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     T-1706-94

     OTTAWA, LE MERCREDI 17 SEPTEMBRE 1997

     EN PRÉSENCE DU JUGE EN CHEF ADJOINT

Entre :

     AMERICAN PRESIDENT LINES, LTD.,

     société dûment constituée ayant

     son siège social et son établissement principal

     au 8150, rue Keal, bureau 2

     Concorde (Ontario),

     demanderesse,

     - et -

     PANNILL VENEER CO. LTD.,

     société dûment constituée

     ayant un établissement au

     340, rue Louisa

     Kitchener (Ontario),

     défenderesse.

     J U G E M E N T

     CETTE ACTION a été entendue par la présente Cour à Toronto (Ontario) le 27 mai 1997; après avoir entendu la preuve fournie et les allégations formulées par les avocats de toutes les parties, la Cour a ordonné que la cause soit suspendue en attendant le jugement; l'affaire étant reprise aujourd'hui aux fins du prononcé et conformément aux motifs rendus ce jour,

     LA COUR ORDONNE que l'action soit rejetée avec dépens.

                         "James A. Jerome"

                                 Juge en chef adjoint

Traduction certifiée conforme         
                                 F. Blais, LL.L.

     T-1706-94

Entre :

     AMERICAN PRESIDENT LINES, LTD.,

     société dûment constituée ayant

     son siège social et son établissement principal

     au 8150, rue Keal, bureau 2

     Concorde (Ontario),

     demanderesse,

     - et -

     PANNILL VENEER CO. LTD.,

     société dûment constituée

     ayant un établissement au

     340, rue Louisa

     Kitchener (Ontario),

     défenderesse.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME

     Dans cette action, la demanderesse réclame de la défenderesse la somme de 6 655,68 $ US, ce qui est l'équivalent de 9 067,03 $ CAN, représentant les frais de transport maritime des marchandises de la demanderesse.

     Les faits ne sont pas contestés et sont énoncés par les parties dans un exposé conjoint des faits de la manière suivante :

     [TRADUCTION]         
     1. Pannill Veneer Co. Limited (Pannill) de Kitchener (Ontario) a vendu à Thunb Mart Enterprises Co. Ltd. (Thunb Mart) de Taïwan trois chargements de contreplaqué de chêne rouge (la cargaison) ayant une valeur approximative de 25 000 $ US chacun;         
     2. Canapack International Inc. (Canapack) était le transitaire qui a organisé le transport de la cargaison de Kitchener à Kaohsiung (Taïwan);         
     3. American President Lines Ltd. (APL) était le transporteur maritime responsable du transport de la cargaison de Toronto à Kaohsiung;         
     4. la vente du contreplaqué de chêne à Thunb Mart a été faite aux termes de trois bons de commande distincts datés respectivement du 2 décembre, du 22 décembre 1993 et du 12 janvier 1994;         
     5. la cargaison a été placée dans trois conteneurs portant les numéros APLU802127, ICSU1340287 et APL884831 qui ont été ramassés à l'usine de Pannill à Kitchener, par Highland Transport et remis à APL à Toronto le 13 décembre 1993, le 5 janvier et le 24 janvier 1994 en vue du transport à Kaohsiung;         
     6. dans les délais prévus, la cargaison a été livrée en bon état par APL à Thunb Mart qui a payé en entier les factures de Pannill;         
     7. dans les délais prévus, APL a envoyé trois connaissements de 2 218,56 $ US chacun à Canapack, pour un total de 6 655,68 $ US;         
     8. dans les délais prévus, Canapack a établi plusieurs factures pour le transport de la cargaison de Kitchener à Kaohsiung, concernant le transport terrestre, le transport maritime, la lettre de crédit et les frais de messager, de même que les frais d'assurance, pour un montant total de 8 347,37 $ US;         
     9. dans les délais prévus, Pannill a payé en entier les factures de Canapack au moyen de trois chèques, soit un premier chèque de 2 700 $ US le 7 janvier 1994, un deuxième chèque de 2 822,20 $ US le 28 janvier 1994 et un troisième chèque de 2 218,56 $ US le 4 février 1994;         
     10. Canapack a établi deux chèques au nom d'APL, le premier daté du 28 février 1994 au montant de 2 218,56 $ US, et le deuxième daté du 4 mars 1994 au montant de 2 218,56 $ US;         
     11. ces deux chèques ont été retournés à la banque d'APL à cause d'une divergence dans les montants en lettres et en chiffres;         
     12. les trois chèques de Pannill ont été encaissés par Canapack qui est devenue insolvable le ou vers le 28 février 1994;         
     13. APL n'a jamais été payée pour le transport maritime des trois conteneurs à Kaohsiung.         

     La question dont est saisie la Cour est de savoir si la défenderesse Pannill Veneer, qui a payé le transitaire Canapack, l'a fait à ses risques et doit maintenant payer au transporteur, la demanderesse APL, les frais de l'expédition.

     Le droit en vigueur dans des affaires de cette nature a été clairement énoncé par la Section de première instance de la Cour fédérale dans C.P. Ships c. Industries Lyon Corduroys Ltée, [1983] 1 C.F. 736 qui a été suivi dans Algocen Transport Inc. c. Hinspergers Poly Industries Ltd. (1988), 64 O.R. (2d) 444 (Cour de district) (appel à la Cour de division de l'Ontario rejeté à 70 O.R. (2d) 799).

     Dans ces deux causes, les expéditeurs avaient fait livrer des marchandises par un transporteur par l'entremise d'un agent. L'expéditeur, comme en l'espèce, a payé l'agent qui n'a pas fait parvenir le paiement au transporteur. Les tribunaux ont reconnu que les expéditeurs avaient l'obligation de payer les frais de transport, mais ils ont également analysé quelles pouvaient être les conséquences du fait qu'ils avaient payé l'agent. Dans la décision C.P. Ships, le juge Addy a fait les observations suivantes aux pages 738-739 :

     Lorsqu'un débiteur choisit de payer un tiers au lieu de son créancier, il le fait à ses risques. Si l'argent n'est pas remis au créancier, le débiteur doit alors prouver :         
     (1) que le créancier a réellement autorisé le tiers à toucher l'argent en son nom,         
     (2) que le créancier a laissé croire que le tiers était ainsi autorisé à agir en son nom,         
     (3) que le créancier, par son attitude ou autrement, a fait en sorte que le débiteur en vienne à cette conclusion, ou         
     (4) qu'en vertu de l'usage ayant cours dans ce genre d'entreprise et dans de telles circonstances, le créancier et le débiteur s'attendent normalement à ce que le paiement soit fait à un tiers.         

     En l'espèce, la demanderesse fait valoir que la situation de fait est visée par les troisième et quatrième exceptions indiquées ci-dessus, c'est-à-dire qu'APL, par son attitude ou autrement, a fait en sorte que Pannill Veneer en vienne à la conclusion que Canapack était autorisée à recevoir les fonds en son nom et qu'en vertu de l'usage ayant cours dans ce genre d'entreprise, le transporteur et l'expéditeur s'attendent normalement à ce que le paiement soit fait à l'agent.

     D'après ces éléments de preuve, je suis convaincu que la demanderesse n'a envoyé aucune facture à Pannill Veneer au moment où les services en question ont été fournis. En fait, APL a envoyé les connaissements à Canapack le 13 décembre 1993 et, constatant qu'aucun paiement ne lui était fait, a communiqué avec Canapack le 18 février 1994 pour réclamer le paiement des frais de transport maritime. Il n'y a tout simplement pas de preuve qu'APL se soit jamais attendue à obtenir le paiement directement de la défenderesse. Le témoin de la demanderesse, Mme Lee, a confirmé que la demanderesse s'attendait que Canapack, à titre de transitaire, lui rembourse ses frais comme c'est l'usage normal dans ce genre de situation. Ce n'est que beaucoup plus tard, après que les trois chèques émis par Canapack à la demanderesse furent retournés par la banque, qu'APL a essayé de se faire payer les frais de transport directement par la défenderesse.

     D'après l'ensemble de la preuve, je suis persuadé que toutes les parties s'attendaient raisonnablement, dans les circonstances de cette affaire, que Canapack facture la défenderesse pour les frais d'expédition et que la défenderesse paierait Canapack qui, à son tour, paierait la demanderesse. D'après l'attitude de la demanderesse, il n'y a guère de doute qu'elle s'attendait à être payée par Canapack.

     Pour ces motifs, je conclus que les paiements effectués par la défenderesse à Canapack constituent un paiement à la demanderesse. Par conséquent, l'action est rejetée avec dépens.

O T T A W A

le 17 septembre 1997              "James A. Jerome"

                                 Juge en chef adjoint

Traduction certifiée conforme         
                                 F. Blais, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NE DU GREFFE :              T-1706-94

INTITULÉ DE LA CAUSE :      AMERICAN PRESIDENT LINES, LTD. c. PANNILL VENEER CO. LTD.

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE :          LE 27 MAI 1997

MOTIFS DU JUGEMENT PAR LE JUGE EN CHEF ADJOINT

DATE :                  LE 17 SEPTEMBRE 1997

ONT COMPARU :

JEAN-FRANCOIS BILODEAU              POUR LA DEMANDERESSE

MARY RECOSKIE                      POUR LA DÉFENDERESSE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

SPROULE, CASTONGUAY, POLLACK          POUR LA DEMANDERESSE

MONTRÉAL

GOWLING, STRATHY & HENDERSON,      POUR LA DÉFENDERESSE

KITCHENER

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