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                                                                                                                        Date : 20050120

                                                                                                                           Dossier : T-2208-03

                                                                                                                    Référence : 2005 CF 86

ENTRE :

                                                           BRADLEY RAHEY et

                                                               JOANNE RAHEY

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                             et

                                          LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PHELAN

[1]                Au lieu de suivre le proverbe « payez d'abord, vous verrez bien après » , les Rahey ont décidé de ne pas payer leurs impôts et de voir ce qui se passerait ensuite. Ce n'est pas toujours la décision la plus sage.


[2]                Les demandeurs demandent à la Cour d'annuler une « décision en matière d'équité » , laquelle rejetait leur demande d'allégement des intérêts et des pénalités concernant l'impôt exigible. Les demandeurs ont décidé d'attendre le résultat d'une nouvelle cotisation de l'impôt et des représentants du défendeur leur ont donné l'assurance qu'ils n'auraient pas à payer d'impôts pendant l'établissement de la nouvelle cotisation mais que les intérêts courraient. Ils n'ont rien dit au sujet des pénalités.

LE CONTEXTE

[3]                Les Rahey qui étaient propriétaires d'un commerce à Sydney, en Nouvelle-Écosse, ont eu un long différend avec le défendeur au sujet des impôts depuis 1994, année à laquelle ils ont fait l'objet d'une vérification pour les années d'imposition 1992 et 1993.

[4]                Ce n'est que le 27 mai 1998, que des avis de cotisations ont été délivrés pour les années 1992 et 1993 et seulement après que les représentants du défendeur et le comptable des Rahey eurent échangé une correspondance au sujet de diverses conclusions et écarts. Les Rahey ont versé 25 000 $ sur les sommes de 62 167,96 $ et 86 515,98 $ qu'ils devaient pour ces années-là. Ils ont déposé un avis d'opposition.

[5]                Le 11 septembre 1998, un état de compte a été délivré faisant état du montant dû et indiquant qu'il n'était pas nécessaire de payer ce montant immédiatement mais que les intérêts continueraient à s'accumuler.


[6]                Par la suite, les demandeurs affirment qu'ils n'ont pas reçu d'autres courriers ou avis de cotisation avant le mois de septembre 2002. Ils n'ont apparemment pas reçu les avis de cotisation qu'ils auraient dû recevoir en juillet 1999 indiquant un solde dû pour les années 1992 et 1993, ni les avis de cotisation pour 1998 et 1999 qui faisaient tous les deux états de soldes dus pour les années d'imposition 1992 et 1993.

[7]                Même en l'absence de ces documents, les demandeurs ont effectué un autre paiement en juillet 1999 à l'égard des années d'imposition 1992 et 1993.

[8]                Les demandeurs laissent entendre que le fait qu'ils n'ont pas reçu leurs avis de cotisation s'explique peut-être par le fait que le nom de leur rue a changé et aussi par une certaine confusion au sein du service postal. Les représentants du défendeur ont toutefois rencontré le comptable des Rahey et lui ont précisé le montant de la dette fiscale. Les représentants du ministère ont pris des notes détaillées et cohérentes des réunions et des communications qu'ils ont eues avec le comptable. Le comptable n'a pas déposé d'affidavit dans la présente affaire.

[9]                Les demandeurs ont sollicité un allégement des intérêts et le défendeur a accédé à cette demande pour les périodes allant du 28 mars 1992 au 27 mai 1998 et du 10 avril 2003 au 24 octobre 2003.


[10]            Cependant, pour ce qui est des autres périodes, le défendeur a refusé d'accorder un allégement des intérêts et des pénalités. Le défendeur reconnaît que le dossier des Rahey avait été mis en suspens entre le 7 juillet 1999 et le mois de novembre 2002, ce qui veut dire qu'aucune mesure de recouvrement n'a été prise. Cependant, le défendeur a fondé sa décision de refuser d'accorder un allégement sur le fait que les Rahey étaient au courant qu'un solde était dû pour 1992 et 1993.

ANALYSE

[11]            Aux fins de la présente affaire, je retiens l'argument du défendeur selon lequel la norme de contrôle est celle de la décision manifestement déraisonnable. Les parties n'ont pas présenté d'argument concernant le paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale et de la norme de contrôle imposée par cette disposition.

[12]            En l'absence d'éléments de preuve contradictoires émanant du comptable des Rahey, il y a lieu de retenir ceux qu'a présentés le défendeur au sujet des renseignements qui avaient été fournis au comptable, qui était l'agent des Rahey dans leurs rapports avec le fisc. La preuve documentaire confirme également que les Rahey connaissaient le solde dû pour 1992 et 1993.

[13]            Le défendeur soutient avoir tenu compte de tous les facteurs pertinents lorsqu'il a refusé la demande d'allégement fiscal - ou du moins, il n'existe aucune preuve indiquant qu'il n'a pas tenu compte des facteurs pertinents. Je suis d'accord avec lui mais en partie seulement.


[14]            Il ne semble pas que le défendeur ait examiné la question de savoir s'il était justifié d'imposer des pénalités dans ce dossier. Le défendeur s'est plutôt demandé si le délai mis pour calculer les sommes dues et le fait de ne pas avoir pris de mesures de recouvrement étaient raisonnables. Le défendeur a lui-même reconnu, lorsqu'il a accordé un allégement fiscal à l'égard de certaines périodes, que la façon dont ces cotisations avaient été traitées soulevait des problèmes.

[15]            Rien n'indique que les demandeurs ont essayé de se soustraire à leurs obligations fiscales ou fait preuve de négligence. Les propres fonctionnaires du défendeur leur ont eux-mêmes déclaré qu'il n'était pas nécessaire d'effectuer immédiatement un versement. Les fonctionnaires du défendeur ont précisé que les intérêts s'accumulaient mais ils n'ont pas parlé de l'imposition de pénalités.

[16]            Ils ont averti les demandeurs que s'ils n'effectuaient pas les versements, les intérêts s'accumuleraient; par conséquent, il n'est pas justifié d'imposer des pénalités dans ce cas. Aucun motif susceptible de justifier l'imposition de pénalités n'a été mentionné à la Cour.

[17]            Par conséquent, j'estime que le refus du défendeur d'accorder l'allégement des pénalités imposées n'est pas justifié.


[18]            Pour ce qui est du refus d'accorder l'allégement des intérêts, il n'y a pas lieu de modifier la décision du défendeur. Les Rahey savaient qu'ils devaient payer de l'impôt et que les intérêts s'accumulaient. Ils ont pris le risque que la nouvelle cotisation leur soit plus favorable qu'elle ne l'a été en réalité. Il n'est pas déraisonnable ou inéquitable qu'ils paient les conséquences de leur choix sur le plan des intérêts.

[19]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie en partie.

[20]            Compte tenu de l'issue de la présente affaire, chaque partie assumera ses propres frais.

                                                                                                                           « Michael L. Phelan »                   

                                                                                                                                                     Juge                                

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            T-2208-03

INTITULÉ :                                           BRADLEY RAHEY ET JOANNE RAHEY c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L'AUDIENCE :                     SYDNEY (NOUVELLE-ÉCOSSE)

DATE DE L'AUDIENCE :                   LE 16 DÉCEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :                          LE 20 JANVIER 2005

COMPARUTIONS :

Michael Tobin                                                                                         POUR LES DEMANDEURS

John Ashley                                                                                                   POUR LE DÉFENDEUR

Christa MacKinnon

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Michael Tobin                                                                                         POUR LES DEMANDEURS

North Sydney (Nouvelle-Écosse)

John H. Sims                                                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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