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     Date : 19990622

     Dossier : T-2027-97

ENTRE :

     NIKE CANADA LTD., NIKE INTERNATIONAL LTD. et

     NIKE (IRELAND) LTD.,

     demanderesses,

     - et -

     M. et Mme UNTEL et

     LES AUTRES PERSONNES, DONT LES NOMS SONT INCONNUS,

     QUI OFFRENT, VENDENT, IMPORTENT, FABRIQUENT,

     DISTRIBUENT OU ANNONCENT, DE LA MARCHANDISE NIKE

     NON AUTORISÉE OU CONTREFAITE OU QUI EN FONT

     LE COMMERCE et LES PERSONNES ÉNUMÉRÉES À

     L"ANNEXE A DE LA DÉCLARATION,

     défendeurs.

     MOTIFS DES ORDONNANCES RELATIVES AUX DÉPENS

LE JUGE GIBSON

CONTEXTE

[1]      Le 19 avril 1999, dans sept dossiers de la Cour concernant des actions où des ordonnances Anton Piller ont été rendues, les avocats représentant sept demandeurs ou groupes de demandeurs différents, dont les demanderesses aux présentes, ont comparu devant la Cour un jour réservé à l"audition des requêtes à Toronto. Cette comparution résulte d"une exigence de chacune des ordonnances Anton Piller portant qu"après son exécution, l"avocat des demanderesses doit comparaître devant la Cour, à brève échéance, pour solliciter un examen de l"exécution de ladite ordonnance. Dans chaque cas, outre l"examen requis, les demanderesses sollicitent une autre réparation résultant de l"exécution de l"ordonnance Anton Piller.

[2]      Chacune des ordonnances Anton Piller a été exécutée dans le cadre d"observations et de perquisitions subséquentes effectuées dans un même marché aux puces le 3 avril 1999. Huit défendeurs distincts ont été identifiés. Trois de ces défendeurs se sont vus signifier cinq ordonnances Anton Piller, deux d"entre eux trois ordonnances Anton Piller, deux d"entre eux deux ordonnances Anton Piller et un autre une ordonnance Anton Piller. En tout, 26 significations ont été faites dans le cadre d"observations et de perquisitions effectuées au marché aux puces au cours de la journée.

[3]      Certains des défendeurs à qui une ou plusieurs ordonnances Anton Piller ont été signifiées ont conclu un règlement avec les demandeurs pour le compte desquels les ordonnances leur ont été signifiées avant l"audience le 19 avril. Des ordonnances sur consentement reconnaissant l"examen et prévoyant une injonction permanente ont été signées à l"égard de ces défendeurs. Ces ordonnances ne renfermaient aucune disposition relative aux dépens.

[4]      À l"égard de certains des autres défendeurs, les auditions ont été ajournées, censément parce que des discussions en vue d"un règlement étaient en cours.

[5]      Cinq des défendeurs, auprès desquels 17 significations ont été faites, n"ont pas répondu entre le moment de la signification et celui de l"audition devant la Cour. Pour chacun de ces défendeurs et chaque signification, les demanderesses sollicitent des dépens de 1 250 $.

[6]      La Cour s"est inquiétée de ce que, si l"ordonnance sollicitée relativement aux dépens était accordée, les coûts totaux pour deux heures de comparution devant la Cour, le temps et les dépenses connexes engagés pour les observations et les exécutions, la préparation de celles-ci et de la comparution en Cour s"élèveraient à 21 250 $. En l"absence de jugements sur consentement et d"ajournements, les coûts totaux de la journée attendraient la somme de 32 500 $.

[7]      En conséquence, la question des dépens a été, dans chaque cas, ajournée afin de permettre aux avocats de fournir des observations écrites pour justifier l"octroi des dépens réclamés.

ELÉMENTS ESSENTIELS DES OBSERVATIONS SUR LES DÉPENS

[8]      L"avocat des demanderesses a fait valoir que le nombre d"ordonnances Anton Piller signifiées et le nombre de défendeurs à qui elles ont été signifiées à la date en cause ne sont pas représentatifs. À cette date, tant le nombre d"ordonnances signifiées que le nombre de défendeurs étaient supérieurs à la norme. L"avocat a souligné que, pour s"assurer du caractère équitable des observations et des exécutions, étant donné l"intrusion inhérente aux ordonnances Anton Piller, il a fallu engager des dépens pour un enquêteur, un avocat et un agent de police de même que des dépenses relatives à préparation des documents de signification, des frais et du temps de déplacement, ainsi que des coûts élevés pour transporter, séparer et détailler les objets saisis. Pour préparer l"audition devant la Cour sur les demandes d"examen et les autres réparations, il a fallu engager des coûts pour la préparation et de l"assermentation d"un enquêteur, la préparation des rapports des avocats et des affidavits connexes, la préparation des dossiers de requête et de la comparution en Cour, ainsi que la préparation de projets d"ordonnance. Enfin, les coûts liés à la préservation et à l"entreposage des objets saisis en attendant l"issue finale ont été mentionnés.

[9]      L"avocat des demanderesses a fait valoir que dans presque tous les cas les coûts d"exécution contre un seul défendeur excèdent 1 250 $. Il a reconnu qu"il est possible de réaliser certaines économies en signifiant plusieurs ordonnances à un même défendeur. Il n"a pas admis qu"il était possible de réduire davantage les coûts en signifiant des ordonnances à plusieurs défendeurs situés au même endroit dans le cadre d"une même enquête.

PRINCIPES GÉNÉRAUX RÉGISSANT L"OCTROI DES DÉPENS

[10]      La Cour jouit d"un pouvoir discrétionnaire absolu à l"égard du montant et de la ventilation des dépens, ainsi que de la détermination de la personne qui doit les verser1. La règle 400(3) énumère un certain nombre de facteurs dont la Cour peut tenir compte dans l"exercice de ce pouvoir discrétionnaire. L"un de ces facteurs est la charge de travail assumée au cours de l"instance. Aucun des autres facteurs énumérés ne semble s"appliquer directement aux circonstances soumises en l"espèce à la Cour.

[11]      En matière d"octroi de dépens, ni la capacité de payer ni la difficulté de recouvrer ne devrait être un facteur déterminant2. Dans les circonstances qui nous occupent en l"espèce, il se peut bien qu"une partie ou la totalité des défendeurs à qui les dépens sont réclamés n"aient pas la capacité de payer. Pour d"autres défendeurs, il se peut que l"application de l"octroi de dépens à leur encontre soit difficile, voire impossible. Il ne s"agit pas là de facteurs dont je devrais tenir compte.

[12]      Même si je n"ai trouvé aucune source pour appuyer ou contredire les propositions qui suivent, je suis convaincu qu"elles devraient s"appliquer aux faits qui sont en cause en l"espèce :

     ".      L"octroi de dépens ne devrait pas être punitif. Il ne devrait pas équivaloir à l"octroi de dommages-intérêts déguisés, symboliques ou autres;
     ".      L"octroi de dépens ne devrait pas permettre à des demandeurs de bénéficier d"" économies d"échelle ". Les demandeurs qui conviennent d"avoir recours à une seule équipe d"observation et de perquisition et un seul avocat pour la comparution devant la Cour qui en résulte ne devraient pas ainsi récolter des dépens disproportionnés. Ils ont sollicité et obtenu de la Cour une arme extraordinaire dans leur bataille très légitime contre les copies contrefaites. Ils conviennent généralement qu"ils doivent faire preuve de prudence et de retenue dans l"utilisation de cette arme. Cette même prudence et cette même retenue devraient s"étendre aux réclamations de dépens présentées par des avocats pour leur compte. Autrement dit, il est reconnu que les demandeurs tels que ceux qui ont comparu devant la Cour le 19 avril détiennent une propriété intellectuelle de grande valeur. Il leur incombe de s"assurer de l"intégrité de leurs droits de propriété intellectuelle. Ils ne devraient pas être en mesure de faire assumer ces coûts par les défendeurs au delà de ce qui pourrait normalement être recouvrable, en l"absence des ordonnances Anton Piller.

CONCLUSIONS

[13]      D"après les faits soumis à la Cour le 19 avril et en appliquant les principes généraux qui précèdent relatifs à l"octroi de dépens, je suis convaincu que les dépens sollicités pour le compte des demanderesses sont excessifs. Je tire les conclusions générales suivantes.

[14]      L"octroi de dépens à l"égard de demandes d"ordonnances d"examen de l"exécution d"ordonnances Anton Piller, l"ajout de défendeurs et l"octroi d"injonctions interlocutoires ne devraient pas excéder un montant de l"ordre de 500 $, débours compris, par ordonnance accordée, et ne devraient pas excéder, au total, un montant de l"ordre de 5 000 $, débours inclus, par comparution devant la Cour, indépendamment du nombre de demandeurs représentés et du nombre de défendeurs auxquels des actes de procédure ont été signifiés. Lorsque le maximum de 5 000 $ par comparution est demandé, il devrait être réparti également entre toutes les ordonnances accordées dans le cadre de la même comparution devant la Cour.

[15]      Il est reconnu que les conclusions générales qui précèdent sont arbitraires, mais il est également souligné que la Cour jouit d'un pouvoir discrétionnaire à l"égard de ces questions.

[16]      L'application des principes qui précèdent à la comparution devant la Cour du 19 avril ferait jouer le montant maximum de 5 000 $ par comparution. Répartis au prorata entre les 17 ordonnances d"examen ajoutant des défendeurs et accordant des injonctions interlocutoires, les dépens octroyés à l"égard de chaque ordonnance sont fixés à 300 $.

[17]      Les avocats sont invités à soumettre des projets d"ordonnance pour que la Cour les examine et les signe.

[18]      Les présents motifs ont été préparés pour le dossier T-2027-97, mais ils s"appliquent également aux six autres dossiers traitant d"ordonnances Anton Piller qui ont été soumis à la Cour le 19 avril 1999 à Toronto. La Cour ordonne qu"une copie des présents motifs soit versée dans chacun de ces dossiers, soit T-945-98, T-1058-98, T-2192-95, T-2295-98, T-550-99 et T-551-99.

                    

                         Juge

Ottawa (Ontario)

Le 22 juin 1999

Traduction certifiée conforme :

Richard Jacques, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Nos DE DOSSIER :          T-2027-97 et dossiers connexes T-2295-98, T-2192-95, T-1058-98, T-550-99, T-551-99, T-945-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :      NIKE CANADA LTD. et al. c. Mme UNTEL et al.
LIEU DE L"AUDIENCE :      Toronto (Ontario)
DATE DE L"AUDIENCE :      19 avril 1999

MOTIFS DU JUGEMENT DE MONSIEUR LE JUGE GIBSON

EN DATE DU :              22 juin 1999

ONT COMPARU :

G. Starkman-Danzig                      POUR LES DEMANDERESSES
Donna M. White                          POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kestenberg Siegal Lipkus                  POUR LES DEMANDERESSES

Toronto (Ontario)

Se représentant elle-même              POUR LA DÉFENDERESSE
__________________

1      Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règle 400(1).

2      Soloski c. La Reine, [1977] 1 C.F. 663 (C.F. 1re inst.); confirmé sans commentaire sur ce point [1978] 2 C.F. 632 (C.A.); confirmé sans commentaire [1980] 1 R.C.S. 821.

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