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Date : 19990408


Dossier : T-1436-92

ENTRE


OLYMPIA INTERIORS LTD. ET MARY DAVID,


demanderesses,


et


SA MAJESTÉ LA REINE,


défenderesse.


MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MacKAY

[1]      Il s"agit d"une action intentée contre la défenderesse, Sa Majesté la Reine du chef du Canada, dans laquelle sont demandés des dommages-intérêts et un jugement déclaratoire fondés sur de présumés délits commis par les préposés de cette dernière et sur la violation des droits garantis aux demanderesses par la Charte canadienne des droits et libertés1 (la Charte).

[2]      Dans le cadre des procédures préparatoires au procès, il a été ordonné que les questions de responsabilité soulevées par l"action des demanderesses soient d"abord entendues. Les présents motifs se rapportent à ces questions. Aucune preuve n"a été présentée au sujet de la question des dommages-intérêts, celle-ci devant être entendue et débattue uniquement si la responsabilité est établie dans la présente instance ou dans un appel interjeté contre ma décision.

[3]      Les demandes découlent de procédures engagées en vertu de la Loi sur la taxe d"accise2 (la Loi), telle qu"elle s"appliquait au début des années 1980, et notamment de mesures prises aux fins de la détermination et de la perception de la taxe qui serait censément due à Sa Majesté, ainsi que des poursuites engagées au criminel contre les demanderesses, lesquelles ont été suspendues avant d"être menées à bonne fin. Dans leur déclaration modifiée, les demanderesses allèguent que les préposés de l"État ont engagé des poursuites abusives, qu"ils ont fait preuve de négligence, qu"ils ont commis une action fautive et un abus de pouvoir et qu"ils ont comploté entre eux. La société demanderesse allègue avoir été privée d"" un droit " conformément à l"article 46 de la Loi. Les deux demanderesses, qui ont déposé et signifié des avis de questions constitutionnelles, allèguent également qu"il a été porté atteinte aux droits qui leur sont reconnus par les articles 7, 8, 11, 12 et 15 de la Charte.

[4]      À la suite de nombreuses procédures préliminaires et d"une longue période consacrée à la gestion de l"instance, une audience a été tenue au sujet des questions de responsabilité; l"audience a duré plus de 16 jours et a eu lieu en octobre et en décembre 1998. La décision a ensuite été reportée. Habituellement, en ma qualité de juge ayant tenu la conférence préparatoire à l"instruction et de juge responsable de la gestion de l"instance, je n"aurais pas entendu l"affaire, mais conformément aux articles 266 et 391 des Règles de la Cour, chaque partie ayant consenti à ce que je préside également l"instruction, il a été convenu que j"entendrais l"affaire. Après avoir minutieusement examiné les observations et la preuve présentées dans le cadre de l"audience, une ordonnance a été rendue le 31 mars 1999, dans laquelle l"action des demanderesses était rejetée, et ce, pour les motifs ci-après énoncés.

Historique

[5]      La demanderesse Mary David a fondé Olympia Interiors en 1964. La société demanderesse dans la présente action, Olympia Interiors Ltd. (Olympia), a subséquemment été constituée en personne morale en Ontario conformément à des lettres patentes datées du 14 octobre 1969 et a par la suite également été enregistrée en vue d"exploiter son entreprise en Alberta. Pendant la période pertinente, Mme David était la principale actionnaire, la seule administratrice et la présidente d"Olympia.

[6]      Olympia concevait, fabriquait et installait des rideaux et couvre-fenêtres architecturaux sur mesure pour des établissements commerciaux. Au début des années 1980, Olympia a lancé de nouveaux produits; dans le cadre d"un processus d"appel d"offres, elle a réussi à obtenir des contrats en vue de la fourniture et de l"installation de couvre-fenêtres dans un certain nombre de gros immeubles commerciaux au Canada, principalement dans la région de Toronto et en Alberta. Elle a également fourni des couvre-fenêtres à l"étranger, au Moyen-Orient; elle a participé, avec d"autres fournisseurs de l"Ontario, à des salons commerciaux aux États-Unis et elle y a apparemment conclu des ventes. En somme, au début des années 1980, Olympia était un gros fournisseur dans son secteur et son chiffre d"affaires annuel se serait apparemment élevé à au moins 700 000 $.

[7]      Pendant la période pertinente, une taxe de vente fédérale était imposée en vertu de la Loi aux fabricants à l"égard de leurs ventes, laquelle était payable par ces derniers. Le régime fiscal était fondé sur l"observation volontaire. Le contribuable devait calculer le montant des ventes et des taxes qui étaient dues et comptabiliser les éléments sur lesquels la taxe avait déjà été payée ainsi que les frais de transport et d"installation qu"il avait payés en tant que fabricant titulaire d"une licence visé par la Loi. Le fabricant était tenu de produire chaque mois une déclaration relative à la taxe de vente fédérale (la TVF), dans laquelle étaient déclarées les ventes imposables du mois précédent et la taxe exigible sur ces ventes. L"omission de déclarer les ventes imposables ou la TVF qui était due constituait une infraction à la Loi.

[8]      Au cours des années 1970, en vertu de la politique et de la pratique administratives, la Direction générale de la taxe d"accise établissait dans les cas appropriés la déduction à utiliser dans le calcul des ventes et de la taxe payable par les titulaires de licences qui fournissaient des produits fabriqués à un prix comprenant les frais de transport et d"installation. La chose était destinée à faciliter le paiement de la taxe sur une base régulière, sous réserve de la validation au moyen de la vérification des registres tenus par le fabricant. Ces dispositions étaient autorisées par l"alinéa 26(6)c ), qui a été ajouté à la Loi3 en 1980 au moyen d"une modification et qui prévoyait qu"en fixant le montant de la taxe en vertu de la Loi , le prix de vente des marchandises peut exclure, conformément au règlement, un montant représentant le coût de l"installation des marchandises supporté par le fabricant lorsque le prix de vente de ces marchandises comprend leur installation.

[9]      Au cours des années 1970, Olympia bénéficiait apparemment d"un taux de déduction spécial que la Direction générale de l"accise avait établi avec elle, ou du taux de 10 p. 100 qui s"appliquait aux fabricants de rideaux qui vendaient leur produit à un prix comprenant les frais d"installation. La preuve ne montre pas clairement4 quel était le taux ou quelles dispositions avaient été prises, mais il n"est pas contesté qu"au cours des années 1970 et au début des années 1980, Olympia bénéficiait de pareil taux.

[10]      Mme David affirme qu"en 1982, des membres de son personnel et elle-même ont téléphoné à Revenu Canada pour obtenir des renseignements au sujet du taux de déduction applicable à l"installation des produits et notamment des nouveaux produits qui avaient été lancés sur le marché. Mme David a témoigné qu"elle travaillait à Calgary cette année-là et que, vers la fin de l"année 1982, des représentants de Revenu Canada lui avaient conseillé de produire des " déclarations néant " en attendant qu"une décision soit prise au sujet des déductions. Toutefois, les personnes qui, selon Mme David, auraient donné ce conseil ont toutes témoigné qu"elles ne l"avaient pas fait ou qu"elles n"auraient conseillé à un contribuable de produire des déclarations néant que s"il n"avait pas conclu de ventes.

[11]      Il existe certains éléments de preuve documentaire au sujet de la demande de renseignements que Mme David avait faite à l"égard du taux de déduction dans une lettre envoyée à Revenu Canada le 30 septembre 1983. Dans cette lettre, Mme David demandait aux représentants du ministère [TRADUCTION] " [...] de prendre une décision générale au sujet du taux applicable aux quatre produits fabriqués de façon à faciliter les calculs ". Une représentante de la Section de l"interprétation fiscale de la Direction générale de l"accise à Revenu Canada, Mme Bosse, a répondu le 17 novembre 1983 dans une lettre où elle donnait des explications au sujet du taux d"imposition payable sur les ventes de stores vénitiens et de stores verticaux. Pour expliquer le concept sur lequel est fondée la déduction du coût d"installation ou d"érection et la méthode y afférente, la circulaire ET-205 concernant les marchandises érigées ou installées était jointe à la lettre du 17 novembre. Cette circulaire renfermait des explications au sujet de certains concepts énoncés dans le Règlement sur le coût d"érection ou d"installation5. Elle disait également que si le contribuable voulait déduire le coût réel d"installation selon ce qu"on appelait la " Méthode deux ", soit la procédure énoncée dans le Règlement , ce coût devait être [TRADUCTION] " [...] établi au moyen de données vérifiables [...] ". Au lieu de calculer le coût d"installation, le contribuable pouvait utiliser un taux de déduction de 10 p. 100 à l"égard du prix de vente des marchandises vendues. Dans un cas comme dans l"autre, on recommandait aux contribuables de conserver les documents y afférents dans leurs dossiers [TRADUCTION] " [...] aux fins d"un examen par les vérificateurs de l"Accise ".

[12]      Par la suite, le 18 décembre 1984, P.L. Estabrooks, de la Direction générale de l"accise, a de nouveau écrit à Olympia pour l"informer de la décision à appliquer, en vertu de la circulaire ET-205, dans le calcul de la TVF exigible. Olympia n"a pas tenu compte de ce conseil, comme elle l"avait fait l"année précédente à l"égard du conseil reçu de Mme Bosse, du ministère.

[13]      Le 13 septembre 1984, R.J. Masny, vérificateur à Revenu Canada, a écrit à Mme David pour confirmer les dispositions qu"il avait déjà prises par téléphone en vue de se rendre aux bureaux d"Olympia le 16 octobre pour effectuer une vérification de la taxe de vente fédérale. Il s"agissait d"une vérification courante effectuée en vertu de la Loi. Dans sa lettre, M. Masny demandait s"il était possible de retarder la rencontre d"un jour et disait en outre ce qui suit :

         [TRADUCTION]                 
         Je vous demanderais d"avoir dans vos bureaux le grand livre, le journal des ventes, les factures de vente, les bordereaux de vente, le journal des achats, les factures des fournisseurs (sommes à payer), les états financiers et les relevés bancaires de la compagnie de façon à éviter toute perte de temps. En outre, tout document de travail que vous avez à votre disposition à l"égard du calcul de la taxe de vente permettrait plus facilement d"examiner et de comprendre vos opérations.                 

[14]      M. Masny s"est présenté aux bureaux d"Olympia les 18 et 19 octobre 1984 en vue d"entreprendre la vérification. Il a pris des notes manuscrites et il a également photocopié des factures qu"Olympia avait envoyées à ses clients. M. Masny a conclu qu"il ne pouvait pas effectuer une vérification adéquate; on lui a dit que la plupart des documents financiers d"Olympia, ou du moins de nombreux documents financiers, étaient à Calgary aux fins d"un litige auquel Olympia était partie. En se fondant sur les renseignements qu"il avait recueillis, M. Masny a conclu que les documents d"Olympia ne permettaient pas d"appliquer la " Méthode deux " mentionnée dans la circulaire ET-205 aux fins du calcul de la taxe de vente fédérale qui était due par rapport aux documents relatifs aux ventes réelles et aux frais d"installation et de transport. M. Masny conseillait qu"[TRADUCTION] " [...] une visite soit effectuée chez le titulaire de la licence en vue d"établir un taux combiné à l"égard du transport et de l"installation des couvre-fenêtres [...] "; il donnait le nom de la personne-ressource désignée par Mme David que le représentant de la Direction générale de l"accise se rendant chez Olympia pouvait consulter. Aux yeux de Mme David, lorsque M. Masny a achevé son travail le 19 octobre 1984, il était clair que la vérification n"était pas terminée.

[15]      Dans la lettre susmentionnée de la Section de l"interprétation fiscale de la Direction générale de l"accise du 18 décembre 1984, on confirmait que Mme David avait informé Revenu Canada près d"un mois plus tôt qu"elle était passablement occupée et qu"elle fixerait par téléphone le moment où les deux parties pourraient se rencontrer en vue de discuter plus à fond de la question du taux de déduction. On a également dit à Mme David qu"elle pouvait communiquer avec les Services techniques afin de fixer le taux de déduction applicable à chaque facture, à l"égard de l"installation, à défaut de quoi elle pouvait demander 10 p. 100, conformément à la circulaire ET-205.

[16]      Le 25 janvier 1985, M. Leyton, vérificateur au sein de l"Unité des services techniques de Revenu national, s"est rendu chez Olympia pour aider à déterminer le taux de déduction applicable à l"installation. La plupart des documents qu"il a demandés étaient alors à Calgary. Néanmoins, le 13 février, M. Leyton a écrit à son superviseur pour recommander [TRADUCTION] " [...] un pourcentage combiné correspondant à 50 p. 100 à l"égard des frais de transport et d"installation payés d"avance [...] ". Le 4 mars, le superviseur de M. Leyton, M. Dickson, a répondu à la recommandation de ce dernier au moyen d"une note de service manuscrite dans laquelle il remettait en question le taux de 50 p. 100 et rappelait à celui-ci que normalement le taux était de 10 p. 100. M. Leyton a ensuite modifié le taux en conséquence, en le rabaissant à 10 p. 100. Par la suite, M. Dickson a envoyé à Olympia, le 22 avril 1985, une lettre dans laquelle il disait ceci :

         [TRADUCTION]                 
         M. N. Leyton, de notre Unité des services techniques, a examiné vos dossiers en vue de déterminer le pourcentage à utiliser à l"égard de l"installation dans le calcul de la taxe de vente à payer sur les rideaux et les divers couvre-fenêtres dont le prix de vente comprend l"installation.                 
         À la suite de cet examen, il a été déterminé que votre compagnie devait utiliser la déduction de 10 p. 100 prévue par la circulaire ET-62 dans le cas de l"installation.                 

Lors des procédures subséquentes fondées sur une fraude fiscale qui ont été engagées contre Mme David et Olympia, M. Leyton a témoigné qu"en vue d"arriver au taux de 10 p. 100, son superviseur avait établi le chiffre des ventes " à rebours "; il a laissé entendre qu"il avait été obligé d"accepter ce taux. Pour une raison ou une autre, M. Leyton, qui est décédé avant que l"action soit entendue, n"a pas nié, lors de cette instruction antérieure, qu"il avait finalement souscrit au taux de 10 p. 100 en avril 1985.

[17]      Le 25 avril 1985, Olympia a reçu la lettre du 22 avril lorsque M. Masny est retourné terminer la vérification qu"il avait commencée en octobre 1984. La lettre du 22 avril n"a pas impressionné Mme David et cette dernière a refusé de collaborer avec M. Masny. Elle lui a demandé de quitter les lieux. Le 26 avril 1985, elle a envoyé une lettre dans laquelle elle rejetait le taux de déduction de 10 p. 100 parce qu"il n"était pas en accord avec les documents d"Olympia ou les conclusions de M. Leyton. Par une lettre datée du 30 avril 1985, le ministère a fait savoir que la situation d"Olympia serait examinée. Par la suite, Olympia n"a pas appliqué le taux de 10 p. 100.

[18]      Pendant que Mme David essayait, au début de l"année 1985, d"obtenir un taux de déduction plus satisfaisant à l"égard de l"installation, les déclarations relatives à la taxe de vente fédérale d"Olympia n"ont pas été produites. En particulier, Olympia n"a pas produit de déclarations en janvier, en février ou en mars 1985 à l"égard de la TVF. Par une lettre datée du 16 avril 1985, Mme David a été informée qu"elle était tenue de produire des déclarations; on l"avertissait qu"elle pourrait faire l"objet de poursuites si elle n"envoyait pas de déclarations tous les mois. Par la suite, le 9 septembre 1985, Olympia a été reconnue coupable d"avoir omis de déclarer et de remettre la taxe fédérale pour les trois mois en question. En outre, après le mois de mars 1985, les déclarations d"Olympia disaient souvent que les déclarations relatives aux ventes et à la taxe étaient [TRADUCTION] " nulles en attendant une décision " ou quelque chose du même genre.

[19]      Conformément à l"engagement qui avait été pris à l"égard de l"examen de la situation d"Olympia, M. Leyton a téléphoné à Mme David le 28 juin 1985. Il a demandé des copies de trois contrats de fourniture et d"installation qui devaient être utilisés aux fins du calcul du taux de déduction relatif à l"installation. Cette demande a de nouveau été faite dans une lettre du mois d"août 1985 de M. Martin, qui était devenu directeur de l"Unité des services techniques et superviseur de M. Leyton. Les contrats demandés n"ont pas été fournis, comme le montre une lettre de M. Martin datée du 17 septembre 1985. Dans cette lettre, M. Martin accordait à Mme David jusqu"au 31 octobre 1985 pour transmettre les contrats. À la fin du mois d"octobre, Mme David a téléphoné à M. Martin pour l"informer qu"elle ne fournirait pas les contrats, qui étaient à Calgary à cause d"un litige auquel l"entreprise faisait face à cet endroit. À la suite de cet avis, le superviseur de M. Masny a demandé à celui-ci de terminer le plus tôt possible la vérification d"Olympia, qui avait débuté à l"automne 1984.

[20]      À l"automne 1985, l"Unité des enquêtes spéciales à Revenu Canada examinait les activités d"Olympia. Elle devait signifier des lettres ministérielles en vue de demander la production de tout livre, dossier ou autre document ou renseignement, de façon à aider la Section de la vérification et de l"observation du ministère. Elle devait également enquêter sur toute fraude fiscale ou criminelle possible découlant de l"omission de rendre compte des taxes dues et de payer ces taxes.

[21]      On a demandé à M. Michael Schwantes, qui était alors enquêteur spécial à Revenu Canada à Toronto, de signifier une lettre de demande à Olympia, ce qu"il a tenté de faire le 26 novembre 1985. Mme David, à qui la lettre avait été signifiée, a refusé de l"accepter, fait que M. Schwantes a noté au verso de l"original. La lettre a de fait été signifiée, mais elle n"a pas été acceptée. On demandait à Olympia de produire au plus tard le 12 décembre 1985 tout livre, dossier, document ou renseignement se rapportant aux opérations conclues par Olympia entre le 1er octobre 1980 et le 30 septembre 1985; on y énumérait diverses catégories de documents financiers et de lettres qui devaient être fournis. Mme David a apparemment fait savoir que les livres et documents ne pouvaient pas être produits parce que certains d"entre eux étaient à Calgary aux fins du litige auquel Olympia faisait face à cet endroit. Olympia ne s"est pas conformée à la lettre de demande.

[22]      À la fin de l"automne 1985, l"Unité des enquêtes spéciales avait également étudié d"une façon préliminaire la possibilité d"effectuer une enquête spéciale sur les activités d"Olympia en vue de l"introduction possible de poursuites criminelles. M. Schwantes a été affecté à cette enquête en décembre 1985. Il a témoigné que divers facteurs avaient été à l"origine de l"enquête, notamment l"omission d"Olympia de déclarer une bonne partie des ventes imposables conclues depuis 1982, période pendant laquelle, selon les vérificateurs du ministère, un nombre considérable de ventes avaient été conclues et pour laquelle une cotisation élevée pouvait être établie. Parmi les autres facteurs, il y avait le fait que M. Masny s"était vu refuser l"accès aux dossiers d"Olympia en avril 1985, le fait qu"Olympia ne s"était pas conformée aux exigences de déclaration de la Loi , ce qui a donné lieu à des poursuites et à une déclaration de culpabilité en septembre 1985, et le refus de Mme David en octobre 1985 de fournir des renseignements au sujet de trois contrats de fourniture. Enfin, M. Masny avait reçu un appel téléphonique anonyme en juin 1985, l"informant que les factures de vente d"Olympia avaient été altérées avant qu"il se rende aux bureaux de cette dernière en vue d"y effectuer une vérification en octobre 1984; M. Masny avait signalé cet appel.

[23]      Dans le cadre de ses enquêtes, M. Schwantes a découvert que l"appel téléphonique que M. Masny avait reçu avait été fait par Mme Marilese Spudik, qui était comptable et teneuse de livres chez Olympia au moment où ce dernier s"était rendu aux bureaux de la compagnie pour effectuer une vérification en octobre 1984 et qui avait été congédiée en février 1985. Mme Spudik a affirmé qu"avant la visite de M. Masny, Mme David lui avait demandé de mettre dans des boîtes les dossiers se rapportant aux contrats récemment exécutés et les factures relatives aux comptes créditeurs. Mme David aurait demandé à un autre membre du personnel d"apporter ces boîtes chez elle, ce qui a été confirmé lors de l"enquête de M. Schwantes par un ancien employé d"Olympia qui avait apporté les boîtes chez Mme David. Mme David a témoigné que les documents qui avaient été apportés chez elle n"avaient rien à voir avec la vérification effectuée par M. Masny et que les journaux et les grands livres sur lesquels un vérificateur se fonderait avaient toujours été disponibles dans les locaux d"Olympia.

[24]      Quant aux modifications apportées aux copies des factures d"Olympia, on a dit à M. Schwantes dans le cours de son enquête que Mme David avait demandé à Mme Spudik d"altérer certaines copies de factures envoyées aux clients qui se trouvaient dans les dossiers de la compagnie. Mme David a admis avoir pris les copies des factures et avoir rédigé de nouvelles descriptions du travail effectué, en décrivant celui-ci comme consistant à " fournir et à installer " des couvre-fenêtres. L"une des factures que Mme David avait altérées a été conservée par Mme Spudik; elle a finalement été remise à M. Schwantes. Mme David a nié avoir demandé à Mme Spudik de dactylographier de nouveau les factures en vue de copier les nouvelles descriptions. Elle a plutôt témoigné que Mme Spudik avait insisté pour le faire parce qu"elle aimait que les dossiers soient bien tenus. Mme David affirme que les modifications qu"elle avait effectuées étaient destinées à aider le vérificateur, parce qu"elles représentaient d"une façon exacte le travail qu"Olympia avait effectué chez les clients. Pendant le contre-interrogatoire, Mme David a admis que les originaux des factures, avec les modifications qu"elle avait effectuées à la main, étaient rangés dans une chemise extensible et que M. Masny n"avait pas vu ces factures lorsqu"il s"était rendu aux bureaux d"Olympia à l"automne 1984.

[25]      Pendant que M. Schwantes faisait enquête, les personnes chargées de la vérification et de la perception de la taxe au sein de la Direction générale de l"accise ont poursuivi leurs efforts en vue d"achever l"examen des comptes impayés d"Olympia. On a envoyé M. Leyton chez Olympia pour qu"il essaie de mener à bonne fin la vérification que M. Masny n"avait pas pu terminer.

[26]      M. Leyton s"est présenté aux bureaux d"Olympia en janvier 1986. Compte tenu des renseignements qui lui avaient été fournis pendant cet examen, qui était incomplet, M. Leyton a recommandé d"accorder à Olympia un taux de déduction de 50 p. 100 à l"égard de l"installation. M. Martin, qui était alors directeur de l"Unité des services techniques, a témoigné à l"audience que M. Leyton avait eu de la difficulté à obtenir des renseignements en vue de calculer le taux et de terminer la vérification. Le superviseur de M. Martin a proposé qu"un taux provisoire soit fixé et qu"il soit rajusté lorsqu"une vérification subséquente serait effectuée. Le 12 mars 1986, M. Martin a envoyé à Olympia une lettre dans laquelle il disait notamment ceci :

         [TRADUCTION]                 
         Conformément aux instructions reçues de M. R.J. Sanford, chef régional, Services techniques, M. N. Leyton a examiné certains contrats et a recommandé un taux de déduction provisoire. Un taux de déduction combiné de 50 p. 100 à l"égard des frais de transport et des frais réels d"installation payés d"avance est donc provisoirement autorisé. Ce taux provisoire de 50 p. 100 s"applique aux ventes de stores enroulables et de stores verticaux comprenant l"installation pour les années ayant pris fin le 31 octobre, de 1981 à 1985 inclusivement. Ce taux provisoire de 50 p. 100 est fixé sous réserve de toute modification effectuée si, dans le cours de la vérification, il est déterminé qu"un rajustement s"avère nécessaire.                 

[27]      M. Martin a témoigné qu"il avait été convenu que le taux provisoire serait utilisé aux fins de la vérification d"Olympia au lieu de vérifier le coût réel s"appliquant aux installations, mais que le taux provisoire pouvait être révisé à la suite d"une vérification ultérieure lorsque les dossiers seraient disponibles. Dans son témoignage, M. Kluger, qui est par la suite devenu directeur régional de l"Accise pour la région de Toronto, a dit que la vérification effectuée par M. Leyton n"était pas complète et que la déduction de 50 p. 100 s"appliquant à l"installation n"était pas justifiable compte tenu des dossiers qui avaient été fournis à celui-ci.

[28]      De plus, M. Martin a écrit à Olympia le 17 mars 1986 en vue d"autoriser provisoirement, sous réserve d"une confirmation lorsqu"une vérification subséquente serait effectuée, un taux de déduction de 33,3 p. 100 à l"égard de l"installation des stores horizontaux. Puis, le 26 mars 1986, on a remis à Mme David un sommaire des résultats de la vérification de l"Accise que M. Leyton avait effectuée, montrant que l"on estimait alors qu"une somme de plus de 100 000 $ était due à l"égard des taxes, des pénalités et des intérêts. Au début du mois de juin 1986, MM. Leyton et Martin se sont présentés chez Olympia pour informer Mme David de la cotisation établie à l"égard de la compagnie, confirmant essentiellement les résultats de la vérification qui lui avaient déjà été communiqués au mois de mars 1986, lesquels étaient fondés sur le taux de déduction provisoire de 50 p. 100.

[29]      Le 16 juillet 1986, un avis de cotisation a été délivré à Olympia; une cotisation nette de 64 948 $ était établie à l"égard des taxes impayées, plus les intérêts et les pénalités, le montant total impayé étant de plus de 102 000 $. Mme David a ensuite téléphoné à M. Martin; elle a confirmé par une lettre datée du 12 septembre 1986 envoyée à un autre fonctionnaire du ministère qu"elle reconnaissait qu"une somme de 54 057 $ était due à l"égard de la taxe, mais qu"elle contestait la cotisation relative aux intérêts et aux pénalités. En réponse à cette lettre, M. Kluger, directeur régional, a écrit à Olympia en vue de lui rappeler qu"elle disposait d"un délai de 90 jours à compter de la date de la cotisation pour déposer un avis d"opposition. Aucun avis n"a été déposé.

[30]      Pendant le printemps 1986 et au début de l"été 1986, M. Schwantes a poursuivi son enquête sur les activités d"Olympia au nom de l"Unité des enquêtes spéciales. Il a conclu qu"Olympia avait omis de déclarer des ventes imposables, qu"elle avait utilisé une méthode non autorisée en vue de calculer la taxe de vente fédérale déclarée, qu"elle avait altéré les factures et qu"elle avait demandé des frais d"installation exorbitants en affirmant que ses produits fabriqués étaient en majeure partie assemblés au point d"installation; il a également conclu que des documents financiers pertinents avaient été apportés chez Mme David.

[31]      En se fondant sur le résultat de son enquête préliminaire, M. Schwantes a préparé un rapport initial. Il recommandait la tenue d"une enquête complète sur Olympia, étant donné qu"il y avait lieu de croire que cette dernière avait délibérément agi en violation de la Loi sur la taxe d"accise et que la saisie de ses dossiers montrerait que des infractions avaient été commises. Le rapport initial et les motifs justifiant la poursuite de l"affaire ont été examinés par quatre agents de l"Accise, à divers échelons de la hiérarchie; chacun a convenu qu"il était opportun de continuer à enquêter sur les activités d"Olympia puisque la compagnie semblait avoir délibérément omis d"observer la Loi sur la taxe d"accise. Le superviseur immédiat de M. Schwantes, qui était chef de la Direction générale spéciale à Toronto, le chef régional des Services techniques, M. Kluger, qui était alors directeur régional de l"Accise, et enfin le directeur de la Direction générale spéciale de l"Accise, à Ottawa, ont approuvé la prise de mesures additionnelles.

[32]      À la suite de l"approbation des recommandations figurant dans son rapport initial, M. Schwantes a rédigé une dénonciation en vue d"obtenir un mandat de perquisition. Il y énumérait les documents qui, selon lui, étaient dans les bureaux d"Olympia, les motifs pour lesquels il croyait qu"ils y étaient et les raisons pour lesquelles ces documents avaient quelque chose à voir avec son enquête. Dans la dénonciation, M. Schwantes a également noté qu"à son avis, Olympia avait commis diverses infractions à la Loi sur la taxe d"accise. Le 21 août 1986, un juge de paix, qui reconnaissait que M. Schwantes avait des motifs raisonnables, a accordé un mandat de perquisition et de saisie. Ce mandat a été exécuté le 26 août 1986. Des documents d"Olympia ont été saisis; ils ont ensuite été conservés en vertu d"ordonnances judiciaires successives en attendant la fin de l"enquête et l"introduction de poursuites contre les demanderesses. M. Schwantes a témoigné dans la présente instance que son examen des documents saisis confirmait ce qu"il avait déclaré dans la dénonciation.

[33]      Mme David affirme, et il n"est pas contesté, que parmi les documents qui ont été saisis dans les bureaux d"Olympia, il y avait des documents concernant une autre compagnie qui venait d"être organisée, Window Elegance Limited, et que la perte de ces documents avait plus ou moins nui au démarrage de cette dernière. Cette compagnie n"est pas partie à la présente action et aucune demande n"est examinée ici pour son compte. Je remarque que des dispositions ont de temps en temps été prises à la demande de Mme David en vue de permettre l"accès à des documents particuliers et la préparation de copies de ces documents. Cela n"était peut-être pas très satisfaisant, mais rien ne montre que l"on ait demandé des documents concernant Window Elegance ou que l"on ait refusé de fournir des copies de ceux-ci.

[34]      À la suite de la saisie des dossiers d"Olympia et des lettres échangées au sujet de la cotisation du 16 juillet 1986, la personne qui agissait alors à titre d"avocat d"Olympia, au moyen d"un chèque daté du 31 octobre 1986 payable au receveur général, a versé 5 000 $ au titre de la somme due par sa cliente à l"égard de la TVF. C"est l"unique paiement qui a été fait au nom d"Olympia. La lettre du 12 septembre 1986 de Mme David a apparemment servi de fondement en vue d"un examen officieux de la cotisation du 16 juillet 1986. Un comité d"appel régional, composé de représentants de plusieurs sections de la Direction générale de l"accise, à l"exclusion de la Direction générale spéciale, a examiné la cotisation et a finalement recommandé sa ratification. Par une lettre datée du 16 juillet 1987, le directeur régional, M. Kluger, a écrit à Olympia pour confirmer la cotisation, y compris les intérêts et les pénalités.

[35]      Cette cotisation a subséquemment été révisée après que des accusations eurent été portées contre les deux demanderesses en vertu de la Loi sur la taxe d"accise. Elle a été révisée après que le directeur régional eut rencontré MM. Leyton et Schwantes, M. Kluger ayant exprimé certaines préoccupations au sujet des différences qui existaient entre deux cotisations établies à l"égard d"Olympia, l"une étant fondée sur l"examen effectué par M. Leyton et l"autre, qui était beaucoup plus élevée, étant fondée sur l"enquête menée par M. Schwantes. M. Kluger n"a pas demandé qu"une cotisation particulière soit adoptée; il a plutôt demandé à MM. Schwantes et Leyton d"examiner leurs cotisations respectives et de tenter d"expliquer pourquoi elles étaient si différentes. À la suite de cet examen, sous réserve d"une modification mineure à laquelle M. Schwantes a consenti, M. Leyton a finalement souscrit à la cotisation telle qu"elle avait été déterminée par M. Schwantes, les calculs que ce dernier avait faits à l"aide des documents saisis reposant sur des fondements plus solides. L"examen des dossiers d"Olympia montrait qu"il n"était pas justifié d"utiliser un taux de déduction de 50 p. 100 à l"égard de l"installation et qu"en général, la taxe n"était pas payée lorsque les marchandises qu"Olympia utilisait pour installer son produit étaient achetées.

[36]      Par conséquent, deux éléments cruciaux de la cotisation antérieure établie par M. Leyton n"étaient pas fondés sur les documents saisis; M. Leyton a préparé un rapport de vérification modifié selon lequel Olympia devait plus de 316 000 $ au titre de la TVF, y compris les pénalités et intérêts. Le 2 septembre 1987, M. Leyton a envoyé à Olympia la cotisation modifiée, qui avait été signée par M. Martin. L"avis officiel de cotisation établissant le nouveau montant dû par Olympia était daté du 4 septembre 1987; il comprenait une cotisation pour la période allant du 1er mars au 31 juillet 1982 et une nouvelle cotisation pour la période allant du 1er août 1982 au 31 décembre 1983. Aucun avis d"opposition n"a été déposé par la suite à cet égard malgré une lettre envoyée le 12 septembre 1987 à Olympia dans laquelle M. Kluger faisait de nouveau savoir que le délai, aux fins d"un appel au moyen d"une opposition, était de 90 jours à compter de la date de la cotisation. Cette cotisation a entraîné le dépôt d"un certificat devant cette cour dans le dossier GST-41-92, conformément à la Loi sur la taxe d"accise; il s"agit d"une affaire qui a par la suite toujours intéressé Mme David, mais qui n"est pas ici en cause.

[37]      Le 4 septembre 1987, M. Martin a également écrit à Olympia pour annuler le taux de déduction provisoire de 50 p. 100 à l"égard des frais de transport et d"installation; dans une seconde lettre, on annulait le taux de déduction de 33,3 p. 100 s"appliquant à l"installation des stores horizontaux.

[38]      J"en reviens à l"enquête spéciale et aux poursuites engagées contre les demanderesses. M. Schwantes a examiné les documents qui avaient été saisis dans les bureaux d"Olympia en août 1986 et a interrogé les anciens employés de la compagnie. Dans le cours de l"enquête, le taux de déduction combiné recommandé par M. Leyton à l"égard du transport et de l"installation ainsi que la méthode de calcul employée ont également été examinés. Les enquêteurs ont conclu que les renseignements sur lesquels M. Leyton s"était fondé pour recommander le taux de 50 p. 100, soit deux contrats de fourniture et d"installation, étaient trompeurs; à leurs yeux, cela donnait à entendre qu"Olympia tentait d"éluder le paiement de la taxe. M. Schwantes a conclu qu"Olympia avait omis de déclarer des ventes imposables même si pareilles ventes avaient été inscrites dans les livres de la compagnie et que toute taxe de vente fédérale déclarée avait été calculée d"une façon erronée. En outre, les enquêteurs ont confirmé que les factures avaient été altérées et que l"on avait retiré les dossiers des locaux d"Olympia. Enfin, M. Schwantes considérait, à la suite de conversations qu"il avait eues avec d"anciens employés d"Olympia, que dans l"ensemble la compagnie s"occupait de fabrication plutôt que d"installation, et que la plupart des produits obtenus par Olympia et utilisés dans l"installation des couvre-fenêtres étaient achetés sans être assujettis à la taxe alors qu"ils y étaient assujettis. Il a pleinement été fait état de l"enquête dans un second rapport préparé par M. Schwantes, le rapport de poursuite, qui a finalement été examiné et approuvé par quatre supérieurs dans la chaîne de commandement, et notamment par le directeur de la Direction générale spéciale, à Ottawa, selon le même processus que celui auquel on avait eu recours en 1986 à l"égard du rapport initial, lequel avait donné lieu à la présentation de la demande de mandat de perquisition et de saisie et à la délivrance de pareil mandat.

[39]      M. Schwantes, qui tentait de permettre à Olympia de démontrer qu"elle avait innocemment omis d"observer la Loi sur la taxe d"accise, a communiqué avec Mme David pour organiser une rencontre en juin 1987. Dans une lettre qu"il a envoyée à l"avocat de Mme David le 22 juin 1987, M. Schwantes disait notamment ceci :

         [TRADUCTION]                 
         À ce jour, nous vous avons expliqué que nous envisagions de recommander au ministère de la Justice de porter des accusations en vertu du paragraphe 56(2), de l"alinéa 57(9)a ) et de l"article 62 de la Loi sur la taxe d"accise. On vous a remis un imprimé dans lequel sont énumérées toutes les ventes conclues par la compagnie pendant ladite période, un calendrier résumant les présumées ventes non déclarées et la TVF que la compagnie a tenté d"éluder ainsi qu"une liste de deux pages dans laquelle des détails sont donnés au sujet de 31 documents qui ont été altérés.                 
         Comme toujours, votre cliente peut avoir accès, sous surveillance, aux documents saisis si un préavis raisonnable est donné. Si votre cliente a besoin de photocopies additionnelles de documents, nous agréerons sa demande, à condition encore une fois qu"un préavis suffisant soit donné.                 
         Nous vous avons fourni une description de la nature des infractions alléguées et de la preuve disponible (y compris la preuve documentaire, les dépositions que les témoins éventuels pourront faire et les éléments de la mens rea).                 
         Nous vous invitons à présenter une contre-preuve (par écrit ou oralement) qui sera minutieusement examinée en ce qui concerne les mesures que nous entendons prendre.                 
[40]      L"avocat de Mme David s"est présenté au bureau de M. Schwantes pour discuter de l"affaire et Mme David a envoyé une lettre le 28 juin 1987 en vue de répondre aux conclusions de M. Schwantes. Mme David a défendu Olympia : elle a affirmé que Revenu Canada lui avait conseillé de produire des déclarations néant; qu"avant de payer la taxe, elle attendait qu"une décision soit prise au sujet du taux de déduction applicable à l"installation; que les factures avaient été altérées au profit des clients d"Olympia et qu"Olympia avait déjà payé la taxe sur certains articles qu"elle avait installés pour ses clients. Elle a de nouveau donné certaines de ces explications lorsqu"elle a témoigné dans la présente instance. Avec égards, son témoignage s"est avéré quelque peu incohérent une fois qu"on lui a demandé de l"expliquer pendant le contre-interrogatoire. Je ne doute pas que Mme David puisse avoir considéré qu"il s"agissait là d"explications, mais aucun autre élément de preuve ne montrait qu"on lui eût conseillé de produire des déclarations néant et, même si cela avait été le cas, cela ne justifierait pas l"omission d"Olympia de satisfaire aux obligations imposées par la Loi à tous les titulaires de licences. Au milieu des années 1980, Olympia n"en était pas à ses débuts en ce qui concerne le régime des taxes d"accise.
[41]      Malgré les réfutations de Mme David, M. Schwantes n"était pas convaincu qu"Olympia avait innocemment omis de déclarer ses ventes et la taxe de vente fédérale exigible. Il a plutôt conclu qu"il existait des motifs raisonnables et probables de croire que Mme David et Olympia avaient violé les dispositions de la Loi sur la taxe d"accise. Le rapport de poursuite de M. Schwantes a été rédigé et il a été approuvé par le superviseur de M. Schwantes, par le directeur régional des Services techniques, par le directeur régional, M. Kluger, et par le directeur de la Direction générale spéciale à Ottawa, M. Skogstad. Comme il en a été fait mention, on a suivi un processus semblable à celui qui avait été adopté à l"égard du rapport initial; chacun des supérieurs devait donner son assentiment. M. Kluger a témoigné qu"à son avis, le montant de la taxe due par Olympia et le montant minime qui avait été payé sur une longue période montraient qu"Olympia se livrait à des activités criminelles. M. Kluger souscrivait à la recommandation formulée dans le rapport, à savoir qu"il existait des motifs raisonnables et probables permettant de porter des accusations criminelles contre Olympia et Mme David; il croyait qu"il était raisonnablement possible qu"une déclaration de culpabilité soit prononcée.
[42]      M. Kluger a ensuite renvoyé le rapport de poursuite à l"administration centrale de Revenu Canada pour examen par le directeur du Bureau spécial de la Direction générale de l"accise, M. Skogstad. Il s"est entretenu plus d"une fois avec M. Schwantes et le rapport a été modifié à la suite des discussions qu"ils ont eues. On a joint au rapport des tableaux indiquant le montant des taxes auxquelles Olympia cherchait à se soustraire. Des tableaux distincts ont été dressés, selon qu"un taux de déduction de 10 p. 100 était utilisé à l"égard de l"installation, comme c"était le cas pour la cotisation établie par M. Schwantes, ou qu"un taux de 50 p. 100 était utilisé, comme l"avait recommandé M. Leyton après avoir effectué sa vérification, taux qui avait provisoirement été approuvé. M. Skogstad a témoigné avoir examiné à fond le rapport initial et le rapport de poursuite à ce moment-là parce qu"il se demandait si les rapports et les recommandations étaient justifiés. Il avait déjà conseillé des clients privés avant de joindre le ministère et il savait que tout processus d"application au criminel doit être équitable et complet. C"est sur cette base qu"il a traité les deux rapports et qu"il a approuvé le rapport de poursuite.
[43]      Le 14 août 1987, le ministre du Revenu national a certifié croire qu"Olympia et Mme David avaient violé les paragraphes 56(2) et 57(9) ainsi que l"article 62 de la Loi sur la taxe d"accise. Dans ce certificat, il recommandait en fait au ministère de la Justice de poursuivre les demanderesses. Une fois la recommandation formulée, il incombait au ministère de la Justice de déterminer si des poursuites devaient être engagées. Comme ils l"ont déclaré à l"audience, MM. Schwantes, Kluger et Skogstad ne doutaient aucunement qu"il incombait au ministère de la Justice d"engager les poursuites criminelles et de s"en occuper.
[44]      Après avoir examiné l"affaire, Me Woolcott, qui était avocate au ministère de la Justice et chargée des poursuites, a recommandé que des accusations soient portées contre Olympia et Mary David. Me Woolcott a témoigné qu"à ce moment-là, elle estimait qu"il était possible d"établir les motifs nécessaires en vue de faire déclarer coupables Olympia et Mme David. Par la suite, le 25 août 1987, M. Schwantes a signé une dénonciation sous serment dans laquelle Olympia et Mary David étaient accusées, sous 73 chefs, d"infractions à la Loi sur la taxe d"accise.
[45]      L"affaire a été entendue par la Cour de l"Ontario (Division provinciale); les audiences ont commencé le 23 octobre 1989 et se sont poursuivies d"une façon intermittente jusqu"au milieu de l"année 1990. Au début de l"instruction, Me Woolcott a retiré une dizaine d"accusations portées en vertu de l"article 62 de la Loi sur la taxe d"accise. Les témoins de la Couronne n"avaient pas fini de faire leurs dépositions lorsque les procédures ont été ajournées, en janvier 1990. Le 4 juin 1990, Me Woolcott, au nom de Sa Majesté, a demandé la suspension de l"instance. MM. Skogstad, Kluger et Schwantes ont tous témoigné à l"audience qu"ils préféraient mener les poursuites à bonne fin, celles-ci devant à leur avis aboutir à une déclaration de culpabilité. À l"audience, Me Woolcott a déclaré que la décision qu"elle avait prise avec les représentants du ministère de la Justice et de Revenu Canada était fondée sur le fait que plus tôt cette année-là Mme David avait fait faillite, sur le fait qu"à son avis l"état de santé de Mme David se détériorait, sur le fait qu"Olympia n"exploitait plus son entreprise et qu"elle n"avait plus d"actifs et sur le fait que même si les poursuites s"avéraient fructueuses, il ne serait probablement pas possible de recouvrer le montant des pénalités. Dans ces conditions, étant donné que le rôle de la Cour était chargé, l"introduction de poursuites qui devaient durer au moins une dizaine de jours ne constituait pas à son avis une utilisation sensée des ressources de la Cour. Mme David a subséquemment tenté de faire lever la suspension, de se faire entendre en justice et d"avoir la possibilité de répondre aux accusations, mais la suspension a continué à s"appliquer et les poursuites ont pris fin.
[46]      La transcription du témoignage que M. Leyton avait présenté lors du procès criminel a été jugée admissible, compte tenu des principes de nécessité et de fiabilité, au moyen d"une décision rendue à l"audience6 dans la présente instance étant donné que M. Leyton était décédé et qu"il ne pouvait pas témoigner. M. Leyton avait fait une déposition sur laquelle certaines allégations des demanderesses sont ici fondées. Premièrement, il a témoigné que M. Schwantes, pendant son enquête, avait laissé entendre qu"il (M. Leyton) sortait avec Mme David. En outre, il a témoigné que M. Schwantes avait laissé entendre que Mme David et lui s"entendaient bien parce qu"ils étaient tous deux d"origine juive. Mme David allègue que pendant sa seconde vérification, M. Leyton lui avait demandé, à un moment donné, si elle était d"origine juive. Comme il en a déjà été fait mention, M. Leyton a également témoigné qu"en avril 1986, M. Dickson, qui était alors son superviseur, avait utilisé d"une façon erronée certains chiffres pour montrer que le taux de déduction applicable à Olympia devrait uniquement être de 10 p. 100 et qu"il l"avait contraint à accepter ce taux.
[47]      M. Schwantes a nié avoir fait les déclarations qui lui avaient été attribuées. M. Kluger a témoigné qu"à son avis, M. Leyton n"avait pas dit la vérité lors du procès criminel. M. Leyton avait été délégué syndical; il était au courant des politiques et procédures du ministère en ce qui concerne les remarques injustifiées ou les actes de harcèlement et il n"avait pas soulevé le problème dans le contexte de ces procédures. En outre, l"une des remarques aurait apparemment été faite dans un endroit où d"autres personnes l"auraient entendue; or, aucune des personnes qui auraient ordinairement été présentes n"avait signalé la chose.
[48]      Dans les observations orales qu"elle a faites à la fin de l"instruction, Mme David a en bonne partie fondé l"allégation qu"Olympia avait faite au sujet du préjudice subi ou la demande de dommages-intérêts délictuels sur les problèmes que celle-ci avait eus après que ses dossiers eurent été saisis et que des poursuites eurent été engagées. À mon avis, la question de savoir si des dommages-intérêts peuvent être demandés à cet égard dépend de la question de savoir s"il peut être jugé que pareils dommages-intérêts découlent d"un tort commis par les préposés de l"État dont la défenderesse est responsable en vertu de la Loi sur la responsabilité civile de l"État et le contentieux administratif7. Étant donné qu"à mon avis, aucun tort n"a été commis, la défenderesse n"est pas responsable du préjudice ou de la perte subis par Olympia après que ses dossiers eurent été saisis et que des poursuites eurent été engagées.
Questions en litige
[49]      Il peut être considéré que la responsabilité invoquée dans la déclaration des demanderesses appartient à deux catégories générales, à savoir celle qui est en cause dans les actions en responsabilité délictuelle fondées sur des préjudices civils et celle qui est en cause dans les actions fondées sur la violation alléguée de droits reconnus aux demanderesses par la Charte. L"action en responsabilité délictuelle se rapporte principalement à des poursuites abusives, mais la négligence, l"abus de pouvoir et l"existence d"un complot ont également été invoqués. Les droits garantis par la Charte auxquels il aurait été porté atteinte comprennent ceux qui sont prévus aux articles 7, 8, 11, 12 et 15. En ce qui concerne la violation de la Charte, la question du redressement qu"il convient d"accorder ne serait examinée que si la violation alléguée est établie.
[50]      Les questions qui ont été soulevées sont examinées à tour de rôle dans le reste de ces motifs.
Poursuites abusives
[51]      Dans l"arrêt Nelles c. La Reine du chef de l"Ontario8, la Cour suprême du Canada a confirmé qu"en plus de prouver l"existence d"un préjudice, le demandeur doit prouver quatre éléments pour avoir gain de cause dans une action fondée sur des poursuites abusives. Deux de ces éléments ne sont pas ici en litige, à savoir que les procédures ont été engagées par la défenderesse et que le tribunal a rendu une décision favorable à la demanderesse. En l"espèce, il est concédé que la suspension des poursuites criminelles établit le deuxième élément. Les deux autres éléments sont contestés. La défenderesse soutient que les demanderesses n"ont pas prouvé l"absence de motif raisonnable et probable justifiant l"introduction d"une action, ou l"intention malveillante, soit un but principal autre que celui de l"application de la loi.
[52]      Dans l"arrêt Nelles , la Cour suprême du Canada a fait des remarques au sujet du troisième élément du critère permettant de déterminer si des poursuites abusives ont été engagées :
         Un motif raisonnable et probable a été décrit comme [TRADUCTION] "la croyance de bonne foi en la culpabilité de l"accusé, basée sur la certitude, elle-même fondée sur des motifs raisonnables, de l"existence d"un état de faits qui, en supposant qu"ils soient exacts, porterait raisonnablement tout homme normalement avisé et prudent, à la place de l"accusateur, à croire que la personne inculpée était probablement coupable du crime en question" [...]                 
         Ce critère comporte à la fois un élément subjectif et un élément objectif. Il doit y avoir une croyance réelle de la part du poursuivant et cette croyance doit être raisonnable dans les circonstances.                 

Plus loin dans ses motifs, le juge en chef Lamer a fait remarquer que cet élément exige que le demandeur prouve un fait négatif, c"est-à-dire l"absence de motif raisonnable et probable.

[53]      Dans le jugement Jose Pereira E Hijos, S.A. c. Canada (Procureur général)9, j"ai radié, conformément à la décision rendue dans l"affaire Nelles , une allégation de poursuite abusive parce que la demanderesse n"avait pas plaidé l"absence de motif raisonnable et probable justifiant l"introduction d"une action. Même si cela avait été plaidé, le délit n"aurait pas pu être établi parce que, au moment de l"événement contesté, le défendeur avait agi conformément au Règlement sur la protection des pêcheries côtières10, qui n"avait pas été jugé invalide.

[54]      À mon avis, la preuve dont je dispose établit qu"il existait un motif raisonnable et probable pour Sa Majesté d"engager des poursuites contre Olympia et Mme David. En se fondant sur l"examen qui a abouti à la rédaction du rapport initial ainsi qu"à la perquisition et à la saisie des documents d"Olympia, sur l"examen de ces documents, sur le rapport de poursuite et sur la dénonciation énonçant les accusations portées contre les demanderesses, M. Schwantes a conclu qu"Olympia et Mme David avaient délibérément violé la Loi sur la taxe d"accise. Cette conclusion était tout à fait raisonnable compte tenu des circonstances qui ont été décrites. Avant le début des poursuites, les rapports de M. Schwantes avaient été examinés par trois autres représentants supérieurs de la Direction générale de l"Accise, au bureau régional de Toronto, ainsi que par le directeur national de la Direction spéciale, à Revenu Canada. Les poursuites ont uniquement été engagées après que le ministre de l"époque eut certifié qu"à son avis, il était justifié d"engager des poursuites et après que le ministère de la Justice eut donné son assentiment avant que des accusations soient portées. Toute personne concernée dans cette chaîne de commandement aurait pu exprimer ses préoccupations si elle croyait qu"il ne convenait pas d"engager des poursuites. Rien ne montre que l"on se soit opposé à ce que des accusations soient portées.

[55]      À l"audience, M. Schwantes lui-même, le directeur régional du bureau de Toronto, M. Kluger, et le directeur de la Direction spéciale à l"administration centrale à Ottawa, M. Skogstad, ont tous témoigné, pour les motifs qu"ils ont donnés, qu"à leur avis, il existait des motifs raisonnables et probables d"engager des poursuites et que les poursuites aboutiraient à une déclaration de culpabilité. Enfin, la poursuivante Woolcott, qui a examiné la dénonciation et la preuve disponible avant d"approuver les poursuites, a fait connaître à l"audience son avis, qui était semblable à celui des agents de l"Accise, avant le début des poursuites. Me Woolcott a décidé de retirer les accusations fondées sur l"article 62, mais elle a donné suite aux accusations portées conformément au paragraphe 56(2) à l"égard de la production de fausses déclarations et au paragraphe 57(9), en ce qui concerne l"altération des factures de vente ou les inscriptions fausses ou trompeuses figurant sur les factures de vente.

[56]      Je conclus que les préposés de l"État concernés avaient des motifs raisonnables et probables de porter des accusations criminelles. C"est ce que je conclus en particulier dans le cas de Me Woolcott, qui en sa qualité de procureur de la poursuite, était en dernier ressort responsable des poursuites. Certains éléments de preuve montraient que son évaluation était raisonnable et qu"il y avait lieu de croire que les poursuites porteraient probablement fruit. À coup sûr, les demanderesses n"ont pas établi l"absence de motif raisonnable et probable justifiant l"introduction des poursuites.

[57]      Le quatrième élément du critère énoncé dans l"arrêt Nelles , à savoir que la défenderesse avait une intention malveillante ou un objectif principal autre que celui de l"application de la loi, a été décrit ainsi :

         L"élément obligatoire de malveillance équivaut en réalité à un "but illégitime". D"après Fleming, la malveillance [TRADUCTION] "veut dire davantage que la rancune, le mauvais vouloir ou un esprit de vengeance, et comprend tout autre but illégitime, par exemple, celui de se ménager accessoirement un avantage personnel".                 
Dans l"arrêt Roncarelli v. Duplessis11, le juge Rand a défini la malveillance d"un organisme public comme consistant à [TRADUCTION] " [...] simplement agir pour une raison ou à une fin que l"on sait étrangère à l"administration [...] ". Il est difficile pour les demanderesses d"établir la malveillance en tant que motif pour lequel les agents publics ont agi et en tant que but dans lequel ils ont ainsi agi.
[58]      La malveillance semble ici en partie fondée sur des remarques que M. Schwantes aurait apparemment faites à M. Leyton, comme ce dernier l"a allégué. La première remarque laissait entendre que M. Leyton sortait avec Mme David, et la seconde se rapportait au fait que M. Leyton et Mme David étaient apparemment tous deux d"origine juive. À l"audience, lorsque l"avocat de la défenderesse l"a contre-interrogé, M. Schwantes a nié avoir fait pareilles remarques à M. Leyton; de plus, lorsque M. Schwantes a été réinterrogé, Mme David n"a pas fait mention du témoignage que M. Leyton avait présenté dans le cadre des procédures criminelles. Pendant ce réinterrogatoire, Mme David a de fait demandé si, lorsqu"elle cherchait à avoir accès à certains des documents d"Olympia qui avaient été saisis, M. Schwantes l"avait leurrée. M. Schwantes a nié la chose et Mme David n"a pas poursuivi l"affaire. Comme il en a déjà été fait mention, M. Kluger a témoigné qu"il se serait attendu à ce que M. Leyton signale toute remarque non appropriée, lorsqu"elle avait été faite, si de fait elle l"avait été. Il ne l"a pas fait, et ce, même si M. Leyton connaissait la procédure du ministère sur ce point.
[59]      À mon avis, rien ne montre qu"un préposé de l"État ait agi d"une façon malveillante. On ne saurait blâmer M. Schwantes pour avoir poursuivi son enquête avec vigueur puisque les circonstances montraient que sa conclusion était raisonnable, c"est-à-dire qu"il y avait des motifs raisonnables et probables de poursuivre les demanderesses. Selon la preuve dont je dispose, M. Schwantes n"a pas fait, à mon avis, les remarques alléguées par M. Leyton. Même s"il les avait faites, cela ne démontrerait pas de la malveillance de la part des personnes qui étaient en dernier ressort chargées des poursuites, soit dans ce cas-ci, M. Skogstad, au ministère, le ministre de l"époque, les représentants de la Justice et enfin, la poursuivante, Me Woolcott.
[60]      Dans ce cas-ci, un autre fondement possible permettant de remettre en question l"objectif que Sa Majesté avait en engageant les poursuites découle du fait que Mme David estimait que les poursuites criminelles visaient à la contraindre à payer les taxes, ce qui était une affaire civile. Il n"est pas surprenant qu"un plaideur qui n"est pas avocat confonde des poursuites engagées au civil, visant à déterminer les taxes dues et à assurer leur paiement, et des poursuites engagées au criminel en vertu de la Loi , visant à imposer une amende ou une peine d"emprisonnement par suite d"une fraude fiscale ou autre ou d"une omission flagrante de respecter certaines obligations. Les deux genres de procédures sont prévues par la Loi sur la taxe d"accise et, dans ce cas-ci, les deux visaient à régler l"affaire simultanément, du moins pendant un certain temps.
[61]      Depuis que cette affaire a été entendue, Monsieur le juge MacKenzie, de la Cour de l"Ontario (Division générale), a accordé une suspension d"instance dans l"affaire R. v. Saplys12, où des poursuites avaient été engagées, apparemment en vertu de la Loi sur la taxe d"accise, et où il a entre autres été conclu que Sa Majesté n"avait pas satisfait à l"obligation qui lui incombait de divulguer la preuve sur laquelle elle se fondait, compromettant ainsi le droit du défendeur à un procès équitable, et que la conduite de l"enquête et le dépôt d"accusations étaient inéquitables à un point tel que cela contrevenait aux notions fondamentales de justice et minait l"intégrité du processus judiciaire. L"instance a donc été suspendue sur demande du défendeur.
[62]      Les circonstances de l"affaire Saplys sont différentes et le redressement sollicité était différent de ceux qui ont ici été demandés. Cette affaire semblerait étayer le point de vue des demanderesses sur un seul point seulement, soit la conclusion selon laquelle la procédure particulière qui avait été suivie, à savoir l"utilisation d"une vérification au stade de l"enquête par l"unité chargée de la vérification et de l"exécution, qui cherchait à obtenir des renseignements étayant une enquête spéciale qui n"avançait plus aux fins de poursuites criminelles possibles, constituait un recours abusif. En l"espèce, les demanderesses allèguent que les poursuites criminelles constituaient un recours abusif parce qu"elles visaient à l"obtention d"un redressement civil, soit le recouvrement des taxes, des intérêts et des pénalités pécuniaires qui étaient dus. Aucun élément de preuve ne montre que tel était le but des poursuites. Dans ce cas-ci, la procédure de vérification habituelle était en cours avant qu"une enquête spéciale eût été commencée, aux fins de poursuites criminelles possibles. Une fois la procédure entamée, l"enquête s"est déroulée d"une façon indépendante et diligente, et des motifs raisonnables et probables justifiaient le mandat autorisant la perquisition et la saisie et, par la suite, les poursuites. Les personnes travaillant au sein des services techniques et des services réguliers de vérification ne participaient pas à l"enquête ou n"en étaient pas tenues au courant, et la poursuivante, Me Woolcott, a témoigné qu"elle refusait de participer à la procédure civile.
[63]      Je conclus qu"il n"y a pas eu recours abusif. En particulier, je conclus qu"en l"espèce, il s"agissait de poursuites criminelles engagées en vertu de la Loi , ne visant pas au recouvrement des taxes et des intérêts impayés, ou des pénalités pécuniaires applicables au solde de la taxe impayée.
[64]      Je conclus que les demanderesses n"ont pas prouvé l"absence de motif raisonnable et probable justifiant l"introduction de poursuites et qu"elles n"ont pas prouvé que les poursuites avaient été engagées par malveillance. Rien ne permet de conclure qu"il y a eu malveillance ou que les demanderesses ont été poursuivies dans un but illégitime. Rien ne permet de conclure que les poursuites étaient abusives.
Action fautive; abus de pouvoir
[65]      La prise d"une mesure administrative illicite motivée par une malveillance réelle constitue une action fautive commise dans l"exercice de fonctions publiques. L"affaire Roncarelli est un bon exemple de ce genre de délit. L"appelant demandeur, qui était Témoin de Jéhovah, avait perdu son permis d"alcool lorsque l"intimé, qui était alors premier ministre du Québec, avait ordonné à la Commission des liqueurs du Québec de révoquer le permis. En vertu de la loi régissant la délivrance de permis d"alcool, la Commission, qui était composée d"un directeur seulement, avait le pouvoir discrétionnaire d"annuler le permis. La preuve montrait que le premier ministre était motivé par le fait que le demandeur avait fourni des cautionnements pour d"autres Témoins de Jéhovah qui étaient accusés d"avoir violé des règlements municipaux. La Cour a statué que dès qu"une autorité publique exerce un pouvoir discrétionnaire, elle doit le faire conformément aux restrictions imposées par la loi et en toute bonne foi.
[66]      Dans l"arrêt Gershman v. Manitoba Vegetable Producers" Marketing Board13, la Cour d"appel du Manitoba a dit que l"arrêt Roncarelli étaye la thèse selon laquelle [TRADUCTION] " [...] un citoyen qui subit un préjudice parce qu"on a abusé d"une façon flagrante du pouvoir public à son égard a le droit de se voir attribuer des dommages-intérêts dans une action en responsabilité civile délictuelle ".
[67]      Dans la décision Francoeur et al. c. Canada14, Monsieur le juge Wetston a examiné la question de l"abus de pouvoir. À son avis, l"allégation fondée sur la faute dans l"exercice d"une fonction publique et l"allégation fondée sur l"abus de pouvoir sont synonymes. Dans cette affaire-là, le demandeur avait allégué qu"un fonctionnaire des douanes avait erronément expliqué de quelle façon un droit serait calculé, ce qui avait donné lieu à la violation de la Loi sur les douanes15 et à la saisie de certains biens et documents commerciaux. Des accusations ont été portées et les demandeurs ont finalement été acquittés après la tenue d"une enquête préliminaire. Un demandeur a allégué que les actions du défendeur avaient occasionné la chute de son entreprise et sa faillite personnelle, du fait que l"agent des douanes avait abusé du pouvoir que lui conférait la loi de saisir les marchandises.
[68]      Le juge Wetston a énoncé les éléments de deux catégories distinctes d"abus de pouvoir :
         D"abord, lorsqu"on peut démontrer que le fonctionnaire a agi avec malveillance ou avec l"intention de nuire, l"acte du fonctionnaire qui est censé avoir été fait conformément à un pouvoir conféré par une loi devient illégal et le demandeur qui subit un préjudice direct par suite de cet acte aura droit à des dommages-intérêts. En second lieu, lorsqu"une personne peut démontrer que le fonctionnaire ou le titulaire d"une charge publique a adopté sciemment une mesure qu"il n"était pas autorisé à prendre selon la loi et qu"il pouvait prévoir que cette mesure causerait un préjudice au demandeur, le délit sera alors prouvé [citation omise]. Il importe de souligner que, dans bien des cas, il y aura chevauchement de ces deux types de situation. [...]                 

[69]      Dans le jugement Francoeur, la Cour a rejeté l"allégation d"abus de pouvoir que les demandeurs avaient faite et a conclu que le délit n"avait pas été établi. L"agent des douanes avait le pouvoir et l"obligation, conformément à la Loi sur les douanes , de saisir les marchandises confisquées et il n"avait donc pas agi en dehors de sa compétence. En outre, aucun élément de malveillance n"avait été prouvé. L"agent avait plutôt effectué la saisie parce qu"il avait des motifs raisonnables de croire que la loi avait été violée et rien ne montrait qu"il avait agi pour un motif illégitime.

[70]      La preuve présentée en l"espèce n"étaye pas l"allégation d"abus de pouvoir. Cette allégation est fondée sur la présumée conduite irrégulière de M. Schwantes. Rien ne montre que M. Schwantes ait agi d"une façon malveillante ou qu"il ait pris des mesures sans être autorisé à le faire. Il a agi conformément à la Loi sur le ministère du Revenu national16 et à la Loi sur la taxe d"accise. À l"audience, M. Schwantes a témoigné qu"il avait des motifs raisonnables d"effectuer la perquisition et la saisie et des motifs raisonnables et probables de croire que les demanderesses avaient violé la Loi sur la taxe d"accise. À mon avis, ces conclusions, que je juge raisonnables eu égard aux circonstances, plutôt que la malveillance, motivaient la conduite de M. Schwantes.

[71]      Une allégation particulière d"action fautive ou d"abus de pouvoir est énoncée comme suit dans la nouvelle déclaration modifiée :

         [TRADUCTION]                 
         25. Des accusations de fraude ont été créées au moyen de l"utilisation d"une déduction de 10 p. 100 à l"égard du transport et de l"installation, plutôt que du taux de 50 p. 100 fixé par les vérificateurs Norm Leyton et Alexander Martin. Le Bureau spécial a ensuite établi l"obligation plus lourde en appliquant la déduction générale de 10 p. 100 pour le transport et l"installation à l"égard de tous les contrats de construction d"Olympia. Ce taux de 10 p. 100 applicable au transport et à l"installation a été fixé illégalement par certaines personnes au sein du ministère [...]                 
À mon avis, les faits établis par la preuve n"étayent pas cette allégation.
[72]      La preuve montre plutôt que les vérificateurs Leyton et Martin ont fixé le taux de 50 p. 100 sur une base provisoire aux fins de la vérification de l"obligation fiscale d"Olympia pour la période allant de 1991 à 1995 et, plus précisément, [TRADUCTION] " sous réserve de toute modification effectuée, dans le cours de la vérification, s"il est déterminé qu"un rajustement s"avère nécessaire ", comme Olympia en a été informée par écrit. Ces mêmes vérificateurs ont donné l"avis relatif à la nouvelle cotisation du mois de septembre 1997, quoique après que des accusations criminelles eurent été portées et après que la Direction spéciale, par suite de la cotisation établie par M. Schwantes sur la base des documents saisis, eut déterminé à sa satisfaction que les dossiers d"Olympia ne justifiaient pas un taux de déduction de 50 p. 100. MM. Leyton et Martin ont ensuite examiné l"affaire et ont établi la nouvelle cotisation en se fondant sur un taux de déduction de 10 p. 100. C"était le taux qui s"appliquait à Olympia en vertu de la circulaire ET-205 et du Règlement sur le coût d"érection ou d"installation qui était alors en vigueur. Le seul autre taux de déduction possible en vertu de la Loi et du Règlement était celui qui était fondé sur les coûts réels tels qu"ils figuraient dans les documents du fabricant. Or, les documents d"Olympia ne justifiaient pas un taux de déduction autre que le taux normal de 10 p. 100 applicable à tous les fabricants dont les dossiers, sur vérification, ne montraient pas qu"un autre taux devait s"appliquer.
[73]      À mon avis, la nouvelle cotisation du mois de septembre 1987 n"a pas été établie illégalement, comme les demanderesses l"allèguent, mais elle l"a été conformément à des règlements licites. À ce moment-là, les demanderesses ne se sont pas opposées à la nouvelle cotisation comme elles avaient le droit de le faire en suivant la procédure de contestation ou d"appel établie par la Loi. On n"a pas commis d"action fautive ou d"abus de pouvoir en établissant la nouvelle cotisation.
Négligence
[74]      Les demanderesses allèguent que M. Martin et Me Woolcott, en sa qualité de poursuivante, ont fait preuve de négligence.
[75]      Dans le jugement Reynen c. Canada17, le juge des requêtes avait radié l"allégation de négligence de la part des agents des douanes et des agents de la GRC qui avait été faite dans une déclaration, en comparant par analogie ceux-ci aux poursuivants qui n"ont pas d"obligation de diligence envers l"inculpé. La Cour d"appel fédérale a infirmé la décision à cet égard, mais elle a reconnu, quoique dans le cadre d"une remarque incidente, l"immunité dont bénéficiaient les substituts du procureur général à l"égard des allégations de négligence dans la conduite d"une poursuite. En l"espèce, les demanderesses allèguent que Me Woolcott a fait preuve de négligence, mais elles n"ont invoqué aucun fait et elles n"ont prouvé aucun fait permettant de conclure à l"existence d"une obligation de diligence envers elles ou à la violation d"une obligation de diligence. Rien ne montre que Me Woolcott ait commis une négligence.
[76]      Dans leur déclaration, les demanderesses allèguent que M. Martin a agi d"une façon négligente en [TRADUCTION] " annulant un taux à l"égard du transport et de l"installation au moyen des deux lettres du 4 septembre 1987, omettant ainsi de tenir compte de l"obligation de diligence qu"[il] avait envers les demanderesses ". À mon avis, les taux de déduction provisoires s"appliquant à l"installation ont été annulés dans des circonstances où aucune obligation de diligence n"a été établie ou, si pareille obligation existait, elle n"a pas été violée. Le témoignage de M. Martin démontre qu"il a suivi la procédure du ministère en envoyant la cotisation du mois de septembre 1987 et en annulant les taux de déduction provisoires s"appliquant à l"installation parce que l"examen de la preuve documentaire, soit les propres documents d"Olympia, montrait qu"ils étaient injustifiés. En annulant les taux accordés provisoirement, qui pouvaient être révisés par suite de la vérification, et en rétablissant le taux de déduction de 10 p. 100 dans la nouvelle cotisation, M. Martin appliquait le Règlement sur le coût d"érection ou d"installation. La validité de ce règlement d"application n"a pas été contestée. À mon avis, M. Martin n"a donc pas violé une obligation de diligence, mais il a plutôt agi conformément à un pouvoir législatif valide.
[77]      On n"a établi aucun fondement justifiant une conclusion de responsabilité de la part de la défenderesse compte tenu d"une négligence commise par l"un de ses préposés. Aucune négligence n"est établie en l"espèce.
Complot
[78]      Le complot est un délit commercial ou économique. Dans la décision Gold c. Canada18, le juge Dubé a statué que le complot comprend trois éléments essentiels : des personnes doivent s"entendre pour causer un préjudice à une autre personne, une action concertée doit être entreprise pour donner suite à cette entente et un préjudice économique réel résultant d"un lien de causalité direct avec l"action doit être subi.
[79]      Dans l"arrêt Canada Cement LaFarge Ltd. c. British Columbia Lightweight Aggregate Ltd.19, la Cour suprême du Canada a statué qu"il doit être établi que la défenderesse savait que sa conduite nuirait à la demanderesse. Le but prédominant de l"action concertée doit être de nuire à la demanderesse et, lorsque la conduite de la défenderesse est illégale, cette dernière devrait raisonnablement savoir que la demanderesse subira ou pourra subir un préjudice. Le juge Estey a fait remarquer qu"" [...] il est possible que dans le contexte commercial actuel cette action ait perdu en grande partie son utilité et qu"elle survive comme une anomalie dans notre droit "20.
[80]      En l"espèce, il n"a pas été établi qu"une entente ait été conclue entre des fonctionnaires. Dans la nouvelle déclaration modifiée qui a été déposée le 11 février 1998, il est allégué que MM. Kluger et Martin ont participé à un complot en vue de porter de fausses accusations, complot auquel d"autres personnes, et le gouvernement du Canada, ont participé, mais ni l"entente ni les fausses accusations n"ont été établies.
[81]      Les demanderesses allèguent que M. Kluger, M. Schwantes et M. Martin ont chacun agi en vue de les priver d"un droit qui leur est reconnu par l"article 46 de la Loi sur la taxe d"accise21, lequel prévoit notamment ceci :
         46. Pour déterminer la taxe de consommation ou de vente exigible en vertu de la présente partie :                 
             [...]                 
             c) dans le calcul du prix de vente de marchandises fabriquées ou produites au Canada, peuvent être inclus :                 
                 [...]                 
                 (ii) dans les circonstances que le gouverneur en conseil peut prescrire par règlement, une somme représentant :                 
                 (A) soit le coût de l"érection ou de l"installation des marchandises supporté par le fabricant ou producteur, lorsque le prix de vente de ces marchandises comprend leur érection ou installation,                 
                 (B) soit le coût du transport des marchandises supporté par le fabricant ou producteur lorsque le prix de vente de celles-ci comprend ce coût de transport ou bien en transportant les marchandises entre les locaux commerciaux du fabricant ou producteur au Canada, ou bien en les livrant de ses locaux commerciaux au Canada à l"acheteur, calculé de la façon que le gouverneur en conseil peut prescrire par règlement.                 

[82]      Il n"existe aucun délit connu de privation d"avantages prévus par la loi et aucune demande fondée sur un manquement à une obligation légale n"a été reconnue à la suite de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l"arrêt R. c. Saskatchewan Wheat Pool22. Même si l"on considérait cette demande comme constituant un aspect de la demande fondée sur la négligence, ou comme le genre de préjudice qui pourrait être inclus dans le délit ce complot, aucun préjudice ne pourrait être présumé lorsque la perte alléguée résulte simplement d"une action concertée conforme à la loi, visant à permettre à des fonctionnaires de s"acquitter de leurs responsabilités légales.

Allégations fondées sur la violation des droits reconnus par la Charte

[83]      Dans un avis de questions constitutionnelles déposé le 24 octobre 1997 dans la présente instance, les demanderesses [TRADUCTION] " contestent l"interprétation administrative de la validité et de l"applicabilité de la Loi sur la taxe d"accise, L.R.C. (1985), ch. E-15 et de la circulaire ET-62 " en ce qui concerne les questions suivantes :

     a)      le prétendu pouvoir de porter des accusations criminelles contre les demanderesses;
     b)      la cotisation GST-41-92 établie le 3 décembre 1992 par le ministre du Revenu national à l"égard d"Olympia Interiors Ltd.;
     c)      le prétendu pouvoir d"effectuer une perquisition et une saisie chez la demanderesse Olympia and Window Elegance Sales Inc.

Elles contestent également [TRADUCTION] " la validité, l"applicabilité et l"interprétation de la Loi de l"impôt sur le revenu, du Régime de pensions du Canada et de la Loi sur l"assurance-chômage [...] dans l"affaire concernant la cotisation ITA-8447-92 " établie à l"égard de la société demanderesse.

[84]      En l"espèce, la Cour n"est pas saisie de cette affaire, concernant la cotisation en cause dans le dossier du greffe ITA-8447-92, et de l"affaire concernant la cotisation GST-41-92 du 3 décembre 1992 établie par le ministre. Tout en autorisant l"établissement de cotisations, les lois respectives susmentionnées prévoient qu"il est possible de faire opposition ou de faire examiner l"affaire dans un certain délai et prévoient également une procédure d"appel. Dans cette instance, la Cour n"a pas compétence pour examiner les cotisations mentionnées ou leurs fondements.

[85]      Par l"avis qu"elles ont déposé le 24 octobre 1997, les demanderesses affirment que la Loi sur la taxe d"accise [TRADUCTION] " devrait être rétroactivement déclarée invalide ", mais aucune preuve n"a été présentée et aucune autre observation n"a été faite au sujet de la constitutionnalité des lois susmentionnées dans l"avis de questions constitutionnelles. La question de l"application de la Loi sur la taxe d"accise dans le cas des demanderesses et la question des droits revendiqués en vertu de la Charte sont soulevées dans les actes de procédure et dans les avis des demanderesses; je les examinerai maintenant par rapport aux articles 7, 8, 11, 12 et 15 de la Charte.

Droits reconnus par l"article 7

[86]      L"article 7 prévoit ce qui suit :

         Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu"en conformité avec les principes de justice fondamentale.                 

Les " garanties juridiques " prévues à l"article 7 sont les premières garanties et les garanties les plus générales qui soient protégées par la Charte. Les dispositions subséquentes, jusqu"à l"article 23, se rapportent à des cas précis de privation du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne prévu à l"article 723.

[87]      Dans l"arrêt Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général)24, la Cour suprême du Canada a exclu les sociétés de l"application de l"article 7 étant donné qu"une société ne peut pas être privée du droit à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne. En l"espèce, les questions fondées sur l"article 7 peuvent uniquement être invoquées par Mme David et non par la société demanderesse.

[88]      Le droit limite également les garanties prévues à l"article 7, qui protège la liberté physique d"une personne plutôt que sa liberté économique. Dans l"arrêt MacPhee et al. v. (Pulpwood Marketing Board) ((N.S.) et al.25, la Cour d"appel de la Nouvelle-Écosse a statué que l"article 7 ne s"appliquait pas aux droits économiques ou propriétaux. Dans Renvoi : Motor Vehicle Act de la C.-B.26, le juge Lamer (tel était alors son titre) a conclu qu"une loi imposant simplement une amende plutôt qu"une peine d"emprisonnement ne pouvait pas être examinée en vertu de l"article 7 parce qu"elle ne prive pas un délinquant de sa liberté.

[89]      Il ressort des avis de questions constitutionnelles qu"il est allégué que les actions de la défenderesse ont occasionné la perte de l"entreprise de Mme David et la perte des actifs d"Olympia. La Cour suprême a statué que les droits économiques, tels qu"ils sont généralement désignés par le terme " propriété ", ne sont pas protégés par l"article 727. À mon avis, les droits économiques revendiqués par Mme David en l"espèce ne sont pas protégés par l"article 7. Les avis de cotisation délivrés à Olympia ne menaçaient pas la liberté personnelle de Mme David. La poursuite aurait uniquement pu soulever des questions en vertu de l"article 7 si elle avait été déclarée coupable et si l"on avait ordonné sa détention, de façon à porter atteinte à sa liberté. Il est soutenu qu"éliminer toutes les exigences relatives à une faute des éléments d"une infraction viole l"article 7, mais même si c"est le cas, rien ne permet de conclure que la faute ne devait pas être établie dans la poursuite engagée en vertu de la Loi sur la taxe d"accise.

[90]      Je conclus que selon la preuve dont je dispose, ou selon les arguments fondés sur cette preuve, rien ne permet de conclure qu"il a été porté atteinte aux droits de Mme David, tels qu"ils sont protégés par l"article 7 de la Charte.

Droits reconnus par l"article 8

[91]      L"article 8 prévoit ce qui suit :

         Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.                 

[92]      Dans l"arrêt Hunter c. Southam28, la Cour a statué que l"article 8 garantit une attente raisonnable en ce qui concerne le respect du droit à la vie privée. Il peut être porté atteinte aux droits protégés par l"article 8 lorsqu"un fonctionnaire qui soupçonne qu"une infraction a été commise cherche à obtenir des éléments de preuve aux fins d"une poursuite. Dans l"arrêt Hunter , le juge en chef Dickson a énoncé un critère à trois volets permettant de déterminer si une perquisition et une saisie sont raisonnables. Le juge doit d"abord déterminer si la perquisition a été effectuée conformément à un pouvoir reconnu par la loi, un pouvoir qui pour être exercé exige la délivrance d"un mandat par un arbitre impartial à la suite d"une dénonciation faite sous serment montrant l"existence d"un motif raisonnable et probable. La délivrance d"un mandat exige l"exercice d"un pouvoir discrétionnaire judiciaire29. Dans l"arrêt R. c. Collins30, la Cour suprême du Canada a fait la remarque suivante :

         Une fouille ne sera pas abusive si elle est autorisée par la loi, si la loi elle-même n"a rien d"abusif et si la fouille n"a pas été effectuée d"une manière abusive.                 

[93]      En l"espèce, la fouille des locaux d"Olympia a été autorisée au moyen d"un mandat délivré conformément à l"article 443 du Code criminel , qui, au moment pertinent, se lisait comme suit :

             443. (1) Un juge de paix qui est convaincu, à la suite d"une dénonciation faite sous serment suivant la formule 1, qu"il existe un motif raisonnable pour croire que, dans un bâtiment, contenant ou lieu, se trouve                 
             a) une chose à l"égard de laquelle une infraction à la présente loi, ou à toute autre loi du Parlement, a été commise ou est soupçonnée avoir été commise,                 
             b) une chose qui, pour un motif raisonnable, porte à croire qu"elle fournira une preuve touchant la commission d"une infraction à la présente loi, ou à toute autre loi du Parlement, ou                 
             c) une chose qui, pour un motif raisonnable, porte à croire qu"elle est destinée à servir aux fins de la perpétration d"une infraction contre la personne, pour laquelle un individu peut être arrêté sans mandat, peut à tout moment décerner un mandat sous son seing, autorisant une personne qui y est nommée ou un agent de la paix,                 
             d) à faire une perquisition dans ce bâtiment, contenant ou lieu, pour rechercher cette chose et la saisir, et                 
             e) sous réserve de toute autre loi du Parlement, dans les plus brefs délais possibles, la transporter devant le juge de paix ou un autre juge de paix de la même circonscription territoriale ou en faire rapport, en conformité avec l"article 445.1.                 
[94]      La constitutionnalité de l"article 443 a été confirmée dans l"arrêt Re Times Square Book Store and the Queen31, où la Cour d"appel de l"Ontario a statué que cette disposition ne violait pas l"article 8 de la Charte. Cela étant, une perquisition autorisée en vertu de cette disposition est autorisée par la loi, dont la validité a été confirmée.
[95]      Il s"agit uniquement de savoir si la perquisition était raisonnable. Les mesures préalables qui sont prises en vue d"assurer que la perquisition est justifiée influent sur son efficacité. M. Schwantes a préparé un rapport initial fondé sur son enquête préliminaire. Le bien-fondé de ce rapport a été examiné et le rapport a été approuvé par des supérieurs. M. Schwantes a par la suite énoncé la raison pour laquelle le mandat était demandé dans la dénonciation qu"il avait faite sous serment pour examen et sur laquelle le juge de paix qui a accordé le mandat de perquisition s"était fondé. À mon avis, le juge de paix disposait d"éléments de preuve lui permettant raisonnablement de conclure qu"il existait des motifs raisonnables de délivrer le mandat.
[96]      Rien ne laisse entendre que la perquisition ait été abusive. En ce qui concerne le caractère raisonnable de la saisie et la conservation des documents, les documents ont été conservés en prévision des procédures criminelles. Mme David a allégué que les déclarations d"Olympia étaient inexactes après la saisie parce qu"elle ne pouvait pas avoir accès aux documents et que la perte de ces documents avait causé un préjudice à Olympia. Cependant, Mme David avait accès aux documents sur demande et certains documents ont été copiés pour elle. Eu égard aux circonstances, il n"était pas déraisonnable de conserver les documents pendant quelques mois après la suspension de l"instance étant donné qu"il était toujours possible de demander la reprise des procédures. Je conclus que rien ne montre que la perquisition ou la saisie qui en a résulté aient violé les droits reconnus à Mme David ou à Olympia par l"article 8 de la Charte.
Droits reconnus par les articles 11 et 12
[97]      Dans la nouvelle déclaration modifiée, les demanderesses disent qu"elles se fondent entre autres sur les alinéas 11b ), 11d), 11f), 11g) et 11h) ainsi que sur l"article 12 de la Charte. Dans un avis de question constitutionnelle, Mme David allègue que les droits qui lui sont reconnus par l"article 11 ont été violés. Les dispositions en question desdits articles 11 et 12 prévoient ce qui suit :
         11. Tout inculpé a le droit :                 
         [...]                 
         b) d"être jugé dans un délai raisonnable;                 
         [...]                 
         d) d"être présumé innocent tant qu"il n"est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l"issue d"un procès public et équitable;                 
         [...]                 
         f) sauf s"il s"agit d"une infraction relevant de la justice militaire, de bénéficier d"un procès avec jury lorsque la peine maximale prévue pour l"infraction dont il est accusé est un emprisonnement de cinq ans ou une peine plus grave;                 
         g) de ne pas être déclaré coupable en raison d"une action ou d"une omission qui, au moment où elle est survenue, ne constituait pas une infraction d"après le droit interne du Canada ou le droit international et n"avait pas de caractère criminel d"après les principes généraux de droit reconnus par l"ensemble des nations;                 
         h) d"une part de ne pas être jugé de nouveau pour une infraction dont il a été définitivement acquitté, d"autre part de ne pas être jugé ni puni de nouveau pour une infraction dont il a été définitivement déclaré coupable et puni;                 
         [...]                 
         12. Chacun a droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités.                 

À mon avis, les seuls droits qui pourraient être invoqués en vertu de l"article 11, compte tenu de la preuve présentée à l"audience, sont ceux qui sont prévus aux alinéas b ) et d). Ces dispositions prévoient que tout inculpé b) a le droit d"être jugé dans un délai raisonnable et d ) a le droit d"être présumé innocent tant qu"il n"est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l"issue d"un procès public et équitable. Je remarque ici qu"aucun argument n"a été invoqué au sujet de la violation des droits reconnus par l"article 12 et, compte tenu des faits qui ont été établis, aucune question n"est soulevée en vertu de l"article 12.

[98]      Les demanderesses n"ont présenté aucun élément de preuve qui se rapporterait expressément aux droits garantis par les alinéas 11b ) et d). Néanmoins, j"examinerai la preuve dont je dispose. En ce qui concerne l"alinéa 11b ), la Cour suprême du Canada a refusé de fixer un délai précis dans lequel le procès doit avoir lieu, mais elle a statué qu"il faut évaluer quatre facteurs pour déterminer si un délai est déraisonnable : la durée du délai, la question de savoir si l"inculpé a renoncé à invoquer certaines périodes, la raison du délai et le préjudice subi par l"inculpé32. La durée du délai est calculée à compter du moment où l"accusation est portée de sorte qu"un délai qui se produit au stade de l"enquête, avant que les accusations soient portées, n"entre généralement pas en ligne de compte33.

[99]      La question de savoir si un délai est raisonnable peut dépendre des causes de pareil délai. Ainsi, un délai qui est inhérent aux procédures, comme le délai qui vise à concilier les horaires des avocats, n"est pas déraisonnable34. Les délais systémiques causés par l"encombrement, ou les délais attribuables au ministère public, n"ont pas pour effet de prolonger la période pendant laquelle le délai est jugé raisonnable, alors que ceux qui sont attribuables à la défense peuvent avoir pour effet de prolonger cette période.

[100]      Enfin, pour déterminer si le délai est déraisonnable, la Cour tient également compte du préjudice subi par l"inculpé. Dans l"arrêt R. c. Askow35, le juge Cory a dit qu"il y avait une " [...] présomption simple selon laquelle le seul écoulement du temps cause un préjudice à l"accusé ", en particulier lorsqu"il y a eu de longs délais. Toutefois, dans l"arrêt R. c. Morin36, la Cour a dit qu"on ne saurait automatiquement présumer, dans un cas particulier, que le délai a causé un préjudice à l"inculpé.

[101]      En l"espèce, Mme David et Olympia ont été accusées le 25 août 1987 et l"affaire a été entendue le 23 octobre 1989. Par conséquent, le procès n"a commencé que deux ans et deux mois après que les accusations eurent été portées. Rien ne montre que ce délai n"ait pas été normal pour des procédures de ce genre devant les tribunaux de Brampton. Pendant l"audience, les demanderesses n"ont pas présenté de preuve pour établir que le délai leur avait causé un préjudice, même si elles l"ont implicitement laissé entendre pendant les interrogatoires et lorsque Mme David a présenté ses plaidoiries. En effet, Mme David a interrogé Me Woolcott au sujet des délais qui avaient suivi le début du procès. Me Woolcott a expliqué qu"après que la preuve eut été présentée en janvier 1990, le procès devait reprendre en avril, soit la date la plus rapprochée possible, et qu"il a par la suite été reporté au mois de juin parce que la Cour ne pouvait pas le reprendre en avril. À mon avis, la preuve établit que le procès a quelque peu été retardé, mais rien ne montre que le délai en soi ait causé un préjudice aux demanderesses ou qu"il ait été attribuable au ministère public.

[102]      Dans ses plaidoiries, Mme David a soutenu que la perte qu"Olympia et elle-même avaient subie était attribuable au fait qu"on avait tardé à retourner les documents saisis. J"en ai déjà parlé ci-dessus, mais à cet égard, je ne dispose tout simplement d"aucun élément établissant le préjudice allégué par les demanderesses. Je ne puis supposer que ce préjudice était important ou que le délai occasionné par le fait que les documents saisis ont été conservés, une fois les poursuites suspendues, peut être considéré comme déraisonnable.

[103]      Mme David a témoigné qu"à son avis, il a été porté aux droits que lui garantissait la Charte lorsque le ministère public a suspendu les procédures criminelles37. Son témoignage montre qu"elle ne comprenait pas ce qu"était une suspension ou quels étaient les effets de pareille suspension. Plus précisément, il semble qu"elle ait cru que la suspension laissait entendre qu"elle avait " conclu un marché " avec le ministère public ou que l"on considérerait peut-être qu"elle était coupable des infractions criminelles dont elle était accusée. Lorsqu"elle a fourni des détails, le 24 septembre 1992, elle a déclaré qu"il avait été porté atteinte à ses droits et a exprimé son mécontentement, du fait qu"elle ne pouvait pas répondre aux accusations qui avaient été portées contre elle. Elle semblait s"inquiéter de ce que la suspension laisse entendre qu"elle était coupable, alors que la Cour n"avait pas rendu de décision et, de fait, qu"elle n"avait pas fini d"entendre tous les témoins de la Couronne au moment où la suspension avait été ordonnée. Quoi qu"il en soit, la culpabilité de Mme David n"a pas été établie. Mme David est toujours présumée innocente. Étant donné qu"une suspension d"instance ne donne pas lieu à une conclusion de culpabilité, l"alinéa 11d ) de la Charte ne pouvait pas être violé.

Droits reconnus par l"article 15

[104]      Le paragraphe 15(1) prévoit ce qui suit :

         La Loi ne fait acception de personne et s"applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l"origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l"âge ou les déficiences mentales ou physiques.                 
[105]      L"article 15 de la Charte , comme l"article 7, accorde une protection aux personnes physiques seulement38. La société demanderesse ne peut pas se prévaloir de cette disposition.
[106]      Pour établir que l"article 15 a été violé, Mme David doit établir qu"une distinction est faite, compte tenu d"une caractéristique personnelle qui entraîne la dénégation d"un des droits fondamentaux à l"égalité protégés par le paragraphe 15(1), à savoir l"égalité devant la loi, l"égalité de bénéfice et la protection égale de la loi. À ce stade, il s"agit de savoir si la loi fait une distinction entre la demanderesse et d"autres personnes compte tenu de caractéristiques personnelles. En second lieu, la demanderesse doit établir que la dénégation du droit entraîne une discrimination pour l"un des motifs prohibés ou pour un motif analogue39.
[107]      Mme David a invoqué deux fondements montrant qu"elle a peut-être été traitée d"une façon discriminatoire. En premier lieu, il y avait les remarques que M. Leyton avait attribuées à M. Schwantes, au sujet du fait que Mme David et lui (M. Leyton) pratiquaient peut-être la même religion. Compte tenu de la preuve, je ne suis pas convaincu que ces remarques aient été faites. Je remarque que Mme David n"a pas remis en question les motifs de M. Schwantes en ce qui concerne ces présumées remarques, lorsqu"il était à la barre des témoins, pendant l"interrogatoire principal et le réinterrogatoire. Par conséquent, rien ne montre qu"il ait agi, ou qu"il ait été poussé à agir, pour un motif discriminatoire au sens du paragraphe 15(1).
[108]      Dans ses plaidoiries, Mme David a soutenu qu"on n"avait pas accordé à Olympia un taux de déduction approprié lorsqu"elle en avait fait la demande parce que les agents de l"Accise estimaient qu"elle était simplement une femme avec une machine à coudre. Rien ne montre que ce soit le cas ou qu"elle ait ainsi été traitée.
[109]      La preuve présentée à l"audience n"établit aucun fondement permettant de conclure qu"il a été porté atteinte aux droits à l"égalité garantis à Mme David par le paragraphe 15(1) de la Charte.
Conclusion
[110]      Dans cette action, les demanderesses réclament chacune des dommages-intérêts généraux, spéciaux et exemplaires élevés et, dans la nouvelle déclaration modifiée, l"on dit que par suite des actions délictuelles commises par les préposés de l"État, Mme David a fait faillite, qu"elle a perdu son gagne-pain et qu"elle a subi un grave stress émotionnel. Comme il en a été fait mention au début de ces motifs, la présente instance portait uniquement sur la question de la responsabilité.
[111]      De toute façon, il est généralement difficile d"établir la nature des principales allégations invoquées par les demanderesses en matière délictuelle, et ce, en particulier lorsque, comme c"est ici le cas, les demanderesses se fondent à l"instruction sur les dépositions que des témoins qui sont ou qui étaient fonctionnaires, ou qu"un témoin de la Couronne, ont faites dans des procédures antérieures engagées contre elles. Les demanderesses devraient évaluer avec soin tout problème de preuve avant l"instruction car pareil problème ne saurait influer sur l"obligation qui leur incombe de prouver leurs allégations si l"affaire est entendue. Si la demanderesse persiste, elle a le droit de faire entendre l"affaire si celle-ci relève de la compétence de la Cour, mais pour avoir gain de cause, elle doit s"acquitter à l"instruction de l"obligation qui lui incombe de prouver les allégations qui sont faites devant la Cour.
[112]      J"ai entendu les allégations et la preuve et je résume mes conclusions. En ce qui concerne les allégations de nature délictuelle fondées sur de présumés torts commis par des fonctionnaires, je conclus qu"aucun élément de preuve ne permettrait de conclure que les personnes concernées ont commis un tort susceptible de donner lieu à l"introduction d"une action, délit dont la défenderesse pourrait être tenue responsable en vertu de la Loi sur la responsabilité civile de l"État et le contentieux administratif. Rien ne montre que les poursuites engagées contre les demanderesses aient été abusives ou qu"elles aient été intentées sans motif raisonnable et probable. Rien ne montre qu"une action fautive ait été commise, ou qu"il y ait eu abus de pouvoir ou recours abusif justifiant l"octroi de dommages-intérêts. Rien ne montre que la poursuivante ou un autre fonctionnaire agissant dans l"exercice de ses fonctions pour le compte de la défenderesse ait commis une négligence. Rien ne montre que les personnes concernées ait comploté entre elles d"une façon illicite.
[113]      Quant aux allégations fondées sur la présumée violation des droits reconnus aux demanderesses par les articles 7, 8, 11, 12 et 15 de la Charte, rien ne permet de conclure que les actions des préposés de la défenderesse aient porté atteinte aux droits revendiqués par la demanderesse, Mary David, en vertu de ces cinq dispositions de la Charte, ou par la société demanderesse, Olympia, en vertu des articles 8 et 11.
[114]      Étant donné que je conclus qu"aucune des allégations n"a été établie, la défenderesse n"a pas à payer des dommages-intérêts. D"où le jugement rendu le 31 mars 1999 rejetant l"action des demanderesses.
[115]      Dans leurs actes de procédure respectifs, les deux parties demandent les dépens, la défenderesse les demandant sur la base avocat-client. À la fin de l"audience, on a dit peu de choses au sujet des dépens, mais l"avocat de la défenderesse a dit que si la Cour retenait les observations qu"il avait faites au sujet du rejet de l"action des demanderesses, la Cour ne devrait pas adjuger de dépens aux demanderesses. À mon avis, il n"existe aucun fondement sur lequel je devrais m"appuyer si ce n"est la pratique habituelle de la Cour, soit adjuger les dépens compte tenu de l"issue de l"instance. Les parties n"ont fait aucune remarque au sujet des autres facteurs énumérés au paragraphe 400(3) des Règles de la Cour dont je dois tenir compte dans l"exercice du pouvoir discrétionnaire qui m"est conféré en matière d"adjudication des dépens. Je note qu"en agissant pour son propre compte ainsi que pour la société demanderesse, comme une ordonnance de la Cour lui permettait de le faire, Mme David n"avait pas d"avocat ou ne bénéficiait pas de conseils juridiques et, à mon avis, cela a entraîné des initiatives et des procédures, en prévision de l"instruction, qui seraient normalement inutiles lorsque les deux parties sont représentées par des avocats. De plus, cela devrait accroître les frais pour les deux parties.
[116]      Malgré tout, je reconnais que l"avocat de la défenderesse n"a pas fait de remarques sur ce point et, en l"absence d"observations, il ne m"incombe pas d"examiner la question. Je reconnais qu"après le début de l"instruction, Mme David et l"avocat de la défenderesse ont tous les deux travaillé d"une façon efficace, et ont même collaboré entre eux, pour mener l"audience à bonne fin.
[117]      Je ne suis pas convaincu qu"en l"espèce, on ait établi un fondement justifiant l"adjudication des dépens sur la base avocat-client, même si un plaideur qui n"est pas avocat et qui agit pour son propre compte et pour le compte de sa compagnie peut occasionner pour la défenderesse, Sa Majesté la Reine, des frais plus élevés que d"habitude. Cela étant, j"adjuge les dépens entre parties à la défenderesse, comme c"est habituellement le cas, à moins que de gré à gré les parties ne règlent la question des dépens sur une autre base.
                         " W. Andrew MacKay "
                                 Juge
Vancouver (Colombie-Britannique)
Le 8 avril 1999.
Traduction certifiée conforme
L. Parenteau, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :      T-1436-92

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Olympia Interiors Ltd. et Mary David
     c.
     Sa Majesté la Reine

MOTIFS DU JUGEMENT du juge MacKay en date du 8 avril 1999

ONT COMPARU :

     Mary David          pour son propre compte

     Brian McPhadden          pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

     Mary David          pour son propre compte

     11, promenade Albion Hills

     Palgrave (Ontario)

     L0N 1P0

     Brian McPhadden          pour la défenderesse

     Avocat

     Bureau 811

     44, rue Victoria

     Toronto (Ontario)

     M5C 1Z6


__________________

1      Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 , annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.).

2      S.R.C. 1970, ch. E-13, dans sa forme modifiée.

3      S.C. 1980-81-82-83, ch. 68, par. 8(5).

4      La preuve sur laquelle les demanderesses se fondent, soit une lettre datée du 4 janvier 1973 que le chef régional de l"époque, Vérification de l"Accise, à Toronto, avait envoyée à Olympia, n"indique pas le taux de déduction applicable, mais énonce la façon dont ce taux pourrait être calculé dans certaines conditions, notamment dans le cas où Olympia fournirait des renseignements financiers.

5      DORS/83-136.

6      Voir la transcription, volume 13, à la page 153.

7      L.R.C. (1985), ch. C-50, dans sa forme modifiée.

8      (1989), 60 D.L.R. (4th) 609 (C.S.C.).

9      [1997] 2 C.F. 84 (C.F. 1re inst.).

10      C.R.C. ch. 413.

11      (1959), 16 D.L.R. (2d) 689 (C.S.C.).

12      [1999] O.J. no 393 (Div. gén. Ont.), en direct : QL (O.J.).

13      (1977), 69 D.L.R. (3d) 114 à la p. 123 (C.A. Man.).

14      (1994), 78 F.T.R. 109 (C.F. 1re inst.).

15      S.R.C. 1970, ch. C-40, dans sa forme modifiée.

16      L.R.C. (1985), ch. N-15, dans sa forme modifiée.

17      (1993), 70 F.T.R. 158 (C.F. 1re inst.), infirmé en partie en appel à (1995), 184 N.R. 350 (C.A.F.)

18      (1987), 11 F.T.R. 310 (C.F. 1re inst.).

19      (1983), 145 D.L.R. (3d) 385 (C.S.C.).

20      Id. à la p. 400.

21      Les demanderesses citent la version de 1985 de la Loi sur la taxe d"accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, art. 46, dans sa forme modifiée. Cette disposition remplace l"article 26 de la Loi de 1970 dans sa forme modifiée, qui s"appliquait pendant les années en question.

22      (1983), 143 D.L.R. (3d) 9 (C.S.C.).

23      Voir Renvoi relatif à l"art. 193 et à l"al. 195.1(1)c) du Code criminel, [1990] 1 R.C.S. 1123, 4 W.W.R. 481 (C.S.C.).

24      [1989] 1 R.C.S. 927.

25      (1989), 88 N.S.R. (2d) 345 (C.A.), autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée (1989), 102 N.R. 400 (note) (C.S.C.).

26      [1985] 2 R.C.S. 486.

27      Irwin Toy Ltd., supra, note 24.

28      [1984] 2 R.C.S. 145.

29      Ibid.

30      [1987] 1 R.C.S. 265.

31      (1985), 21 C.C.C. (3d) 503 (C.A. Ont.).

32      Voir R. c. Smith [1989] 2 R.C.S. 1120.

33      Voir par exemple R. c. Morin [1992] 1 R.C.S. 771.

34      R. c. Rogalsky [1995] 4 R.C.S. 48.

35      [1990] 2 R.C.S. 1199.

36      Supra, note 33.

37      Voir transcription, volume 10, aux pages 32 à 34.

38      Edmonton Journal c. Alberta (Procureur général), [1989] 2 R.C.S. 1326 à la p. 1382.

39      Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143; Miron c. Trudel, [1995] 2 R.C.S. 418 à la p. 485; Egan c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 513 à la p. 584.

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