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     Date : 1997.12.05

     T-1545-96

E n t r e :

     T-1545-96

     BANDE INDIENNE DE MUSQUEAM et LE CHEF JOSEPH RALPH BECKER,

     BERNIE CAMPBELL, WAYNE SPARROW, LEONA M. SPARROW,

     NOLAN CHARLES, MARY CHARLES, JOHNNA CRAWFORD, GAIL Y. SPARROW,

     MYRTLE McKAY, LARRY GRANT et SA MAJESTÉ LA REINE,

     demandeurs,

     et

     MARY GLASS, HIN F. KO, MABEL W. KO,

     ROY WESTWICK, GWYNETH M. WESTWICK,

     KERRY-LYNNE FERRIS, STEPHEN W. FINDLAY,

     NORAH C. FINDLAY, JERRY JANES, DIANA JANES,

     GREGORY PAPPAS, TASIE PAPPAS, SOLON S. WANG,

     PETER M. LEE, HERBERT M. LEWIS, ALEXANDER KALINOWSKI, KATARINA

     KALIMNOWSKI, JOHN W. WHITEFOOT, SHEILA M. WHITEFOOT, LISBET

     MACKAY, PIERRE DOW, MONA MCKINNON, WONG L. LEE, MAN-LOONG LEE,

     JOHN M. GLAISERMAN,. JUAN L.G. CAM., ELIZABETH C. CAM, EVELYN M.

     MURRAY, WILLIAM T. ZIEMBA, JAMES R. THOMPSON, ANN B. THOMPSON,

     YUM C. LAU, IRENE LAU, JAMES Y.P. KING, TJIN K. TAN, EIJI MURAKAMI,

     MIYAKO MURAKAMI, THOMAS W. F. FUNG, AMY M.L. CHAN, GERTRUDE

     HENNEKEN, HANS T. HENNEKEN, HOWARD G. ISAMN, MARJORIE E. ISMAN,

     STANLEY EVANS, DOROTHY EVANS, KHI YOENG TJIN, WEN-TIEN TAI, JUI-

     HSIANG HUANG, PHYLLIS WEINSTEIN, PATRICIA LAI, WILFRED E. PATTON,

     JEAN M. PATTON, ATTILIO GIRARDI, MARY GIRARDI, IRMA E. BOULTER,

     GEORGE S. BOULTER, JOHN G. CRAGG, OLGA B. CRAGG, HOWARD E.

     CADINHA, ARLENE B. CADINHA, MARIA C. ORMOND, DOUGLAS R. SYRL,

     JUDITH F. EYRL, CHEUNG K. CHOI, CHAN P.K. CHOI, CELIA KAAN, CECIL S.

     C. KAAN., RAMON Y. KAN, HELENA KAN, LESLIE BARA, OTTILIA BARA,

     ALFRED K. LEE, ESTHER K. LEE, DIANA W.C. SUNG, DONALD C. GRAHAM,

     WINNIFRED A. GRAHAM, RONALD J. MACKEE, ALEXANDER H. WONG,

     STELLA L. WONG, EDWARD B. JUYCK, DOROTHY A. HUYCK, FREDERICK S.

     EDY, ELLEN V. EDY, VICTOR H. HILDEBRAND, JOHN E. EGAN, CHI K. CHING,

     SIU Y. CHAN, LAVENDER CHU, FREDERICK CHU, GEORGE E. RUSH, ANNE L.

     RUSH, HERTA J. NEUMANN, CORNELIUS NEUMANN, JAMES A. FORSYTHE,

     DIANE R. FORSYTHE, PETER J. FUNK, ELEZABETH FUNK, ELFRIEDE

     MACHEK, ADELHEID MACHEK, LILLIAN P. TOEWS, HUI C. KEUNG, PATRICIA

     H.K.S. WAH, VADILAL J. MODI, MIRA V. MODI, CHARLES H. SHNIER, ELAINE

     C. SHNIER, AGNES P. C. SHEN, CAROL M. LAU, DENNIS LAU, MARJORIE

     MCCELLAND, ARTHUR NEE, LAURA T. NEE, DONALD W. SCHEIDEMAN,

     KATRHYN M. SCHEIDEMAN, WILLIAM N. KING, ALLAN J. HUNTER, GRACE K.

     HUNTER, GRACE NG, IRVING GLASSNER, NOREEN G. GLASSNER, PRISCILLA

     FRATKIN, NANCY B. BERNER, GREGORY HRYHORCHUK, DARCY L.

     HRYHORCHUK, ARTLEY E. SMITH, BETTY ANN SMITH et LILY R. ENG,

     défendeurs.

     MOTIFS DU JUGEMENT

     [intérêts avant jugement

     sur loyer impayé]

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]      Les demandeurs réclament les intérêts avant jugement accumulés depuis le 8 juin 1995 sur un loyer en souffrance. Les parties n'ont pas réussi à s'entendre sur un juste loyer pour le terme de vingt ans commençant le 8 juin 1995 aux termes des baux applicables. Aux termes des baux en question, la fixation du loyer était confiée à notre Cour et des motifs de jugement fixant ce loyer ont été prononcés le 10 octobre 1997.

[2]      Les baux pertinents stipulent que le loyer est payable chaque année à l'avance. Il n'y a pas de doute que, depuis le 8 juin 1995, les preneurs ont eu la possession du bien-fonds ainsi que l'usage des sommes d'argent payables à titre de juste loyer. Les baux ne renferment aucune stipulation au sujet de l'intérêt à payer pour paiement en retard.

[3]      Les demandeurs réclament l'intérêt avant jugement en vertu de l'article 36 de la Loi sur la Cour fédérale, qui dispose :

         36.(1) Sauf disposition contraire de toute autre loi fédérale, et sous réserve du paragraphe (2), les règles de droit en matière d'intérêt avant jugement qui, dans une province, régissent les rapports entre particuliers, s'appliquent à toute instance devant la Cour et dont le fait générateur est survenu dans cette province.         

Les règles de droit pertinentes de la Colombie-Britannique se trouvent au paragraphe 1(1) de la Court Order Interest Act, R.S.B.C., ch. 79, qui est ainsi libellé :

     [TRADUCTION]         
     1.(1)      Sous réserve de l'article 2, le tribunal doit ajouter à la condamnation pécuniaire un montant d'intérêt calculé sur la somme dont le paiement est ordonné au taux que le tribunal juge acceptable eu égard aux circonstances. Cet intérêt court à compter de la date de la survenance du fait générateur du litige jusqu'à la date du prononcé du jugement.         

[4]      Le jugement qui a été rendu en l'espèce est un jugement déclaratoire qui se rapporte à de l'argent. Il ne s'agit pas d'une condamnation pécuniaire au sens du paragraphe 1(1) de la Court Order Interest Act. La difficulté provient des mots suivants :

     [TRADUCTION]         
     [...] intérêt calculé sur la somme dont le paiement est ordonné [...] à compter de la date de la survenance du fait générateur du litige jusqu'à la date du prononcé du jugement.         

[5]      L'affaire Webb & Knapp (Canada) Ltd. v. Crown Forest Industries Ltd., [1985] B.C.J. No. 1035 portait sur la question de savoir si le paragraphe 1(1) de la Court Order Interest Act s'applique à la décision par laquelle un conseil d'arbitrage avait fixé le loyer annuel qui devait être payé aux termes d'un bail. Le juge Spencer a répondu par la négative à cette question. Au paragraphe 13, il déclare :

     [TRADUCTION]         
     En l'espèce, aucune condamnation pécuniaire n'a été prononcée. Le locataire ne s'est pas rendu coupable non plus d'une conduite répréhensible, étant donné que, tant que les arbitres n'ont pas fixé le juste loyer, personne ne sait combien on devrait payer pour le bail. Personne ne laisse entendre que la Webb & Knapp est coupable d'une conduite répréhensible ou qu'elle a retardé la Couronne, qui essayait de déterminer la valeur locative exacte. Le précédent analogue le plus récent en Ontario est la décision Sapra v. Stollery (précitée). Dans cette décision, il a été jugé que, tant que le loyer augmenté n'est pas fixé par l'arbitre, on ne peut pas prétendre que le montant plus élevé est exigible.         

Voir également les décisions Sapra v. Stollery, (1980), 18 R.P.R. 201, à la page 203 (C.S. Ont. [Haute Cour de Justice] (le juge Maloney), Revenue Properties v. Victoria University, (1993), 101 D.L.R. (4th) 172, à la page 187 (Cour div. Ont.) (le juge Adams) et Shield Properties v. Anglo Overseas Transport Co. Ltd., (1986), 53 P. & C.R. 215, à la page 221 (Haute Cour, Div. Chanc.) (le juge suppléant Wheeler).

[6]      Compte tenu du passage suivant du paragraphe 1(1) de la Court Order Interest Act :

     [TRADUCTION]
     [...] intérêt calculé sur la somme dont le paiement est ordonné [...] à compter de la date de la survenance du fait générateur du litige jusqu'à la date du prononcé du jugement [...]         

il n'y a pas de somme dont le paiement a été ordonné ou de fait générateur donnant lieu au prononcé d'une telle ordonnance. Le jugement qui a été prononcé en l'espèce précise quel est le juste loyer payable pour chacune des vingt années du terme commençant le 8 juin 1995. Avant le prononcé du jugement, le montant du loyer payable annuellement n'était pas connu. Tant qu'il n'était pas fixé, on ne pouvait prétendre que le montant du loyer payable était exigible. Il ne s'agit pas en l'espèce d'une action fondée sur un loyer impayé et d'une ordonnance par laquelle un tribunal condamne au paiement du loyer. Évidemment, si les demandeurs réclament maintenant le loyer et que celui-ci ne leur est pas payé, ils peuvent demander une ordonnance judiciaire, probablement devant la Cour suprême de Colombie-Britannique, en vue d'obtenir le paiement du loyer impayé. C'est le jugement qui serait prononcé à l'issue de cette action qui donnerait lieu à l'ordonnance visée par le paragraphe 1(1) de la Court Order Interest Act.

[7]      Malgré l'équité de la situation qui favorise de toute évidence les demandeurs (les défendeurs ont, depuis le 8 juin 1995, eu l'usage à la fois du bien-fonds loué et de l'argent correspondant au juste loyer), je dois souscrire au point de vue adopté par le juge Spencer dans la décision Webb & Knapp. Le jugement qui a été rendu en l'espèce ne tombe pas sous le coup du paragraphe 1(1) de la Court Order Interest Act et l'article 36 de la Loi sur la Cour fédérale ne confère donc pas à notre Cour le pouvoir de condamner une partie au paiement de l'intérêt avant jugement.

[8]      L'avocat des demandeurs invoque d'autres décisions qui ont été rendues par notre Cour dans des circonstances semblables aux présentes et dans lesquelles l'intérêt avant jugement a été accordé (voir les jugements Rodgers et autre c. Canada, (1993), 74 F.T.R. 164 (C.F. 1re inst.) (le juge Cullen) et Canada c. Meyer, (1995), 105 F.T.R. 139 (C.F. 1re inst.) (le juge Muldoon). Il semble toutefois que la décision Webb & Knapp et les autres précédents que j'ai mentionnés n'ont pas été débattus dans ces affaires. L'avocat des demandeurs cite également l'opinion incidente formulée par le juge Seaton dans l'arrêt Westcoast Transmission Company Limited v. Majestic Wiley Contractors Ltd., (1982), 38 B.C.L.R. 310 (C.A.) à la page 314 :

     [TRADUCTION]         
         Si la question est d'ordre général et qu'elle doit être résolue en tant que question de principe, je favoriserais fortement qu'il soit permis aux arbitres d'accorder des intérêts. Il n'y a selon moi aucune raison valable pour laquelle les arbitres qui se prononcent sur une réclamation ne devraient pas pouvoir accorder une réparation que le juge qui entendrait la même demande serait tenu d'accorder. Celui qui a saisi l'arbitre de sa réclamation serait fortement pénalisé compte tenu des taux d'intérêts élevés qui sont présentement en vigueur. Il n'existe à mon avis aucune raison valable d'empêcher l'arbitre de lui accorder pleine réparation. En matière commerciale, une condamnation pécuniaire qui ne tient pas compte du loyer de l'argent ne rend pas justice aux parties, étant donné qu'elle fait fi de frais qui sont importants pour la plupart des entreprises.         

Les observations du juge Seaton portent sur la situation dans laquelle les arbitres ne sont pas habilités à accorder en matière d'intérêts la réparation qu'un juge pourrait accorder. Or, ce n'est pas le cas en l'espèce. J'abonde toutefois dans le sens du juge Seaton lorsqu'il affirme qu'une condamnation pécuniaire qui, en matière commerciale, ne tient pas compte du loyer de l'argent ne rend pas justice aux parties. Malheureusement, la question qui se pose en l'espèce n'est pas une question d'ordre général qui doit être résolue en tant que question de principe. La Cour n'est pas non plus investie d'un pouvoir discrétionnaire qui lui permettrait d'accorder l'intérêt avant jugement. Si ce pouvoir existait, je l'exercerai en faveur des demandeurs.

[9]      La demande d'intérêt avant jugement doit être rejetée.

     Marshall Rotshtein

                                     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 5 décembre 1997

Traduction certifiée conforme     

                                 François Blais, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  T-1545-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :          Bande indienne de Musqueam et autres
                         et Mary Glass et autres
LIEU DE L'AUDIENCE :              Vancouver (Colombie-Britannique)
DATE DE L'AUDIENCE :          27 novembre 1997

MOTIFS DU JUGEMENT prononcés par le juge Rothstein le 5 décembre 1997

ONT COMPARU :

     Me Barbara J. Curran                  pour les demandeurs
     Me John D. McAlpine, c.r.                  pour les défendeurs
     Me Sheri-Lynn Vigneau

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

     Roberts & Griffin                      pour les demandeurs
     Vancouver (Colombie-Britannique)
     McAlpine & Associates                  pour les défendeurs
     Vancouver (Colombie-Britannique)
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