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     T-872-97

     AFFAIRE INTÉRESSANT une demande de contrôle judiciaire et d'annulation, présentée en vertu du paragraphe 18(1) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, avec modificatifs.         
     ET une décision rendue le 7 avril 1997 par le ministre fédéral des Pêches et des Océans, relativement à l'établissement des quotas de pêche du flétan noir pour le détroit de Davis         

E N T R E :

     NUNAVUT TUNNGAVIK INC.,

     requérante,

     - et -

     Le MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE CAMPBELL

     En 1993, les Inuit de la région du Nunavut1 et le gouvernement du Canada ont ratifié un accord concernant des revendications territoriales2 au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. L'Accord a créé une relation entre les Inuit du Nunavut et le gouvernement du Canada au sujet de la gestion coordonnée des ressources fauniques tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la région géographique visée. La présente demande a trait aux dispositions de l'Accord qui se rapportent à la pêche du flétan noir3, dans les eaux situées entre le Groenland et l'île de Baffin, ainsi qu'à la question de savoir si le ministre des Pêches et des Océans4 a enfreint les dispositions dudit Accord en rendant une décision sur les quotas de pêche pour 19975.

     I. Renseignements de base sur la pêche du flétan noir

     dans le détroit de Davis

     L'Organisation des pêches de l'Atlantique nord-ouest (OPANO) a divisé en un certain nombre de sous-zones les eaux qui s'étendent entre le Canada et le Groenland. Les sous-zones 0 et 1 couvrent la partie de l'océan qui séparent le Canada du Groenland; la sous-zone 0 englobe les eaux canadiennes, et la sous-zone 1 les eaux du Groenland. Le stock de flétan noir est évalué par le Conseil scientifique de l'OPANO, à la demande du Canada et du Groenland.

     Au Groenland, la zone de pêche est divisée en un certain nombre de régions, appelées 1A-F. La division 1A est une zone de pêche indépendante, et l'OPANO la reconnaît comme telle depuis 1994. Comme elle est distincte, cette zone n'entre pas en ligne de compte dans le calcul du total des prises admissibles (TPA). C'est donc dire que, dans les eaux du Groenland, les divisions 1B-F servent à calculer le TPA.

     Dans les eaux canadiennes, la zone de pêche est répartie elle aussi en deux divisions : 0A et 0B. La division 0A (située dans la moitié nordique de la région) est une zone de pêche exploratoire, et l'on sait peu de choses sur l'état du stock qui y vit. La division 0B, située dans la moitié méridionale des eaux, constitue la zone de pêche principale. Par conséquent, pour fixer le TPA, les zones que l'on utilise sont les divisions 0B et 1B-F.

     La zone 0 comporte deux zones secondaires : la NSA et la zone I. La NSA est constituée de la zone maritime de 12 milles adjacente au littoral du Nunavut. La zone I représente l'ensemble des divisions 0A et 0B, moins la NSA de 12 milles. La zone II, elle aussi mentionnée dans l'Accord, est formée des eaux de la baie James, de la baie d'Hudson et du détroit d'Hudson, mais elle ne fait pas partie de la zone 0 de pêche du flétan noir.

     Depuis 1982, le Canada et le Groenland conviennent de répartir également le TPA. En 1996, celui-ci était de 11 000 tm6. Ce chiffre n'a pas changé depuis 1994, année où il est tombé de 25 000 tm à 11 000 tm parce que l'on craignait une pêche excessive du stock.

     Au Canada, le TPA est alloué en fonction de deux facteurs : qui sera autorisé à pêcher, et sur un bateau de quelle taille. L'" allocation relative à la pêche en concurrence " est l'allocation du TPA qui est offerte à tous les détenteurs de permis de pêche du poisson de fond de l'Atlantique au sein de la région atlantique du Canada. L'" allocation relative aux bateaux étrangers ou à la pêche de développement " est l'allocation du TPA qu'attribue le gouvernement du Canada à certaines entreprises canadiennes qui affrètent des bateaux étrangers pour pêcher le poisson visé par l'allocation dans le cadre de contrats d'entreprise commune. L'" allocation relative à la pêche côtière " désigne la partie du TPA qui peut être pêchée soit sans bateau, soit au moyen d'un bateau d'une longueur maximale de 65 pieds; et l'" allocation relative à la pêche hauturière " s'entend de la partie du TPA qui peut être pêchée à l'aide d'un bateau d'une longueur supérieure à 65 pieds7.

II.Gestion des ressources fauniques au sein de la RN

A. Principes

     Les objectifs de l'Accord, qui sont exposés dans le préambule de ce dernier, sont les suivants :

         déterminer de façon claire et certaine les droits de propriété, d'utilisation et d'exploitation des terres et des ressources, ainsi que le droit des Inuit de participer à la prise de décisions concernant l'utilisation, l'exploitation, la gestion et la conservation des terres, des eaux et des ressources, notamment au large des côtes;         
         reconnaître aux Inuit des droits d'exploitation des ressources fauniques et le droit de participer à la prise de décisions en cette matière;         
         verser aux Inuit des indemnités pécuniaires et leur fournir des moyens de tirer parti des possibilités économiques;         
         favoriser l'autonomie et le bien-être culturel et social des Inuit.         

     Le chapitre 5 de l'Accord renferme également plusieurs principes qui créent une relation entre les Inuit du Nunavut et le gouvernement du Canada au sujet des ressources fauniques8. Plus particulièrement, l'article 5.1.2, qui porte sur la gestion de ces ressources, énonce les principes directeurs suivants :

         Le présent chapitre reconnaît et reflète les principes suivants :         
         a)      les Inuit sont des utilisateurs " traditionnels et actuels " des ressources fauniques;         
         b)      les droits reconnus par la loi aux Inuit en matière de récolte de ressources fauniques découlent de leur utilisation et leur exploitation traditionnelles et actuelles de ces ressources;         
         c)      la population des Inuit croît à un rythme régulier;         
         d)      il est à la fois possible et souhaitable d'avoir une économie fondée sur les ressources renouvelables, robuste et visant le long terme;         
         e)      il est nécessaire d'établir un système efficace de gestion des ressources fauniques qui complète les droits et priorités des Inuit en matière de récolte et qui reconnaisse les mécanismes de gestion des ressources fauniques établis par les Inuit et contribuant à la conservation de ces ressources et à la protection de leur habitat;         
         f)      il est nécessaire d'établir des mécanismes de gestion des ressources fauniques et de gestion des terres protégeant le plus possible l'économie fondée sur les ressources renouvelables;         
         g)      le système de gestion des ressources fauniques et l'exercice des droits de récolte des Inuit sont régis par les principes de la conservation;         
         h)      il est nécessaire que les Inuit participent concrètement à tous les aspects de la gestion des ressources fauniques, y compris aux activités de recherche à cet égard;         
         i)      le Gouvernement demeure, en dernier ressort, responsable de la gestion des ressources fauniques. [Non souligné dans l'original]         

     L'article 5.1.3 vise l'objectif suivant : " ... la création d'un système de droits, priorités et privilèges en matière de récolte... ". Toutefois, si l'article 5.1.6 prévoit que " [le] gouvernement du Canada et les Inuit reconnaissent qu'il est nécessaire que les Inuit participent concrètement à tous les aspects de la gestion des ressources fauniques ", l'article 5.1.7 dispose que " [il] est entendu qu'aucun des droits prévus au présent chapitre ne s'applique aux ressources fauniques récoltées à l'extérieur de la région du Nunavut ".

     C'est donc dire que si l'article 5.1.7 de l'Accord restreint à la RN les " droits " conférés par le chapitre 5, les principes qui y sont énoncés ne sont pas limités de la même façon. Dans ce contexte, les principes ont une portée générale, et s'appliquent de ce fait aux autres dispositions de l'Accord.

B.      Pouvoir relatif sur la gestion des ressources fauniques

     Afin d'assurer la mise en oeuvre des principes que nous venons de voir, le chapitre 5 prévoit aussi l'établissement du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut (CGRFN)9. Reflétant le principe i) cité ci-dessus, l'article 5.2.33 clarifie le pouvoir relatif du CGRFN et du gouvernement canadien :

     Reconnaissant que le Gouvernement demeure, en dernier ressort, responsable de la gestion des ressources fauniques, le CGRFN constitue le principal mécanisme de gestion des ressources fauniques dans la région du Nunavut et de réglementation de l'accès à ces ressources, et il assume la responsabilité première à cet égard de la manière prévue par l'Accord...         

     Toutefois, selon l'article 5.6.16, un pouvoir important est accordé aux CGRFN à l'égard de la gestion des ressources fauniques au sein de la RN :

     Sous réserve des conditions prévues par le présente chapitre, le CGRFN a le pouvoir exclusif d'établir, de modifier ou de supprimer, selon les circonstances, les récoltes totales autorisées ou les quantités récoltées dans le cadre d'activités de récolte dans la région du Nunavut.         
C.      Les conditions de la relation entre le CGRFN et le gouvernement du Canada

     Le chapitre 5 exige manifestement la création d'une relation pratique mais légalement exécutoire entre le CGRFN et le gouvernement du Canada. En ce qui concerne les zones marines de la RN, et plus particulièrement le poisson, en vertu de l'article 15.2.2 les dispositions du chapitre 5 s'appliquent à ladite relation. Cependant, pour ce qui est de la gestion et de la récolte des ressources fauniques au-delà des zones marines de la RN, des dispositions spéciales sont énoncées au chapitre 15 de l'Accord qui créent l'expectative que la relation prévaudra10.

     L'alinéa 15.1.1d) reconnaît expressément le principe que " les Inuit récoltent des animaux sauvages susceptibles de migrer au-delà des zones marines ". Reconnaissant la nature migratoire des espèces marines11, l'article 15.3.1 exige que " [le] Gouvernement maintient des structures afin de favoriser la gestion coordonnée des espèces marines migratoires dans les zones I et II et dans les régions adjacentes " [Non souligné dans l'original].

     En outre, les dispositions suivantes sont d'une importance critique pour la présente demande :

     15.3.4         
     Le Gouvernement sollicite l'avis du CGRFN à l'égard de toute décision concernant la gestion des ressources fauniques dans les zones I et II et qui aurait une incidence sur la substance et la valeur des droits de récolte et des occasions de récolte des Inuit dans les zones marines de la région du Nunavut. Le CGRFN fournit au Gouvernement des renseignements pertinents afin de l'assister dans la gestion des ressources fauniques au-delà des zones marines de la région du Nunavut. [Non souligné dans l'original]         
     15.3.7         
     Le Gouvernement reconnaît l'importance du principe de la contiguïté aux ressources marines des collectivités de la région du Nunavut et du principe de la dépendance économique de ces collectivités à l'égard de ces ressources; il accorde une attention spéciale à ces facteurs lorsqu'il attribue les permis de pêche commerciale dans les zones I et II. On entend par contiguïté le fait qu'une collectivité est contiguë à la zone en question ou qu'elle se trouve à une distance géographique raisonnable de celle-ci. Ces principes sont appliqués d'une manière propre à favoriser une répartition équitable des permis entre les résidants de la région du Nunavut et les autres résidants du Canada, ainsi que d'une manière compatible avec les obligations intergouvernementales du Gouvernement du Canada. [Non souligné dans l'original]12         
     15.4.1         
     La CNER [Commission du Nunavut chargée de l'examen des répercussions], l'OEN [Office des eaux du Nunavut], la CAN [Commission d'aménagement du Nunavut] et le CGRFN peuvent, soit conjointement " en tant que Conseil du milieu marin du Nunavut " soit individuellement, conseiller d'autres organismes gouvernementaux en ce qui concerne les zones marines et leur formuler des recommandations à cet égard. Le Gouvernement tient compte de ces avis et recommandations lorsqu'il prend des décisions touchant les zones marines . [Non souligné dans l'original]         


     III. Historique des relations relatives

     à la gestion de la pêche du flétan noir

     Le tableau suivant13 présente l'allocation du TPA, de 1994 à 1996.


TPA

Quota canadien

Nunavut-pêche côtière

Nunavut-pêche hauturière

Pêche en concurrence

(permis)

Bateaux étrangers14

1994

11 000 tonnes

5 500 tonnes

1 000 tonnes

------

500 tonnes

4 000 tonnes

1995

11 000 tonnes

5 500 tonnes

1 000 tonnes

------

1 000 tonnes

3 500 tonnes

1996

11 000 tonnes

5 500 tonnes

1 000 tonnes

500 tonnes

1 500 tonnes

2 500 tonnes

     L'historique de la relation entre le CGRFN et le gouvernement du Canada depuis la signature de l'Accord en 1993 montre que le CGRFN a défendu vigoureusement sa position en vertu de l'Accord avec des résultats variables.

     En 1994, après l'annonce de l'allocation relative au flétan noir, le CGRFN a fait savoir au ministre des Pêches et des Océans de l'époque, l'honorable Brian Tobin, que la décision rendue par ce dernier ne tenait pas compte et faisait abstraction des rôles et des fonctions du CGRFN. En répondant favorablement à ces objections, le ministre Tobin a envoyé deux lettres, dont certains passages ont trait à l'affaire qui nous occupe ici. Dans la lettre datée du 13 décembre 1994, le ministre Tobin écrit ce qui suit :

     [TRADUCTION]         
     Comme vous le savez, aux termes de l'article 15 de l'Accord de règlement, le gouvernement fédéral est tenu de solliciter l'avis du CGRFN au sujet de toute décision se rapportant aux ressources fauniques des zones I et II qui aurait des répercussions sur la substance et la valeur des droits et des occasions de récolte des Inuit au sein des zones marines de la région du Nunavut. Dans cette optique, il ne fait aucun doute que le CGRFN doit avoir un rôle important à jouer dans toute consultation ultérieure au sujet de la pêche. C'est la raison pour laquelle j'ai donné instruction au Conseil pour la conservation des ressources halieutiques (CCRH) de veiller avec une attention particulière aux intérêts du Nunavut. À cette fin, je propose que le MPO procède à des consultations spéciales avec le GTNO et le CGRFN à propos des stocks qui les intéressent particulièrement, et discute d'ententes de consultation qui conviendraient à cette tâche à l'avenir.         
     Dans l'intervalle, je propose d'accorder au CGRFN le statut d'observateur auprès du Comité fédéral-provincial des pêches de l'Atlantique (CFPPA), dont font partie les sous-ministres des Pêches. Je suggère de plus que le CGFRN participe aux groupes de travail du CFPPA au sujet des questions qui ont une incidence sur les intérêts du Nunavut dans le domaine de la pêche. [Non souligné dans l'original]15         

Voici ce qu'écrit le ministre Tobin dans une seconde lettre, portant la date du 18 janvier 1995 :

     [TRADUCTION]         
     Je reconnais également que le flétan noir de la sous-zone 0 représente une occasion économique unique et importante pour les résidants du Nunavut de l'île de Baffin. Soyez assuré que l'on tiendra compte de ces deux questions en février, quand les décisions sur l'allocation relative à la pêche du flétan nordique de la sous-zone 0 seront prises pour 1995.         
     ... Je suis au courant de l'inquiétude que vous exprimez au nom du Nunavut, au sujet d'un accès nordique permanent au flétan noir de la sous-zone 0, et je tiens à vous assurer que le Ministère continuera d'accorder une grande priorité à la question de l'accès des résidants du Nunavut à la zone de pêche. [Non souligné dans l'original]16         

     Il est important de signaler que, dans ce qui précède, le ministre Tobin a compris ce que voulait dire le CGRFN et y a donné suite.

     Dans une lettre datée du 18 janvier 1996, le président du CGRFN a rappelé au ministre, maintenant l'honorable Fred Mifflin, les obligations suivantes qu'imposait l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, relativement à la crevette et au poisson de fond :

     [TRADUCTION]         
     a)      solliciter l'avis et les recommandations du CGRFN au sujet de toute décision concernant la gestion des ressources fauniques dans les zones I et II;         
     b)      respecter la compétence exclusive du CGRFN au sein du Nunavut;         
     c)      prévoir la représentation du CGRFN auprès des structures mises en place par le gouvernement dans le but de promouvoir la gestion coordonnée des espèces marines dans les zones I et II;         
     d)      inclure la représentation des Inuit dans les discussions menant à la formulation des positions du gouvernement sur la gestion des ressources fauniques dans les zones I et II.17         

     Le 11 mars 1996, le président du CGRFN a écrit de nouveau au ministre. Dans cette lettre, il a fait état de ses préoccupations au sujet de l'utilisation de filets maillants dans les activités de pêche en concurrence, ainsi que du besoin de prendre d'importantes mesures de conservation au sujet de l'emploi de ces filets18.

     Dans une lettre datée du 14 mars 1996, le CGRFN a fait savoir au ministre qu'il était d'avis que les Inuit du Nunavut avaient droit à une part nettement supérieure du quota de poisson de fond. Le CGRFN a formulé les recommandations suivantes à propos des allocations prévues pour 1996 :

         [TRADUCTION]                 
         1. Pêche côtière du flétan noir - zone 0 :                 
         Une allocation de 1 000 tonnes devrait être réservée exclusivement à la pêche au sein du Nunavut. Cette mesure assurerait la continuité de la pêche hivernale indispensable dans la baie Cumberland, ainsi qu'une exploitation côtière continue pour les autres collectivités de l'île de Baffin.                 
         2. Pêche hauturière du flétan noir - zone 0B :                 
         Une allocation de 2 000 tonnes devrait être réservée en permanence aux Inuit du Nunavut. Cela représente moins de la moitié du TPA, ce qui n'est certainement pas une demande exorbitante pour l'obtention d'un droit de pêche à notre porte.                 
         3. Pêche hauturière du flétan noir - zone 0A :                 
         Cette zone a été l'objet d'activités de pêche expérimentales de la part de proposants du Nunavut en 1993 et 1994, et il y existe une base de ressources prouvée. Un TPC de 1 000 tonnes devrait être fixé par mesure de prudence pour les Inuit du Nunavut, afin de vérifier la répartition du stock dans cette zone.                 
         4. Pêche du flétan noir - zones 2 et 3 :                 
         Une allocation de 2 000 tonnes devrait être réservée aux Inuit du Nunavut. Nous partageons notre zone de pêche hauturière adjacente avec les Canadiens du Sud, et il n'est que logique que ces derniers en fassent autant avec nous19.                 

     Dans une lettre datée du 19 mars 1996, le président du CGRFN a indiqué au ministre qu'il n'était pas d'accord avec le fait que le CGRFN n'avait pas été invité à une réunion entre les fonctionnaires des Pêches et le Newfoundland Groundfish Advisory Committee, tenue le 19 février; voici ce qu'il a écrit :


     [TRADUCTION]         
     Je m'interroge aussi sur les raisons pour lesquelles les intérêts de Terre-Neuve sont si fortement représentés lorsqu'il est question de fournir à votre Ministère des conseils sur le poisson de fond de la zone 0 de l'OPANO. Cette zone est contiguë au Nunavut, non à Terre-Neuve. Les Terre-Neuviens n'y pêchent pas depuis longtemps, et on ne peut donc dire qu'ils ont un droit d'accès historique spécial. Il a fait référence à l'article 15.3.7 de l'Accord, et a demandé que le CGRFN soit informé de toute réunion consultative ultérieure portant sur les ressources halieutiques des zones I et II, afin de pouvoir représenter convenablement les intérêts du Nunavut20.         

     Le ministre a annoncé les quotas de flétan noir en avril 1996. Il a alloué une quantité de 1 000 tonnes aux activités de pêche côtière du Nunavut, la même depuis 1994. Il a annoncé aussi la création d'une zone de pêche hauturière au Nunavut, et a alloué une quantité de 500 tonnes à cette dernière, faisant valoir que " cette allocation supplémentaire vise à respecter le principe d'utilisation et d'occupation de zones marines par les Inuit du Nunavut ", mais la décision a mené aussi à la perte de la part de 400 tonnes de l'allocation relative aux bateaux étrangers affrétés21.

     IV. Avis et recommandations du CGRFN pour 1997

     En ce qui concerne l'allocation relative à la pêche du flétan noir qui était prévue pour 1997, le président du CGRFN a écrit au ministre le 10 juin 1996. Dans cette lettre, il a exprimé de nouveau sa conviction que les principes de la contiguïté et de la dépendance économique donnaient droit aux Inuit du Nunavut à une part supérieure du stock de flétan noir. Il a recommandé aussi que l'on reconnaisse dorénavant 27 p. 100 du quota total prévu pour la zone 0B comme l'allocation minimale de flétan noir pour le Nunavut22.

     Le 4 décembre 1996, le CGRFN a adressé au ministre une autre lettre contenant des recommandations et des suggestions sur la gestion du flétan noir dans la zone 0. Voici un résumé des recommandations qui y figuraient :

     [TRADUCTION]         
     1. Total des prises admissibles :         
     Le CGRFN soutenait le TPC global de 11 000 t. Le Comité a suggéré que la part canadienne du TPC ne soit pas majorée de 50 % à 70 % si le Groenland n'accepte pas une part inférieure (30 %). Le TPC ne devrait pas excéder 11 000 t.         
     2. Permis de pêche de poisson de fond :         
     Le CGRFN a demandé que des permis de pêche de poisson de fond, valables pour l'ensemble des activités de pêche dans l'Atlantique, soient fournis aux résidants du Nunavut de manière à ce qu'il soit économiquement viable d'acheter des bateaux plutôt que de les affréter.         
     3. Filets maillants :         
     Le CGRFN a demandé que le maillage soit augmenté, et que l'on surveille et limite l'utilisation de filets maillants.         
     4. Quotas relatifs au Nunavut :         
     Le CGRFN a considéré comme un minimum absolu l'allocation de 27 % du quota canadien accordée aux résidants du Nunavut, et a indiqué qu'il s'attendait à ce que ce pourcentage soit majoré ultérieurement. Il a fondé cette recommandation sur les principes de la contiguïté et de la dépendance économique énoncés à l'article 15.3.7. En outre, le CGRFN a recommandé que les allocations accordées aux Inuit du Nunavut soient majorées de la façon suivante :         
         a) en réduisant la part destinée au Groenland;         
         b) en obtenant une part accrue de la pêche par bateaux étrangers affrétés;         
         c) en obtenant des permis pour que les résidants du Nunavut prennent part aux activités de pêche en concurrence;         
         d) en obtenant le droit exclusif de pêcher dans la zone 0A23.         

     Le 19 février 1997, le président et le conseiller en matière de pêche du CGRFN ont rencontré le ministre et ses conseillers à Ottawa. Ils ont discuté de nouveau de questions similaires à celles soulevées dans la lettre du 4 décembre 1996, dont les suivantes :


     [TRADUCTION]         
     a.      Le Canada ne devrait pas majorer unilatéralement sa part de 50 % du TPA sans négocier une entente avec le Groenland; agir ainsi irait à l'encontre des conseils scientifiques relatifs au stock; la conservation passe en priorité.         
     b.      Tant l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut que le Programme de gestion du poisson de fond reconnaissent l'importance des principes de la contiguïté et de la dépendance économique dans l'allocation de cette ressource.                 
     c.      Le détroit de Davis est contigu au Nunavut, et non à Terre-Neuve.         
     d.      En 1996, les pêcheurs du Nunavut ont récolté la totalité de leurs allocations. La situation économique est fort difficile dans la région, et la pêche est l'une des rares activités qui donne des résultats positifs. Le CGRFN considère l'allocation actuelle comme un minimum absolu, qui ne devrait pas être majoré.
     e.      Des permis de pêche de poisson de fond, donnant accès aux activités de pêche en concurrence dans les eaux du Nord et du Sud devraient être délivrés aux pêcheurs du Nunavut. Sans ces permis, les pêcheurs du Nunavut n'ont pas les moyens d'investir dans l'achat de bateaux et de matériel car leur saison de pêche est fort courte et ils n'ont pas d'endroit où aller l'hiver. Les pêcheurs du Nunavut n'ont pas accès à des stocks ailleurs au Canada24.         

     V. L'allocation prévue pour 1997

A. La décision

     Le ministre a annoncé sa décision concernant les allocations relatives à la pêche au flétan noir pour 1997 dans un communiqué de presse :

     Le ministre des Pêches et des Océans, M. Fred Mifflin, a annoncé aujourd'hui les quotas pour la pêche dans le détroit de Davis.         
     " J'ai le plaisir d'annoncer annoncer que les pêcheurs canadiens pourront récolter une plus grande quantité de flétan noir cette année ", a déclaré M. Mifflin.         
     Le flétan noir de la sous-zone 0 de l'Organisation des pêches du Nord-Ouest de l'Atlantique (OPANO), située dans le détroit de Davis au large de l'île de Baffin, fait partie d'un stock réparti dans les sous-zones 0 et 1 de l'OPANO, que se partagent le Canada et le Groenland. À la suite de discussions bilatérales avec le Groenland, les autorités se sont entendues sur un [total des prises admissibles (TPA)] de 11 000 tonnes pour cette année, soit [le] même qu'en 1996. En se fondant sur les données historiques des captures, le Canada réclame 6 600 tonnes, ou 60 % du [TPA] en 1997, une augmentation par rapport aux 5 500 tonnes en 1996.         
     L'allocation concurrentielle aux pêcheurs de poisson de fond canadiens augmente, pour atteindre 2 100 tonnes ou 32 % du [TPA], comparativement à 1 500 tonnes ou 27 % en 1996. Les secteurs des engins fixes et des engins mobiles se partagent l'augmentation de 600 tonnes dans une proportion de 60 et 40 % respectivement (voir le tableau ci-joint).         
     Le secteur de la pêche traditionnelle dans la région du Nunavut conserve son allocation de pêche côtière de 1 000 tonnes et voit passer son quota de pêche hauturière de 500 à 600 tonnes. Comme en 1996, les organisations du Nunavut pourront affréter des bateaux étrangers pour récolter leur allocation de pêche en haute mer.         
     Pour la première fois, le Nunavut obtient un permis de pêche du poisson de fond pour exploiter son allocation de flétan noir dans la sous-zone 0 en 1997, s'ils désirent (sic) le faire. Auparavant, les pêcheurs de ce territoire devaient affréter des bateaux pour exploiter leurs quotas. Ils auront maintenant la possibilité, avec ce permis, d'affréter un bateau canadien ou de se porter acquéreur d'un bateau.         
     De plus, une allocation canadienne spéciale de 400 tonnes de flétan noir sera divisée en parts égales entre les entreprises LIDC, Torngat, Seaku Fisheries et Nunavik Arctic Foods.         
     Une pêche exploratoire va se poursuivre dans la division 0A, sous la direction du [Comité de gestion des ressources fauniques du Nunavut] et du secteur des sciences du MPO; les prises prévues sont de 300 tonnes.         
     Une allocation totale de 2 500 tonnes de flétan noir sera mise à la disposition des entreprises canadiennes qui voudront affréter des bateaux étrangers. Cela représente une part de 38 % du [TPA], soit un peu moins que les 45 % de 1996. Comme les années passées, les entreprises canadiennes qui affréteront des bateaux étrangers devront débarquer toutes leurs prises dans des ports canadiens et faire transformer 90 % de ces prises, jusqu'au stade du filet (ou l'équivalent), dans des usines canadiennes.         
     Comme en 1996, aucun nouveau participant n'obtiendra l'accès au quota d'affrètement de bateaux étrangers en 1997. Les allocations sur les 2 500 tonnes à des entreprises et associations précises seront maintenues aux niveaux de 1996.         
     " Je sais que la pêche effectuée par des bateaux étrangers affrétés crée une quantité appréciable d'emplois dans plusieurs régions du Canada atlantique ", a dit M. Mifflin. " Compte tenu de ces retombées économiques, il est important de prendre nos précautions pour éliminer graduellement le recours aux bateaux étrangers affrétés25. "         

B. La réponse du CGRFN à la décision

     Dans son affidavit, M. Jose Kusugak, président de la requérante, énonce clairement les objections des Inuit du Nunavut à cette décision :

     [TRADUCTION]         
     a)      La part canadienne du TPA de 11 000 tonnes a été unilatéralement majorée de 50 % à 60 %, soit de 5 500 tonnes à 6 600 tonnes         
         Le CGRFN et le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques (onglet 24) ont informé le ministre que le TPA ne devrait pas dépasser 11 000 tonnes pour les zones 0 et 1. En outre, le CGRFN a indiqué au ministre de ne pas majorer la part canadienne du TPA, sauf si le Groenland acceptait une part inférieure (onglet 21). En l'absence de toute indication de la part du Groenland que ce dernier est disposé à accepter une part de 40 % du TPA, la décision du ministre aura pour effet d'augmenter le TPA.         
     b)      Le quota relatif à la pêche en concurrence a été haussé de 1 500 tonnes à 2 100 tonnes, sans inclure l'octroi de permis de pêche de poisson de fond aux pêcheurs du Nunavut, ce qui aurait permis à ceux-ci d'avoir accès à ce quota ou à n'importe quel quota du Sud. En outre, une allocation nationale spéciale de 400 tonnes a été accordée à quatre entreprises étrangères au Nunavut.         
         Ce geste était contraire aux avis du CGRFN.         
     c)      La section " engins fixes " a obtenu plus de la moitié de la hausse du quota relatif à la pêche en concurrence.         
         Là encore, ce geste était contraire aux avis de scientifiques et du CGRFN, ainsi qu'aux nombreuses inquiétudes relatives à la conservation qui avaient été exprimées au sujet de l'utilisation de filets maillants.         

     d)      Le quota attribué au Nunavut a augmenté de 1 500 tonnes à 1 600 tonnes.         
         Bien que cette augmentation soit relativement modeste, les allocations relatives à la pêche au flétan pour 1997 ont mené à une réduction globale de la part du TPA canadien revenant au Nunavut, soit de 27 % qu'elle était en 1996 à 24 % en 1997. Le quota prévu pour le Nunavut a augmenté de 6,7 %, mais celui qui se rapporte aux pêcheurs nationaux ne résidant pas au Nunavut est passé de 1 500 tonnes à 2 500 tonnes, ce qui représente une hausse de 67 %. Ce geste était lui aussi contraire aux conseils du CGRFN.         
     e)      Un unique permis de pêche de poisson de fond a été promis au Nunavut.         
         Toutefois, le permis se limite seulement à l'allocation relative à la pêche au flétan noir consentie au Nunavut dans la zone 0. Contrairement aux conseils du CGRFN, le permis n'était pas égal à celui qui a été accordé à tous les autres titulaires de permis de pêche de poisson de fond dans le détroit de Davis. Il n'autorisait pas son titulaire à pêcher dans les eaux du Sud ou à pêcher des espèces autres que le flétan noir. En fait, le permis n'accordait aucun avantage sensible au Nunavut. Bien qu'il donne toutefois aux pêcheurs Inuit du Nunavut la possibilité d'acheter leur propre navire, les fortes restrictions dont le permis est assorti rendent une telle mesure irréalisable d'un point de vue économique26.         

     Il ressort clairement de ce qui précède qu'en rendant la décision concernant l'année 1997, le ministre n'a pas tenu grand compte des observations que le CGRFN lui avait faites. Il ressort également des documents internes du MPO fournis par l'intimé que le ministre n'a pas tenu compte des conseils de son propre sous-ministre adjoint. Un élément important à cet égard est la décision de majorer unilatéralement la part canadienne du TPA parce qu'il s'agissait là de la source de la quantité supérieure de flétan noir disponible à laquelle M. Mifflin faisait référence dans le communiqué de presse, et au sujet de laquelle le CGRFN avait soulevé une objection précise dans ses observations adressées au ministre.

     En ce qui concerne la décision relative au TPA, dans une note de service émanant de M. P.S. Chamut, le sous-ministre adjoint chargé de la gestion des ressources halieutiques, une note destinée au ministre, signée de la main du sous-ministre et écrite, croit-on, le 31 décembre 1996, les points suivants ont été soulevés :

     [TRADUCTION]         
     Depuis 1982, année où le Canada a réclamé 50 % du TPA, le Canada et le Groenland partagent habituellement ce stock dans une proportion de 50/50. Lors des discussions récentes, le Groenland n'a pas accepté que l'on modifie cette proportion pour 1997. De nombreux représentants terre-neuviens de ce secteur ont, depuis, exprimé l'avis que nous devrions quand même réclamer pour le Canada 70 % du TPA. Le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut (CGRFN) vous a indiqué dans une lettre que les prises ne devraient pas dépasser 11 000 tonnes si le Groenland n'acceptait pas une part de 30 %.         
     ... Le nombre de pêcheurs qui désirent avoir accès à ce stock continue de s'étendre... Bien que les tenants de l'idée d'augmenter la part canadienne des pêches globales et d'intensifier les activités menées dans la zone 0A soient presque tous de Terre-Neuve, il faut se rappeler que la zone 0+1 n'est pas contiguë à Terre-Neuve et au Labrador; elle est contiguë à l'île de Baffin et à la région visée par l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Aucune des zones contiguës à la ressource ne prône l'idée d'excéder le quota de 11 000 tonnes ou d'intensifier les efforts faits dans la zone 0A...         
     ... Bien que de nombreuses parties préconisent de déclarer unilatéralement 70 % du TPA pour le Canada, un tel geste mènerait à une surpêche et ne serait pas considérée comme orientée vers la conservation...27.         

     À la suite des opinions exprimées, le sous-ministre adjoint a recommandé que l'on maintienne le TPA à 5 500 tonnes et que les allocations prévues pour 1997 demeurent essentiellement les mêmes que pour 1996.

     Dans une lettre subséquente datée du 22 janvier 1997, le sous-ministre adjoint a fait référence à sa note de service antérieure et a mis de nouveau en garde le ministre en ces termes :

     [TRADUCTION]         
     ... Dans cette note de service, j'ai fait remarquer que le CGRFN vous avait rappelé, dans sa lettre du 16 décembre 1996, que l'Accord sur le Nunavut oblige le gouvernement fédéral à le consulter avant de prendre des décisions qui se rapportent aux ressources contiguës. J'ai signalé aussi qu'aucune des parties contiguës à la ressource en question ne préconise l'idée d'excéder le TPA de 11 000 tonnes ou d'intensifier les efforts au sein de la division 0A " deux options auxquelles s'opposeraient fort vraisemblablement le CGRFN et le GTNO.         
     ... Je recommande que vous tentiez de rencontrer les représentants du CGRFN avant de prendre une décision définitive au sujet du flétan noir28.         
     ... Tant le CGRFN que le GNTO ont clairement indiqué que le Canada ne devrait rien faire qui provoque une surpêche du TPA global de 11 000 tonnes. Ils ont été informés qu'au sein de l'industrie, nombreux sont ceux qui non seulement seraient en faveur de réclamer pour le Canada plus que 50 % du TPA, mais qui voudraient aussi que l'on intensifie la pêche au sein de la division 0A.         
     Le CGRFN a fait remarquer que les opinions de l'industrie au sujet du fait de réclamer plus que 50 % sont contraires aux prescriptions de l'OPANO et du CCRH; tous deux ont recommandé un TPA de 11 000 tonnes. Ne pas tenir compte du Conseil scientifique du NAFO, c'est une chose, mais faire abstraction aussi du CCRH, c'en est une autre. Il serait tout à fait irresponsable de pêcher plus que 11 000 tonnes. Il a été dit qu'il ne serait pas logique de procéder ouvertement à une pêche excessive après la lutte que nous avons menée à l'échelon international contre la surpêche.         
     ... Les représentants du CGRFN ont été surpris d'apprendre que des pêcheurs du " Sud " recommandaient que l'on intensifie leurs activités de pêche dans la division 0A, et ils se sont montrés tout à fait opposés à cette idée. Ils croient qu'ils ne devraient avoir, plus que quiconque, aucune difficulté à plaider en faveur de la division 0A en se fondant sur les questions de contiguïté et de dépendance économique. Dans le Nord, nombreux sont ceux qui sont mécontents du degré d'activités du " Sud " dans la division 0B, mais ils en sont venus à l'accepter pour le moment; toutefois, envisager d'intensifier les mêmes activités dans la division 0A, c'est une affaire différente29.         

C. Questions posées par la requérante

     1. La décision du ministre enfreint-elle le pouvoir exclusif qu'a le CGRFN de fixer les récoltes totales autorisées dans la RN, conformément à l'article 5.6.16 de l'Accord?

     Au sujet de cette question, l'intimé fait valoir que toute idée selon laquelle les pêcheurs du Sud pêcheront dans la RN est hypothétique, et non étayée par la preuve. En outre, il n'existe aucun antécédent d'une telle incursion.

     S'il est vrai que depuis l'entrée en vigueur de l'Accord, l'allocation accordée aux Inuit du Nunavut est de 1 000 tonnes, et s'il est vrai aussi qu'au vu de la preuve, cette allocation relative à la pêche côtière est exclusivement destinée aux pêcheurs de la RN, la teneur de la décision relative à 1997 suscite quelques doutes au sujet du maintien de cette situation.

     La première phrase que l'on lit dans le communiqué de presse par lequel M. Mifflin annonce sa décision est la suivante : " J'ai le plaisir d'annoncer que les pêcheurs canadiens pourront récolter une plus grande quantité de flétan noir cette année ". Il ressort clairement de cette décision que les " pêcheurs canadiens " auxquels il fait référence ne sont pas les Inuit du Nunavut. En conséquence, la question de savoir si le ministre entendait modifier, par son annonce, le statu quo est au moins ambiguë. Il subsiste donc un doute au sujet de savoir si le ministre entendait que les pêcheurs du Sud aient accès au flétan noir de la RN. Ce doute ne devrait pas exister, eu égard aux conditions de l'Accord qui se rapportent à la consultation et à l'attention à accorder.

     Pour ce qui est du TPA, il ressort de la preuve que le CGRFN avait tout lieu de présumer que, pour 1997, la quantité serait encore de 5 500 tonnes. Bien sûr, le CGRFN n'était pas au courant du débat qui se déroulait au sein du MPO au sujet de la hausse du TPA. Et surtout, il n'y avait eu auparavant aucune consultation d'importance avec le CGRFN au sujet de l'opinion apparemment bien ancrée du ministre que la part canadienne du TPA devrait augmenter et, de ce fait, le CGRFN n'a pas eu vraiment l'occasion de formuler une position précise sur cette opinion. Étant donné que le CGRFN était principalement chargé de fixer les quotas au sein de la RN, le fait que le ministre n'ait pas tenu de consultations sur une proposition aussi importante constitue une infraction aux dispositions de l'Accord.

     Je conclus donc que la réponse à la question posée est oui.

     2. Le Ministre a-t-il négligé de tenir compte de l'avis du CGRFN au moment de rendre sa décision, comme l'exigent les articles 15.3.4 et 15.4.1 de l'Accord?

     D'après le critère de la consultation et de la prise en compte qu'exige l'Accord comme je l'ai indiqué plus tôt, il ne fait aucun doute que la réponse à cette question est oui.

     Si le sous-ministre adjoint a témoigné beaucoup de respect pour le CGRFN dans son avis au ministre, la note de service datée du 17 janvier 199730 prouve que les fonctionnaires du MPO étaient disposés à ne pas aller plus loin que cela pour ce qui était de s'acquitter de leurs obligations envers le CGRFN aux termes de l'Accord. Je crois que ce dernier exige bel et bien que les décisions soient prises en commun, pour les raisons que j'ai mentionnées.

     3. Le ministre a-t-il négligé d'accorder une attention spéciale aux principes de la contiguïté et de la dépendance économique, comme l'exige l'article 15.3.7 de l'Accord?

     La preuve indique sans l'ombre d'un doute que le souci premier du ministre, au moment de rendre la décision, était les intérêts économiques des pêcheurs autres que ceux des Inuit vivant dans les collectivités de la RN. La demande du CGRFN en vue d'obtenir des permis de pêche illimitée de poisson de fond, comme c'est le cas des pêcheurs du Sud, a été rejetée sans motifs et, au lieu de cela, un seul permis de pêche limitée non demandé a été accordé. On ne peut considérer cela comme une attention spéciale. La réponse à cette question est donc oui.

     4. Si le ministre a bel et bien accordé une attention spéciale aux principes de la contiguïté et de la dépendance économique, a-t-il appliqué ces principes d'une manière propre à favoriser une répartition équitable des permis de pêche au flétan noir entre les résidants de la RN et les autres résidants du Canada?

     Étant donné qu'aucune attention spéciale n'a été accordée à la contiguïté et la dépendance économique des collectivités de la RN, il n'y a pas eu de répartition équitable des permis entre les résidants de la RN et les autres résidants du Canada. Par conséquent, la réponse à cette question est non.

     VI. La légalité de la décision

     L'article 7 de la Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F-14, accorde au ministre le pouvoir discrétionnaire de délivrer des permis, et l'article 43 de ladite Loi ainsi que l'alinéa 22(1)a) du Règlement de pêche (dispositions générales), DORS/93-53, lui accordent le pouvoir discrétionnaire de fixer des quotas. Cependant, tout pouvoir discrétionnaire conféré par la loi n'est pas absolu, et doit être exercé dans les limites de la compétence du ministre, faute de quoi la décision prise sera infirmée en exécution de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale.

     D'après la requérante, le ministre a excédé sa compétence en négligeant de tenir compte de questions pertinentes au moment de rendre sa décision. En fait, elle demande donc que la décision du ministre soit infirmée en exécution de l'alinéa 18.1(4)f), lequel dispose que :

     Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises par la Section de première instance si elle est convaincue que l'office fédéral, selon le cas :         

     ...

     f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.         

     Il est un principe bien établi en droit administratif qu'en rendant une décision, un décisionnaire ne doit pas tenir compte des facteurs étrangers à la question ou des questions qui sont hors de propos. Dans l'arrêt Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227, le juge Dickson fait remarquer, à la p. 237 du recueil, qu'un organe de décision, même s'il possède la compétence voulue pour rendre une décision, peut perdre cette compétence en raison :

     ... [du] fait d'agir de mauvaise foi, de fonder la décision sur des données étrangères à la question, d'omettre de tenir compte de facteurs pertinents, d'enfreindre les règles de la justice naturelle ou d'interpréter erronément les dispositions du texte législatif de façon à entreprendre une enquête ou répondre à une question dont elle n'est pas saisie. [Non souligné dans l'original]         

     Au sujet de la question d'omettre de tenir compte des facteurs pertinents, dans l'arrêt Oakwood Development Ltd. c. Municipalité rurale de St. François Xavier, [1985] 2 R.C.S. 164, le juge Wilson a confirmé le point de vue du juge Dickson. Dans cet arrêt, un promoteur contestait le refus d'une municipalité de lotir un terrain en vue de la construction de logements à cause du risque d'inondations. Le conseil a refusé de lire le rapport d'un ingénieur qui décrivait les mesures qu'il était possible de prendre pour éviter le problème. Dans sa décision, le juge Wilson a décrété que la lutte contre les inondations et l'érosion du sol étaient des facteurs qu'il convenait de prendre en compte, mais que le refus d'accorder la permission demandée était ultra vires parce que le conseil avait omis de tenir compte des informations des plus pertinentes. Le juge Wilson a déclaré, à la p. 174 du recueil, que :

     Comme lord Denning l'a affirmé dans l'arrêt Baldwin & Francis Ltd. v. Patents Appeal Tribunal, [1959] A.C. 663, à la p. 693, l'omission d'un organe de décision administrative de tenir compte d'un élément très important constitue une erreur au même titre que la prise en considération inappropriée d'un facteur étranger à l'affaire.         

Et d'ajouter le juge, à la page 175 :

     Il faut donc non seulement que la municipalité intimée ait tenu compte uniquement de facteurs qui relèvent de la compétence que lui a conférée la loi, mais aussi qu'elle ait pris en considération tous les facteurs dont elle doit tenir compte pour bien remplir la fonction de prise de décisions qu'elle a aux termes de la loi.         

     Par conséquent, s'il est erroné de fonder une décision sur des questions hors de propos, on peut dire de la même façon qu'un décisionnaire doit tenir compte de tous les facteurs pertinents avant que l'on puisse dire d'une décision qu'elle a été prise de manière légitime. À défaut de cela, la décision sera infirmée.

     Dans l'affaire qui nous occupe ici, il incombait au ministre de tenir compte des conseils et des recommandations du CGRFN. Règle générale, en dehors du contexte de la présente affaire, qu'implique l'obligation de " prendre en compte "? La définition que donne le New Shorter Oxford Dictionary du mot " consider " (tenir compte, considérer, prendre en considération ou prendre en compte) est la suivante :

     [TRADUCTION]         
     1. Examiner soigneusement; étudier, scruter. 2. Regarder attentivement. 3. Accorder son attention à; réfléchir, méditer; faire attention à, prendre note de; évaluer les mérites de. 4. Bien réfléchir. 5. Estimer; supposer. 6. Prendre en compte; faire attention à; tenir compte de. 7. Considérer sous un certain jour ou angle. 8. Reconnaître de manière pratique; rémunérer, récompenser. 9. Avoir une haute estime ou du respect pour.         

     La définition varie donc, depuis le fait d'exiger du décisionnaire qu'il " examine soigneusement " à celui de " tenir compte de ", et " respecter " les avis et les recommandations qui sont formulés. La portée et l'étendue de ce terme doivent donc être examinées au cas par cas, car l'obligation de prise en compte varie suivant la fonction du décisionnaire et les droits qui sont en question.

     L'intimé a fait valoir qu'en l'espèce, l'obligation de prise en compte signifie que le ministre doit simplement recevoir et examiner les avis et les recommandations dont lui fait part le CGRFN. Toutefois, au vu de l'accord signé, je conclus que cette obligation comporte bien davantage que cela.

     Il ressort clairement des articles 15.3.4, 15.3.7 et 15.4.1 cités plus tôt, et plus particulièrement des passages en italique, que la relation est destinée à être obligatoire31, étroite, coopérative et marquée d'un grand respect. Je considère qu'il est fort important de se souvenir que l'Accord a été conclu dans le contexte de la reconnaissance d'un droit des peuples autochtones. Il s'agit donc d'une entente solennelle, dont il faut donner plein effet aux dispositions. Plus particulièrement, en ce qui concerne les dispositions relatives à la " consultation " et à la " prise en compte ", je conclus qu'elles doivent être pleinement appliquées.

     En conséquence, je suis d'avis aussi qu'au sein de la relation entre le CGRFN et le gouvernement, ainsi que dans le processus consécutif de consultation et de prise en compte menant à l'acceptation ou au rejet d'une position particulière soumise au gouvernement par le CGRFN, il doit y avoir des activités et des résultats qui reflètent l'esprit de l'Accord.

     C'est-à-dire qu'au sujet de la consultation dont il est fait mention aux articles 15.3.4 et 15.4.1, il doit y avoir une participation raisonnable du CGRFN au processus décisionnel du gouvernement avant qu'une décision quelconque soit prise. À l'évidence, cela veut dire que si le gouvernement envisage d'adopter une position, cette position possible doit être soumise au CGRFN afin d'obtenir ses son avis et ses recommandations avant qu'une conclusion définitive soit tirée au sujet du fait d'inclure la position en question dans une décision. La " gestion coordonnée " qu'envisage l'article 15.3.1 doit comporter une telle procédure.

     Au sujet de la prise en compte visée à l'article 15.4.1, il doit y avoir une prise en compte complète, attentive et consciencieuse de tout avis ou toute recommandation que formule le CGRFN à l'égard des décisions qui ont une incidence sur les zones marines et, dans ce contexte, il faut tenir compte desdits avis ou desdites recommandations. Cette dernière exigence signifie que, si le gouvernement n'accepte pas qu'une position donnée soit mise en oeuvre, il faudrait à tout le moins, par respect, d'expliquer pourquoi au CGRFN. Il est également bon de le faire parce que, au moment de décider s'il y a eu prise en compte appropriée au moment de prendre une décision particulière, les communications entre le CGRFN et le gouvernement seront vraisemblablement soumises à un examen, tout comme les dispositions de la décision elle-même.

     Il ne fait aucun doute que lorsqu'il est question de gestion des ressources fauniques, il faut tenir compte d'un grand nombre de parties rivales. En l'espèce, toutefois, une seule partie rivalise avec l'avantage d'une entente qui éteint un droit des peuples autochtones. C'est donc dire qu'il faut tenir compte en priorité de la position de cette partie : les Inuit du Nunavut.

     La consultation et la prise en compte doivent donc signifier davantage que le simple fait d'entendre. Il faut aussi écouter.

     Pour ce qui est des principes de la contiguïté et de la dépendance économique dont il est question à l'article 15.3.7, il est nécessaire d'accorder une " attention spéciale " aux collectivités de la RN au moment d'allouer des permis de pêche commerciale au sein des zones I et II. Lorsque l'on applique cette disposition, les mots " attention spéciale " doivent vouloir dire qu'il faut tenir compte en priorité , avant toute autre partie rivale, des collectivités de la RN au sujet de l'octroi de permis dans les zones I et II, et les allocations qui sont effectuées doivent clairement refléter ce principe.

     VII. Résultat

     Compte tenu des conclusions qui précèdent, je suis d'avis que le ministre a commis une erreur dans sa décision du 7 avril 1997 en omettant de tenir compte des facteurs pertinents. Cependant, dans son argumentation écrite et orale, l'avocat de l'intimé a déclaré que le fait d'infirmer à ce stade-ci la décision du ministre, pour quelque raison que ce soit, causera un préjudice à des personnes qui ne sont pas parties à la présente demande, et il m'a donc prié de ne pas rendre une telle ordonnance.


     Le 10 juillet 1997, jour de l'audience, j'ai été informé que depuis la veille, seule la pêche au flétan noir au moyen d'engins fixes avait commencé, et que 585 tonnes avaient été prises. J'ai été informé aussi que le reste du TPA ne serait pas pêché avant le mois d'août ou le début du mois de septembre. Je suis conscient que le fait d'infirmer la décision du ministre amoindrira dans une certaine mesure les attentes et provoquera un regain d'activité au sein du processus décisionnel, mais il m'est impossible de conclure, au vu de la preuve dont je dispose, qu'il existe un obstacle quelconque au fait de fournir à la requérante le redressement à laquelle elle aurait normalement droit.

     Par conséquent, je choisis d'exercer le pouvoir discrétionnaire qui m'est conféré, j'infirme donc la décision du ministre datée du 7 avril 1997 comme étant contraire à la loi, et je renvoie l'affaire au ministre actuel, pour que l'on procède à un nouvel examen en accord avec les présents motifs.

     (Signature) " Douglas Campbell "

                                 Juge

VANCOUVER

14 juillet 1997

Traduction certifiée conforme :         
                         C. Delon, LL.L.

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

INTITULÉ DE LA CAUSE :      NUNAVUT TUNNGAVIK INC.,
                     - et -
                     MINISTRE DES PÊCHES ET DES
                     OCÉANS
NE DU GREFFE :              T-872-97
LIEU DE L'AUDIENCE :          Vancouver (C.-B.)
DATE DE L'AUDIENCE :          Le 10 juillet 1996

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE CAMPBELL

en date du 14 juillet 1997

ONT COMPARU :

     Me Douglas Brown          pour la requérante
     Me Geoffrey S. Lester      pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

     Nelligan Power          pour la requérante
     Ottawa (Ont)
     Me George Thomson          pour l'intimé
     Sous-procureur général
     du Canada
__________________

1.      Ci-après appelée aussi la " RN ".

2.      Appelé ci-après l'" Accord ". Ce dernier s'intitule Accord entre les Inuit de la région du Nunavut et Sa Majesté la Reine du chef du Canada . L'Accord a été ratifié, mis en vigueur et déclaré valide en exécution du paragraphe 4(1) de la Loi concernant l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, L.C. (1993), ch. 29. Aux termes de l'article 1.1.1 de l'Accord, la requérante est définie comme une organisation inuit désignée et, à ce titre, elle est habilitée à soumettre la présente demande.
     Selon l'article 3 de l'Accord, le Nunavut couvre une certaine partie de l'archipel arctique et la partie continentale de l'Arctique de l'Est.

3.      Reinhardtius hippoglossoides, connu sous les noms suivants : flétan du Groënland, turbot du Groënland ou flétan noir, est un poisson plat de grande taille, qui atteint en moyenne une longueur de 702 mm (28 po) et un poids de 3 900 g (8,6 lb). (Dossier de demande de l'intimé, p. 24).

4.      Ci-après appelé le " ministre ".

5.      La présente demande de contrôle judiciaire vise une décision qu'a rendue le ministre des Pêches et des Océans, l'honorable Fred Mifflin, en date du 7 avril 1997. Dans cette décision, le ministre a annoncé les quotas de pêche du flétan qui s'appliquent au détroit de Davis pour 1997.
     La demande est fondée sur les motifs suivants :
         1.      La décision du ministre porte atteinte au pouvoir exclusif qu'a le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut d'établir les niveaux de récolte totale autorisée dans la région du Nunavut, en exécution de l'article 5.6.16 de l'Accord;
         2.      En rendant sa décision, le ministre a omis de tenir compte de l'avis du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, comme l'exigent les articles 15.3.4 et 15.4.1 de l'Accord;
         3.      Le ministre a omis de reconnaître l'importance des principes de la contiguïté et de la dépendance économique, ainsi que d'autres principes pertinents énoncés à l'article 15 de l'Accord, et d'accorder à ces principes une attention spéciale. Le ministre n'a pas appliqué ces derniers d'une manière propre à favoriser une répartition équitable des permis de pêche du flétan entre les résidants de la région du Nunavut et les autres résidants du Canada, comme l'exige l'article 15.3.7 de l'Accord.
     La requérante sollicite une ordonnance annulant la décision du ministre.

6.      Dans la présente décision, les lettres " tm " désignent une tonne métrique.

7.      Affidavit de M. Jose Kusugak, dossier de demande de la requérante, onglet B, p. 3.

8.      L'article 1.1.1 contient la définition suivante : " ressource faunique " S'entend des animaux sauvages terrestres, aquatiques aviaires et amphibiens, de la flore terrestre et aquatique, ainsi que de leurs parties et de leurs produits.

9.      Aux termes de l'article 5.2.1, le CGRFN est composé de neuf membres, dont quatre nommés par des organismes inuit du Nunavut. Trois membres sont nommés par le gouverneur en conseil et un par le commissaire en Conseil exécutif. Le président est toutefois nommé par le gouverneur en conseil parmi les personnes proposées par le CGRFN.

10.      Le texte de l'article 3.5.1 est le suivant : " Il est entendu que les Inuit jouissent des droits supplémentaires prévus par d'autres dispositions de l'Accord, relativement à des zones situées à l'extérieur de la région du Nunavut ".

11.      Selon l'affidavit de M. Jose Kusugak, [TRADUCTION] " dans le détroit de Davis, le stock de flétan est manifestement migratoire et, par conséquent, les décisions concernant le flétan de la zone I auront à coup sûr une incidence sur le flétan se trouvant dans les zones marines de la région du Nunavut ". (Dossier de demande de la requérante, onglet B, p. 11.)

12.      Dans une fiche d'information, datée d'avril 1997, de Pêches et Océans Canada, le mot " contiguïté " est décrit comme suit : " En termes simples, la contiguïté signifie que les pêcheurs qui vivent près d'une ressource ou qui pêchent depuis longtemps dans ces eaux devraient y avoir accès en priorité. Ce principe, reconnu internationalement, est appliqué à l'échelle des pêches canadiennes ". (Ibidem , onglet B26.)

13.      Ce tableau a été créé à partir de la preuve présentée dans l'affidavit de M. Jose Jusugak. (Ibidem, onglet B.)

14.      En 1994 et 1995, le Nunavut s'est vu allouer 400 t d'affrètement étranger. En 1996, cette allocation a été remplacée par l'allocation " hauturière du Nunavut " de 500 t.

15.      Dossier de demande de la requérante, onglet B13.

16.      Ibidem, onglet B14.

17.      Ibidem, onglet B15.

18.      Ibidem, onglet B16.

19.      Ibidem, onglet B17.

20.      Ibidem, onglet B18.

21.      Ibidem, onglet B19.

22.      Ibidem, onglet B20.

23.      Ibidem, B21.

24.      Ibidem, onglet B, p. 9.

25.      Ibidem, B23.

26.      Ibidem, onglet B, p. 10.

27.      Dossier de demande de l'intimé, p. 11 à 13.      Le mémoire comprenait une annexe V qui faisait ressortir en termes précis que : la gestion des ressources halieutiques doit toujours être guidée par des objectifs de conservation plutôt que par des objectifs économiques; hausser le quota au-delà de 50 % serait interprété comme le fait de [TRADUCTION] " augmenter le quota pour qu'il corresponde aux aspirations des pêcheurs pour des raisons d'ordre socio-économique ", comme une mesure anti-conservationniste ainsi que comme une mesure contraire à l'accord de l'ONU sur les pêches; en outre, le fait de hausser le quota serait jugé par la communauté internationale comme un geste hypocrite (Ibidem , p. 24 et 25).

28.      En ce qui concerne l'idée que le ministre rencontre les représentants du CGRFN avant de prendre une décision définitive, on relève un commentaire intéressant dans une note de service ministérielle datée du 17 janvier 1997, manifestement écrite pendant que l'on préparait la note de service du sous-ministre adjoint datée du 22 janvier 1997. Le texte de cette note est le suivant :
     Jacque : Merci pour la note. Celle-ci expose très clairement la position du CGRFN. Je n'ai qu'une seule question : pourquoi devrions-nous recommander que le ministre rencontre les représentants du Conseil? Les vues de ces derniers sont bien claires, et je croyais que vous aviez dit que nous ne voulions pas créer de précédent en indiquant que le ministre doit tenir une réunion pour la prise en commun des décisions. Nous devons consulter, et c'est ce que nous avons fait. Pat
     Le " Jacque " dont il est question est J. Robichaud, directeur général de la Gestion des ressources, et " Pat " est P.S. Chamut, sous-ministre adjoint, Gestion des pèches (ibidem , p. 29).

29.      Ibidem, p. 26 à 28.

30.      Voir la note de bas de page nE 28.

31.      Paragraphe 4(3) de la Loi concernant l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut : " Il est entendu que les personnes ou organismes visés par l'Accord ont les droits, privilèges, avantages ou pouvoirs qui leur sont conférés par lui et sont assujettis aux obligations et à la responsabilité qui y sont prévues. [Non souligné dans l'original]

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