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Date: 19971114


Dossier: T-1304-96

Entre :

     VILLE DE SAINT-ROMUALD, personne morale de droit

     public ayant son siège et sa principale place d?affaires au

     2175, chemin du Fleuve, à Saint-Romuald, district de

     Québec, G6W 7W9

     Demanderesse

     - ET -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, Complexe

     Guy-Favreau, Tour Est, 200 boulevard René Lévesque

     Ouest, 5e étage, Montréal, H2Z 1X4

     Défendeur

     MOTIFS DE L? ORDONNANCE

NADON J.

[1]      Le Procureur Général du Canada (le ?procureur général? ), agissant pour la Couronne fédérale, cherche à obtenir une ordonnance de cette Cour radiant la déclaration de la demanderesse. Au soutien de sa requête, le procureur général invoque la règle 419(1)(a) des Règles de la Cour fédéralequi se lit ainsi:

                 Règle 419. (1) La Cour pourra, à tout stade d?une action ordonner la radiation de tout ou partie d?une plaidoirie avec ou sans permission d?amendement, au motif                 
                 a) qu?elle ne révèle aucune cause raisonnable d?action ou de défense, selon le cas,                 
                 et elle peut ordonner que l?action soit suspendue ou rejetée ou qu?un jugement soit enregistré en conséquence.                 

[2]      Le 3 juin 1996, la ville de Saint-Romuald (la ?ville? ) intentait une action contre la Couronne fédérale, relativement au non-paiement d?une surtaxe sur des immeubles non résidentiels, propriété de la Couronne fédérale, situés à Saint-Romuald.

[3]      La demanderesse réclame la somme de 20 119,97$, soit une somme de 10 059,99$ pour l?année 1994 et une somme de 10 059,98$ pour l?année 1995.

[4]      La déclaration de la demanderesse se lit comme suit:

                 AU SOUTIEN DE SON ACTION, LA DEMANDERESSE EXPOSE:                 
                 1.      Elle est une personne morale de droit public légalement constituée en vertu de la Loi sur les cités et les villes, L.R.Q.. chap. C-19;                 
                 2.      Conformément aux dispositions de l?article 244.11 de la Loi sur la fiscalité municipale, L.R.Q. chap. F-2.1, la demanderesse a adopté un règlement concernant l?imposition de la surtaxe sur les immeubles non résidentiels;                 
                 3.      Le défendeur était propriétaire de l?immeuble situé sur les lots 1-4 et 1-5 pour les années 1994 et 1995;                 
                 4.      Les lots précédents ne sont pas utilisés pour une exploitation agricole enregistrée conformément à un règlement adopté en vertu de la Loi sur le ministère de l?Agriculture, des pêcheries et de l?alimentation, entièrement inscrite à un certificat visé à cette même loi et n?est pas constituée uniquement d?un terrain non exploité, d?une étendue ou de l?un et de l?autre, le tout tel qu?il le sera démontré à l?enquête;                 
                 5.      En vertu de la Loi de 1980 sur les subventions aux municipalités, S.R.C. 1985, chap. N-13, la demanderesse a reçu une subvention en compensation d?une partie de l?impôt foncier dû pour les immeubles ci-haut mentionnés pour les années 1994 et 1995, mais n?a reçu aucune subvention en compensation de la surtaxe sur les immeubles non résidentiels pour ces mêmes années;                 
                 6.      Par conséquent, la demanderesse est bien fondée de réclamer du défendeur le paiement de la surtaxe sur les immeubles non résidentiels pour ces mêmes années;                 
                 7.      Pour l?année 1994, la taxe foncière sur les immeubles ci-haut mentionnés était de 17 004,34$ alors que la surtaxe sur les immeubles non résidentiels pour ces mêmes immeubles s?élevait à 10 059,99$;                 
                 8.      La demanderesse a reçu en deux versements, une subvention de 17 004,35$, de sorte qu?il reste dû un arrérage de taxes pour l?année 1994 de 10 059,98$, cet arrérage représentant le montant dû pour la surtaxe sur les immeubles non résidentiels;                 
                 9.      Pour l?année 1995, les taxes foncières s?élevaient à la somme de 17 186,40$ alors que la surtaxe sur les immeubles non résidentiels s?élevait, quant à elle, à la somme de 10 059,98$;                 
                 10.      Le 18 avril 1995, la demanderesse recevait une subvention de 17 186,40$ représentant le montant dû pour la taxe foncière pour l?année 1995, laissant ainsi un solde à recevoir de 10 059,99$ représentant le montant dû pour la surtaxe sur les immeubles non résidentiels;                 
                 11.      La demanderesse est donc bien fondée de réclamer du défendeur le paiement d?une somme de 20 119,97 $ représentant les arrérages dus pour les années 1994 et 1995 relativement à la surtaxe sur les immeubles non résidentiels;                 
                 12.      Bien que dûment réclamé du défendeur, celui-ci refuse de payer le montant dû;                 
                 13.      La présente action est bien fondée en faits et en droit;                 

[5]      En bref, le raisonnement de la demanderesse semble être le suivant. Elle a adopté un règlement relatif à l?imposition d?une surtaxe sur les immeubles non résidentiels situés sur son territoire. La Couronne fédérale était, en tout temps pertinent, propriétaire de deux immeubles non résidentiels situés sur le territoire de la ville. En vertu de la Loi sur les subventions aux municipalités, la Couronne fédérale a versé une subvention à la ville en compensation de l?impôt foncier dû sur ses immeubles non résidentiels pour les années 1994 et 1995. Par ailleurs, la Couronne fédérale n?a versé aucune subvention à la ville en compensation de la surtaxe sur ces dits immeubles. Par conséquent, selon la demanderesse, la Couronne fédérale, ne lui ayant pas versé de subventions en compensation de la surtaxe, lui est redevable pour les montants dûs pour la surtaxe.

[6]      Voilà, en bref, la position de la demanderesse. Quant à la Couronne fédérale, sa position est la suivante. Elle jouit d?une immunité fiscale et, par conséquent, ne peut être considérée comme un simple contribuable. Le ministre des travaux publics, en vertu de la Loi sur les subventions aux municipalités, jouit d?une entière discrétion relativement au versement de subventions à une municipalité. La Couronne fédérale soumet qu?elle ne peut être poursuivie comme un simple contribuable et, par conséquent, la déclaration de la demanderesse ne révèle aucune cause raisonnable d?action. Donc, selon la Couronne fédérale, la déclaration doit être radiée.

QUESTIONS EN LITIGE:

[7]      L ?action de la demanderesse révèle-t-elle une cause raisonnable d?action contre la Couronne fédérale?

DISPOSITIONS PERTINENTES DE LA LOI:

[8]      L ?article 244.11 de la Loi sur la fiscalité municipale, L.R.Q. chap. F-2.1, autorise toute municipalité à édicter un règlement imposant une surtaxe sur les immeubles non résidentiels:

                 244.11 Toute municipalité locale peut, par règlement, imposer une surtaxe sur les unités d?évaluation inscrites à son rôle d?évaluation foncière qui sont constituées d?immeubles non résidentiels ou d?immeubles résidentiels dont l?exploitant doit être le titulaire d?un permis délivré en vertu de la Loi sur les établissements touristiques (chapitre E-15.1).                 

[9]      La Loi sur les subventions aux municipalités, S.R.C. 1985, chap. M-13, permet au gouvernement fédéral de verser une subvention à une municipalité, ou à toute autre ?autorité taxatrice?, en compensation de l?impôt foncier:

                 3. (1) Le ministre peut, pour tout immeuble fédéral situé sur le territoire d?une autorité taxatrice habilitée à y lever et y percevoir l?un ou l?autre des impôts mentionnés aux alinéas a) et b), et sur réception d?une demande à cet effet établie en la forme qu?il a fixée ou approuvée, verser sur le Trésor une subvention à cette autorité taxatrice:                 
                      a) en compensation de l?impôt foncier pour une année d?imposition donnée;                 
                      b) en compensation de l?impôt sur la façade ou sur la superficie.                 
                 (2) La prise, au cours d?une année d?imposition, de règlements classant en vertu des alinéas 9(1)d) ou e) un immeuble comme immeuble fédéral permet, malgré toute autre disposition de la présente loi, le versement d?une subvention à l?égard de cet immeuble pour la totalité de l?année d?imposition.                 
                 (3) Dans le cas d?une personne morale mentionnée à l?annexe I, le versement d?une subvention en vertu du présent article n?est possible qu?à l?égard des immeubles de la personne morale précisés à cette annexe ou désignés par règlement du gouverneur en conseil.                 

[10]      Les articles suivants indiquent les montants qui peuvent être versés:

                 4. (1) Sous réserve des paragraphes (2), (3) et 5(1) et (2), la subvention visée à l?alinéa 3(1)a) ne peut dépasser le produit des deux facteurs suivants:                 
                      a) le taux effectif applicable à l?immeuble fédéral concerné pour l?année d?imposition;                 
                      b) la valeur effective de l?immeuble pour l?année d?imposition.                 
                 (2) Le taux effectif mentionné à l?alinéa (1)a) est remplacé par le taux calculé selon la méthode décrite au paragraphe (3), dans les cas où tout ou partie de l?impôt foncier levé par une autorité taxatrice pour une année d?imposition est une taxe scolaire dont le taux varie:                 
                      a) soit selon la religion du contribuable;                 
                      b) soit à la fois selon la religion du contribuable et selon la catégorie d?immeubles imposables.                 
                 (3) Le calcul du taux visé au paragraphe (2) s?effectue par l?addition, d?une part, de la partie du taux effectif qui s?applique à la partie de l?impôt foncier qui n?est pas une taxe scolaire, et, d?autre part, du taux de taxe scolaire égal:                 
                      a) dans le cas prévu à l?alinéa (2)a), au quotient de la division du montant visé au sous-alinéa (i) par le montant visé au sous-alinéa (ii):                 
                          (i) la partie de l?impôt foncier qui constitue la taxe scolaire,                 
                          (ii) la valeur fiscale de tous les immeubles imposables ressortissant à l?autorité taxatrice et constituant pour l?année d?imposition l?assiette de la partie de l?impôt foncier qui est une taxe scolaire;                 
                      b) dans le cas prévu à l?alinéa (2)b), au taux de la taxe scolaire qui s?applique à chaque catégorie d?immeubles imposables et obtenu en divisant le montant visé au sous-alinéa (i) par le montant visé au sous-alinéa (ii):                 
                          (i) la partie de l?impôt foncier qui constitue la taxe scolaire pour la catégorie concernée,                 
                          (ii) la valeur fiscale de tous les immeubles imposables de cette catégorie ressortissant à l?autorité taxatrice et constituant pour l?année d?imposition l?assiette de la partie de l?impôt foncier qui est une taxe scolaire.                 
                 5. (1) Pour une année d?imposition donnée, le ministre peut, dans le calcul de la subvention à verser à une autorité taxatrice, ajuster le taux effectif ou une partie de ce taux lorsque:                 
                      a) l?autorité taxatrice a établi un taux d?impôt foncier sans tenir compte de tous les immeubles fédéraux situés sur le territoire où elle est habilitée à lever et à percevoir cet impôt;                 
                      b) la valeur effective des immeubles fédéraux dont il a été fait abstraction est supérieure à vingt-cinq pour cent de la valeur fiscale totale des immeubles imposables situés sur ce territoire.                 
                 (2) La subvention prévue au paragraphe (1) ne peut dépasser le montant qui aurait été déterminé par le ministre si la valeur effective des immeubles, dans le cas visé à l?alinéa (1)b), avait été prise en considération par l?autorité taxatrice dans l?établissement du taux d?impôt foncier pour l?année d?imposition.                 
                 (3) L?autorité qui perçoit un impôt foncier établi par une autre autorité est réputée, pour l?application des paragraphes (1) et (2), établir le taux de cet impôt.                 
                 6. (1) La subvention visée à l?alinéa 3(1)b) ne peut dépasser le produit des facteurs suivants:                 
                      a) le taux effectif applicable à l?immeuble fédéral pour lequel une subvention peut être versée;                 
                      b) les dimensions effectives de cet immeuble fédéral.                 
                 (2) Dans le cas où un impôt sur la façade ou sur la superficie peut être acquitté en plus d?une année, le ministre peut payer la subvention à verser en compensation de cet impôt soit en plusieurs versements annuels, avec intérêt, soit par un versement global, sans intérêt.                 
                 7. Dans le calcul de la subvention visée à l?alinéa 3(1)a) pour une année d?imposition donnée, peuvent être déduits les montants suivants:                 
                      a) au titre:                 
                          (i) de tout service d?enseignement que Sa Majesté du chef du Canada fournit ou finance, aux termes d?une entente spéciale en vigueur,                 
                          (ii) de tout autre service que l?autorité taxatrice ou l?organisme pour le compte duquel elle perçoit un impôt foncier fournissent normalement aux immeubles imposables, mais que, selon le ministre, ils ne veulent ou ne peuvent pas fournir à un immeuble fédéral, ou de tout autre service pour lequel l?autorité taxatrice ou l?organisme sont dédommagés en vertu d?une entente spéciale en vigueur,                 
                      un montant égal au produit des facteurs suivants:                 
                          (iii) la valeur effective, pour l?année d?imposition, de l?immeuble fédéral auquel ce service n?est pas fourni,                 
                          (iv) la partie du taux effectif s?appliquant à cet immeuble qui, selon le ministre, correspond à ce service pour l?année d?imposition;                 
                      b) un montant égal, selon le ministre, à tout remboursement, suppression ou réduction d?impôt foncier qui, pour l?année d?imposition, s?appliquerait, selon lui, aux immeubles fédéraux concernés s?ils étaient des immeubles imposables.                 
                 8. Dans le calcul de la subvention visée à l?alinéa 3(1)b), peut être déduit un montant ne dépassant pas, selon le ministre, les frais justifiés que Sa Majesté du chef du Canada a engagés ou estime devoir engager pour fournir à tout immeuble fédéral le service ou les installations auxquels correspond l?impôt sur la façade ou sur la superficie.                 

[11]      Enfin, l?article 15 prévoit que la Loi sur les subventions aux municipalitésne donne aucun droit à une subvention:

                 15. La présente loi ne confère aucun droit à une subvention.                 

ANALYSE:

[12]      La jurisprudence est bien établie en ce qui concerne une requête présentée sous la règle 419(1)(a ). Une déclaration sera radiée lorsque la Cour est convaincue que l'action du demandeur ne peut réussir, ?qu? il s?agit d?un cas ?au delà de tout doute??. Dans Operation Dismantle c. La Reine, (1985) 1 R.C.S. 441, le juge en chef Dickson s?exprimait comme suit:

                      Par requête fondée sur la règle 419(1)a ) des Règles de la Cour fédérale, les intimés ont demandé une ordonnance qui aurait pour effet de radier la déclaration des appelants parce qu?elle ne révèle aucune cause raisonnable d?action. Voici le texte de la règle 419(1)a ):                 
                         Règle 419. (1) La Cour pourra, à tout stade d?une action ordonner la radiation de tout ou partie d?une plaidoirie avec ou sans permission d?amendement, au motif                         
                              a ) qu?elle ne révèle aucune cause raisonnable d?action ou de défense, selon le cas ...                         
                      On trouve l?énoncé le plus récent faisant autorité du principe applicable pour déterminer si une déclaration peut être radiée dans les motifs du juge Estey dans l?arrêt Procureur Général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada, [1980] 2 R.C.S. 735, à la p. 740:                 
                              Comme je l?ai dit, il faut tenir tous les faits allégués dans la déclaration pour avérés. Sur une requête comme celle-ci, un tribunal doit rejeter l?action ou radier une déclaration du demandeur seulement dans les cas évidents et lorsqu?il est convaincu qu?il s?agit d?un cas ?au-delà de tout doute?: Ross v. Scottish Union and National Insurance Co.(1920), 47 O.L.R. 308 (Div. App.)                         
                      Dans les motifs qu?elle a rédigés en l?espèce, madame le juge Wilson résume ainsi les principes pertinents [à la p. 486]:                 
                              Le droit donc paraît clair. Les faits articulés doivent être considérés comme démontrés. Alors, la question est de savoir s?ils révèlent une cause raisonnable d?action, c.-à-d. une cause d?action ?qui a quelques chances de succès? (Drummond-Jackson v. British Medical Association, [1970] 1 All E.R. 1094) ou, comme dit le juge Le Dain dans l?arrêt Dowson c. Gouvernement du Canada(1981), 37 N.R. 127 (C.A.F.), à la p. 138, est-il ?évident et manifeste que l?action ne saurait aboutir??                         
                      Je conviens avec le juge Wilson qu?indépendamment du fondement qu?invoquent les appelants pour faire valoir leur demande de jugement déclaratoire - que ce soit le par. 24(1) de la Charte, l?art. 52 de la Loi constitutionnelle de 1982ou la common law- ils doivent à tout le moins être à même de démontrer qu?il y a menace de violation, sinon violation réelle, de leurs droits garantis par la Charte.                 
                      En bref donc, pour que les appelants aient gain de cause dans ce pourvoi, ils doivent montrer qu?ils ont quelques chances de prouver que l?action du gouvernement canadien a porté atteinte à leurs droits en vertu de la Charteou menace de le faire.                 

[13]      Au paragraphe 11 de sa déclaration, la ville réclame de la Couronne fédérale la somme de 20 119,97$, soit les montants dûs suite à la surtaxe sur les immeubles non résidentiels de la Couronne fédérale pour les années 1994 et 1995. Il ne peut faire de doute que, telle que rédigée, la déclaration de la demanderesse est dirigée contre la Couronne fédérale comme si elle était un simple contribuable. La réalité, par ailleurs, est bien différente. Voici ce qu?en dit Me Patrice Garant dans Droit Administratif, 3ième édition, 1991, volume 1, Structures, actes et contrôles, Éditions Yvon Blais Inc., à la page 54:

                      L ?immunité fiscale constitue en faveur du gouvernement un privilège dont l?importance est accrue à cause du caractère fédératif du Canada et de notre tradition administrative qui veut que l?administration municipale ait aussi sa part de l?assiette fiscale.                 
                      La prérogative royale suivant laquelle la couronne jouit de l?immunité fiscale pour ses propriétés, ses biens, ses revenus, ses activités a été souvent précisée par voie législative expresse. Le plus important de ces textes est l?article 1251de la Constitution qui stipule que ?nulle terre ou propriété appartenant au Canada ou à quelque province ne sera assujettie à taxation?. Ce texte n?a toutefois pas pour effet de restreindre l?immunité fiscale de la couronne fondée sur la common law, qui s?applique non seulement aux taxes foncières mais à toute autre forme de taxation, tels la taxe de vente, les taxes d?affaires, l?impôt sur le revenu, sous réserve de certaines restrictions apportées par la jurisprudence.                 

[14]      Il est clair que la Couronne fédérale n?est pas assujettie aux taxes foncières, à moins qu?elle y consente. En vertu du principe de l?immunité fiscale de la Couronne, il est incontestable, à mon avis, que la Couronne fédérale ne peut être poursuivie comme un simple contribuable en vertu de la Loi sur la fiscalité municipaledu Québec ou de toute autre loi fiscale. La ville n?est pas en désaccord avec cette position mais elle soumet qu?elle est bien fondée en droit de réclamer les montants de la surtaxe pour les années 1994 et 1995 sur les immeubles non résidentiels de la Couronne fédérale en vertu de la Loi fédérale sur les subventions aux municipalités. Selon le procureur de la ville, à partir du moment où une subvention a été versée en 1994 et 1995, la discrétion ministérielle cesse immédiatement quant au quantum de la subvention qui est fixée par la Loi sur les subventions aux municipalités.

[15]      Examinons brièvement cette loi. L?article 3(1) de la loi énonce que le ministre peut verser à une municipalité une subvention pour compenser la perte de l?impôt foncier pour une année d?imposition donnée.

[16]      L ?article 15 de la loi, quant à lui, énonce que la loi ne confère à une municipalité aucun droit relativement à une subvention.

[17]      Quant aux articles 4 à 7, ils prévoient les montants maximum qui peuvent être versés par le ministre sous la loi.

[18]      Cette loi, à mon avis, ne fait que confirmer le principe de l?immunité fiscale de la Couronne en ce que, par cette loi, la Couronne fédérale accepte, en certaines circonstances, de verser une subvention aux municipalités en compensation de l?impôt foncier. La loi ne confère aucun droit à une subvention aux municipalités. Plutôt, elle donne au ministre une large discrétion à l?égard du versement de subventions aux municipalités, la seule limite à sa discrétion étant les montants maximum prévus aux articles 4 à 8.

[19]      Puisqu ?il est clair que la Loi sur les subventions aux municipalitésne confère aucun droit à une subvention aux municipalités, la ville ne peut, à mon avis, par action, poursuivre la Couronne fédérale pour non-paiement de la surtaxe sur ses immeubles non résidentiels. Il ne peut en être autrement puisque la Couronne fédérale n?a aucune obligation légale de payer la surtaxe. Les montants reçus par la ville pour les années 1994 et 1995 résultent de l?exercice de la discrétion ministérielle sous la Loi sur les subventions aux municipalités.

[20]      Le ministre a-t-il erré dans l?exercice de sa discrétion, en vertu de la Loi sur les subventions aux municipalités, en refusant de verser des subventions à la ville en compensation de la surtaxe? Le refus du ministre de verser une subvention concernant la surtaxe constitue-t-il une décision entachée d?une erreur de droit? Ces questions sont pertinentes mais elles relèvent plutôt du domaine du contrôle judiciaire. Je n?ai évidemment pas à me prononcer sur ces questions mais il m?appert que si la ville a un recours, il s?agit plutôt d?une demande de contrôle judiciaire attaquant le refus du ministre de lui verser une subvention en compensation de la surtaxe pour les années 1994 et 1995.

[21]      À mon avis, à sa face même, la déclaration de la ville ne peut réussir. La Couronne fédérale n?est pas redevable envers la ville relativement à la surtaxe sur ses immeubles non résidentiels pour les années 1994 et 1995. La ville, en fait, conteste l?exercice de la discrétion ministérielle. Une déclaration, comme celle qu?elle a déposée le 3 juin 1996, n?est pas le recours approprié dans les circonstances.

[22]      Pour ces motifs, la déclaration de la ville sera radiée avec dépens en faveur de la Couronne fédérale.

     "MARC NADON"

     Juge

Ottawa, Ontario

Le 14 novembre 1997.

__________________

     1 L"article 125 de la Constitution stipule que "nulle terre ou propriété appartenant au Canada ou à quelque province ne sera assujettie à taxation".

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