverneur en conseil. En se basant sur la politique concernant les services juridiques, il précise que "... la nature même des actes ayant donné lieu aux chefs d'accusation en cause ne saurait établir que M. Bourbonnais ait agi honnêtement et sans malice et a raisonnablement satisfait aux attentes de la C.I.S.R." Tout en reconnaissant le principe de la présomption d'innocence, l'avocat de la C.I.S.R. note que "... l'enquête menée par la G.R.C. a conduit au dépôt par le Procureur général du Canada de nombreux chefs d'accusation reposant sur des preuves sérieuses. Cette enquête et le dépôt subséquent de ces chefs d'accusation constituent la raison justifiant le refus d'indemnisation prévu par la politique, soit la détermination par l'autorité approbatrice que le fonctionnaire n'a pas agi honnêtement et sans malice dans l'exercice de ses fonctions et n'a pas raisonnablement satisfait aux attentes du Ministère." Par la suite, l'avocat de la C.I.S.R. se réfère au Code de déontologie des Commissaires de la C.I.S.R. et au Code de conduite des titulaires, et précise que les actes reprochés vont à l'encontre de ces politiques. En dernier lieu, il commente le fait qu'aucun rapport concernant les incidents n'avait pas été remis et que le délai pour le faire était expiré. (La politique mentionne que la demande doit être faite "dès que possible" et doit inclure un rapport complet.)

[18]            Suite à la réception de cette lettre en date du 1er juin 2004, le demandeur déposait la procédure à la base de la demande en jugement déclaratoire.

LES ARGUMENTS DU DEMANDEUR

[19]            Le demandeur prétend que la Section d'appel de l'immigration de la C.I.S.R. est un tribunal administratif qui a presque tous les attributs d'un tribunal judiciaire et qu'en conséquence, le principe de l'indépendance judiciaire que l'on associe à ce dernier doit aussi l'être à la Section d'appel et à ses membres.

[20]            Utilisant les conditions mises de l'avant dans l'arrêt Valente c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 673, soit l'inamovibilité, la sécurité financière et l'indépendance institutionnelle pour assurer le principe de l'indépendance judiciaire du tribunal judiciaire, le demandeur considère celles-ci comme étant applicable à la Section d'appel de l'immigration de la C.I.S.R. et qu'un très haut niveau d'indépendance existe.

[21]            Le demandeur soumet qu'un tribunal administratif doit être associé à un tribunal judiciaire concernant les principes d'indépendance judiciaire mis de l'avant dans Valente, précité, et qu'à ce sujet, la Cour suprême, sous la plume du juge en chef Lamer, avait reconnu cette situation dans l'arret Canadien Pacifique Ltée c. Bande Indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3, aux paragraphes 78-80 et 83-84 :

[78] ... plusieurs arrêts de la Cour d'appel fédérale ont établi que les principes posés dans l'arrêt Valente étaient applicables aux tribunaux administratifs ...

[79] Notre Cour a examiné l'arrêt Valente, précité, dans au moins une affaire ou il s'agissait d'un tribunal administratif, soit SITBA c. Consolidated Bathurst Packaging Ltd., [1990] 1 R.C.S. 282, à la page 332 ...

[80] De plus, les principes en matière d'indépendance judiciaire énoncés dans l'arrêt Valente s'appliquent dans le cas d'un tribunal administratif lorsque celui-ci agit à titre d'organisme juridictionnel qui tranche les différends et détermine les droits des parties ...

[...]

[83] Par conséquent, bien que les tribunaux administratifs soient assujettis aux principes énoncés dans l'arrêt Valente, le critère relatif à l'indépendance institutionnel doit être appliqué à la lumière des fonctions que remplit le tribunal particulier dont il s'agit ...

[84] Parfois un haut niveau d'indépendance s'imposera. Par exemple, lorsque les décisions d'un tribunal ont une incidence sur le droit d'une partie à la sécurité de sa personne (comme dans le cas des arbitres en matière d'immigration dans l'arrêt Mohammad, précité [Mohammad c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 2 C.F. 363 (C.A.F.)]), une application plus stricte des principes énoncés dans l'arrêt Valente peut se justifier.


[22]            Pour le demandeur, la Section d'appel de l'immigration de la C.I.S.R. a une juridiction touchant directement aux droits des parties pouvant comparaître devant elle en prenant des décisions concernant des demandes de parrainage au titre de regroupement familial et des demandes de renvoi (voir les paragraphes 63(1), (2), (3) et (5) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la nouvelle Loi); 69.4(2) de l'ancienne Loi). Les membres sont nommés à titre inamovible et ce, pour une période maximale de sept (7) ans (voir paragraphe 153(1)a) de la nouvelle Loi; 61(1) de l'ancienne Loi) et en vertu de l'article 156 de la nouvelle Loi, jouissent d'une immunité statutaire. Notez qu'il n'existe pas d'immunité statutaire sous l'ancienne Loi.    Aussi, la Section d'appel est une Cour d'archives et a les attributions d'une Cour supérieure (selon les paragraphes 174(1) et (2) de la nouvelle Loi; 69.4 de l'ancienne Loi).

[23]            En conséquence, les membres de la Section d'appel de l'immigration de la C.I.S.R. occupant leur poste à titre inamovible ne peuvent être révoqués que pour motif valable après enquête judiciaire où ils ont l'occasion de se faire entendre personnellement ou par l'entremise d'un avocat et de pleinement participer au litige (voir les articles 176 et suivants de la nouvelle Loi; 63.1 et 63.2 de l'ancienne Loi).

[24]            Les membres de la Section d'appel de l'immigration ont aussi une sécurité financière en recevant un revenu déterminé par le Gouverneur en conseil et éventuellement une pension accordant ainsi à ceux-ci une indépendance financière (voir les paragraphes 153(1)d) et f) de la nouvelle Loi; 62 de l'ancienne Loi).

[25]            La C.I.S.R. et la Section d'appel de l'immigration font partie d'une structure permettant une indépendance administrative et institutionnelle.

[26]            Le demandeur soumet qu'une personne raisonnablement informée ne peut que conclure que la Section d'appel de l'immigration de la C.I.S.R. possède tous les attributs d'un tribunal judiciaire et a, en conséquence, l'indépendance judiciaire.

[27]            Le demandeur ajoute que la notion d'inamovibilité, élément déterminant de l'indépendance judiciaire, inclut le droit de se défendre et de se faire entendre si une révocation est demandée.

[28]            Selon lui, le droit à une défense pleine et entière inclut le droit quasi-constitutionnel à ce que les frais et les honoraires légaux soient assumés par l'état car le principe d'inamovibilité est directement mis en cause. (Voir Hamann c. Québec (Ministre de la Justice), [2001] J.Q. no. 2046 (C.A.), et Fortin c. Procureur général du Québec, [2003] R.J.Q. 1323 (C.S.)).

[29]            Le demandeur précise que même s'il n'est plus membre de la Section d'appel de l'immigration de la C.I.S.R., les principes mentionnés doivent toujours s'appliquer car une dimension plus que personnelle est en jeu, soit celle de l'institution de la Section d'appel de l'immigration en tant que tribunal administratif, son indépendance et la perception qu'un observateur, raisonnablement informé, a de la situation.

[30]            En dernier lieu, en plus des arguments mis de l'avant, le demandeur pose les questions suivantes en se basant sur l'hypothèse ci-après :


-           Si le demandeur est obligé de plaider coupable à cause de sa situation financière, n'ayant pas les ressources financières pour retenir les services d'un avocat pour assurer sa défense :

-           N'y a-t-il pas un risque sérieux que la perception d'une personne raisonnablement informée soit à l'effet que la Commission et ses commissaires sont corruptibles et que leur indépendance judiciaire est inexistante?

-           N'y a-t-il pas un risque sérieux que la perception d'une personne raisonnablement informée soit à l'effet que la Commission et ses commissaires actuellement en fonction ne sont pas à l'abri de poursuites reliées à l'exercice de leurs fonctions judiciaires qui pourraient être intentées lorsqu'ils seront à la retraite, qu'ils devront eux-mêmes assumer les coûts de la défense de leurs droits, que de tels coûts risquent d'être plus élevés que le montant de la pension à laquelle ils auront droit et donc, en définitive, que leur indépendance judiciaire est sérieusement compromise?

LES ARGUMENTS DU DÉFENDEUR

[31]            Dans ses arguments, le défendeur a d'abord soulevé des difficultés reliées à la procédure du demandeur. Le défendeur concède qu'aucun motif fut présenté par le demandeur demandant l'annulation de la décision de la C.I.S.R.; néanmoins, le défendeur est d'avis que la demande du demandeur est en réalité une demande de contrôle judiciaire de la décision de la C.I.S.R. refusant la demande d'assumer les frais et honoraires légaux plutôt qu'une demande en jugement déclaratoire. Le défendeur, après avoir pris connaissance de la réplique du demandeur, soumet que si la Cour se prononce au sujet des conclusions déclaratoires recherchées, elle devrait le faire en se prononçant aussi sur la validité de la décision de la C.I.S.R. refusant la demande d'assumer les frais et honoraires légaux du demandeur. (Voir paragraphes 14 et 18 du mémoire du défendeur en réplique à l'avis de question constitutionnelle et au mémoire supplémentaire du demandeur).

[32]            Le défendeur plaide que le membre de la Section d'appel de l'immigration de la C.I.S.R. n'est pas un magistrat et qu'il ne bénéficie pas du principe de l'indépendance judiciaire associé à un membre d'un tribunal judiciaire. En conséquence, le refus de la C.I.S.R. d'assumer les frais et honoraires légaux du demandeur pour assurer sa défense à l'encontre des chefs d'accusation, intentés en mars 2004, sur des faits ayant eu lieu à l'époque où il était membre, est justifié.


[33]            En commentant la jurisprudence utilisée par le demandeur pour démontrer que la Section d'appel de l'immigration de la C.I.S.R. est un tribunal administratif bénéficiant du principe d'indépendance judiciaire associé à un tribunal judiciaire, le défendeur plaide que les arrêts Ocean Port Hotel Limited c. Colombie-Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch), [2001] 2 R.C.S. 781, et Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone, [2003] 1 R.C.S. 884, concluent que la garantie constitutionnelle associée à l'indépendance des tribunaux judiciaires ne s'étend pas aux tribunaux administratifs.

[34]            Selon le défendeur, la Cour suprême n'a pas, en date de ce jour, élargi le principe constitutionnel de l'indépendance judiciaire aux tribunaux administratifs. À titre de caution pour cet argument, il attire l'attention de la Cour à ce que la juge en chef McLachlin écrivait dans Ocean Port, précité, au par. 32 :

La séparation classique entre le judiciaire et l'exécutif ne mène cependant pas à la même conclusion [qu'il existe une garantie constitutionnelle] pour les tribunaux administratifs. Nous avons vu que ces tribunaux chevauchent la ligne de démarcation entre le judiciaire et l'exécutif. Quoiqu'ils exercent une fonction décisionnelle, ils fonctionnent en fin de compte dans le cadre du pouvoir exécutif de l'État, conformément au mandat confié par la législature. Ce ne sont pas des tribunaux judiciaires et ils ne remplissent pas la même fonction constitutionnelle que ceux-ci.[Commentaires ajoutés en parenthèses pour fin de compréhension.]


[35]            La C.I.S.R. et la Section d'appel de l'immigration ont un degré élevé d'indépendance pour assumer leurs obligations décisionnelles. En se référant à Bell Canada, précité, le défendeur note que la Cour suprême a analysé la loi habilitante et la nature juridictionnelle du Tribunal canadien des droits de la personne pour en arriver à conclure qu'il y avait "... un degré élevé d'indépendance par rapport à l'exécutif" (par. 24). En analysant l'ancienne Loi et la nouvelle Loi de la même façon, on ne peut qu'en arriver à une conclusion semblable pour la C.I.S.R. et la Section d'appel de l'immigration, mais ceci ne donne pas pour autant l'indépendance judiciaire des tribunaux judiciaires.

[36]            En réponse à l'argument que le droit de se faire entendre et de se défendre à l'encontre d'une demande de révocation pour le commissaire de la Section d'appel de l'immigration inclut le droit d'avoir les frais et honoraires légaux assumés par la C.I.S.R., le défendeur note qu'il ne s'agit pas d'une révocation étant donné que le mandat est terminé, mais plutôt d'une défense à des accusations criminelles. Les arrêts Hamann et Fortin, précités par la demanderesse à l'appui de cet argument, se distinguent de la situation du demandeur puisque ce dernier n'est pas "juge" et qu'il n'est pas impliqué dans une demande de révocation à titre de juge.

[37]            Au sujet des perceptions soulevées par les questions du demandeur mentionnées au paragraphe 30 de la présente :

-           les commissaires pourraient apparaître corruptibles et en conséquence, il n'y a pas d'indépendance;

-           les commissaires actuellement en fonction ne sont pas à l'abri de poursuites reliées à l'exercice de leurs fonctions judiciaires à la retraite créant ainsi une insécurité financière et en conséquence, compromettant l'indépendance judiciaire.


Le défendeur précise que dans le présent cas il s'agit strictement de l'application du droit criminel à un individu qui a été membre de la Section d'appel de l'immigration, pour ses actes personnels non reliés à ses obligations de commissaire, et qu'il s'agit en partie d'accusations d'avoir sollicité ou accepté des pots de vin et que ce genre d'accusation n'est pas relié à ses anciennes fonctions.

[38]            Au sujet des commissaires actuellement en fonction mais qui seront un jour à la retraite, le défendeur plaide que ceux-ci savent qu'il y a à leur disposition un droit à l'immunité civile et pénale pour des faits et gestes découlant de l'exercice effectif ou censé de leurs fonctions (voir l'article 156 de la nouvelle Loi) et qu'ils ont une protection additionnelle qui prévoit le paiement des honoraires d'avocats ou les services d'un avocat du Gouvernement (voir la politique concernant les services juridiques). Cette protection est offerte à ceux nommés par le Gouverneur en conseil même s'ils sont à la retraite. Je note à nouveau que l'immunité offerte par la nouvelle Loi n'existe pas dans l'ancienne Loi.

[39]            Pour le défendeur, une personne raisonnable, informée des dispositions législatives pertinentes, de leur historique et des traditions les entourant, après avoir envisagé la question de façon réaliste et pratique, conclurait que l'indépendance des membres de la C.I.S.R. et de la Section d'appel de l'immigration n'est pas compromise lorsque l'un de ses anciens commissaires doit répondre à des accusations d'actes de nature frauduleuse envers le Gouvernement, d'entrave à la justice, de complot, de fraude d'une compagnie d'assurance, et d'avoir négligemment entreposé des armes à feu, et que la C.I.S.R. refuse d'assumer les frais et honoraires légaux.

[40]            En dernier lieu, le défendeur soumet à la Cour que le fait que le législateur a prévu que la Section d'appel de l'immigration est une Cour d'archives et qu'elle a les attributions d'une Cour supérieure (voir les paragraphes 174(1) et (2) de la nouvelle Loi; 69.4 de l'ancienne Loi) ne la transforme pas en Cour supérieure de justice. À l'appui de cet argument, le défendeur réfère la Cour à deux (2) arrêts : Manitoba (Procureur général) c. Canada (Office national de l'énergie), [1974] 2 C.F. 502 (1ère inst.), et Alex Couture Inc. c. Canada (Procureur général), [1991] R.J.Q. 2534 (C.A.).

L'ANALYSE

La grille d'évaluation et remarque préliminaire


[41]            Étant donné que l'un des objectifs de la présente procédure est de savoir si un ancien membre de la Section d'appel de la C.I.S.R., en tant que membre de ce tribunal administratif, bénéficie de tous les éléments associés à l'indépendance judiciaire, on doit donc se placer dans la position d'une personne raisonnable et bien renseignée qui analyserait la situation à fond mais "... de façon réaliste et pratique." Ce fut l'approche suivi par la Cour suprême dans l'arrêt Bell Canada, précité (lors de l'étude de l'indépendance et de l'impartialité du Tribunal canadien des droits de la personne), en se référant à la dissidence du juge de Grandpré dans Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l'énergie), [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394.

[42]            Lors de leur plaidoirie, les parties ont, en très grande partie, fait uniquement référence à la nouvelle Loi de l'immigration plutôt que l'ancienne Loi. Les éléments à la base des chefs d'accusation ont eu lieu avant le 25 octobre 2001 et la nouvelle Loi est entrée en vigueur le 28 juin 2002. Toutefois, le mandat du demandeur à titre de membre de la Section d'appel de l'immigration a pris fin le 27 octobre 2003 et les sommations furent déposées le 18 mars 2004. Le défendeur, dans son mémoire en réplique, fait référence aux deux Lois et utilise pour les fins de son argumentation de nouveaux éléments de la nouvelle Loi (surtout l'idée de l'immunité - voir article 156 de la nouvelle Loi - qui n'existait pas sous l'ancienne Loi). Après avoir demandé aux procureurs de préciser leur pensée à ce sujet, la Cour est d'accord avec les procureurs que l'ancienne Loi de l'immigration devait s'appliquer étant donné que les gestes et actes ont eu lieu avant que la nouvelle Loi fût déclarée et alors que le demandeur était assujetti aux dispositions de l'ancienne Loi. Cependant, il est à noter que les mêmes dispositions se retrouvent dans les deux Lois et sont rédigées sensiblement de la même manière, à l'exception de l'article 156 de la nouvelle Loi concernant l'immunité, qui n'existe pas dans l'ancienne Loi.

[43]            Pour bien répondre aux arguments soulevés par la présente procédure lors de l'analyse, la Cour entend répondre aux questions suivantes :

-           Est-ce qu'un commissaire de la Section d'appel de l'immigration de la C.I.S.R., agissant dans le cadre de ses fonctions en tant que membre de ce tribunal administratif, dispose des mêmes pouvoirs, droits et privilèges qu'un juge de Cour supérieure, membre d'un tribunal judiciaire, détient en vertu de l'indépendance judiciaire?

-           Est-ce qu'un commissaire de la Section d'appel de l'immigration de la C.I.S.R. a le droit d'exiger que celle-ci assume les coûts de sa défense lorsqu'il est accusé d'avoir commis des actes criminels alors qu'il était commissaire à la C.I.S.R. même si les accusations ont été portées alors qu'il est à la retraite?

-           Si nécessaire, est-ce qu'un commissaire de la Section d'appel de l'immigration de la C.I.S.R. est un fonctionnaire?

-           Si nécessaire, est-ce que la politique concernant les services juridiques du Conseil du trésor s'applique à un commissaire de la Section d'appel de l'immigration de la C.I.S.R.?


Est-ce qu'un commissaire de la Section d'appel de l'immigration de la C.I.S.R., agissant dans le cadre de ses fonctions en tant que membre de ce tribunal administratif, dispose des mêmes pouvoirs, droits et privilèges qu'un juge de Cour supérieure, membre d'un tribunal judiciaire, détient en vertu de l'indépendance judiciaire?

[44]            En général, on peut dire que la Constitution Canadienne est à l'origine de l'existence des tribunaux judiciaires (y incluant ceux créés par législation par l'entremise de l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 (R.U.), 30 & 31 Vict., ch. 3, reproduite dans L.R.C. (1985), app. II, n ° 5) tandis que le législateur est le créateur des tribunaux administratifs. Il est de connaissance générale que des trois (3) pouvoirs issus de la constitution - soit l'exécutif, le législatif et le judiciaire - le tribunal judiciaire fait clairement partie de ce dernier tandis qu'un tribunal administratif peut varier entre l'exécutif et le judiciaire selon la loi qui l'a créé et les attributs qui lui sont donnés. (Voir Ocean Port, précité, aux paragraphes 22, 23 et 24.)


[45]            Le principe de l'indépendance judiciaire existe pour assurer une démarcation claire et précise entre l'exécutif et le judiciaire. On veut s'assurer que tant sur le plan personnel qu'institutionnel, il y a une indépendance réelle ainsi qu'une apparence nette d'indépendance démontrant à la personne raisonnable et renseignée que l'exécutif ne peut avoir aucune influence directe ou indirecte tant sur le juge que le tribunal comme institution.

[46]            Dans l'arrêt Valente, précité, au paragraphe 18, le juge Le Dain cite avec approbation Sir Guy Green, juge en chef de l'état de Tasmanie en Australie, lorsqu'il définit l'indépendance judiciaire dans son article intitulé "The Rationale and Some Aspects of Judicial Independance" (1985), 59 A.L.J. 135, à la p. 135) :

[J]e définis donc l'indépendance judiciaire comme la capacité des tribunaux d'exercer leurs fonctions constitutionnelles à l'abri de toute intervention réelle ou apparente de la part de toutes personnes ou institutions sur lesquelles ils n'exercent pas un contrôle direct, y compris, notamment, l'organe exécutif du gouvernement, et dans la mesure où cela est constitutionnellement possible en étant exempts de toute dépendance réelle ou apparente vis-à-vis de celles-ci.

[47]            Dans le but d'articuler ce principe d'indépendance judiciaire, la jurisprudence a reconnu trois (3) caractéristiques d'importance : l'inamovibilité, la sécurité financière et l'indépendance institutionnelle (voir Valente, précité, en général). Dans l'arrêt Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale de l'Île-du-Prince-Edouard; Renvoi relatif à l'indépendance et à l'impartialité des juges de la Cour provinciale de l'Île-du-Prince-Edouard, [1997] 3 R.C.S. 3, l'ex-juge en chef Lamer reprenait ces trois (3) caractéristiques mais y ajouta des éléments de renforcements institutionnels et administratifs.


[48]            Pour les fins du présent dossier, on doit se demander si le principe d'indépendance judiciaire et ses caractéristiques associés à un tribunal judiciaire sont applicables aux tribunaux administratifs. L'applicabilité de ce principe aux tribunaux administratifs ne se fait pas par l'entremise d'un droit constitutionnel mais plutôt en scrutant et en analysant la loi habilitante du tribunal administratif en question :

Il est de jurisprudence constante que, en l'absence de contraintes constitutionnelles, le degré d'indépendance requis d'un décideur ou d'un tribunal administratif est déterminé par sa loi habilitante. C'est la législature ou le Parlement qui détermine le degré d'indépendance requis des membres d'un tribunal administratif. Il faut interpréter la loi dans son ensemble pour déterminer le degré d'indépendance qu'a voulu assurer le législateur. [Voir Ocean Port, précité, à la page 793.]

C'est ce que nous proposons de faire.


[49]            Les deux Lois de l'immigration, l'ancienne et la nouvelle, avec leurs réglementations, couvrent en très grande partie la politique en immigration du Gouvernement du Canada. Il s'agit en réalité d'un Code de l'immigration. On y retrouve des énoncés de politique concernant l'immigration au Canada et la protection des réfugiés (à titre d'exemple, les articles 3, 7-10 et 33 de la nouvelle Loi; 3-7, 108 et 108.1 de l'ancienne Loi), l'attribution des responsabilités ministérielles à des agents pour articuler ces politiques (voir les articles 6, 15, 48 et 100 de la nouvelle Loi; 12, 15, 45, 102 et suivants, 109-113 et 121 de l'ancienne Loi), le pouvoir d'enquête de certains décideurs concernant certains sujets (en vertu de l'article 44 et suivants ainsi que l'article 54 et suivants de la nouvelle Loi; 20-23, 27, 49-50, 103 et 103.1 de l'ancienne Loi), l'exécution des décisions (voir les articles 48 et suivants et la partie 3 de la nouvelle Loi; 49-56, 110-113 et la partie 4 de l'ancienne Loi), la procédure d'appel de certaines sections de la C.I.S.R. et la création de celle-ci (voir la partie 4 de la nouvelle Loi; la partie 4 et les articles 103-107 de l'ancienne Loi), ainsi que la demande de contrôle judiciaire des décisions prises par les agents et la C.I.S.R. à la Cour fédérale (selon l'article 72 et suivants de la nouvelle Loi; 82.1 et suivants de l'ancienne Loi) et la procédure de certificat des décisions ministérielles révisables par la Cour fédérale ( qui se retrouve à l'article 76 et suivants de la nouvelle Loi; 81 et 82 de l'ancienne Loi). Bref, ce Code de l'immigration contient l'implication de l'exécutif et de son administration ainsi que du judiciaire et du quasi-judiciaire par l'entremise de la Cour fédérale et de la C.I.S.R. et ses sections.

[50]            C'est en tenant compte de ce contexte global que l'on doit analyser les éléments législatifs constituant la C.I.S.R. et ses sections y incluant de façon plus précise, la Section d'appel de l'immigration.

[51]            Pour faciliter la compréhension de cette analyse, nous allons énumérer certaines caractéristiques de la Loi de l'immigration, l'ancienne ainsi que la nouvelle, concernant la C.I.S.R., ses sections et particulièrement la Section d'appel de l'immigration:

-           Les commissaires de la C.I.S.R. sont nommés de façon inamovible pour une période maximale de sept (7) ans et ils ne peuvent pas être révoqués ou encore disciplinés sans qu'il y ait une enquête indépendante présidée par un juge de Cour supérieure (en vertu du paragraphe 153(1)a) et l'article 176 et suivants de la nouvelle Loi; 58-61 et 63.1-63.3 de l'ancienne Loi);

-           Leur rémunération est fixée par le Gouverneur en conseil et ils sont réputés appartenir à l'administration publique fédérale pour la pension (paragraphes 153(1)d) et f) de la nouvelle Loi; articles 61 et 62 de l'ancienne Loi);


-           Pour les commissaires à temps plein, ils doivent se consacrer exclusivement à leurs fonctions et ne doivent pas occuper des charges pouvant les mettre en conflit (selon les paragraphes 153(1)g) et h) de la nouvelle Loi; 58-61 de l'ancienne Loi);

-           Les membres bénéficient de l'immunité civile et pénale et de l'incontraignabilité (une nouvelle disposition, à l'article 156 de la nouvelle Loi seulement; sous l'ancienne Loi, les commissaires ne jouissaient pas d'une immunité statutaire);

-           Un membre peut être assigné à l'une des Sections (Section de protection des réfugiés, Section d'appel des réfugiés et Section d'appel de l'immigration) (aussi une nouvelle disposition, au paragraphe 159(1)b) de la nouvelle Loi; sous l'ancienne Loi, les membres étaient assignés en vertu des articles 58-61);

-           La C.I.S.R. est formée de quatre (4) sections (mentionnées précédemment) dont une section qui n'est toujours pas en vigueur, la Section d'appel des réfugiés (voir le paragraphe 172(1) de la nouvelle Loi). Elles ont chacune une juridiction exclusive à assumer. À titre d'exemple, la Section d'appel de l'immigration entend les appels de parrainage au titre de regroupement familial et les appels de résidents permanents suite à des décisions de renvoi (voir les articles 62 et 63 de la nouvelle Loi; 70 et 71 de l'ancienne Loi);

-           Chacune des sections a compétence exclusive pour décider des questions de droit et de fait y compris en matière de compétence ( selon le paragraphe 161(1) de la nouvelle Loi; les paragraphes 65(1) et (2) de l'ancienne Loi);


-           À l'exception de la Section d'appel de l'immigration, les autres sections ont un pouvoir d'enquête dont les membres sont investis des pouvoirs d'un commissaire nommé aux termes de la Loi sur les enquêtes, L.R.C. (1985), c. I-11 (voir l'article 165 de la nouvelle Loi; 67(2) (par exemple) de l'ancienne Loi). La Section d'appel de l'immigration est une Cour d'archives qui a les attributions d'une Cour supérieure ( selon les paragraphes 174(1) et (2) de la nouvelle Loi; 69.4 de l'ancienne Loi);

-           Les auditions sont tenues en principe en publique et les parties peuvent se faire entendre (en vertu des articles 166 et 175 de la nouvelle Loi; 69(2)-(3.2) et 80 de l'ancienne Loi) et peuvent être représentées par avocat (le paragraphe 167(1) de la nouvelle Loi; 69(1) de l'ancienne Loi);

-           Les décisions des sections sont révisables par contrôle judiciaire en autant qu'une demande d'autorisation a été accordée par un juge de la Cour fédérale. Les décisions des juges de la Cour fédérale sont finales à moins que le juge certifie que l'affaire soulève une question grave de portée générale (voir l'article 72 et le paragraphe 74(1)d) de la nouvelle Loi; 82.1, 82.2, 83 et 102.17 de l'ancienne Loi).

[52]            Cette revue des caractéristiques permet de constater que le législateur était conscient de l'importance de l'inamovibilité, la sécurité financière et l'indépendance institutionnelle de la C.I.S.R. et de la Section d'appel de l'immigration.

[53]            Dans le but de bien cerner ce qu'est l'indépendance judiciaire applicable à ce genre de tribunal administratif, il est important de noter certaines des différences entre un juge de Cour supérieure et un membre de la C.I.S.R. :

-           Pour devenir juge de Cour supérieure, il faut être avocat et avoir été membre d'un Barreau depuis au moins dix (10) ans tandis que pour devenir membre de la C.I.S.R., il n'est même pas nécessaire d'être avocat. Toutefois, la législation prévoit qu'au moins dix pour cent (10%) des commissaires doivent être inscrits depuis au moins cinq (5) ans au Barreau d'une province ou membre de la Chambre des notaires du Québec (en vertu du paragraphe 153(4) de la nouvelle Loi; 58(1) et 61 de l'ancienne Loi);

-           Un juge de Cour supérieure est nommé pour une période d'au moins quinze (15) ans et l'âge de la retraite est soixante-quinze (75) ans, tandis que le mandat maximal d'un membre de la C.I.S.R. est de sept (7) ans;

-           Un juge de Cour supérieure peut être révoqué suite à une enquête du Conseil canadien de la magistrature et sur recommandation de celui-ci par la Chambre des communes et le Sénat tandis qu'un membre de la C.I.S.R. peut l'être suite à une enquête par un juge de Cour supérieure et la recommandation de ce dernier par le Gouverneur en conseil;


-           Le salaire et la pension d'un juge de Cour supérieure sont déterminés par un comité indépendant et suite à leur recommandation par législation du Gouvernement, par l'entremise du Ministre de la justice (voir Loi sur les juges, L.R.C. (1985), ch. J-1, telle que modifiée) tandis que ceux des membres de la C.I.S.R. le sont par le Gouverneur en conseil (pour le revenu) et la Loi sur la pension de la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-36, telle que modifiée (pour la pension).

Ces différences démontrent que les postes se distinguent de façon importante. On y perçoit un souci important d'établir l'indépendance de façon précise : à un haut degré pour le juge de Cour supérieure et à un moindre degré pour le membre de la C.I.S.R. On y constate pour le juge de Cour supérieure une séparation étanche avec l'exécutif tandis qu'on remarque un certain attachement avec le Gouverneur en conseil pour le membre de la C.I.S.R. Dans le but de conclure quant à la notion d'indépendance associée à la Section d'appel de l'immigration et à la C.I.S.R. reprenons chacune des caractéristiques faisant partie de l'indépendance judiciaire d'un tribunal judiciaire en l'appliquant à ce genre de tribunal administratif.

[54]            En ce qui concerne l'inamovibilité, elle est reconnue expressément et un terme maximal de sept (7) ans est prévu. La révocation d'un membre ou encore l'imposition des mesures disciplinaires ne peuvent se faire en autant qu'une enquête présidée par un juge de la Cour supérieure ait lieu. Le Gouverneur en conseil ne peut agir à sa guise. Ayant dit ceci, l'inamovibilité du membre de la C.I.S.R. n'est pas le même genre d'inamovibilité reconnu au juge de Cour supérieure tel que décrit ci-haut.

[55]            La sécurité financière est prévue par les dispositions concernant la rémunération et le droit à une pension. Le Gouverneur en conseil fixe le salaire des membres et ils sont réputés employés pour les fins de la pension découlant de l'emploi. Cette sécurité financière ne se compare pas à celle d'un juge de Cour supérieure.

[56]            Quant à l'indépendance institutionnelle, le législateur a prévu la création distincte de la C.I.S.R. et la nomination inamovible du président et de ses membres. Toutefois, la C.I.S.R. est responsable sur le plan financier et budgétaire envers le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (voir Loi sur la Gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11 aux articles 2 et 3 et l'annexe I.1). Il y a donc une dépendance certaine face à l'exécutif à ce sujet.

[57]            En rendant les conclusions ci-haut, on ne peut que constater que le législateur a voulu donner un certain degré d'indépendance à la C.I.S.R. et à ses Sections mais que cette indépendance judiciaire n'a pas la même envergure que celle reconnue aux tribunaux judiciaires et aux juges des Cours supérieures. Le législateur a décidé d'imposer des limites à l'indépendance de la C.I.S.R. et ses commissaires. À ce sujet, la juge en chef McLachlin écrivait dans Ocean Port, précité, au sujet des tribunaux administratifs, au paragraphe 32 :


Nous avons vu que ces tribunaux chevauchent la ligne de démarcation entre le judiciaire et l'exécutif. Quoiqu'ils exercent une fonction décisionnelle, ils fonctionnent en fin de compte dans le cadre du pouvoir exécutif de l'État, conformément au mandat confié par la législature. Ce ne sont pas des tribunaux judiciaires et ils ne remplissent pas la même fonction constitutionnelle que ceux-ci.

[58]            Le demandeur prétend que la Section d'appel de l'immigration en se voyant octroyer le titre de Cour d'archives ainsi que les attributions de juridiction supérieure devenait en pratique une Cour supérieure. Il est vrai que les principes associés à la justice naturelle sont reflétés dans la législation (à titre d'exemple, consulter les articles 166, 167, 174 et 175 de la nouvelle Loi; 69(1)-(4), 69.4(1) et (3), et 75 de l'ancienne Loi).

[59]            Toutefois, l'inclusion de la notion Cour d'archives (en anglais, "Court of record") au paragraphe 174(1) de la nouvelle Loi(paragraphe 69.4(1) de l'ancienne Loi) ne fait pas en soi de la Section d'appel de l'immigration une Cour supérieure. Le but du législateur était, entre autres, de lui attribuer certains pouvoirs. À titre d'exemple, le législateur a reconnu que la Section d'appel de l'immigration a l'obligation de consigner les procédures et les décisions pour fin de référence et que pour ce faire, elle a un sceau pour attester de l'original de ces procédures. Il ne faut pas donner une interprétation plus large que cela au libellé. (Voir Alex Couture Inc, précité.)


[60]            En ce qui concerne l'argument à propos des attributions d'une juridiction d'une Cour supérieure, il est à noter que dans l'ancienne Loi ainsi que la nouvelle Loi, le législateur n'a pas écrit que la Section d'appel de l'immigration est une Cour supérieure mais plutôt qu'elle a les attributions d'une Cour supérieure (au paragraphe 174(2) de la nouvelle Loi; 69.4(3) de l'ancienne Loi). Le législateur a agi ainsi car il voulait accorder à la Section d'appel certains pouvoirs : notamment, pour la comparution et l'interrogatoire des témoins, la prestation de serment, la production et l'examen des pièces, ainsi que l'exécution des décisions. Il me semble que si le législateur avait voulu faire plus que cela, il l'aurait rédigé d'une autre façon. À nouveau, il ne faut pas aller plus loin que cela dans l'interprétation des intentions du législateur. (Voir Manitoba (Procureur général) précité, à la page 524.)

[61]            Pour toutes ces raisons, il n'est pas possible de conclure qu'un membre de la Section d'appel de l'immigration de la C.I.S.R. dispose des mêmes pouvoirs, droits et privilèges qu'un juge de Cour supérieure, membre d'un tribunal judiciaire, détient en vertu de l'indépendance judiciaire.

-           Est-ce qu'un commissaire de la Section d'appel de l'immigration de la C.I.S.R. a le droit d'exiger que celle-ci assume les coûts de sa défense lorsqu'il est accusé d'avoir commis des actes criminels alors qu'il était commissaire à la C.I.S.R. même si les accusations ont été portées alors qu'il est à la retraite?

-           Si nécessaire, est-ce qu'un membre de la Section d'appel de l'immigration de la C.I.S.R. est un fonctionnaire?


-           Si nécessaire, est-ce que la politique concernant les services juridiques du Conseil du trésor s'applique à un commissaire de la Section d'appel de l'immigration de la C.I.S.R.?

[62]            Ayant déjà indiqué que la C.I.S.R. a refusé d'assumer les frais et honoraires légaux du demandeur pour se défendre contre les chefs d'accusation et ayant déjà informé que le Président de la C.I.S.R. par l'entremise de l'avocat général par intérim avait utilisé la politique concernant les services juridiques pour prendre sa décision, il est important de porter une attention particulière à celle-ci.

[63]            Brièvement, cette politique s'applique aux fonctionnaires et aux particuliers nommés par le Gouverneur en conseil et ce, même si le mandat est terminé. Elle donne à "l'employeur" (dans notre cas, la C.I.S.R. et non l'exécutif) une discrétion pleine et entière pour accorder ou non les services juridiques. Cette discrétion donne à la C.I.S.R. ou son représentant la tâche d'établir si le particulier ou le fonctionnaire a agi honnêtement et sans malice. Cette détermination est essentielle à la démarche prévue dans la politique. Ainsi, on demande à l'employeur de pré-juger de la situation à venir.

[64]            Pour les raisons mentionnées au début de la présente (voir le paragraphe 17), l'avocat-général par intérim informait en date du 30 avril 2004 que la demande était refusée.

[65]            La Cour note qu'elle n'a pas été saisie d'une demande demandant le contrôle judiciaire de cette décision ou encore d'une procédure questionnant la légalité de la politique concernant les services juridiques. Le demandeur s'est limité à plaider qu'il n'était pas fonctionnaire mais membre de la Section d'appel de la C.I.S.R. et qu'à ce titre, il bénéficiait d'une indépendance judiciaire qui neutralisait l'applicabilité de cette politique. Ayant déjà conclu que le membre de la Section d'appel de l'immigration n'avait pas les mêmes droits et privilèges qu'un juge de Cour supérieure, dans les circonstances, la politique a sa raison d'être.

[66]            Le membre de la Section d'appel de l'immigration de la C.I.S.R. est assujetti à cette politique car celle-ci prévoit expressément qu'à titre de particulier nommé (ou qui a été nommé anciennement par le Gouverneur en conseil), elle s'applique (voir la définition de "fonctionnaire de l'état" à la partie 6 de la politique concernant les services juridiques). En plus, il est intéressant de constater que celle-ci ne lui est pas applicable en tant que fonctionnaire mais en tant que particulier nommé par le Gouverneur en conseil.


[67]            D'ailleurs, un commissaire de la C.I.S.R. n'est pas un fonctionnaire du Gouvernement fédéral. Dans la législation, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 à l'article 2, on définit la notion de fonctionnaire et on exclut expressément les personnes nommées par le Gouverneur en conseil en vertu d'une loi fédérale à un poste prévu par celle-ci.

[68]            Donc, les réponses aux deux questions se répondent par la négative, mais la troisième, par l'affirmative.

[69]            Avant de terminer, il est important de constater qu'on a prétendu que les arrêts Hamann et Fortin, précités, appuyaient l'argument à l'effet que les frais et honoraires légaux devaient être assumés par la C.I.S.R. Cependant, les faits à la base de ces arrêts impliquent des juges dans le cadre d'une révocation. Dans notre cas, le commissaire n'a pas le statut de juge et il n'est pas impliqué dans une procédure de révocation. En plus, tel que noté préalablement, les commissaires sont assujettis à une politique concernant les services juridiques. Ces deux arrêts ne peuvent donc pas être utile pour les fins de la présente.


AUTRES COMMENTAIRES

[70]            Ayant décidé de la demande, la Cour considère qu'il est d'intérêt d'ajouter les commentaires suivants.    Sans présumer d'aucune façon de la culpabilité du demandeur face aux chefs d'accusation et tenant compte de la présomption d'innocence, il est important de remarquer que les chefs d'accusation dirigés contre le demandeur touchent différents sujets : la fraude contre le Gouvernement et l'abus de confiance, l'entrave à la justice et complot, la fausse déclaration relative à un passeport, la fraude de moins de 5 000.00 $ à l'égard d'une compagnie d'assurance, et l'entreposage négligent d'armes à feu.

[71]            Il apparaît difficile d'associer ces chefs d'accusation à l'exercice effectif ou censé des fonctions d'un membre de la Section d'appel de l'immigration. Il semble évident que les chefs d'accusation d'entrave à la justice, de fausse déclaration relative à un passeport et la fraude de moins de 5 000.00 $ à l'égard d'une compagnie d'assurance et l'entreposage négligent d'armes à feu, ne font pas partie de l'exercice effectif ou censé des fonctions du membre de la Section d'appel de l'immigration de la C.I.S.R. Possiblement et ce à l'extrême limite, il se pourrait que les chefs d'accusation de fraude contre le Gouvernement et l'abus de confiance puissent être reliés à l'exercice effectif ou censé des fonctions du membre de la Section d'appel de l'immigration. À ce sujet, aucun rapport ne fut remis à la C.I.S.R. pouvant décrire le lien entre les fonctions et les chefs d'accusation.


[72]            Il est même à se demander si un juge de Cour supérieure bénéficiant de tous les attributs découlant de l'indépendance judiciaire, verrait sa demande accordée dans une situation similaire. Il y a certainement matière à analyser pour en arriver à une conclusion. Aucune preuve ne fut présentée à ce sujet.

CONCLUSIONS

[73]            En conclusion, le tribunal estime important de répondre aux questions soulevées par le demandeur (voir paragraphe 29 de la présente). On se rappellera que le demandeur avait émis l'hypothèse qu'il serait obligé de plaider coupable car il n'aurait pas les moyens financiers pour retenir les services d'un avocat. En conséquence, la personne raisonnable et renseignée aura la perception que la C.I.S.R. et ses membres sont corruptibles et que leur indépendance judiciaire est inexistante et que les membres de la C.I.S.R. actuellement en fonction ne sont pas à l'abri de poursuites reliées à leurs fonctions (lorsqu'ils seront à la retraite), et qu'alors ils devront assumer les coûts de telles poursuites avec les revenus découlant de leur pension. Le demandeur prétend que cette situation compromet l'indépendance judiciaire.


[74]            En premier lieu, il faut savoir que la personne raisonnable et renseignée a une connaissance complète de la situation. Elle connaît l'état du droit, la distinction entre un tribunal judiciaire et un tribunal administratif, la notion d'indépendance judiciaire et ses caractéristiques, le niveau d'indépendance de la C.I.S.R. et de la Section d'appel de l'immigration, le contenu des chefs d'accusation et leur lien avec les fonctions de commissaire de la Section, la politique concernant les services juridiques et la décision prise par la C.I.S.R. suite à la demande d'assumer les frais et honoraires légaux. Bref, la personne raisonnable et renseignée possède tous les éléments pour comprendre la situation dans son ensemble et dans ses détails.

[75]            Dans ce cas, elle aurait à se demander pourquoi la C.I.S.R. aurait à assumer les frais et honoraires légaux tenant compte des circonstances particulières du dossier. Elle saurait que l'indépendance judiciaire n'est pas nécessairement applicable aux tribunaux administratifs et que l'indépendance de ces derniers dépend de la législation habilitante. Elle connaîtrait les attributs de la C.I.S.R. et de ses Sections ainsi que leurs juridictions respectives. Elle pourrait faire le lien entre les fonctions et les chefs d'accusation ainsi que la décision de la C.I.S.R.


[76]            Il est difficile d'envisager la possibilité qu'elle considérerait corruptible les commissaires et la C.I.S.R. et que leur indépendance est inexistante, si le demandeur plaidait coupable n'étant pas capable de se permettre les services d'un avocat. Plutôt, elle pourrait se demander pourquoi plaider coupable à une situation où il n'est pas coupable. Elle se demanderait s'il n'y a pas d'autres façons de se défendre soit personnellement ou encore, autrement.

[77]            Quant à la perception concernant la possibilité pour les membres de la C.I.S.R. d'avoir à assumer les frais et honoraires légaux lors de poursuite prise lors de leur retraite et qu'en conséquence, leur indépendance judiciaire serait sérieusement compromise, la personne raisonnable et renseignée saurait qu'il y a une politique concernant les services juridiques qui prévoit que même à la retraite, de tels services sont disponibles en autant que la poursuite est reliée aux fonctions et que l'on y retrouve les éléments de bonne foi et d'honnêteté. En plus, elle connaîtrait la nouvelle clause législative 156 de la nouvelle Loi, accordant l'immunité civile et pénale et l'incontraignabilité à témoigner en autant que les faits à la base de la poursuite étaient reliés à l'exercice effectif ou censé des fonctions de membre de la Section d'appel de l'immigration. Une telle perception serait difficile à maintenir en tenant compte de l'information ci-haut mentionnée.

LES DÉPENS

[78]            Les deux parties ont demandé les dépens. Le demandeur a même demandé le paiement des honoraires découlant du présent dossier. Étant donné les conclusions de la présente, les dépens iront au défendeur.


ORDONNANCE

C'EST POURQUOI LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT:

-           La demande de jugement déclaratoire est rejetée, le tout avec dépens en faveur du défendeur.

               "Simon Noël"                 

           Juge


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                     

DOSSIER :                T-1080-04

INTITULÉ :               Yves Bourbonnais c. PGC

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Montréal

DATE DE L'AUDIENCE :                            3 novembre 2004

MOTIFSDE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE L'HONORABLE JUGE SIMON NOËL

DATE DES MOTIFS :                                   Le 17 décembre 2004

COMPARUTIONS :

Jean Pomminville et Martin Nadon                     POUR LE DEMANDEUR

François Joyal et Evan Liosis                                         POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jean Pomminville

Dunton Rainville

Tour de la Bourse, 43e étage

800, Square Victoria, C.P. 303

Montréal, Québec    H4Z 1H1

(514) 866-6740 poste 348

(514) 866-8854 (téléc.)

François Joyal

Ministère de la justice

Complexe Guy-Favreau

200, boul. René-Lévesque ouest

Tour est, 5e étage

Montréal, Qc H2Z 1X4


(514) 283-5880

(514) 283-3856 (téléc.)                                                 POUR LE DÉFENDEUR


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