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Date : 20020726


Dossier :

T-2220-01

 

Référence neutre : 2013 CFPI 824

 

ENTRE :

NORMAN JOHN RAYMOND MACKINNON

 

demandeur

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

défenderesse

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE ROTHSTEIN (membre de droit)

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision du ministre du Revenu national, qui aurait émis au demandeur un relevé de compte le 22 novembre 2001 indiquant un solde de 164 454,48 $ redevable par le demandeur à cette date au titre des impôts, du Régime de pensions du Canada, des intérêts et des pénalités. Le demandeur prétend que la majeure partie de la dette dont fait état le relevé de compte est prescrite en vertu de la loi, qu’une dette prescrite en vertu de la loi s’éteint et que le ministre ne peut entreprendre une action pour recouvrer la portion de la dette ainsi prescrite.

 

[2]               La dette est calculée en fonction des cotisations et des nouvelles cotisations établies de la manière suivante :

 

 

Année d’imposition

 

Cotisation/nouvelle cotisation

 

Date

 

1979

 

Cotisation

 

14 juillet 1980

 

 

 

Nouvelle cotisation

 

16 avril 1984

 

1980

 

Cotisation

 

4 août 1981

 

 

 

Nouvelle cotisation

 

16 avril 1984

 

1981

 

Cotisation

 

10 août 1982

 

 

 

Nouvelle cotisation

 

16 avril 1984

 

1982

 

Cotisation

 

16 septembre 1983

 

1983

 

Cotisation

 

25 juin 1984

 

1984

 

Cotisation

 

22 juillet 1985

 

 

 

Nouvelle cotisation

 

15 janvier 1988

 

1997

 

Cotisation

 

4 juin 1998

 

[3]               Le 20 janvier 1988, le ministre a déposé un certificat auprès de la Cour fédérale du Canada pour attester que le demandeur devait acquitter une dette aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) et du Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-8, pour les années d’imposition 1979 à 1984 inclusivement. Le 15 décembre 1989, le demandeur a signé un contrat de nantissement avec le ministre par lequel il reconnaissait devoir une dette pour les années 1979 à 1984 inclusivement. Au cours de la période du 1er septembre 1989 au 16 août 1999, le demandeur a fait parvenir au ministre plus de 50 paiements allant de 250,00 $ à 2 500,00 $ chacun.

 

[4]               Le litige met en cause l’article 32 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, L.R.C. (1985), ch. C-50, ainsi que la Limitation Act de la Colombie-Britannique, R.S.B.C. 1996, ch. 266. L’article 32 prévoit :

 

32. Sauf disposition contraire de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, les règles de droit en matière de prescription qui, dans une province, régissent les rapports entre particuliers s’appliquent lors des poursuites auxquelles l’État est partie pour tout fait générateur survenu dans la province. Lorsque ce dernier survient ailleurs que dans une province, la procédure se prescrit par six ans.

 

 

32. Except as otherwise provided in this Act or in any other Act of Parliament, the laws relating to prescription and the limitation of actions in force in a province between subject and subject apply to any proceedings by or against the Crown in respect of any cause of action arising in that province, and proceedings by or against the Crown in respect of a cause of action arising otherwise than in a province shall be taken within six years after the cause of action arose.

 

Les dispositions pertinentes de la Limitation Act sont les suivantes :

[TRADUCTION]

 

3.  (5) Toute autre action qui n’est pas expressément prévue dans la présente loi ou une autre loi, se prescrit par six ans à compter de la date où prend naissance le droit d’agir en justice.

 

5.  (1)      Lorsqu’un délai de prescription prévu dans la présente loi a commencé à courir, mais avant son expiration, et qu’une personne contre laquelle une action peut être intentée confirme l’existence d’un droit d’action, le délai écoulé avant la date de la confirmation n’est pas comptabilisé dans le calcul du délai de prescription de l’action qui pourrait être intentée par la personne bénéficiant de la confirmation contre la personne qui l’a donnée.

 

5.  (2)      Aux fins du présent article,

 

                (a) une personne confirme un droit d’action seulement si elle

 

(i)                   soit reconnaît un droit d’action, un droit ou un titre appartenant à autrui;

(ii)                 (ii) soit effectue un paiement relativement à un droit d’action, à un droit ou à un titre appartenant à autrui,

 

5.  (5)      Aux fins du présent article, une confirmation doit être écrite et signée par son auteur.

 

[Non souligné dans loriginal]

 


[5]               De plus, le paragraphe 225.1(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu dispose que :

225.1. (1) Dans le cas où un contribuable est redevable du montant d’une cotisation établie en vertu de la présente loi, exception faite [...], le ministre, pour recouvrer le montant impayé, ne peut [prendre une action en recouvrement] avant le lendemain du 90e jour suivant la date de mise à la poste de l’avis de cotisation [...].

 

[6]               Le droit d’action du ministre se fonde sur la cotisation ou la nouvelle cotisation qu’il a établie, ainsi que sur l’expiration délai pertinent prévu au paragraphe 225.1(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Voir Markevich c. La Reine, [2001] 3 C.F. 449, au paragraphe 60 (C.A.). Le demandeur fait valoir que le droit d’action pourrait prendre naissance plus tôt en raison des dispositions relatives aux ordonnances de recouvrement compromis consacrées à l’article 225.2 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Cependant, même une ordonnance de recouvrement compromis nécessite que le ministre établisse une cotisation. Quoi qu’il en soit, aucune ordonnance de ce type n’a été sollicitée ou accordée en l’espèce.

 

[7]               Le délai de prescription applicable aux termes du paragraphe 3(5) de la Limitation Act est de 6 ans. Le ministre admet que les droits d’action dont il dispose à l’égard des cotisations du demandeur pour les années d’imposition 1979 et 1980 sont prescrits en vertu de la loi. Il prétend toutefois que le dépôt du certificat auprès de la Cour fédérale le 20 janvier 1988 a eu lieu moins de 6 ans après l’établissement des autres cotisations et de toutes les nouvelles cotisations et, partant, qu’il serait possible d’intenter une action sur la foi du certificat dans les six années du dépôt.

 

[8]               Dans l’affaire Ross c. Canada, 2002 D.T.C. 6884 (C.F.P.I.), le juge Dawson a déclaré aux paragraphes 33 et 34 :

[33]   [...] Toutefois, lorsque le ministre a préservé l’existence de la dette en déposant un certificat, lequel a le même effet qu’un jugement, la dette ne sera pas éteinte, le débiteur demeurera tenu de payer les sommes d’argent dues en vertu de la Loi (impôts, pénalités, intérêts et ainsi de suite) et une Demande formelle de paiement pourra être délivrée.

 

[34]   De plus, l’article 3 de la Limitation Act permettrait qu’une action soit engagée sur la foi du certificat, lequel serait assimilé à un jugement de la Cour fédérale, dans un délai de six ans.

 

[9]               Je me rallie à l’avis du juge Dawson. En l’occurrence, le certificat permettrait au ministre d’intenter une action ou d’entreprendre des mesures légales de recouvrement jusqu’au 20 janvier 1994.

 

[10]           Cependant, le contrat de nantissement du 15 décembre 1989, qui témoignait de la reconnaissance du droit d’action du ministre et, partant, constituait une confirmation au sens du sous-alinéa 5(2)a)(i) de la Limitation Act, a eu pour effet de reporter de nouveau le délai de prescription à six ans à compter de cette date. Par la suite, chaque paiement effectué par le demandeur équivalait à une confirmation en application du sous-alinéa 5(2)a)(ii) de la Limitation Act et reportait ainsi le délai de prescription, après chaque paiement, d’une période additionnelle de six ans. Comme le dernier paiement a eu lieu le 16 août 1999, le délai de prescription n’a pas encore expiré, la dette du demandeur n’est pas éteinte et il est loisible au ministre d’entreprendre des démarches pour recouvrer les montants impayés, soit au moyen d’une action, soit par le recours aux mesures légales de recouvrement.

 

[11]           Le demandeur fait valoir que le certificat du 20 janvier 1988 contient des erreurs de calcul. Même si c’était le cas, le certificat ne serait pas pour autant frappé de nullité. Lorsqu’un certificat comporte des erreurs de calcul, il convient d’y remédier en apportant les corrections qui s’imposent.

 

[12]           Le demandeur ne soutient pas que le ministre doive affecter ses paiements à une dette précise ou à une année précise. En effet, il n’a pas demandé que ses paiements fassent l’objet d’une affectation précise. Il était donc loisible au ministre d’affecter d’abord les paiements du demandeur à la dette la plus ancienne (voir Clayton’s Case (1816), 35 E.R. 781, à la p. 793, et Agricultural Insurance Co. c. Sargeant (1896), 26 R.C.S. 29, à la p. 36).

 

[13]           Vu l’admission du ministre et vu qu’ils sont prescrits en vertu de la loi, les montants dus par le demandeur au titre des impôts, du Régime de pensions du Canada, des intérêts et des pénalités, en ce qui concerne uniquement les cotisations établies le 14 janvier 1980 et le 4 août 1981 pour les années d’imposition 1979 et 1980, ne pourront faire l’objet d’une mesure de recouvrement de la part du ministre. La demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée à tout autre égard. Le ministre devrait avoir droit aux dépens.

 

[14]           Les parties ont soumis des observations écrites additionnelles sur le fait que l’arrêt Markevich, précité, et l’affaire Ross, précitée, ont été portés en appel et que l’ordonnance relative à la présente demande de contrôle judiciaire devrait dans une certaine mesure en tenir compte. Selon le ministre, dans l’éventualité où il obtiendrait gain de cause en appel de l’arrêt Markevich, aucun délai de prescription ne s’appliquerait, tout montant dû en vertu des cotisations établies le 14 juillet 1980 et le 4 août 1981 ne serait pas prescrit en vertu de la loi et il pourrait procéder au recouvrement des montants impayés. Le demandeur soutient qu’advenant la situation où l’appel de l’affaire Ross serait accueilli, le certificat du 20 janvier 1988 déposé par le ministre n’aurait pas pour effet de proroger le délai de prescription.

 

[15]           J’ai examiné attentivement les observations écrites additionnelles des parties sur ce point. Si les appels de l’arrêt Markevich, précité, et de l’affaire Ross, précitée, étaient imminents, il conviendrait peut-être de surseoir à la décision relative à cette demande de contrôle judiciaire jusqu’à ce qu’il soit statué sur ces appels. Toutefois, plusieurs mois s’écouleront avant que ces appels soient entendus, sans parler du délai dans lequel ils seront tranchés. La décision prise au terme d’un contrôle judiciaire est finale et les parties ne m’ont pas convaincu qu’il existe effectivement une façon judicieuse de garder le dossier ouvert en vue d’un réexamen subséquent selon l’issue des appels de l’arrêt Markevich, précité, et de l’affaire Ross, précitée. Pour rendre une décision au terme de cette instance de contrôle judiciaire, je tiens pour acquis que l’arrêt Markevich, précité, et l’affaire Ross, précitée, ont été correctement tranchés et il appartiendra aux parties d’interjeter appel si elles souhaitent conserver leurs droits dans l’éventualité où les appels de l’arrêt Markevich, précité, ou de l’affaire Ross, précitée, seraient accueillis.

 

 

 

 

 

 

« Marshall Rothstein »

 

Juge

 

Traduction certifiée conforme

 

« Thanh-Tram Dang », B.C.L., LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 


DOSSIER :

T-2220-01

 

INTITULÉ :

NORMAN JOHN RAYMOND MACKINNON

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            Vancouver (C.-B.)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            le 15 juillet 2002

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :

                                                            LE JUGE ROTHSTEIN (membre de droit)

DATE DES MOTIFS :

                                                            Le 26 juillet 2002

COMPARUTIONS :

Norman John Raymond MacKinnon

pour le demandeur

 

Donnaree Nygard

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Norman John Raymond MacKinnon

Vancouver

 

pour le demandeur

 

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

pour le défendeur

 

 

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