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     Date : 19980226

     Dossier : T-3038-94

OTTAWA (ONTARIO), LE JEUDI 26 FÉVRIER 1998

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE McGILLIS

ENTRE :

     J.P.L. INTERNATIONAL DIFFUSION INC.,

     demanderesse,

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE

     défenderesse.

     JUGEMENT

     L'appel est accueilli avec dépens et la décision du Tribunal canadien du commerce extérieur en date du 31 août 1994 est annulée. La demanderesse a droit à un remboursement de la taxe de vente fédérale selon le montant de 1 140 586,10 $ qu'elle a réclamé dans sa demande de remboursement datée du 1er décembre 1990 ainsi qu'aux intérêts calculés depuis le soixantième jour suivant le 1er décembre 1990.

                             Donna C. McGillis

                                     Juge

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.

     Date : 19980226

     Dossier : T-3038-94

ENTRE :

     J.P.L. INTERNATIONAL DIFFUSION INC.,

     demanderesse,

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE

     défenderesse.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE McGILLIS

INTRODUCTION

[I.]      La demanderesse J.P.L. International Diffusion Inc. ("J.P.L.") a allégué qu'elle avait payé par erreur la taxe de vente fédérale sur les ventes de ses produits à ses distributeurs, sur la foi d'avis qu'elle avait reçus de différents fonctionnaires de Revenu Canada - Douanes et Accise ("Revenu Canada") et selon lesquels elle était tenue de verser la taxe. La question à trancher dans le présent appel entendu dans le cadre d'une nouvelle instruction est celle de savoir si J.P.L. était tenue, que ce soit en droit ou aux termes d'une entente conclue entre Revenu Canada et l'ensemble de l'industrie, de payer la taxe de vente fédérale sur les ventes de ses produits à ses distributeurs.

LES FAITS

[2]      L'association appelée Allied Beauty Association ("Association") est une association commerciale composée de fabricants et de distributeurs de produits de beauté du Canada. L'Association cherche à promouvoir l'industrie de la beauté et participe aux négociations ou discussions tenues avec le gouvernement sur différentes questions touchant l'industrie. La plupart des personnes physiques et morales oeuvrant au sein de l'industrie de la beauté sont membres de l'Association.

[3]      En juillet 1981, le gouvernement a modifié à nouveau la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1970), ch. E-13, en édictant les articles 1 à 47 de la Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise et la Loi sur l'accise et prévoyant un impôt sur les revenus pétroliers, L.C. 1980-81, ch. 68. Ces modifications ont eu pour effet de transférer des fabricants aux distributeurs l'obligation de payer la taxe de vente fédérale sur les produits de beauté. Après l'adoption de ces modifications et en raison des problèmes vécus au sein de l'industrie de la beauté, l'Association a tenu avec Revenu Canada des discussions concernant la méthode de paiement de la taxe de vente fédérale, lesquelles discussions se sont échelonnées sur une période de deux ou trois ans. Par suite de ces discussions, l'Association et Revenu Canada ont convenu que le fabricant qui vend des produits à un distributeur pourrait payer la taxe de vente fédérale et que le distributeur pourrait payer la taxe de vente fédérale uniquement sur le montant ajouté à son coût de revient pour déterminer le prix de détail des produits que ses clients, habituellement des salons de beauté, vendent aux consommateurs. Plus précisément, il a été convenu que les produits embouteillés dans un contenant de plus de 450 ml seraient considérés comme des produits destinés à être utilisés par un salon de beauté dans le cadre de ses activités tandis que les produits embouteillés dans des contenants plus petits seraient considérés comme des produits vendus au détail.

[4]      Par suite de cette entente, Revenu Canada a fait parvenir aux membres de l'Association un communiqué les informant des modalités de l'accord, connu sous le nom de [TRADUCTION] "méthode subsidiaire de calcul de la taxe". Depuis ce temps, les fabricants de produits de beauté ont calculé et payé la taxe de vente fédérale en se fondant sur le prix qu'ils versaient au distributeur.

[5]      De 1980 à 1984, Jean-Pierre Louis a travaillé comme conseiller en vente pour Guay Beauté Inc., distributeur de produits de soins professionnels pour cheveux auprès des salons de beauté de Montréal. En 1984, M. Louis a fondé une entreprise individuelle qui s'occupait d'importer et de vendre des produits de soins professionnels pour cheveux aux distributeurs situés un peu partout au pays. En 1986, il a constitué J.P.L. en société et a commencé à fabriquer des produits de soins professionnels pour cheveux à Montréal. À l'époque, J.P.L. était le fabricant exclusif de produits de soins pour cheveux Paul Mitchell pour l'est du Canada. Environ 80 % des produits qu'elle fabriquait se composaient de shampoings, les autres produits étant des conditionneurs, des traitements et d'autres produits connexes; les contenants qu'elle utilisait pour vendre ses produits variaient de flacons de 50 ml à des bouteilles d'un gallon. J.P.L. vendait la "quasi-totalité" des produits qu'elle fabriquait aux distributeurs, qui les revendaient aux salons de beauté. Les ventes des produits Paul Mitchell qu'elle fabriquait représentaient plus de 90 % du chiffre d'affaires de l'entreprise et moins de 5 % de celui-ci pouvait être lié à la vente de "marchandises à revendre" que J.P.L. ne fabriquait pas, comme des séchoirs et des brosses à cheveux. Après avoir été créée en 1986, J.P.L. s'est jointe à l'Association.

[6]      Vers la date à laquelle il a constitué J.P.L. en société, M. Louis s'est informé auprès de Revenu Canada au sujet de la possibilité d'obtenir un permis de taxe de vente fédérale. Le 1er septembre 1987, J.P.L. a reçu son permis de taxe de vente fédérale à titre de fabricant, lequel permis concernait les activités qu'elle poursuivait comme "fabricant ou producteur" de cosmétiques aux termes de la Loi sur la taxe d'accise , L.R.C. (1985), ch. E-15, et ses modifications ("Loi"). Dans une lettre en date du 28 septembre 1987, un agent d'enquête de la Section des agréments - Interprétations fiscales de Revenu Canada a confirmé que, lorsqu'il a rencontré M. Louis, il lui avait remis des exemplaires des [TRADUCTION] "...mémorandums concernant les activités de J.P.L. ..." ainsi que les formulaires nécessaires. Il a également avisé M. Louis du taux de la taxe que J.P.L. devait payer sur les produits qu'elle fabriquait ou produisait. De plus, il a ajouté ce qui suit au sujet des obligations de J.P.L. :

     [TRADUCTION] En ce qui a trait aux ventes exemptes de la taxe, ces ventes doivent être appuyées d'un certificat d'exemption que votre client vous aura fourni ou de toute autre pièce justificative acceptable indiquant que vous avez exporté des marchandises conformément au mémorandum ET308. Les certificats d'exemption sont décrits dans le mémorandum ET301.         
         ...         
     Une déclaration de taxe individuelle doit être fournie à l'aide du formulaire B-93 pour chaque mois civil, notamment une déclaration de taxe "égale à zéro" pour les mois au cours desquels aucune taxe de vente applicable n'a été perçue. Conformément à l'article 50 de la Loi sur la taxe d'accise , ces déclarations doivent être produites et les recettes fiscales admissibles doivent être remises au plus tard le dernier jour du mois suivant celui au cours duquel les ventes ont lieu.         

[7]      Dans une lettre en date du 26 octobre 1987, le directeur régional des interprétations fiscales de Revenu Canada a informé M. Louis que J.P.L. avait obtenu un permis de fabricant et joint à cette lettre des renseignements et des mémorandums concernant la taxe de vente fédérale ainsi que les formulaires à remettre tous les mois. Il a également ajouté dans sa lettre que J.P.L. [TRADUCTION] "...devait, conformément à l'article 50 de la Loi , remettre une déclaration chaque mois, que des ventes aient été conclues ou non".

[8]      En avril 1988, M. Louis a acheté Clajac Distributors (Canada) ("Clajac"), le fabricant exclusif de produits de soins pour cheveux Paul Mitchell dans l'Ouest canadien, afin d'obtenir les droits de fabrication exclusifs à l'égard des produits Paul Mitchell pour l'ensemble du Canada. J.P.L. et Clajac ont fonctionné de "façon parallèle" pendant quelques années et étaient exploitées de la même manière.

[9]      Dans une lettre datée du 17 octobre 1988, un inspecteur de la Section des agréments, interprétations fiscales de Revenu Canada a avisé M. Louis du taux de la taxe de vente fédérale à laquelle Clajac était assujettie en qualité de fabricant et lui a fait parvenir des renseignements, des formulaires et différents mémorandums concernant ladite taxe. Il a également avisé M. Louis du certificat d'exemption à fournir pour que certaines ventes soient exonérées de la taxe. Enfin, il a précisé qu'une déclaration devait être remise tous les mois. Par la suite, Clajac a payé tous les mois la taxe de vente fédérale sur les produits qu'elle a fabriqués.

[10]      En 1989, M. Louis a créé la société appelée Tosca Research Laboratories Inc. ("Tosca"). Dans une lettre datée du 29 mai 1989, un inspecteur du Service des agréments, interprétations fiscales de Revenu Canada a fourni à M. Louis des renseignements à peu près identiques à ceux que celui-ci avait déjà obtenus à deux autres occasions au sujet de la taxe de vente fédérale.

[11]      En juillet 1989, M. Louis a fusionné l'entreprise de Clajac avec celle de J.P.L.

[12]      Dans une lettre datée du 17 juillet 1989, le chef régional des interprétations fiscales de Revenu Canada a fait parvenir le permis de fabricant de Tosca ainsi que les formulaires qu'elle devait utiliser pour la remise de la taxe de vente fédérale. Dans sa lettre, il a indiqué la date limite à laquelle Tosca devait remettre son premier versement de taxe et confirmé que des paiements devaient être versés tous les mois. Tosca n'a poursuivi aucune activité au cours de la période pertinente.

[13]      En 1988 et 1989, J.P.L. comptait de quinze à vingt clients qui étaient situés un peu partout au Canada et aucun n'était un salon de beauté. Tel qu'il est mentionné plus haut, la "quasi-totalité" de ses clients étaient des distributeurs grossistes et son chiffre d'affaires annuel s'établissait à environ 6 000 000 $.

[14]      Tous les mois, J.P.L. a remis les formulaires prescrits à Revenu Canada ainsi que la taxe de vente fédérale, M. Louis étant convaincu que son entreprise était tenue par la Loi de le faire. M. Louis n'a jamais discuté du paiement de la taxe de vente fédérale avec un autre fabricant, avec des clients ou avec d'autres membres de l'Association; il a simplement présumé que les autres entreprises faisaient la même chose. De plus, M. Louis n'a jamais reçu de renseignements de l'Association ou de Revenu Canada en ce qui a trait à la méthode subsidiaire de calcul de la taxe relativement au paiement de la taxe de vente fédérale. Effectivement, aucun des documents que Revenu Canada a remis à M. Louis à l'égard des trois entreprises de celui-ci ne faisait état de la méthode subsidiaire de calcul de la taxe. M. Louis n'a en aucun temps cherché à obtenir l'avis d'un avocat ou d'un comptable au sujet de l'obligation de son entreprise de payer la taxe de vente fédérale; il s'est simplement conformé à la procédure que lui avaient décrite les fonctionnaires de Revenu Canada. De la même façon, le vice-président des finances de J.P.L. n'a jamais discuté de la question de la taxe de vente fédérale avec qui que ce soit et a également présumé, en se fondant sur les lettres de Revenu Canada, que J.P.L. était tenue de verser cette taxe. J.P.L. a donc inclus la taxe de vente fédérale dans le prix de vente de ses produits et cette taxe ne figurait pas sur les factures qu'elle remettait à ses clients.

[15]      Les distributeurs qui ont acheté les produits que de J.P.L. fabriquait ont à leur tour vendu ces produits à des salons de beauté pour que ceux-ci les utilisent ou les revendent à des consommateurs. Les produits les plus fréquemment offerts en vente aux clients des salons de beauté étaient des produits présentés dans des contenants de 250 ml à 300 ml. Conformément à la méthode subsidiaire de calcul de la taxe, les distributeurs exigeaient des salons de beauté la taxe de vente fédérale sur ces produits qui étaient destinés à être revendus au détail, notamment dans le cas des produits embouteillés dans des contenants d'au plus 450 ml.

[16]      En 1990, J.P.L. a demandé à Ninecan, entreprise offrant des services consultatifs de gestion concernant, notamment, la taxe de vente fédérale et d'autres questions non liées à l'impôt sur le revenu, d'examiner ses activités pour savoir s'il était possible de réduire son fardeau fiscal, y compris la taxe de vente fédérale. Au cours de sa vérification, Ninecan a confirmé que J.P.L. avait versé la taxe de vente fédérale tous les mois, conformément aux procédures précisées dans les lettres de Revenu Canada. Elle a également confirmé que J.P.L. avait vendu ses produits presque exclusivement à des distributeurs, qui les ont ensuite revendus à des salons de beauté. Après avoir examiné le registre des titulaires de permis de taxe de vente de Revenu Canada, Ninecan a confirmé que tous les clients de J.P.L. étaient des fabricants titulaires d'un permis enregistré aux termes des dispositions de la Loi.1 Après son examen, Ninecan a fait savoir à J.P.L. que, compte tenu de l'alinéa 50(5)g) de la Loi, celle-ci n'était apparemment pas tenue de verser la taxe de vente fédérale sur la vente des produits qu'elle fabriquait, qui constituent des "cosmétiques", puisque ses clients étaient des distributeurs qui étaient assimilés à des fabricants titulaires d'un permis aux termes de la Loi .

[17]      Afin de préserver les droits de J.P.L., compte tenu du délai de prescription fixé par la Loi, Ninecan a préparé, en date du 1er décembre 1990, une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale qui couvrait la période allant du 1er juillet 1989 au 30 novembre 1990. Dans cette demande, J.P.L. a réclamé un remboursement aux termes de l'article 68 de la Loi au motif qu'elle avait payé la taxe de vente fédérale par erreur. Le montant total du remboursement réclamé s'établissait à 1 140 586,10 $.

[18]      Ninecan a également préparé pour Clajac une demande de remboursement d'un montant de 378 148,28 $ au titre de la taxe de vente fédérale pour la période allant du 1er juillet 1988 au 30 juin 1989. Dans cette demande, Clajac réclamait un remboursement fondé sur l'article 68 de la Loi au motif qu'elle avait payé la taxe de vente fédérale par erreur.

[19]      Dans une note datée du 25 février 1991, J.P.L. a écrit à tous ses clients pour leur demander de confirmer qu'ils étaient titulaires d'un permis aux fins de la taxe de vente fédérale et qu'ils payaient la taxe de vente fédérale. Entre 97 % et 99 % des clients de J.P.L. ont répondu par l'affirmative aux questions qu'elle avait posées.

[20]      Quelque temps entre les mois de mars et juillet de 1991, Ninecan a rencontré une vérificatrice de Revenu Canada au sujet de la demande de remboursement de J.P.L. afin de lui fournir toutes les pièces justificatives et de lui expliquer le fondement de la demande. Ninecan a également rencontré un autre vérificateur au sujet de la demande de remboursement de Clajac.

[21]      Revenu Canada a accepté la demande de remboursement de Clajac. Au moyen d'un chèque daté du 18 avril 1991, le gouvernement a remboursé à Clajac un montant de 314 253,39 $ au titre de la taxe de vente fédérale qu'elle avait payée par erreur.

[22]      Le 5 juillet 1991, le sous-ministre du Revenu national a délivré un avis de détermination portant rejet de la demande de remboursement de J.P.L. Dans la partie explicative de l'avis, le sous-ministre s'est exprimé comme suit :

     [TRADUCTION] Explication de la détermination         
     La demande a été rejetée.         
     Les vendeurs visés par la définition du fabricant ou producteur peuvent choisir d'acquérir des marchandises sur lesquelles la taxe est imposée au moment de la vente en bloc, de telle sorte qu'ils paient la taxe et conservent leur stock. Lorsque ces marchandises sont vendues aux consommateurs, aucune autre taxe n'est imposée. Dans le cas des ventes consenties à des personnes autres que des consommateurs, la taxe de vente s'appliquerait au prix de vente réel, moins le crédit accordé au titre de la taxe de vente fédérale payée par le fournisseur au moment de la vente au grossiste.         
     Code 3700/83-1         
     Compte tenu des renseignements que nous avons obtenus de différentes sources et du peu de documents disponibles, nous en sommes venus à la conclusion que les clients avaient choisi de payer la taxe de vente.         

[23]      Après avoir reçu l'avis de détermination, Ninecan a examiné l'explication fournie par le sous-ministre du Revenu national. Plus précisément, elle a examiné la fiche de décision 3700/83-1 de Revenu Canada, qui est ainsi libellée :

     [TRADUCTION] OBJET : méthode subsidiaire de calcul de la taxe à l'intention des détaillants et grossistes relativement aux marchandises taxées à l'étape de la vente en gros.         
     FAITS PERTINENTS : les personnes qui sont autorisées à vendre des marchandises taxées à l'étape de la vente en gros sont redevables de la taxe sur le prix de vente desdites marchandises qu'elles vendent, y compris celles qui sont vendues aux consommateurs. Ces personnes font directement concurrence aux détaillants qui achètent les mêmes marchandises libérées de taxe et n'ont aucune autre responsabilité quant au paiement de la taxe.         
     Afin d'accommoder les commerçants qui agissent à la fois en qualité de détaillants et de grossistes et de garantir un régime fiscal équitable, une méthode subsidiaire de calcul de la taxe a été conçue pour eux.         
     DÉCISION : les détaillants/grossistes qui sont visés par la définition du fabricant ou producteur peuvent choisir d'acheter les marchandises libérées de taxe dans le cas des marchandises qui sont taxées à l'étape de la vente en gros et de tenir des stocks libérés de taxe à l'égard de ces marchandises. Aucune autre taxe ne serait exigée lors de la vente desdites marchandises aux consommateurs. Dans le cas des ventes consenties à des personnes autres que des consommateurs, la taxe de vente s'appliquerait au prix de vente réel, déduction faite d'un crédit au titre de la taxe de vente fédérale payée par le fournisseur sur la vente au détaillant ou au grossiste. Si le montant de la taxe payée par le fournisseur n'est pas connu, il sera possible de le calculer à l'aide de la formule énoncée dans le mémorandum ET 313.         
     Si le détaillant/grossiste décide de maintenir un stock libéré de taxe à l'égard de ces marchandises, la taxe devra être payée sur le prix de vente exigé de tous les clients, y compris les consommateurs.         
     Si la méthode subsidiaire de calcul est utilisée, elle doit l'être de façon constante.         
     Les personnes physiques qui fabriquent des marchandises taxables et qui revendent également des marchandises taxées à l'étape de la vente en gros peuvent utiliser la méthode subsidiaire de calcul de la taxe uniquement pour les marchandises destinées à être revendues.         

[24]      Ninecan a fait savoir à J.P.L. que, à son avis, la fiche de décision 3700/83-1 s'appliquait aux grossistes et aux détaillants et non aux fabricants comme J.P.L. Par conséquent, au moyen d'un avis d'opposition daté du 1er octobre 1991, J.P.L. s'est opposée à l'avis de détermination.

[25]      Ninecan a ensuite rencontré un agent d'appel de Revenu Canada afin d'expliquer les raisons pour lesquelles J.P.L. s'opposait à la détermination. Plus précisément, Ninecan a fait savoir qu'à son avis, la fiche de décision 3700/83-1 ne s'appliquait pas aux fabricants de cosmétiques, mais plutôt aux grossistes et aux détaillants. Elle a ajouté que, à tout événement, J.P.L. n'était pas au courant de l'existence de la méthode subsidiaire de calcul de la taxe expliquée dans la fiche de décision 3700/83-1.

[26]      Dans une lettre datée du 12 février 1993, l'agent d'appel de Revenu Canada a répondu comme suit à Ninecan :

     [TRADUCTION] Vous vous êtes enquis de la portée de l'exemption prévue à l'alinéa 50(5)f) de la Loi sur la taxe d'accise. Cette disposition est considérée comme une disposition in personam, ce qui signifie qu'un acheteur autorisé admissible qui demande l'exemption de la taxe doit certifier au fournisseur titulaire de permis que les cosmétiques achetés respectent les conditions énoncées dans ledit alinéa. Cette possibilité existe dans le cas d'un fabricant ou d'un producteur titulaire de permis qui serait par ailleurs tenu de payer la taxe exigée par l'alinéa 50(1)a) de la Loi sur ces ventes de marchandises.         
     Le mémorandum ET 301, Certificats d'exemption, renferme au paragraphe 5 des explications qui décrivent exactement la situation.         
     D'autres documents de l'acheteur qui indiquent que les critères d'exemption applicables ont été respectés peuvent être acceptés, lorsqu'ils renvoient clairement à des achats donnés et aux factures de vente du fournisseur.         
     Selon la Loi, les fabricants ou producteurs sont tenus de payer la taxe calculée sur le prix auquel ils vendent les marchandises taxables qu'ils ont fabriquées ou produites, sauf s'ils sont en mesure de fournir des pièces établissant des ventes réelles exonérées de la taxe. À cet égard, il importe de se rappeler les dispositions de l'article 116 de la Loi.         

[27]      Ninecan a lu la lettre datée du 12 février 1993, mais n'a pas compris l'allusion à une disposition "in personam". Elle a également lu le mémorandum ET-301 dont il est question dans la lettre et conclu que celui-ci s'appliquait uniquement aux marchandises exportées. Étant donné que J.P.L. n'exportait pas de marchandises du Canada, Ninecan a conclu que le mémorandum ET-301 ne s'appliquait pas à la situation de J.P.L. L'agent d'appel n'ayant fait aucune allusion dans sa lettre à la méthode subsidiaire de calcul de la taxe décrite dans la fiche de décision 3700/83-1, Ninecan était convaincue que Revenu Canada avait accepté les arguments qu'elle avait déjà invoqués au nom de J.P.L., selon lesquels la fiche de décision en question ne s'appliquait pas à celle-ci.

[28]      Dans la lettre en date du 23 février 1993 qu'elle a adressée à l'agent d'appel, Ninecan s'est exprimée comme suit :

     [TRADUCTION] Nous estimons que l'alinéa 50(5)g) de la Loi sur la taxe d'accise n'oblige pas un fabricant titulaire de permis à attester l'existence d'un "certificat d'exemption" sous quelque forme que ce soit pour obtenir des cosmétiques exempts de la taxe. Les mots "certificat d'exemption" ne figurent nulle part dans la Loi sur la taxe d'accise . Il est évident que le fournisseur (J.P.L.) et l'acheteur (client de J.P.L.) sont tous deux des fabricants titulaires de permis et que les marchandises en question sont des cosmétiques.         
     L'alinéa 50(5)g) de la Loi sur la taxe d'accise libère J.P.L. de l'obligation de payer la taxe sur des marchandises vendues à un autre fabricant titulaire de permis, s'il s'agit de cosmétiques.         

[29]      Le 11 juin 1993, le ministre du Revenu national a rendu la décision suivante au sujet de l'opposition de J.P.L. :

     [TRADUCTION]         
         AVIS DE DÉCISION         
     Votre opposition à la détermination numéro MTL 10273 en date du 5 juillet 1991 a été examinée avec soin conformément aux dispositions pertinentes de la Loi sur la taxe d'accise.         
     Après avoir étudié les renseignements et les motifs exposés dans votre avis d'opposition, le ministre du Revenu national rend la décision suivante.         
     Votre opposition est rejetée et la détermination est confirmée.         
     Vous soutenez avoir payé la taxe par erreur aux termes du paragraphe 2(1) et vous demandez un remboursement du montant payé en trop. Vous expliquez séparément que l'alinéa 50(5)g) de la Loi n'oblige pas un fabricant titulaire de permis à attester l'existence d'un "certificat d'exemption" sous quelque forme que ce soit pour obtenir des cosmétiques exempts de taxe. Cette disposition libère votre entreprise de l'obligation de payer la taxe sur les marchandises vendues à un autre fabricant titulaire de permis, lorsqu'il s'agit de cosmétiques.         
     Il appert d'une étude de votre dossier qu'aucun des acheteurs de cosmétiques n'a demandé une exemption de taxe lors de la vente et de la livraison des marchandises ni ne vous a remis, à titre de fournisseur, leur permis de la taxe de vente du fabricant ainsi qu'une attestation ou une déclaration en ce sens.         
     Par conséquent, aucune donnée n'indique que les dispositions "in personam" de l'alinéa 50(4)g ) de la Loi ont été respectées, de sorte que la taxe exigible que vous avez payée en application du paragraphe 50(1) de la Loi ne peut faire l'objet d'un remboursement. [non souligné dans l'original]         

[30]      Le raisonnement exposé dans la décision du ministre traduit pour l'essentiel la position que l'agent d'appel a exprimée dans la lettre datée du 12 février 1993. Plus précisément, le ministre a souligné que les distributeurs de J.P.L. n'avaient pas demandé d'exemption de taxe ni n'avaient fourni leurs certificats d'exemption et permis de taxe de vente du fabricant. En d'autres termes, le ministre a conclu que J.P.L. était tenue d'obtenir les certificats d'exemption de ses clients pour éviter de devoir payer la taxe de vente fédérale.

[31]      J.P.L. a interjeté appel de la décision du ministre devant le Tribunal canadien du commerce extérieur. Le 31 août 1994, le Tribunal a rejeté l'appel de J.P.L.

[32]      Le 22 décembre 1994, J.P.L. a interjeté appel de la décision du Tribunal en application de l'article 81.24 de la Loi en déposant une déclaration auprès de la Cour.

QUESTION EN LITIGE

[33]      La question à trancher dans le cadre de la présente nouvelle instruction est celle de savoir si J.P.L. était tenue de payer la taxe de vente fédérale sur les produits qu'elle a vendus à ses distributeurs.

ANALYSE

i)      Admissibilité de la preuve relative à des événements survenus après l'avis de détermination

[34]      Au cours de l'instruction, l'avocat de la défenderesse s'est opposé à l'admissibilité de toute la preuve concernant les actions de Revenu Canada qui ont suivi l'avis de détermination daté du 5 juillet 1991. Plus précisément, il s'est opposé à l'admissibilité de l'avis de décision du ministre en date du 11 juin 1993. Au soutien de son objection, l'avocat de la défenderesse a invoqué le paragraphe 81.31(1) de la Loi, dont le texte est le suivant :

81.31 (1) After hearing an appeal under this Part, the Federal Court -- Trial Division may dispose of the appeal by making such order, judgment, finding or declaration as the nature of the matter may require including, without limiting the generality of the foregoing, an order

     (a) dismissing the appeal; or
     (b) allowing the appeal in whole or in part and vacating or varying the assessment or determination or referring it back to the Minister for reconsideration

81.31(1) Après avoir entendu un appel prévu à la présente partie, la Section de première instance de la Cour fédérale peut statuer en rendant une ordonnance, un jugement, une décision ou une déclaration, selon la nature de l'affaire, y compris, sans préjudice de la portée générale de ce qui précède, un ordonnance

     a) soit rejetant l'appel;
     b) soit faisant droit à l'appel en totalité ou en partie et annulant ou modifiant la cotisation ou la détermination faisant l'objet de l'appel ou renvoyant l'affaire au ministre pour réexamen.

[35]      Selon l'avocat de la défenderesse, l'alinéa 81.31(1)b) permet à la Cour, notamment, d'annuler ou de modifier la cotisation ou la détermination ou de renvoyer l'affaire au ministre. Par conséquent, a-t-il soutenu, l'alinéa 81.31(1)b) de la Loi restreint la compétence de la Cour en lui permettant d'examiner uniquement la cotisation ou la détermination initiale de Revenu Canada, de sorte que les mesures ou la décision que le ministre a prises après la détermination initiale étaient inadmissibles, parce qu'elles n'étaient pas pertinentes.

[36]      L'argument que l'avocat de la défenderesse a invoqué ne tient pas compte des différentes dispositions législatives applicables. Le paragraphe 81.17(1) de la Loi permet à une personne qui s'oppose à une détermination fondée sur l'article 68 ou 69 de signifier un avis d'opposition au ministre. Selon le paragraphe 81.17(4), le ministre doit réexaminer la détermination et l'annuler, la modifier ou la confirmer. Après le réexamen de la détermination par le ministre, la procédure à suivre est décrite comme suit au paragraphe 81.17(5) de la Loi :

81.17(5) After reconsidering a determination, the Minister shall send to the person objecting a notice of decision in the prescribed form setting out

     (a) the date of the decision;
     (b) the amount payable, if any, to the person objecting;
     (c) a brief explanation of the decision, where the Minister rejects the objection in whole or in part; and
     (d) the period within which an appeal may be taken under section 81.19 or 81.2

81.17(5) Après avoir réexaminé une détermination, le ministre doit envoyer à l'opposant un avis de décision en la forme prescrite, énonçant:

     a) la date de la décision;
     b) le montant, s'il en est, payable à l'opposant;
     c) les raisons concises de sa décision, s'il rejette l'opposition en totalité ou en partie;
     d) la période en cours de laquelle il peut être interjeté appel de la décision en vertu des articles 81.19 ou 81.2.

[37]      L'article 81.19 de la Loi permet à une personne qui a signifié un avis d'opposition d'interjeter appel devant le Tribunal canadien du commerce extérieur :

81.19 Any person who has served a notice of objection under section 81.15 or 81.17, other than a notice in respect of Part I, may, within ninety days after the day on which the notice of decision on the objection is sent to him, appeal the assessment or determination to the Tribunal.

81.19 Toute personne qui a signifié un avis d'opposition en vertu de l'article 81.15 ou 81.17, autre qu'un avis à l'égard de la partie I, peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date d'envoi de l'avis de décision concernant l'opposition, appeler de la cotisation ou de la détermination au Tribunal.

[38]      L'article 81.24 de la Loi autorise une partie à un appel interjeté devant le Tribunal de porter la décision de celui-ci en appel devant la Cour.

[39]      Il appert d'une lecture des dispositions législatives pertinentes que c'est le réexamen du ministre fait en application du paragraphe 81.17(4) de la Loi qui déclenche l'appel. Effectivement, selon les dispositions explicites de l'article 81.19 de la Loi, aucun appel ne peut être interjeté avant qu'une personne ait déposé un avis d'opposition à la détermination et ait reçu un avis de la décision du ministre. De plus, selon le paragraphe 81.17(4) et l'article 81.19 de la Loi, c'est la détermination que le ministre réexamine dans l'avis de décision qui fait l'objet de l'appel. Dans les circonstances, la preuve concernant l'avis d'opposition et la décision du ministre est non seulement admissible, mais elle fait partie du dossier à examiner en appel.

ii)      Le régime législatif et l'obligation de J.P.L. de payer la taxe de vente fédérale

[40]      Le sous-alinéa 50(1)a)(i) de la Loi prévoit l'imposition d'une taxe de vente sur les marchandises fabriquées :

50(1)      There shall be imposed, levied and collected a consumption or sales tax at the rate prescribed in subsection (1.1) on the sale price or on the volume sold of all goods
         (a) produced or manufactured in Canada     
             (i) payable, in any case other than a case mentioned in subparagraph (ii) or (iii), by the producer or manufacturer at the time when the goods are delivered to the purchaser or at the time when the property in the goods passes, whichever is the earlier.     
50(1)      Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente au taux spécifié au paragraphe (1.1) sur le prix de vente ou sur la quantité vendue de toutes marchandises:
         a) produites ou fabriquées au Canada     
             (i) payable, dans tout cas autre que ceux mentionnés aux sous-alinéas (ii) ou (iii), par le producteur ou fabricant au moment où les marchandises sont livrées à l'acheteur ou au moment où la propriété des marchandises est transmises, en choisissant celle de ces dates qui est antérieure à l'autre.     

[41]      Cependant, l'alinéa 50(5)g) de la Loi énonce une exception au paiement de la taxe de vente sur les cosmétiques dans les cas suivants :

50(5)      Notwithstanding anything in subsection (1), the consumption or sales tax shall not be payable on goods.

     ...

             (g) sold to or imported by a person described in paragraph (d) of the definition "manufacturer or producer" in subsection 2(1) who is a licensed manufacturer under this Act, if the goods are cosmetics;
50(5)      Par dérogation au paragraphe (1), la taxe de consommation ou de vente n'est pas exigible sur les marchandises suivantes:

     ...

             g) celles vendues ou importées par une personne visée à l'alinéa d) de la définition de "fabricant ou producteur" au paragraphe 2(1) qui est un fabricant titulaire de licence sous le régime de la présente loi, si elles sont des cosmétiques.

[42]      Selon les définitions énoncées au paragraphe 2(1) de la Loi, les "cosmétiques" comprennent les shampoings et les préparations similaires. De plus, au paragraphe 2(1) de la Loi , les mots "fabricant ou producteur" sont définis comme suit :

     "manufacturer or producer" includes     

     ...

         (d) any person who sells, otherwise than in a retail store exclusively and directly to consumers, cosmetics that were not manufactured by him in Canada, other than a person who sells those cosmetics exclusively and directly to hairstylists, cosmeticians and other similar users for use in the provision of personal grooming services and not for resale,

     ...

         (f) any person who, by himself or through another person acting for him, prepares goods for sale by assembling, blending, mixing, cutting to size, diluting, bottling, packaging or repackaging the goods or by applying coatings or finishes to the goods, other than a person who so prepares goods in a retail store for sale in that store exclusively and directly to consumers.     
     "fabricant ou producteur" y sont assimilés :     

     ...

         d) toute personne qui vend, autrement que dans un magasin de détail exclusivement et directement aux consommateurs, des cosmétiques qui n'ont pas été fabriqués par elle au Canada, à l'exclusion d'une personne qui vend ces cosmétiques exclusivement et directement aux coiffeurs, esthéticiens et autres usagers semblables pour utilisation lors de l'administration de soins personnels et non pour la revente;     

     ...

         f) toute personne qui, y compris par l'intermédiaire d'une autre personne agissant pour le compte de celle-ci, prépare des marchandises pour la vente, notamment en les assemblant, fusionnant, mélangeant, coupant sur mesure, diluant, embouteillant, emballant ou remballant, à l'exclusion d'une personne qui prépare ainsi des marchandises dans un magasin de détail afin de les y vendre exclusivement et directement aux consommateurs.     

[43]      Compte tenu des définitions des mots "fabricant ou producteur" du paragraphe 2(1) de la Loi , J.P.L. était un fabricant visé par l'alinéa f) et ses distributeurs étaient des fabricants visés à l'alinéa d).

[44]      Un examen des dispositions applicables de la Loi permet de confirmer que l'obligation de payer la taxe de vente fédérale sur les shampoings et autres produits fabriqués par J.P.L. incombait aux distributeurs de celle-ci, qui étaient assimilés à des fabricants aux termes de l'alinéa 2(1)d) de la Loi. Effectivement, selon l'alinéa 50(5)g) de la Loi, J.P.L. n'était pas tenue de payer la taxe de vente fédérale sur la vente de ses produits à ses distributeurs.

iii)      Effets d'une entente conclue entre Revenu Canada et les participants de l'industrie

[45]      La question à trancher dans le cadre de la présente instruction concerne donc les conséquences de l'entente que les participants de l'industrie de la beauté ont conclue avec Revenu Canada au sujet de la méthode subsidiaire de calcul de la taxe quant à l'exemption dont J.P.L. bénéficiait aux termes de l'alinéa 50(5)g) de la Loi relativement au paiement de la taxe de vente fédérale sur les ventes de ses produits à ses distributeurs.

[46]      Dans l'arrêt Jack Herdman Limited c. Ministre du Revenu national (no 1) (1983), D.T.C. 5274 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a examiné la question des conséquences d'une entente conclue avec l'industrie sur l'obligation d'une partie de payer les taxes. Dans cette affaire, la demanderesse Jack Herdman Limited ("Herdman") était un distributeur de mazout. En 1974, elle s'est renseignée auprès de Revenu Canada quant à sa responsabilité à l'égard de la taxe de vente fédérale et, à la demande du ministère, elle a demandé et obtenu un permis de fabricant. Par la suite, elle a déposé des rapports portant la mention "néant", étant donné que la seule fabrication qu'elle faisait se limitait au mélange des combustibles avec du mazout pendant les mois d'hiver. Revenu Canada a finalement dit à Herdman qu'elle était tenue de payer la taxe de vente fédérale à compter de la date à laquelle elle avait obtenu son permis. Herdman a payé les taxes suivant les directives de Revenu Canada. En 1980, Herdman a été vendue et a appris que, selon les dispositions de la Loi , les ventes de mazout qu'elle avait faites n'étaient pas assujetties à la taxe de vente fédérale. Elle a demandé un remboursement aux termes du paragraphe 44(1) de la Loi (aujourd'hui l'article 68), soutenant qu'elle avait payé la taxe par erreur. Revenu Canada a refusé la demande de remboursement, soulignant en partie que l'industrie pétrolière avait convenu que les distributeurs comme Herdman verseraient certaines taxes, même s'ils n'en étaient pas légalement redevables.

[47]      Au cours de son analyse des conséquences d'une entente conclue avec l'industrie, le juge en chef Thurlow s'est exprimé comme suit :

     En l'espèce, les motifs donnés dans les lettres refusant les remises sont à mon avis insoutenables. Ils ne tiennent pas compte du fait que les montants réclamés ont été payés par erreur par une personne qui n'était pas tenue de les payer et qui a été incitée à les payer par suite des affirmations du Ministère selon lesquelles elle était comptable de ces montants envers la Couronne. Les motifs donnés dans la lettre adressée à Price Waterhouse sont également insoutenables. L'entente conclue par le Ministère avec "l'industrie pétrolière" dont la requérante ne semble pas avoir été au courant, en vertu de laquelle le Ministère ne tiendrait pas compte des dispositions de la Loi et percevrait la taxe des distributeurs qui n'étaient pas tenus au paiement de la taxe en vertu de la Loi pourrait difficilement constituer un motif pour garder l'argent de la requérante.         
     Le Ministère, qui a demandé et a soutiré le paiement de la taxe à la requérante, ne peut pas non plus dire que le fait que le paiement a été effectué par quelqu'un qui n'était pas légalement comptable de la taxe ne modifie pas la situation du point de vue du Ministère. On n'a jamais fait comprendre à la requérante qu'elle était tenue de payer la taxe pour le compte de son fournisseur ou quelqu'un d'autre qu'elle-même. De plus, ce qui pourrait résulter entre le fournisseur et la requérante si la taxe devait maintenant être imposée au fournisseur, outre le fait d'entraîner des suppositions, ne constitue pas une affaire entre le Ministère et la requérante. De plus, à mon avis, sauf en ce qui a trait au mazout que la requérante a mélangé, rien dans toute l'affaire ne pourrait justifier l'exaction illégale du Ministère à l'égard de la requérante relativement à la taxe du montant en question ou le refus de remettre à la requérante ce qui lui avait été soutiré de façon illégale.         

[48]      Le juge LeDain et le juge Clément, juge suppléant, ont rédigé des motifs de jugement concourants.

[49]      À mon avis, l'analyse du juge en chef Thurlow s'applique directement à la situation de la présente affaire, où l'industrie de la beauté a conclu avec Revenu Canada une entente visant à modifier la responsabilité prévue par la Loi en ce qui a trait au paiement de la taxe de vente fédérale. De plus, J.P.L. n'était nullement au courant de l'existence de l'entente en question et était convaincue, d'après l'avis qu'elle avait reçu des fonctionnaires de Revenu Canada, qu'elle devait payer la taxe de vente fédérale. Dans les circonstances, j'estime que J.P.L. n'était pas tenue, que ce soit en droit ou autrement, de payer la taxe de vente fédérale en question et qu'elle a payé ladite taxe par erreur au sens de l'article 68 de la Loi.

iv)      Montant du remboursement

[50]      En raison d'un point qui a été soulevé au cours de l'instruction, il importe maintenant d'examiner la question du montant à rembourser à J.P.L.

[51]      Au début de la présentation de sa cause, l'avocat de la demanderesse a versé au dossier certaines admissions tirées de l'interrogatoire préalable de la défenderesse, notamment une admission selon laquelle le montant de la taxe de vente fédérale versé par J.P.L. n'était pas contesté. Plus précisément, il a versé au dossier deux extraits de l'interrogatoire préalable mené près de quatre ans plus tôt, au cours duquel l'avocat de la défenderesse avait admis expressément et sans équivoque que le montant de la taxe de vente fédérale que J.P.L. avait versé n'était pas contesté. L'avocat de la défenderesse n'a soulevé aucune objection lorsque cette admission a été versée au dossier à chacune de ces occasions et la demanderesse a ensuite présenté sa preuve à l'instruction.

[52]      Après la présentation de la preuve de la demanderesse, l'avocat de la défenderesse a tenté, au cours de ses remarques préliminaires, de retirer l'admission concernant le montant de la taxe. Il a précisé qu'il serait tenu de présenter une preuve afin d'expliquer les admissions qu'il avait formulées au nom de la défenderesse au cours de l'interrogatoire préalable. L'avocat de la demanderesse s'est vivement opposé à ce que la défenderesse retire l'admission, soutenant qu'il avait préparé et présenté sa cause en présumant que le montant des taxes dont le remboursement était réclamé dans la déclaration n'était pas contesté. J'ai alors fait remarquer que la question du montant serait pertinente uniquement si la demanderesse avait gain de cause dans l'action. Dans les circonstances, les avocats ont convenu de poursuivre la cause, sous réserve du réexamen de l'objection concernant l'admission de la preuve, si c'était nécessaire.

[53]      À la fin des plaidoiries, j'ai soulevé la question de la demande que l'avocat de la défenderesse avait formulée en vue d'obtenir l'autorisation de retirer l'admission concernant le montant des taxes. Après avoir entendu d'autres arguments des avocats sur ce point, j'ai indiqué que je n'avais pas besoin d'entendre d'autres témoignages que l'avocat de la défenderesse pourrait présenter.

[54]      Même si je présumais que l'avocat de la défenderesse a fait l'admission attaquée sans autorisation ou par erreur, j'ai décidé, dans le cadre de l'exercice de mon pouvoir discrétionnaire, qu'il ne conviendrait pas de lui permettre de retirer cette admission, qu'il a formulée près de quatre ans plus tôt, car ce retrait à ce stade avancé de l'instance nuirait considérablement à la demanderesse. De plus, en 1991, J.P.L. a remis à un vérificateur de Revenu Canada tous les documents au soutien de sa demande de remboursement de la taxe de vente fédérale. Étant donné que la défenderesse a eu en main les renseignements pertinents pendant sept ans, elle ne peut soutenir qu'elle n'a pu procéder à la vérification en temps opportun. Pour ces motifs, la demande de l'avocat de la défenderesse en vue d'obtenir l'autorisation de retirer son admission est refusée.

DÉCISION

[55]      L'appel est accueilli avec dépens et la décision du Tribunal canadien du commerce extérieur en date du 31 août 1994 est annulée. La demanderesse a droit à un remboursement de la taxe de vente fédérale selon le montant de 1 140 586,10 $ qu'elle a réclamé dans sa demande de remboursement datée du 1er décembre 1990 ainsi qu'aux intérêts calculés depuis le soixantième jour suivant le 1er décembre 1990.

                             Donna C. McGillis

                                     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 26 février 1998

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-3038-94

INTITULÉ DE LA CAUSE :          J.P.L. International Diffusion Inc. c. La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          9 février 1998

MOTIFS DU JUGEMENT DE :          Madame le juge McGillis

EN DATE DU :              26 février 1998

ONT COMPARU :

                     M e Robert Taylor

                     M e Paul Hawa

                                 POUR LA DEMANDERESSE

                     M e Stéphane Lilkoff

                                 POUR LA DÉFENDERESSE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

                     Gardiner, Roberts

                     Toronto (Ontario)

                                 POUR LA DEMANDERESSE

                     M e George Thomson

                     Sous-procureur général

                     du Canada

                     Ottawa (Ontario)

                                 POUR LA DÉFENDERESSE

__________________

     1 Compte tenu de l'alinéa 2(1)d ) de la Loi, un distributeur qui vend des produits de soins pour cheveux à un salon de beauté à des fins de revente au détail aux consommateurs est assimilé à "un fabricant ou producteur" aux fins de la Loi .

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