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Date : 19981126


Dossier : IMM-2306-98

ENTRE

HENRY GLOBAL IMMIGRATION SERVICES,


demanderesse,

et


CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION CANADA,


défendeur.


MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE GIBSON :

INTRODUCTION

[1]      Ces motifs découlent d"une demande de contrôle judiciaire d"une présumée décision du consul, Murray A. Oppertshauser, au consulat général du Canada, à Hong Kong, par laquelle le décideur a informé la demanderesse de ce qui suit :

                 [TRADUCTION]                 
                 Au cours des derniers mois, nous avons reçu un certain nombre de plaintes graves de vos clients, qui alléguaient un défaut délibéré de communication et une inconduite de votre part. Comme vous pouvez le constater, notre principale préoccupation, dans ces conditions, est de veiller à ce que tous les demandeurs soient traités d"une façon juste et équitable. Compte tenu des plaintes qui ont été portées contre vous, toutes les lettres concernant vos clients seront envoyées directement à leur adresse domiciliaire. De plus, nous ne répondrons plus aux demandes que vous nous faites au sujet de l"état des dossiers de vos clients.                 

Les " demandeurs " dont il est question dans le passage précité étaient des personnes sollicitant le droit d"établissement au Canada qui résidaient alors presque toujours sinon toujours dans la République populaire de Chine. La présumée décision est datée du 24 avril 1998.

[2]      La demanderesse, une entreprise qui s"est inscrite en novembre 1995 en Ontario, est conseillère en immigration et sa clientèle est composée de personnes qui sollicitent la résidence permanente au Canada, ces personnes étant presque toutes citoyennes de la République populaire de Chine. La demanderesse sollicite la réparation suivante :

     -      une ordonnance portant que la décision du défendeur, qui a été prise par son mandataire, le décideur, est déclarée nulle ou illégale et qu"elle est annulée ou infirmée;
     -      une ordonnance interdisant au défendeur d"envoyer les lettres directement au domicile des clients de la demanderesse, contrairement aux instructions de ces derniers;
     -      une ordonnance enjoignant au défendeur de répondre aux demandes que la demanderesse fait et de mener une enquête approfondie sur les avertissements qui lui sont donnés ainsi que sur les présumées plaintes portées contre la demanderesse;
     -      une ordonnance adjugeant les dépens à la demanderesse.

HISTORIQUE

[3]      Il a déjà été question ci-dessus de la nature de l"entreprise de la demanderesse. Les clients de la demanderesse, qui sont essentiellement des citoyens de la République populaire de Chine qui veulent résider en permanence au Canada, ont inscrit dans leur demande de résidence permanente tant leur adresse domiciliaire qu"une adresse postale, soit l"adresse de la demanderesse au Canada. L"explication fournie pour le compte de la demanderesse à l"égard du fait qu"on a choisi son adresse au Canada est qu"en Chine, on a de la difficulté à livrer le courrier lorsque l"adresse est rédigée en anglais, comme c"est apparemment le cas pour les lettres du consulat général à Hong Kong.

[4]      La demanderesse avait conclu un contrat d"agence avec un représentant à Guangzhou, en Chine. En novembre 1997, la demanderesse a résilié l"entente et, par suite de la rupture de ses relations avec l"agent et de l"atmosphère dans laquelle l"entente avait été résiliée, elle craignait que l"ancien agent tente de nuire à son entreprise.

[5]      La demanderesse a écrit au consulat général du Canada à Hong Kong pour l"informer qu"elle avait mis fin à ses relations avec l"agent, à Guangzhou, et pour l"avertir qu"il était possible que l"ancien agent commette des méfaits. Elle a soutenu qu"il était bien possible que l"ancien agent prétende que les clients de la demanderesse étaient les siens, qu"il tente de représenter ces clients lui-même, et qu"il tente en outre de ruiner sa réputation.

[6]      La demanderesse a fait part de ses préoccupations au consulat général à plusieurs reprises; elle lui a fourni une liste des clients avec lesquels elle traitait alors et elle a demandé au consulat général d"être sur ses gardes et de mener une enquête sur l"affaire.

[7]      Le consulat général a en fait reçu un certain nombre de plaintes, ou de présumées plaintes, portées contre la demanderesse par des clients existants ou par des anciens clients. Le consulat général a envoyé une lettre à une quarantaine de clients existants ou d"anciens clients de la demanderesse pour tenter de vérifier si celle-ci les représentait. Parmi les réponses qui ont été reçues, une seule confirmait que le client en question traitait avec la demanderesse. Cette réponse était considérée comme suspecte. On a reçu d"autres plaintes. On n"a pas enquêté plus à fond sur les plaintes.

[8]      La demanderesse a continué à exprimer ses préoccupations au consulat général, en affirmant notamment que des lettres envoyées directement à ses clients ou à de présumés clients n"avaient pas été reçues.

[9]      Essentiellement sans qu"il soit tenu compte des préoccupations de la demanderesse, la présumée décision d"envoyer les lettres à l"adresse domiciliaire des clients de la demanderesse et de ne plus correspondre avec la demanderesse a été prise.

LES POINTS EN LITIGE

[10]      Dans les documents mis à la disposition de la Cour et dans le cadre des observations qui m"ont été soumises, les questions suivantes ont été mentionnées :

     a)      Le défendeur, qui était représenté par le décideur, agissait-il en sa qualité d"" office fédéral " en informant la demanderesse de la situation comme il l"a fait dans la lettre du 24 avril 1998, qui a été citée en partie dans ces motifs?
     b)      La lettre du 24 avril 1998 constituait-elle une " décision " au sens de l"article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale ?1
     c)      La demanderesse est-elle une personne " touchée ", au sens du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale , par la présumée décision en ce qui concerne la réparation qu"elle cherche à obtenir dans cette demande de contrôle judiciaire?
     d)      Le décideur a-t-il commis une erreur susceptible de révision en arrivant à la présumée décision qui a été communiquée par la lettre du 24 avril 1998?
     e)      La réparation demandée pour le compte de la demanderesse est-elle appropriée compte tenu des faits de l"espèce?

Comme nous le verrons, chaque question en litige dépend essentiellement de celles qui la précèdent.

POSITION DES PARTIES ET ANALYSE

     a)      " Office fédéral "

[11]      La définition suivante figure au paragraphe 2(1) de la Loi sur la Cour fédérale (la Loi) :

"federal board, commission or other tribunal" means any body or any person or person having, exercising or purporting to exercise jurisdiction or powers conferred by or under an Act of Parliament or by or under an order made poursuant to a prerogative of the Crown, other than any such body constituted or established by or under a law of a province or any such person or persons appointed under or in accordance with a law of a province or under section 96 of the Constitution Act, 1867 ;

"office fédéral" Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d"une prérogative royale, à l"exclusion d"un organisme constitué sous le régime d"une loi provinciale ou d"une personne ou d"un groupe de personnes nommées aux termes d"une loi provinciale ou de l"article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[12]      Dans l"arrêt Gestion Complexe Cousineau (1989) Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux)2, qui n"a pas été cité devant moi, Monsieur le juge Décary a dit ceci, à la page 700 :

                 L"expression "pouvoirs prévus par une loi fédérale" ("powers conferred by or under an Act of Parliament") qu"on retrouve dans la définition d""office fédéral" est particulièrement englobante.                 

Le juge Décary a ensuite fait la remarque suivante, aux pages 701-702 :

                 En modifiant en 1990 l"alinéa 18(1)a ) de la Loi sur la Cour fédérale, de manière à désormais permettre le contrôle judiciaire des décisions prises dans le cadre de l"exercice d"une prérogative royale, le Parlement, à n"en pas douter, faisait une concession considérable au pouvoir judiciaire et infligeait un recul extrême à la Couronne en tant que pouvoir exécutif, si tant est qu"on puisse qualifier de recul le fait d"assujettir l"État encore davantage au pouvoir judiciaire. Ce qu"il faut retenir de cette modification importante, c"est que le Parlement ne s"est pas satisfait de l"assujettissement au pouvoir judiciaire de l""Administration fédérale" dans l"entendement traditionnel de cette expression et qu"il a voulu que bien peu de chose, désormais, ne soit à l"abri du contrôle judiciaire.                 
                 [Citations omises.]                 

Compte tenu des arrêts susmentionnés, et puisque le fondement de cette question n"a pas été fortement contesté devant moi, je conclus que le décideur agissait en sa qualité d""office fédéral" lorsqu"il a envoyé la lettre du 24 avril 1998 à la demanderesse.

     b)      La lettre du 24 avril 1998 constituait-elle une décision?

[13]      Les paragraphes 18.1(1) et (3) de la Loi sont ainsi libellés :

18.1 (1) An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought.

...

(3) On an application for judicial review, the Trial Division may

(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

[emphasis added]

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l"objet de la demande.

[...]

(3) Sur présentation d"une demande de contrôle judiciaire, la Section de première instance peut :

a) ordonner à l"office fédéral en cause d"accomplir tout acte qu"il a illégalement omis ou refusé d"accomplir ou dont il a retardé l"exécution de manière déraisonnable;

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu"elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l"office fédéral.      [Je souligne.]

[14]      L"avocat de la demanderesse a soutenu que la lettre du 24 avril 1998 était clairement une décision, mais que si elle ne l"était pas, elle était néanmoins visée par le paragraphe 18.1(1) de la Loi. L"avocate du défendeur a soutenu au contraire que la lettre en question ne constituait pas une décision ou une question susceptible de révision.

[15]      Dans la décision Hinson c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration)3, voici ce que Monsieur le juge Cullen a dit :

                 Dans l'arrêt Mahabir c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), [1992] C.F. 133 (C.A.F.),le juge Mahoney s'est exprimé en ces termes [à la p. 140] :                 
                      Une décision est susceptible de révision aux termes de l'article 28 non seulement, comme la jurisprudence antérieure l'a énoncé, s'il s'agit d'une décision que, par ordre du Parlement, le tribunal est tenu de rendre, mais aussi s'il s'agit d'une décision définitive qui tranche une question fondamentale soumise au tribunal.                 
                 Dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Mossop, [1993] 1 R.C.S. 554, la Cour suprême du Canada a conclu que pour qu'une conclusion constitue une "décision ou ordonnance", le résultat doit être une décision définitive.                 

[16]      Dans la décision Carvajal c. Ministre de l"Emploi et de l"Immigration4, Monsieur le juge McKeown a souligné qu"une simple " lettre d"information ", en particulier lorsqu"elle est rédigée par une personne qui n"est pas autorisée à rendre une décision définitive, n"est pas une décision assujettie au contrôle judiciaire.

[17]      En ce qui concerne les arrêts susmentionnés, l"avocate du défendeur a soutenu que la lettre du 24 avril 1998 était de la nature d"une lettre d"information et que, quelle que soit sa nature, il ne s"agissait certainement pas d"une décision définitive qui tranchait une question fondamentale.

[18]      Avec égards, je ne souscris pas à la position que l"avocate du défendeur a prise. La lettre du 24 avril 1998 n"était pas simplement destinée à fournir de l"information. La preuve dont je dispose semble montrer que selon la politique ou la pratique du défendeur, les lettres destinées aux personnes sollicitant le droit d"établissement au Canada étaient envoyées à leur adresse postale telle qu"elle figurait dans leur demande d"établissement. À la suite des plaintes portées par des clients de la demanderesse qui sollicitaient le droit d"établissement et à la suite d"une enquête restreinte, le défendeur a décidé de déroger à sa politique ou à sa pratique à l"égard des clients de la demanderesse et d"envoyer les lettres à leur adresse domiciliaire, même si ceux-ci avaient inscrit dans leur demande l"adresse de la demanderesse à titre d"adresse postale. Je ne puis considérer cela comme autre chose qu"une décision. Il serait possible de soutenir qu"il s"agit tout au plus d"une décision administrative qui ne tranche pas une question fondamentale devant le défendeur, mais compte tenu des passages précités de l"arrêt Gestion Complexe Cousineau , supra, traitant de l"étendue du contrôle judiciaire, je conclus le contraire. À coup sûr, entre le défendeur et la demanderesse, la décision, telle qu"elle est énoncée dans la lettre du 24 avril 1998, réglait une " question fondamentale " que la demanderesse avait soulevée devant le défendeur.

[19]      Bref, je conclus que la lettre du 24 avril 1998 constituait une décision susceptible de révision.

     c)      La demanderesse a-t-elle qualité pour présenter cette demande de contrôle judiciaire?

[20]      Compte tenu des dispositions précitées du paragraphe 18.1(1) de la Loi, il s"agit essentiellement de savoir si la demanderesse était une personne " directement touchée par l"objet de la demande ". Dans le jugement Friends of the Island Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics)5, Madame le juge Reed a dit ceci, à la page 283 :

                 Je suis d"avis que le libellé du paragraphe 18.1(1) attribue à la Cour le pouvoir discrétionnaire de reconnaître la qualité pour agir quand elle est convaincue que les circonstances particulières de l"espèce et le type d"intérêt qu"a le requérant justifient cette reconnaissance. (À supposer bien sûr qu"il y ait une question réglable par les voies de justice et qu"il n"existe aucun autre moyen efficace et pratique de soumettre la question aux tribunaux.)                 

[21]      Je conclus qu"il existe en l"espèce une question réglable par les voies de justice.

[22]      Les circonstances particulières de la présente " espèce " et le type d"intérêt qu"a la demanderesse peuvent être résumés comme suit : les personnes sollicitant le droit d"établissement au Canada ont indiqué l"adresse de la demanderesse comme étant l"adresse à laquelle les communications concernant leur demande de droit d"établissement devaient être envoyées. Elles l"ont probablement fait parce qu"elles comptaient sur le fait que la demanderesse les conseillerait au sujet de la façon de présenter leur cas lorsqu"il s"agirait d"entrer au Canada. C"est un choix qui, comme je dois le supposer, a été fait volontairement, et avec une connaissance raisonnable des conséquences. Par conséquent, je suppose que la demanderesse avait droit à certains frais pour ses services. La " décision " ici en cause a pour effet d"empêcher la demanderesse d"agir à titre de conseillère auprès des personnes qui sollicitent le droit d"établissement, ou du moins de nuire sérieusement à la demanderesse. Il est pour le moins possible de soutenir que la " décision " risque d"obliger la demanderesse à mettre fin à ses activités, du moins en ce qui concerne les personnes venant de la République populaire de Chine qui sollicitent le droit d"établissement, soit la principale, sinon la seule, source de clientèle de la demanderesse. Sur la base de l"analyse que je viens de faire, je suis convaincu que les circonstances de la présente espèce et l"intérêt de la demanderesse justifient qu"on reconnaisse la qualité pour agir de cette dernière. Je suis essentiellement convaincu que la demanderesse est une personne " directement touchée " par la " décision ".

[23]      Il reste à répondre à la deuxième question que Madame le juge Reed a mentionnée en passant, à savoir s"il existe une solution de rechange efficace et pratique de soumettre la question à cette cour. Je suis convaincu qu"il y en a une. Si un client ou des clients de la demanderesse, les personnes qui sollicitent le droit d"établissement au Canada, estimaient être sérieusement lésés par la " décision " qui avait été prise d"envoyer toutes les lettres à l"adresse du client plutôt qu"à l"adresse mentionnée dans la demande de droit d"établissement, je suis convaincu que la personne en question aurait clairement qualité pour présenter une demande semblable à celle dont la Cour est ici saisie. Toutefois, je suis convaincu que pareille personne aurait de la difficulté à justifier une demande dans laquelle elle solliciterait la gamme de réparations que la demanderesse cherche maintenant à obtenir, et toute réparation qu"elle pourrait raisonnablement demander ne pourrait pas donner un résultat qui remédierait d"une façon satisfaisante au préjudice que pourrait subir la demanderesse en l"espèce.

[24]      Compte tenu de l"analyse que je viens de faire, je conclus que la demanderesse a qualité pour présenter cette demande de contrôle judiciaire.

     d)      Le décideur a-t-il commis une erreur susceptible de révision en arrivant à la " décision " ici en cause?

[25]      La seule erreur susceptible de révision qui a été alléguée pour le compte de la demanderesse est que le décideur n"a pas observé un principe de justice naturelle ou d"équité procédurale ou toute autre procédure qu"il était légalement tenu de respecter. L"avocat de la demanderesse allègue que le défendeur n"a pas répondu aux lettres que sa cliente lui avait envoyées en vue d"exprimer ses préoccupations au sujet des conséquences de la rupture de ses relations avec son agent, en Chine, ou qu"il n"a pas accusé réception de pareilles lettres, qu"il n"a pas donné de détails au sujet des présumées plaintes qui avaient été portées contre sa cliente par des personnes sollicitant le droit d"établissement et qu"il n"a pas fourni à celle-ci la possibilité de répondre à ces plaintes.

[26]      Dans le jugement Shah c. Ministre de l"Emploi et de l"Immigration6, Monsieur le juge Hugessen a dit ceci :

                 Il est bien établi que la teneur de l'obligation d'agir équitablement varie selon les circonstances.                 

Dans ce jugement-là, la Cour a conclu que, compte tenu des faits de l"affaire dont elle était saisie, le contenu de l"obligation était minimal. Après avoir décrit la décision qui était en cause dans ce cas-là, Monsieur le juge Hugessen a ajouté ceci :

                 Cette décision relève entièrement de son jugement et de son pouvoir discrétionnaire et la Loi ne confère aucun droit au requérant en ce qui a trait au dispositif de cette décision.                 

Je suis convaincu qu"il est possible de dire la même chose dans ce cas-ci. Le juge Hugessen a ensuite fait la remarque suivante :

                 En l'espèce, le requérant ne doit pas répondre à des allégations dont il faut lui donner avis; c'est plutôt à lui de convaincre la personne investie d'un pouvoir discrétionnaire qu'il doit recevoir un traitement exceptionnel et obtenir une dispense de l'application générale de la Loi. La tenue d'une audition et l'énoncé des motifs de la décision ne sont pas obligatoires. L'agente n'a pas l'obligation d'exposer au requérant les conclusions éventuelles qu'elle est susceptible de tirer des éléments dont elle dispose, ni même les éléments en apparence contradictoires qui sèment le doute dans son esprit.                 

La décision dont la Cour d"appel fédérale était saisie et qui était visée par les remarques du juge Hugessen était une décision de ne pas recommander au gouverneur en conseil d"exercer son pouvoir discrétionnaire pour dispenser le demandeur des exigences du paragraphe 9(1) de la Loi sur l"Immigration7. Dans l"affaire dont la Cour d"appel était saisie, le demandeur sollicitait donc une réparation particulière en vertu de la Loi sur l"Immigration à titre personnel plutôt qu"à titre de simple agent, comme dans ce cas-ci, d"une personne demandant une réparation en vertu de cette loi. Compte tenu des faits de la présente espèce, je suis convaincu que le contenu de l"obligation d"équité n"est pas plus important que dans l"affaire dont la Cour d"appel était saisie.

[27]      En ce qui concerne l"obligation d"équité, le cas échéant, qui s"applique en l"espèce, je conclus que le défendeur n"a pas commis d"erreur susceptible de révision en arrivant à la décision ici en cause.

     e)      La réparation demandée

[28]      Étant donné les conclusions que j"ai tirées sur ce point, je n"ai pas à examiner cette question puisque j"ai conclu qu"il n"y avait pas d"erreur susceptible de révision justifiant l"octroi d"une réparation en faveur de la demanderesse. Ceci dit, si la réparation était justifiée, je suis convaincu que la réparation demandée est beaucoup plus étendue que ce qu"il est possible de justifier. Si je devais conclure qu"une réparation est justifiée, elle serait limitée à l"annulation de la décision ici en cause et au renvoi de l"affaire pour nouvelle décision.

LES DÉPENS

[29]      Le défendeur demande que les dépens soient adjugés non simplement sur la base ordinaire, mais sur une base extraordinaire, par suite d"une offre de règlement transmise à la demanderesse au plus deux jours avant la date prévue de l"audience et compte tenu du fait que le seul jour dans l"intervalle était le 11 novembre, soit un jour où les bureaux de cette cour, et de nombreux autres bureaux, ne sont pas ouverts. Je ne suis pas prêt à tenir compte de l"offre de règlement, étant donné qu"elle a été faite peu de temps avant la date de l"audience. Ceci dit, le défendeur a droit aux dépens, selon le barème ordinaire.

                                       " Frederick E. Gibson "

                                 Juge

Toronto (Ontario)

Le 26 novembre 1998

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :      IMM-2306-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      HENRY GLOBAL IMMIGRATION SERVICES

    

     et

     CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION CANADA
    

DATE DE L'AUDIENCE :      LE JEUDI 12 NOVEMBRE 1998

LIEU DE L'AUDIENCE :      OTTAWA (ONTARIO)

MOTIFS DU JUGEMENT du juge Gibson en date du 26 novembre 1998

ONT COMPARU :

     Cary Chiu      pour la demanderesse
     Jocelyne Sigouin      pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

     Maclaren et Corlett      pour la demanderesse

     Avocats

     45, rue O"Connor, bureau 1540

     Ottawa (Ontario)

     K1P 1A4

     Morris Rosenberg      pour le défendeur

     Sous-procureur général

     du Canada



                                                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA
                                                         Date : 19981126
                                                         Dossier: IMM-2306-98
                                                         Entre
                                                         HENRY GLOBAL IMMIGRATION SERVICES,
                                                         demanderesse,
                                                         et
                                                         CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION CANADA,
                                                         défendeur.
                                                        
                                                         MOTIFS DU JUGEMENT
                                                        
__________________

1      L.R.C. (1985), ch. F-7 (dans sa forme modifiée).

2      [1995] 2 C.F. 694 (C.A.F.).

3      (1994), 26 Imm. L.R. (2d) 40 à la p. 44 (C.F. 1re inst.).

4      (1994), F.T.R. 241.

5      [1993] 2 C.F. 229 (1re inst.).

6      (1994), 170 N.R. 238 (C.A.F.) (non cité à l"audience).

7      L.R.C. (1985), ch. I-2.

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