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  T-1978-95

ENTRE :

  MANDATE ERECTORS AND WELDING LTD.

  BATHURST MACHINE SHOP LTD.,

  KENNETH PITRE, NANCY PITRE

  GÉRALD PITRE, BARBARA PITRE

  LÉOPOLD THÉRIAULT, ALMA THÉRIAULT

  demandeurs

  et

  SA MAJESTÉ LA REINE

  défenderesse

  MOTIFS DES ORDONNANCES

LE JUGE MACKAY :

  Les deux présentes demandes ont été entendues à Fredericton (Nouveau-Brunswick), le 11 avril 1996, date à laquelle j’ai reporté le prononcé de ma décision. Les avocats des parties ont ensuite été invités à présenter d’autres observations écrites qui ont été reçues plus tard en avril et en mai. Voici les motifs qui me permettront de rendre une décision sur les demandes, l’une présentée par les demandeurs et l’autre par la défenderesse.

  La demande des demandeurs vise l’obtention d’une ordonnance forçant l’entiercement de toutes les copies des livres, registres, documents ou objets saisis par la défenderesse le 2 mars 1994 dans les locaux privés et commerciaux des demandeurs et dans les bureaux de leurs comptables, ainsi que l’ensemble des copies, sommaires, notes, exposés ou extraits de ceux-ci, qui sont en la possession ou sous le contrôle de la défenderesse, et enjoignant à la défenderesse de les conserver dans des boîtes scellées et de les confier à la garde du chef des Enquêtes spéciales du Bureau de district d’impôt de Revenu Canada à Saint John, au Nouveau-Brunswick, jusqu’à ce que la demande soit définitivement tranchée, et qu’aucune utilisation ne soit faite de ces dossiers et autres documents jusqu’à ce moment-là.

  Dans sa demande, la défenderesse sollicite une ordonnance afin que les noms de Claudette Miller, Marc Boudreau, M. Burchill, Terry LeBlanc, Barbara Dawe et Suzanne Ouellette, désignés à l’origine à titre de défendeurs, soient radiés de la déclaration, ainsi qu’une ordonnance permettant aux défendeurs de modifier leur défense, par adjonction, après le numéro « 5 », des mots « dans la mesure où cela renvoie à Sa Majesté la Reine » à la ligne 5 du paragraphe 1, et les mots « 5, dans la mesure où cela renvoie au procureur général et au ministre du Revenu national » à la ligne 2 du paragraphe 2, après le numéro « 4 ». Les défendeurs sollicitent également une ordonnance afin que le procureur général et le ministre du Revenu national soient radiés de la déclaration à titre de défendeurs ou, subsidiairement, une ordonnance permettant à la défenderesse de modifier le paragraphe 16 de la défense en supprimant « et 18 », et en y substituant l’expression « 18 et 18.1 ». Les défendeurs sollicitent également une ordonnance visant la radiation des alinéas 22f), g) et h) de la déclaration.

  Les demandeurs, Mandate Erectors et Welding Ltd. et Bathurst Machine Shop, sont des sociétés constituées en personnes morales dans la province du Nouveau-Brunswick. Les autres demandeurs sont tous des gens d’affaires, et/ou leurs conjoints, liés à ces sociétés. Les sociétés demanderesses ont fait l’objet de vérifications en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu par les agents et les employés du ministre du Revenu national pour certaines périodes pendant les années 1990. Les demandeurs prétendent qu’aucun avis de cotisation n’a été émis à la suite de ces vérifications, et qu’ils ont coopéré pleinement avec la défenderesse à toutes les époques en cause.

   Par suite des vérifications des sociétés demanderesses, Claudette Miller et Terry LeBlanc, des employés du ministère du Revenu national, ont recueilli des renseignements, et plus tard, Mme Miller a établi sous serment une Dénonciation en vue d’obtenir des mandats de perquisition, alléguant qu’elle avait des motifs raisonnables et probables de croire que certains livres, registres comptables, états financiers, relevés bancaires, lettres, contrats, protocoles d’entente et autres documents appartenant aux demandeurs fourniraient la preuve que des violations en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu avaient été commises.

  Le 23 février 1994, le juge Casey de la Cour provinciale du Nouveau-Brunswick a décerné des mandats de perquisition en vertu de l’article 487 du Code criminel aux fins de la perquisition des locaux personnels et commerciaux des demandeurs.

  Vers le 2 mars 1994, Marc Boudreau, M. Burchill, Terry LeBlanc, Barbara Dawe et Suzanne Ouellette, qui étaient aussi des employés du ministère du Revenu national, ont exécuté le mandat de perquisition et ont saisi auprès des défendeurs des livres, des documents, des chèques, des registres, des écrits et diverses autres choses. Ces documents et dossiers ont finalement été retournés aux demandeurs en vertu d’une ordonnance du juge Casey en date du 23 août 1994, bien que le ministère ait conservé des copies de tous les documents.

  Par voie de déclaration déposée le 21 septembre 1995, les demandeurs allèguent que les mandats de perquisition doivent être déclarés nuls et sans effet étant donné que, lorsque Claudette Miller a établi sous serment une Dénonciation en vue d’obtenir des mandats de perquisition, elle a qualifié de façon erronée diverses opérations des défendeurs, y compris une opération d’achat et de vente de tracteurs dans le cadre de laquelle un échange d’argent comptant non déclaré se serait produit. Il est mentionné, entre autres, qu’elle n’a pas réussi à communiquer avec certaines personnes qui auraient été disponibles pour dûment expliquer toutes les opérations des demandeurs, et pour en confirmer la nature, ainsi que le fait qu’elle a omis de divulguer les sources de certains de ses renseignements. Les demandeurs allèguent que le ministre n’avait aucun motif d’utiliser des mesures extrêmes et que l’utilisation de mandats de perquisition constituait un abus de pouvoir et une violation du devoir d’agir avec équité. Selon les demandeurs, les mandats de perquisition n’ont pas respecté les normes minimales de spécificité et doivent donc être annulés. Par leur demande, les demandeurs sollicitent un jugement déclaratoire ainsi que des dommages-intérêts pour perquisition et saisie illégales et pour intrusion.

  Les demandeurs s’appuient sur l’article 470 des Règles des Cours fédérales, L.R.C. 1978, ch. 663 à l’appui de leur demande d’entiercement et de mise sous scellé de tous les documents, dossiers et autres objets saisis par les défendeurs en vertu des mandats de perquisition. Cette règle est rédigée dans les termes suivants : [traduction]

  470. (1) Avant ou après l’introduction d’une action, la Cour pourra, à la demande d’une partie, rendre une ordonnance pour la détention, la garde ou la conservation de biens qui font ou doivent faire l’objet de l’action, ou au sujet desquels peut se poser une question dans l’action; et une telle demande doit être appuyée par un affidavit établissant les faits qui rendent nécessaire la détention, la garde ou la conservation de ces biens et doit être faite par voie de requête dont avis doit être donné à toutes les autres parties.

 

 

  [...]

 

 

  (4) L’ordonnance rendue en vertu du paragraphe 470(1) : a) identifie les biens à garder ou à conserver; b) précise dans quel lieu, par qui, pendant combien de temps et aux frais de qui les biens doivent être gardés ou conservés; et doit prévoir les autres conditions, le cas échéant, qui semblent justes dans les circonstances.

 

 

  (5) Une ordonnance rendue en vertu de l’alinéa (1) doit avoir exclusivement pour objet la protection des biens jusqu’à la fin du procès.

 

  Les demandeurs ont également fait valoir l’article 8 de la Charte des droits et libertés à l’appui de leur demande. Cet article prévoit :

  8. Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

 

  Les demandeurs font valoir que la perquisition de leurs locaux constitue une perquisition abusive en raison des présumées lacunes dans la Dénonciation en vue d’obtenir des mandats de perquisition établie sous serment par Claudette Miller, et du prétendu défaut de divulguer tous les renseignements pertinents au juge Casey au moment où les mandats ont été obtenus. Les demandeurs allèguent également que la forme de la Dénonciation ne respecte pas les règles prévues au Code criminel. Par conséquent, de l’avis des demandeurs, une question sérieuse a été soulevée en vue d’être soumise à la décision de la Cour.

  Les demandeurs affirment qu’ils subiront un préjudice irréparable si leur demande n’est pas accueillie. Ils soutiennent que permettre aux défendeurs de conserver et d’examiner les documents, saisis en vertu d’une perquisition abusive, équivaut à une atteinte continue à la vie privée, ce qui constitue un préjudice irréparable. Pour ce motif, les demandeurs soutiennent que la prépondérance des inconvénients leur est également favorable.

  À mon avis, l’article 470 des Règles des Cours fédérales n’avait pas pour but de protéger des documents aux fins poursuivies en l’espèce par les demandeurs. Plutôt, le but de cette règle est de préserver les biens ou la propriété qui sont eux-mêmes l’objet de la poursuite. En l’espèce, il n’est pas nécessaire d’assurer la préservation de la propriété parce qu’elle a déjà été retournée aux demandeurs en vertu d’une ordonnance judiciaire. Les défendeurs ont conservé des copies des documents et des dossiers saisis, mesure que la Couronne dit être autorisée de prendre en vertu de l’article 490 du Code criminel, qui était en vigueur au moment pertinent, alors qu’une enquête est en cours, comme dans les présentes circonstances, en ce qui concerne une éventuelle infraction pénale. Cet article prévoit en partie ce qui suit :

  490. [...]

 

 

  (13) Le procureur général peut faire et conserver une copie des documents saisis avant de les remettre ou de se conformer à une ordonnance, notamment de confiscation ou de restitution, rendue en vertu des paragraphes 490(1), (9) ou (11).

 

 

  (14) Les copies faites en vertu du paragraphe 490(13) et certifiées conformes par le procureur général sont admissibles en preuve et, en l’absence de preuve contraire, ont la même valeur probante que l’original aurait eue s’il avait été déposé en preuve de la façon normale.

 

  L’ordonnance demandée ici par les demandeurs prend la forme d’un sursis en vertu de l’article 51 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, dans sa version modifiée. En acceptant qu’une question sérieuse ait peut-être été soumise en l’espèce à la décision du tribunal de première instance dans le cadre de l’action, je ne suis pas persuadé que les demandeurs ont établi qu’ils subiront un préjudice irréparable si la demande est refusée. Aussi grave que puisse paraître l’atteinte à la vie privée si la Cour décide en définitive que le droit de la Couronne de conserver et d’utiliser des copies des documents saisis dans le cadre d’une enquête criminelle est invalide, tout tort que les demandeurs peuvent subir dans les circonstances de l’espèce peut être compensé par des dommages-intérêts ou par d’autres mesures de redressement, et, à mon avis, ne constitue pas un préjudice irréparable. Pour ces motifs, la demande des demandeurs est rejetée.

  Les défendeurs désignés à l’origine font valoir que le nom des individus désignés comme défendeurs, soit Claudette Miller, Marc Boudreau, M. Burchill, Terry LeBlanc, Barbara Dawe et Suzanne Ouellette, devrait être radié de la déclaration à titre de défendeurs, en vertu de l’alinéa 419(1)a) et du paragraphe 1716(2) des Règles des Cours fédérales. Ils soutiennent que dans le litige actif, aucune cause raisonnable d’action n’a été intentée contre eux et par conséquent, ils ont été indûment ou inutilement institués comme parties à l’action. La défenderesse soutient que les causes d’action à l’encontre des défendeurs individuels, et la responsabilité alléguée de ceux-ci, se fondent sur des allégations de perquisitions, de saisies et d’intrusion abusives qui relèvent du droit de la responsabilité civile délictuelle et non du droit fédéral. La Cour, de l’avis de la défenderesse, n’a aucune compétence sur les demandes déposées à l’encontre d’individus fondées sur le droit de la responsabilité civile délictuelle à la lumière des exigences énoncées dans l’arrêt I.T.O. - International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc. et al., [1986] 1 R.C.S. 752, 68 N.R. 241, 28 D.L.R. (4th) 641. Dans cette décision, le juge McIntyre a établi un critère à trois volets pour déterminer si la Cour fédérale a compétence à l’égard d’une question particulière, dont le deuxième volet exige qu’il « existe un ensemble des règles de droit fédéral qui soit essentiel à la solution du différend et qui constitue le fondement de l’attribution légale de sa compétence ». En l’espèce, on affirme que l’action intentée contre les défendeurs individuels ne relève pas du Code criminel ou de la Loi de l’impôt sur le revenu, mais elle est plutôt fondée sur le droit de la responsabilité civile délictuelle.

  Le défendeur soutient également qu’il n’est pas nécessaire pour les demandeurs de nommer le procureur général du Canada et le ministre du Revenu national, et que ces parties devraient être radiées en vertu du paragraphe 1716(2) et de l’alinéa 419(1)a), parce que Sa Majesté la Reine a déjà été nommée dans la poursuite et est la seule partie dont la présence est nécessaire.

  Les demandeurs soutiennent que les allégations formulées à l’encontre des demandeurs individuels ne devraient pas être radiées parce que tant le Code criminel que la Loi de l’impôt sur le revenu constituent l’ensemble de règles de droit fédérales qui sont essentielles à la solution du litige. Les demandeurs citent la décision Marshall c. Sa Majesté la Reine et al., [1986] 1 C.F. 437, aux pages 447 à 450 (1re inst.), où la Cour a laissé entendre qu’un recours exercé contre un particulier qui est intimement lié à un recours exercé contre la Couronne peut relever du paragraphe 17(1) de la Loi sur les Cours fédérales, qui peut donner compétence sur l’ensemble de la cause d’action. À mon avis, cette proposition a été rejetée par la Cour d’appel dans l’arrêt Varnam c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1988] 2 C.F. 454, 84 N.R. 163, 50 D.L.R. (4th) 44 (C.A.), et dans l’arrêt Wilder c. Canada, [1988] 2 C.F. 465, 89 N.R. 135 (C.A.). En outre, les demandeurs soutiennent que le procureur général et le ministre ne devraient pas être radiés de la déclaration sans avoir chacun personnellement fait une demande à cet effet. De plus, les demandeurs font valoir qu’il est nécessaire de désigner ces personnes aux fins du contre-interrogatoire au préalable dans le cadre de l’action.

  Je suis convaincu que les défendeurs individuels doivent être radiés en tant que parties défenderesses dans la présente action et une ordonnance est aujourd’hui délivrée prescrivant que leurs noms soient radiés de la déclaration et de l’intitulé de la cause. Je suis d’avis que notre Cour n’a pas compétence pour procéder à l’examen des allégations personnelles formulées contre eux en tant qu’individus, parce que ces allégations sont fondées sur le droit de la responsabilité civile délictuelle, et non sur le droit fédéral. (Voir, Tomossy c. Hammond, [1979] 2 C.F. 232 (1re inst.) ; Stephens’ Estate c. Ministre du Revenu national et al. (1982), 40 N.R. 620, (1982), C.T.C. 138, (1982), 26 C.P.C. 1 (C.A.F.). Je ne suis pas convaincu que le Code criminel ou la Loi de l’impôt sur le revenu sont essentiels à la solution des allégations formulées contre les défendeurs individuels, du moins en ce qui concerne le critère établi par la Cour suprême dans l’arrêt I.T.O., précité. Toutefois, à mon avis, le nom de ces personnes ne doit pas être radié des alinéas de la déclaration lorsque le demandeur énonce les faits sur lesquels il entend se fonder à l’appui de sa demande de redressement dans son action contre la Couronne, même si les personnes ne sont plus désignées à titre de défendeurs dans l’action. Par conséquent, l’ordonnance rendue en l’espèce supprime le nom des défendeurs individuels de l’intitulé de la cause, et à titre de défendeurs désignés dans le texte de la déclaration.

  De plus, selon moi, le nom du procureur général et du ministre du Revenu national doit être radié à titre de défendeurs dans le cadre de l’action. Il ressort de la déclaration que le redressement n’est pas demandé à leur encontre à titre personnel. Si tel était le cas, les allégations seraient fondées sur la responsabilité civile délictuelle et, comme dans le cas des autres personnes, ne relèveraient pas de la compétence de la Cour. Conformément au paragraphe 1716(2) des Règles des Cours fédérales, je radie le nom des ministres à titre de défendeurs parce qu’ils ont été inutilement institués comme parties à l’action. L’article 48 de la Loi sur les Cours fédérales prévoit effectivement qu’une procédure contre la Couronne doit être entamée contre Sa Majesté la Reine :

  48. (1) Pour entamer une procédure contre la Couronne, il faut déposer au greffe de la Cour fédérale l’original et deux copies de l’acte introductif d’instance, qui peut suivre le modèle établi à l’annexe [...]

 

Dans le formulaire visé à l’article en question, le défendeur désigné est Sa Majesté la Reine.

  Dans la décision Kealey c. Canada, [1992] 1 C.F. 195; (1991), 46 F.T.R. 107 (1re inst.), mon collègue le juge Teitelbaum a déclaré que : [traduction]

  Je suis convaincu que si les demandeurs n’ont pas l’intention de poursuivre le procureur général personnellement, il est par conséquent redondant d’instituer le procureur général du Canada à titre de partie; il suffit de constituer Sa Majesté la Reine défenderesse.

 

Pour ce motif, le juge Teitelbaum a radié le procureur général de l’instance.

  À mon avis, la Loi sur les Cours fédérales exige en l’espèce que Sa Majesté soit désignée à titre de défenderesse. Pour ce motif, je suis d’avis qu’il est redondant de désigner le procureur général et le ministre du Revenu national dans les circonstances de l’espèce. Là où il ne peut y avoir d’allégation portée contre les défendeurs en leur qualité personnelle, comme c’est le cas dans la présente cause, il n’y a aucune raison de les inclure comme défendeurs. Le droit des demandeurs de procéder à un contre-interrogatoire au préalable se limite à la personne qui est partie défenderesse, soit dans le but de se défendre à l’encontre d’une ordonnance ou d’un jugement demandé contre cette partie désignée. Dans la mesure où la Couronne, Sa Majesté la Reine, est instituée à titre de défenderesse à la suite des mesures prises par des agents ou des fonctionnaires qui auraient agi dans les limites de leurs obligations légales, le demandeur peut contre-interroger au préalable un ou plusieurs fonctionnaires désignés par la Couronne à titre de représentant ou représentants.

  De plus, à mon avis, il n’est pas nécessaire pour le procureur général et le ministre, comme le font valoir les demandeurs, de présenter des demandes pour être radiés à titre de parties lorsque la Cour n’a pas compétence à l’égard des demandes déposées contre le ministre à titre personnel. Il suffit dans les circonstances de l’espèce que Sa Majesté la Reine, en tant que partie défenderesse, présente une demande de radiation des parties qui n’ont pas été correctement mises en cause dans l’action.

  Enfin, les défendeurs ont également présenté une ordonnance visant à faire radier les alinéas 22f), g) et h) de la déclaration au motif qu’ils constituent un abus de procédure de la Cour puisque, dit-on, les demandeurs sollicitent essentiellement en l’espèce des ordonnances qui sont de la nature d’un bref de mandamus ou de certiorari, bien qu’elles aient été formulées en termes de jugement déclaratoire. De plus, les défendeurs font valoir qu’on ne peut obtenir un jugement déclaratoire contre un office fédéral que dans le cadre d’une instance en contrôle judiciaire. En outre, la défenderesse soutient que le redressement demandé par les demandeurs dans ces alinéas ne peut être accordé à l’encontre de la Couronne en vertu de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, mais il ne peut être accordé que dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire de décisions rendues par un office fédéral.

  Les demandeurs réclament un éventail d’ordonnances déclaratoires, dans le cadre du redressement demandé, comme il est indiqué au paragraphe 22 de la déclaration. Un certain nombre des déclarations sollicitées par les demandeurs portent sur des conclusions de fait ou de droit. Les alinéas 22f), g) et h) sont quelque peu différents et prévoient ce qui suit :
[traduction]

 

f)  qu’un jugement soit émis par la Cour déclarant que les défendeurs et tous ceux concernés retournent immédiatement aux demandeurs tous les documents, livres, registres, écrits ou autres objets saisis par les défendeurs, ainsi que tous les extraits ou copies de ceux-ci;

 

 

 

g)  qu’un jugement soit émis par la Cour déclarant que les défendeurs retournent immédiatement tous les sommaires, notes ou schémas tirés des documents, livres, registres, écrits ou autres articles saisis par les défendeurs;

 

 

 

h)  qu’une déclaration soit émise par la Cour déclarant que les défendeurs n’utilisent pas lesdits documents, livres, registres, écrits ou autres articles, ou l’ensemble des sommaires, notes, schémas ou renseignements tirés desdits articles;

 

Les demandeurs soutiennent que compte tenu de l’action établie en l’espèce dans la déclaration, le redressement demandé, tel qu’il est décrit dans ces alinéas, devrait être accordé, dans l’intérêt de la justice, s’ils ont éventuellement gain de cause dans leur action à d’autres égards. Le jugement déclaratoire contesté en l’espèce a pour but de renforcer les autres mesures de redressement demandées, et de s’assurer que les droits des demandeurs contre les perquisitions et saisies abusives sont réels.

  À mon avis, les alinéas 22f), g) et h) de la déclaration ne devraient pas être radiés compte tenu des circonstances de l’espèce. Dans l’arrêt Williams c. Thomas (inédit), numéro de dossier A-649-95 (5 février 1996) (C.A.F.), la Cour d’appel a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour accorder un jugement déclaratoire ou une mesure injonctive dans une action instituée à l’encontre d’un office fédéral; conformément à l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales, une telle réparation ne peut être accordée à l’encontre d’un tel organisme que sur requête introductive d’instance présentée à la Cour en vertu de l’article 18.1. Toutefois, dans les circonstances de l’espèce, l’action n’a pas été instituée à l’encontre d’un « office fédéral » tel qu’il est mentionné à l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales, mais l’a plutôt été à l’encontre de Sa Majesté la Reine, d’autant plus que les autres défendeurs doivent maintenant être radiés, conformément à ma conclusion en réponse aux premières parties de la requête de la Couronne. Selon moi, un jugement déclaratoire ou une mesure injonctive peut être accordé à l’encontre d’un défendeur à une action où celui-ci n’est pas un office fédéral, y compris un jugement déclaratoire, mais non une mesure injonctive, dans une action instituée à l’encontre de Sa Majesté la Reine. La question de savoir si le redressement demandé est en réalité une déclaration, une ordonnance de mandamus ou une mesure injonctive qui ne serait pas accordée à l’encontre de la Couronne, comme la défenderesse le soutient, peut dépendre de l’argumentation et de la forme du jugement déclaratoire qui est réellement sollicité. L’article 1723 des Règles de la Cour prévoit qu’« il ne peut être fait opposition à une action pour le motif que cette action ne vise qu’à l’obtention d’un jugement ou d’une ordonnance purement déclaratoires; et la Cour pourra faire des déclarations de droit obligatoires, qu’un redressement soit ou puisse être demandé ou non en conséquence ». À cette étape-ci, je ne suis pas disposé à radier les alinéas 22f), g) et h) de la déclaration.

  Pour ces motifs, les ordonnances suivantes sont délivrées : une ordonnance rejetant la demande des demandeurs et une ordonnance rejetant la demande de la défenderesse de radier les alinéas 22f), g) et h) de la déclaration, mais accueillant la requête de la défenderesse relativement à la radiation de certains des défendeurs désignés à l’origine dans l’action. Par conséquent, il est ordonné que les défendeurs individuels, et le procureur général et le ministre du Revenu national soient radiés à titre de parties défenderesses et de l’intitulé de la cause, lequel devra dorénavant se lire tel qu’il est indiqué au début des présents motifs.

  La défenderesse est sommée de déposer une défense modifiée, qui reflète les changements apportés au texte ainsi qu’à l’intitulé de la cause, en accord avec les conditions de l’ordonnance. Compte tenu des directives concernant la radiation en tant que parties défenderesses des individus désignés à l’origine à titre de défendeurs et des ministres désignés comme défendeurs dans la présente action, l’avocat des demandeurs est sommé de déposer une déclaration modifiée conformément à ces directives.

 

_____________________________________

JUGE

Ottawa (Ontario)

Le 28 août 1996.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Nº DU DOSSIER DE LA COUR : T-1978-95

INTITULÉ : Mandate Erectors and Welding Ltd. et al. et

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L’AUDIENCE : Fredericton (Nouveau-Brunswick)

DATE DE L’AUDIENCE : Le 11 avril 1996

MOTIFS DE L’ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE MACKAY DATE DES MOTIFS : Le 28 août 1996

COMPARUTIONS :

David R. Oley POUR LES DEMANDEURS

Deno P. Pappas, c.r. POUR LA DÉFENDERESSE et Peter H. MacPhail

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mockler Peters Oley POUR LES DEMANDEURS Rouse & Williams

Avocats Fredericton (Nouveau-Brunswick)

Clark, Drummie & Company POUR LA DÉFENDERESSE Avocats

Saint John (Nouveau-Brunswick)

 

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