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                                                                                                                                 Date : 19980220

                                                                                                                           Dossier : T-1448-97

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

             AFFAIRE INTÉRESSANT UN RENVOI À L'ARBITRAGE FONDÉ SUR LA

              PARTIE III DE LA SECTION XIV DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL,

                                                           L.R.C. (1985), CH. L-1

                                                                             et

                UNE PLAINTE DE CONGÉDIEMENT INJUSTE DÉPOSÉE EN VERTU

                           DE L'ARTICLE 242 DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL.

ENTRE

                                                             NOLAN ACKMAN,

                                                                                                                                           requérant,

                                                                             et

                                                   L'ARBITRE ALLEN W. YOST,

             (désigné à titre d'arbitre en vertu de l'article 242 du Code canadien du travail),

                                                    LE MINISTRE DU TRAVAIL

                                             et Portage-Delta Broadcasting Co. Ltd.,

                                                                                                                                               intimés.

                                                                ORDONNANCE

            Pour les motifs ci-joints, la demande du requérant est rejetée. Les dépens ne sont pas adjugés.

                Douglas H. Campbell        

            Juge

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.


                                                                                                                                 Date : 19980220

                                                                                                                           Dossier : T-1448-97

             AFFAIRE INTÉRESSANT UN RENVOI À L'ARBITRAGE FONDÉ SUR LA

              PARTIE III DE LA SECTION XIV DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL,

                                                           L.R.C. (1985), CH. L-1

                                                                             et

                UNE PLAINTE DE CONGÉDIEMENT INJUSTE DÉPOSÉE EN VERTU

                           DE L'ARTICLE 242 DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL.

ENTRE

                                                             NOLAN ACKMAN,

                                                                                                                                           requérant,

                                                                             et

                                                   L'ARBITRE ALLEN W. YOST,

             (désigné à titre d'arbitre en vertu de l'article 242 du Code canadien du travail),

                                                    LE MINISTRE DU TRAVAIL

                                             et Portage-Delta Broadcasting Co. Ltd.,

                                                                                                                                               intimés.

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE CAMPBELL

1           Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle Allen W. Yost, arbitre désigné conformément à l'article 242 du Code canadien du travail, (l'arbitre) a conclu le 30 mai 1997 que le congédiement de Nolan Ackman (le requérant) par CFRY Radio, Portage-Delta Broadcasting Co. Ltd., (CFRY) n'était pas injuste.

2           Dans sa demande de contrôle judiciaire, le requérant a invoqué douze motifs qui disent essentiellement que l'arbitre a agi sans compétence ou a outre passé sa compétence, ou encore qu'il a commis une erreur de droit en omettant d'exercer sa compétence lorsqu'il a conclu que le congédiement n'était pas injuste. Le requérant demande donc que l'ordonnance soit annulée ou infirmée et que l'affaire soit renvoyée à un autre arbitre pour nouvelle audition.

A. Faits sur lesquels l'arbitre s'est fondé dans sa décision

3           J'ai résumé les faits en me fondant sur l'affidavit du requérant, sur la décision de l'arbitre et sur les pièces qui ont été produites à l'audience.

4           Le requérant a été embauché par CFRY à titre de directeur des nouvelles et des sports en septembre 1988. Il avait alors sept années d'expérience à ce titre. La station de radiodiffusion CFRY est située à Portage la Prairie, où le requérant habitait. Au moment où le requérant a été embauché, on lui a dit que son emploi exigeait qu'il habite à Portage la Prairie. Le requérant était chargé de veiller à ce que les nouvelles locales, les sports, les questions concernant le conseil municipal et tout autre événement méritant d'être signalé qui s'était produit pendant la journée soient relatés. Il supervisait deux autres personnes au sein du service des nouvelles, il assignait les reportages et il examinait le rendement de ces personnes. Son salaire de départ était de 1 875 $ par mois.

5           Au moment de l'embauchage, Bob Turner (M. Turner) était directeur de la programmation et superviseur du requérant. Le 11 mai 1989, le requérant a reçu une note de service dans laquelle M. Turner critiquait son rendement sur les ondes et lui demandait de se conformer à certaines règles à l'égard de la façon dont il lisait les nouvelles.

6           En mai 1989, le salaire du requérant a été porté à 1 975 $ par mois.

7           En 1990, Mme Edmondson (Mme Edmondson) a remplacé M. Turner à titre de directrice de la programmation. Selon la preuve, un conflit de personnalités a pris naissance entre le requérant et Mme Edmondson.

8           En février 1991, le salaire du requérant a été porté à 2 075 $ par mois. Le requérant a supposé que les augmentations de salaire montraient que son rendement était bon.

9           Le 15 février 1994, Mme Edmondson et le directeur de CFRY, M. Hughes (M. Hughes), ont remis au requérant une note de service dans laquelle ils exprimaient leurs préoccupations au sujet de son rendement au travail; ils ont rencontré le requérant en vue de discuter de la chose. Le requérant a été informé que son rendement serait surveillé de près au cours des dix semaines suivantes et qu'il serait suspendu pour une semaine si leurs inquiétudes n'étaient pas apaisées. Les 8 et 23 mars 1994, le requérant a reçu des notes de services dans lesquelles d'autres questions étaient soulevées au sujet de son rendement. Le 28 mars 1994, le requérant n'a pas assisté à un événement local auquel il avait été affecté et il a omis de faire un compte rendu approprié.

10         À la fin du mois d'avril 1994, Mme Edmondson et M. Hughes estimaient que le rendement du requérant ne s'était pas suffisamment amélioré. On a rappelé au requérant que son rendement sur les ondes devait s'améliorer; le requérant a été rétrogradé au poste de lecteur des nouvelles du matin, et son salaire mensuel a été réduit à 1 900 $. L'ancien lecteur des nouvelles du matin, M. Gordon (M. Gordon), a été promu au poste de directeur des nouvelles et des sports. Le requérant travaillait de 5 h 30 à 12 h 30 et il était notamment chargé de diffuser les nouvelles du matin et de rendre compte des réunions du conseil municipal, qui avaient lieu toutes les deux semaines et qui commençaient à 17 h.

11         Le requérant n'a pas voulu assurer le compte rendu des réunions du conseil municipal parce qu'il devait attendre jusque vers 17 h pour le faire. L'ancien lecteur des nouvelles du matin n'était pas obligé de rendre compte de ces réunions, mais lorsque l'heure des réunions est passée de 20 h à 17 h, Mme Edmondson a jugé qu'il n'était pas déraisonnable pour le requérant d'en assurer le compte rendu. On a encouragé le requérant à enregistrer toutes les heures supplémentaires travaillées de façon qu'il soit rémunéré en conséquence.

12         M. Gordon était tenu de vérifier le rendement sur les ondes du requérant. Il a envoyé au requérant diverses notes de service datées des 25 et 26 mai, du 23 septembre et du 4 octobre 1994, dans lesquelles étaient énoncées les améliorations que celui-ci devait apporter à son rendement. Le 12 octobre 1994, Mme Edmondson a rencontré le requérant et lui a remis une note de service dans laquelle elle exprimait son mécontentement au sujet de l'attitude de celui-ci ainsi que de la qualité de son travail et de la quantité de travail accompli.

13         M. Gordon s'est marié; il voulait s'installer à Winnipeg. La ville de Portage la Prairie est située à environ une heure et demie de Winnipeg. En octobre 1994, M. Hughes et Mme Edmondson ont décidé que si M. Gordon s'installait à Winnipeg, cela nuirait au travail qu'il effectuait à titre de directeur des nouvelles et des sports et M. Gordon a démissionné. Il a été remplacé par M. Henley (M. Henley).

14         En juin 1994, le requérant s'est installé à Winnipeg avec sa nouvelle femme.

15         En janvier 1995, CFRY a décidé d'augmenter le nombre de comptes rendus des réunions du conseil municipal. Le requérant devait désormais assister aux réunions qui avaient lieu une semaine avant les réunions du conseil elles-mêmes. Le requérant a informé Mme Edmondson et M. Henley que le fait d'avoir à rendre compte des deux séries de réunions ne lui plaisait pas.

16         Le 3 janvier 1995, le requérant n'a pas assisté à une réunion du conseil municipal à cause d'une panne de voiture et il n'a pas pu se rendre de Winnipeg à Portage la Prairie. Le 31 janvier 1995, M. Hughes a remis au requérant une note de service lui rappelant que, dans le cadre de ses conditions d'emploi, il devait rendre compte des réunions du conseil municipal.

17         Le 21 mars 1995, M. Hughes et Mme Edmondson ont de nouveau rencontré le requérant pour discuter de diverses questions et notamment de son rendement sur les ondes; ils l'ont informé qu'il serait suspendu si son rendement ne s'améliorait pas.

18         Le 6 novembre 1995, le requérant a omis d'assister à une autre réunion du conseil municipal. Il a menti et il a dit qu'il y avait assisté, mais il a par la suite été découvert qu'il ne s'était pas présenté à la réunion, mais qu'il avait plutôt communiqué avec le maire par téléphone pour obtenir un compte rendu de la réunion en disant qu'il avait un rendez-vous chez le dentiste et qu'il ne pouvait pas assister à la réunion. Le requérant a fait son reportage par téléphone. M. Hughes a suspendu le requérant pour une semaine. Le requérant a par la suite glissé sous la porte de M. Hughes une note dans laquelle il s'excusait d'avoir menti et disait que, le 6 novembre, il avait été obligé d'accompagner sa femme, qui était enceinte, chez le médecin. Le requérant a dit qu'il ne voulait pas demander à prendre congé étant donné que, par le passé, pareilles demandes avaient été rejetées.

19         Bien qu'il ait lu de nombreux bulletins météorologiques signalant une grosse tempête de neige imminente, le requérant s'est rendu en voiture à Winnipeg l'après-midi du 4 décembre 1995. À cause de la tempête, il n'a pas pu se rendre à son travail le lendemain matin. Le 6 décembre 1995, M. Hughes a remis au requérant une note de service (pièce 10) qui se lisait comme suit :

[TRADUCTION]

La présente vise à résumer les discussions qui ont eu lieu à ce jour : il est noté que, parce que les routes étaient fermées, tu n'as pas pu être à ton poste pour les nouvelles du matin le mardi 5 décembre. Pendant toute la journée du lundi, on a annoncé qu'il y aurait une grosse tempête en Saskatchewan, la tempête devant atteindre le Manitoba le lundi soir. Apparemment, tu as décidé de ne pas tenir compte des prévisions et des avertissements et tu es retourné à Winnipeg.

Or, le public compte énormément sur la radio lorsqu'il y a une tempête. Il veut se renseigner sur la fermeture des écoles, sur l'état des routes et sur d'autres questions du même genre.

Somme toute [...], la station de radiodiffusion est située à Portage la Prairie et c'est là où il faut travailler. On s'attend à ce que tu sois ici. Si, à un moment donné dans l'avenir, tu omets de nouveau de te présenter au travail pour une raison liée au fait que tu dois faire la navette entre ton lieu de résidence et Portage la Prairie, il sera mis fin à ton emploi.

Si tu as des questions, n'hésite pas à les poser.

20         Le 18 mars 1996, le requérant a assisté à une réunion du conseil municipal, mais il s'est rendu chez lui en voiture à Winnipeg, sans déposer son reportage à la station. Le lendemain matin, la voiture ne démarrait pas. Le requérant a appelé Mme Edmondson pour lui dire qu'il ne se présenterait pas au travail; il n'a pas essayé de trouver une autre façon de se rendre à son travail. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il n'avait pas fait un compte rendu au sujet de la réunion du conseil municipal, il a répondu qu'il n'y avait rien à relater, et ce, même si d'autres avaient fait des reportages à ce sujet.

21         Le 20 mars 1996, on a mis fin à l'emploi du requérant en lui donnant un préavis de deux semaines.

22         Le 3 avril 1996, le requérant a déposé une plainte de congédiement injuste auprès de Développement des ressources humaines Canada en alléguant qu'il avait été mis fin à l'emploi qu'il exerçait à CFRY Radio parce qu'il habitait à Winnipeg.

23         Le 10 avril 1996, un agent des affaires du travail à Développement des ressources humaines Canada a envoyé à CFRY une lettre dans laquelle il demandait pourquoi le requérant avait été congédié.

24         Le 23 avril 1996, CFRY a répondu en niant qu'il avait été mis fin à l'emploi du requérant parce qu'il habitait à Winnipeg et en disant qu'il avait plutôt été mis fin à son emploi pour le motif que le fait que le requérant devait se déplacer depuis Winnipeg n'était pas une raison valable de ne pas se présenter au travail et qu'il s'était absenté de son travail le 6 novembre et le 5 décembre 1995 ainsi que le 19 mars 1996.

25         Après avoir été informé de la façon dont CFRY avait répondu à sa plainte, le requérant a demandé qu'un arbitre soit désigné pour entendre l'affaire et celle-ci a été entendue le 1er août 1996.

B. Procédure d'examen du congédiement du requérant

26         En vertu de l'article 240 du Code canadien du travail, la personne qui estime avoir été injustement congédiée peut déposer une plainte devant un inspecteur en vertu du Code.

27         Conformément au paragraphe 241(2), l'inspecteur s'efforce de concilier les parties. Le paragraphe 241(3) prévoit que si la conciliation n'aboutit pas, l'inspecteur, sur demande de l'employé, fait rapport au ministre de l'échec de son intervention et transmet au ministre tous les documents relatifs à la plainte.

28         En vertu du paragraphe 242(1), le ministre peut désigner un arbitre pour entendre et trancher l'affaire. En vertu du paragraphe 242(3), l'arbitre décide si le congédiement était injuste. En vertu du paragraphe 242(4), l'arbitre peut, par ordonnance, enjoindre à l'employeur de payer à l'employé une indemnité et de le réintégrer ou prendre toute autre mesure de nature à contrebalancer les effets du congédiement.

29         Les paragraphes 243(1) et (2) du Code canadien du travail renferment la clause privative suivante :

243. (1) Les ordonnances de l'arbitre désigné en vertu du paragraphe 242(1) sont définitives et non susceptibles de recours judiciaires.

     (2) Il n'est admis aucun recours ou décision judiciaire - notamment par voie d'injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto - visant à contester, réviser, empêcher ou limiter l'action d'un arbitre exercée dans le cadre de l'article 242.

30         En ce qui concerne la clause privative, dans la décision Air Canada v. Norman J. Davis[1], le juge Muldoon a examiné la norme de révision applicable au contrôle judiciaire de la décision d'un arbitre désigné conformément au Code canadien du travail. Il a conclu que, selon la norme de révision applicable aux erreurs commises par l'arbitre dans l'exercice de sa compétence, la décision doit être manifestement déraisonnable alors que, selon la norme applicable à la question de la compétence, il s'agit de savoir si la décision est correcte.

31         Une décision est manifestement déraisonnable si elle est clairement irrationnelle et si elle n'est pas conforme à la raison[2].

C. La décision de l'arbitre

32         La décision se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Je ne puis souscrire à l'avis selon lequel M. Ackman a été congédié parce qu'il habitait à Winnipeg, tel qu'il est allégué dans la plainte. Je crois comprendre qu'au départ, l'une des conditions d'emploi prévoyait qu'il devait habiter à Portage la Prairie, mais que la situation avait changé en juin 1994, ou que l'employeur avait consenti à ce qu'il s'installe à Winnipeg. D'autre part, dans sa lettre du 6 décembre 1995, l'employeur a précisé qu'il s'attendait à ce que M. Ackman se présente au travail et qu'il estimait que celui-ci assumait la responsabilité que comportait toute probabilité plus grande qu'il ne puisse se présenter au travail du fait qu'il avait décidé de s'installer en dehors de la ville de Portage la Prairie. Puis, l'employeur allait encore plus loin dans sa lettre en avertissant expressément M. Ackman que s'il s'absentait de son travail pour cette raison, il serait congédié.

Malgré l'avertissement que son employeur lui avait donné, rien ne montre que, le 19 mars 1996, M. Ackman ait eu un plan ou qu'il se soit efforcé de se rendre à son travail, après avoir essayé de faire démarrer sa voiture. Je reconnais qu'il avait une bonne raison de croire qu'étant donné qu'elle venait d'être réparée, la voiture fonctionnerait bien. Toutefois, compte tenu des circonstances, je crois qu'il est possible de maintenir au départ qu'il aurait néanmoins dû prévoir d'autres modes de transport. Je ne veux pas atténuer la portée générale des remarques que je viens de faire, mais il aurait notamment pu prendre un taxi pour se rendre à son travail s'il n'avait pas de parents ou d'amis à qui il pouvait emprunter une voiture ou qui pouvaient le conduire à son travail. Je ne crois pas qu'il ait donné à son employeur une explication raisonnable de son absence. Je conclus donc que l'employeur était en droit de lui imposer une mesure disciplinaire pour le motif qu'il s'était absenté de son travail.

Cela étant, nous n'avons pas à nous demander si, en affirmant qu'il n'y avait pas de compte rendu à faire qui n'ait pas déjà été fait, M. Ackman a répondu d'une façon adéquate à la préoccupation de l'employeur, à savoir qu'il n'avait pas déposé de reportage au sujet de la réunion du comité qui avait eu lieu la veille. Je remarque que dans sa lettre du 6 mai 1996, Mme Hickman ne fait pas mention du fait que M. Ackman avait fait cette assertion en réponse aux motifs pour lesquels M. Hughes avait mis fin à son emploi. Quoi qu'il en soit, M. Ackman aurait dû informer l'employeur qu'à son avis, il n'y avait pas de compte rendu à faire qui n'ait pas déjà été fait.

L'examen de la façon dont l'employeur a traité les incidents qui ont précédé la suspension du mois de novembre 1995 m'amène à conclure que la prétention selon laquelle on faisait campagne pour mettre fin à l'emploi de M. Ackman n'est pas étayée. Je n'ai pas eu l'avantage d'entendre le témoignage de Mme Edmondson au sujet de l'incident relatif à la cassette remise par M. Ackman, mais dans l'ensemble il semble que Mme Edmondson et M. Hughes étaient de bonne foi lorsqu'ils ont tenté de régler les problèmes que posait, selon eux, le rendement de M. Ackman. Le poste de M. Ackman était fractionné du fait qu'on avait assigné à celui-ci la responsabilité des reportages concernant les réunions du conseil municipal et des comités, mais l'employeur a clairement répété à maintes reprises qu'il ne voulait pas que M. Ackman travaille en moyenne plus de 40 heures par semaine et que si le nombre d'heures travaillées excédait ce chiffre, il voulait être mis au courant de la chose.

En décidant de congédier M. Ackman, l'employeur a tenu compte des absences de celui-ci, le 6 novembre et le 5 décembre 1995. En ce qui concerne les mesures correctives, il était allé jusqu'à imposer une suspension à l'égard de l'absence du mois de novembre. Dans sa note du 29 novembre 1995, M. Ackman n'a pas contesté le caractère équitable de la suspension.

À la suite de l'absence du mois de décembre, l'employeur avait décidé de ne pas imposer une autre suspension à M. Ackman ou de ne pas le congédier, mais dans sa note de service du 6 décembre 1995, il avait clairement fait connaître sa position. Il a donné à M. Ackman un avertissement final clair et non équivoque.

Je conclus que, dans ces conditions, il était raisonnable pour l'employeur de conclure que toute mesure autre que le congédiement ne réglerait pas le problème et que la relation employeur-employé n'était plus viable. Par conséquent, je conclus que M. Ackman n'a pas fait l'objet d'un congédiement injuste.

D. Plaidoiries

33         À l'audience, le requérant a mis à juste titre l'accent sur deux points. En premier lieu, il a affirmé que l'arbitre avait commis une erreur influant sur sa compétence parce qu'il avait tenu compte d'allégations défavorables au sujet de son rendement, et que ces allégations n'avaient pas été mentionnées dans la lettre que CFRY avait envoyée en réponse à la plainte, en violation du paragraphe 241(1) du Code canadien du travail, qui se lit comme suit :

241. (1) La personne congédiée visée au paragraphe 240(1) ou tout inspecteur peut demander par écrit à l'employeur de lui faire connaître les motifs du congédiement; le cas échéant, l'employeur est tenu de lui fournir une déclaration écrite à cet effet dans les quinze jours qui suivent la demande.

34         En second lieu, il a été soutenu qu'en reconnaissant l'effet restreint de la clause privative, l'arbitre avait rendu une décision manifestement déraisonnable, compte tenu des circonstances dans lesquelles le requérant s'était absenté le 5 décembre et le 19 mars 1995, ces absences étant des « cas de force majeure » auxquels le requérant ne pouvait rien, en effet, l'arbitre avait omis de conclure que les absences étaient justifiées, de sorte que le congédiement était injuste.

35         L'intimé soutient que la politique de l'employeur concernant les conditions d'emploi peut devenir une condition implicite du contrat de travail et qu'un manquement à pareille condition peut justifier le congédiement. Il soutient qu'à cet égard, l'arbitre a eu raison de conclure qu'il existait dans le contrat une condition implicite voulant que si le requérant décidait d'habiter en dehors de Portage la Prairie, il incombait à lui seul de ne pas s'absenter de son travail pour des raisons liées au fait qu'il devait faire la navette entre sa résidence et son lieu de travail et que, s'il s'absentait, il serait mis fin à son emploi.

E. Analyse

            1. L'arbitre a-t-il commis une erreur quant à sa compétence?

36         Le requérant soutient que pour répondre à cette question par l'affirmative, il faut considérer que CFRY et l'arbitre sont liés par les renseignements fournis dans la lettre du 23 avril 1996, donnée en réponse à l'enquête menée par l'agent des affaires du travail et qu'ils n'avaient pas le droit de se fonder sur des renseignements additionnels au sujet de ses antécédents professionnels ou de soumettre pareils renseignements.

37         La proposition générale se rapportant à cette assertion est énoncée dans l'ouvrage de M. Norman Grosman, intitulé Federal Employment Law in Canada (Toronto: Carswell, 1990), où l'auteur dit ceci :

[TRADUCTION]

Par conséquent, la règle générale qui semble avoir été universellement reconnue et acceptée par les arbitres est que l'employeur doit s'en tenir à l'audience en ce qui concerne les motifs de congédiement de l'employé, aux questions soulevées dans la lettre qu'il a envoyée en réponse à l'inspecteur de Travail Canada.

38         L'intimé répond à cette question par la négative en invoquant la « doctrine de l'incident déterminant » , qui est décrite au complet dans Brown & Beatty, Canadian Labour Arbitration, 3e édition, aux pages 7-166 à 7-179[3].

39         Je conclus que le fait de retenir la « doctrine de l'incident déterminant » , en tant qu'exception à la règle générale mentionnée par le requérant, ne constitue pas une erreur. Je conclus également que les motifs que l'arbitre a énoncés montrent clairement qu'il a appliqué ce principe juridique correctement. À mon avis, une fois que l'arbitre avait conclu qu'il existait des motifs justifiant l'imposition d'une mesure disciplinaire, il lui était certainement loisible d'examiner le dossier au complet à l'égard du mauvais rendement en vue de pouvoir déterminer si la mesure prise par l'employeur était injuste. À mon avis, l'arbitre n'a commis aucune erreur en concluant que la mesure n'était pas injuste.

40         Par conséquent, en ce qui concerne la question de savoir si l'arbitre a outrepassé sa compétence, je ne puis dire que son appréciation des circonstances dans lesquelles s'inscrivait le congédiement du requérant était incorrecte et, par conséquent, je conclus qu'il n'a commis aucune erreur quant à sa compétence.

            2. La conclusion tirée par l'arbitre était-elle manifestement déraisonnable?

41         À mon avis, il existe bon nombre d'éléments de preuve dans le dossier à l'appui de la conclusion de l'arbitre selon laquelle M. Ackman n'a pas fait l'objet d'un congédiement injuste, et je ne puis qualifier cette décision de décision « clairement irrationnelle et non conforme à la raison » . Je ne puis donc pas conclure que la conclusion tirée par l'arbitre était manifestement déraisonnable.

42         Par conséquent, je rejette la demande du requérant. Je n'adjugerai pas les dépens étant donné qu'à mon avis, il n'existe aucune raison spéciale de le faire.

                Douglas H. Campbell        

            Juge

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                             AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER : T-1448-97

INTITULÉ :NOLAN ACKMAN

c.

L'ARBITRE ALLEN W. YOST,

LE MINISTRE DU TRAVAIL et

PORTAGE-DELTA BROADCASTING CO. LTD.

LIEU DE L'AUDIENCE :WINNIPEG (MANITOBA)

DATE DE L'AUDIENCE :LE 14 JANVIER 1998

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE CAMPBELL EN DATE DU 20 FÉVRIER 1998

ONT COMPARU :

ALEX ARENSON POUR LE REQUÉRANT

BJORN CHRISTIANSENPOUR PORTAGE DELTA BROADCASTING CO. LTD., INTIMÉE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

BROADWAY LAW GROUP POUR LE REQUÉRANT

WINNIPEG (MANITOBA)

CHRISTIANSON & CHRISTIANSONPOUR PORTAGE DELTA BROADCASTING CO.

WINNIPEG (MANITOBA)LTD., INTIMÉE

GEORGE THOMSONPOUR LE MINISTRE DU TRAVAIL, INTIMÉ

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

OTTAWA (ONTARIO)



     [1]Air Canada v. Norman J. Davis, 72 F.T.R. 283.

     [2]Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada[1993] 1 R.C.S. 941 (C.S.C.).

     [3]La doctrine de l'incident déterminant indique les circonstances dans lesquelles il est approprié pour l'employeur de tenir compte des antécédents professionnels de l'employé en matière disciplinaire. Lorsque, conformément à la doctrine, l'employeur peut examiner le dossier disciplinaire de l'employé, cette doctrine est en fait l'inverse de la proposition selon laquelle il est à juste titre possible pour l'arbitre de se fonder sur les antécédents professionnels prolongés et sans tache de l'employé en vue d'atténuer la sanction disciplinaire.

En particulier, la doctrine de l'incident déterminant pose en principe que lorsque l'employé a commis une faute de conduite ou un acte final déterminant à l'égard duquel une sanction disciplinaire peut être imposée, il est tout à fait justifié pour l'employeur de tenir compte des mauvais antécédents ou des antécédents plus ou moins bons de l'employé lorsqu'il décide de la sanction qui est appropriée à l'égard de cet incident final. Comme en droit pénal, les arbitres reconnaissent que les mesures se rapportant à une deuxième, à une troisième ou à une quatrième infraction peuvent être de plus en plus sévères pour chaque infraction subséquente. Dans un sens, la doctrine vise simplement à tenir compte de l'intérêt légitime de l'employeur lorsqu'il s'agit d'être en mesure de mettre fin à l'emploi d'une personne qui, si ce n'était de cette doctrine, pourrait impunément commettre à maintes reprises des infractions aux diverses règles et politiques de la compagnie et d'une façon générale avoir un rendement insatisfaisant sans craindre d'être congédiée, dans la mesure ou elle n'a pas commis d'infraction grave ou encore dans la mesure où elle n'a pas continué à commettre le même genre de faute de conduite. Autrement dit, la doctrine permet à l'employeur de présenter des éléments de preuve au sujet des mauvais antécédents professionnels du fonctionnaire s'estimant lésé afin de justifier la mesure disciplinaire imposée par suite d'une faute de conduite finale qui, à elle seule, ne justifierait peut-être pas la mesure imposée. [...]

L'incident final. Il ressort de la définition de la doctrine que pour pouvoir l'invoquer, l'employeur doit prouver qu'un incident final s'est produit ou qu'une faute de conduite finale a été commise, justifiant l'imposition d'une mesure disciplinaire. Certains soutiennent que, pour que cette condition soit remplie, il faut plus qu'une « infraction minime » , alors que d'autres soutiennent que la condition est remplie et qu'il convient de tenir compte du dossier du fonctionnaire s'estimant lésé, même si l'acte final ne mérite qu'un avertissement écrit. [...]

Le recours au dossier antérieur. À supposer que l'employeur soit en mesure de prouver l'existence d'un incident déterminant, il a été statué qu'il doit également démontrer que les points figurant dans le dossier sur lesquels il se fonde ont été portés à l'attention de l'employé avant de pouvoir les invoquer à l'appui de la mesure imposée. [J'ai omis les notes de bas de page.]

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