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Date : 19981113


Dossier : T-2534-97

     OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 13 NOVEMBRE 1998

     EN PRÉSENCE DU JUGE TEITELBAUM

    

         AFFAIRE INTÉRESSANT les articles 45, 56 et 59

         de la Loi sur les marques de commerce, L.C. 1993, ch. 15
         ET l"appel interjeté contre la décision rendue par le registraire des marques de commerce sur l"enregistrement n 379,823 pour la marque de commerce VITALIANO PANCALDI (WHITE) & Design                 

ENTRE :             


MANTHA & ASSOCIÉS,

appelante,


- et -


LE CRAVATTE DI PANCALDI S.r.l.,

intimée.

     ORDONNANCE

     Pour les motifs ci-joints, l"appel est rejeté, avec dépens.

                             Max M. Teitelbaum

            

                                 J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

C. Bélanger, LL.L.


Date : 19981113


Dossier : T-2534-97

    

         AFFAIRE INTÉRESSANT les articles 45, 56 et 59

         de la Loi sur les marques de commerce, L.C. 1993, ch. 15
         ET l"appel interjeté contre la décision rendue par le registraire des marques de commerce sur l"enregistrement n 379,823 pour la marque de commerce VITALIANO PANCALDI (WHITE) & Design                 

ENTRE :             


MANTHA & ASSOCIÉS,

appelante,


- et -


LE CRAVATTE DI PANCALDI S.r.l.,

intimée.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM         

INTRODUCTION

    

[1]      Il s"agit d"un appel interjeté contre la décision du registraire des marques de commerce, datée du 23 septembre 1997, confirmant l"enregistrement de l"intimée n 379,823 pour la marque de commerce VITALIANO PANCALDI (Blanc) & Dessin en liaison avec des [TRADUCTION] " Vêtements de haute couture pour femmes et hommes et vêtements prêts-à-porter, à savoir : cravates et foulards " en vertu de l"article 45 de la Loi sur les marques de commerce . L"appel est formé en vertu des articles 56 et 59 de la Loi sur les marques de commerce.

LES FAITS

[2]      L"appelante, MANTHA & ASSOCIÉS, est un agent de marques de commerce ayant son principal établissement Place du Portage, à Hull (Québec). L"intimée, LE CRAVATTE DI PANCALDI S.r.l., est titulaire de l"enregistrement n 379,823 pour la marque de commerce VITALIANO PANCALDI (Blanc) & Dessin; la marque a été enregistrée le 15 février 1991 en liaison avec des [TRADUCTION] "Vêtements de haute couture pour femmes et hommes et vêtements prêts-à-porter, à savoir : complets et tailleurs, cravates, foulards, tuniques, chemisiers, chemises, robes chemisiers, robes, vestons, pantalons, jupes, pull-overs, ceintures, chaussettes, chaussures "; elle est établie au Via Carlo Porta 10, 40128 Bologna, Italie.

[3]      La marque en cause se présente ainsi :

[4]      À la demande de l"appelante, le registraire des marques de commerce a entrepris une procédure selon l"article 45 au sujet de l"enregistrement n 379,823, par avis daté du 20 février 1996. En réponse à cette procédure, l"intimée a produit un témoignage par affidavit, signé par Mme Leda Ziosi et daté du 27 août 1996. Sur le fondement de ce témoignage, Mme Denise Savard, agent d"audience principal, Division de l"article 45, a prononcé une décision au nom du registraire des marques de commerce, maintenant l"enregistrement de la marque VITALIANO PANCALDI & Dessin en liaison avec des [TRADUCTION] " Vêtements de haute couture pour femmes et hommes et vêtements prêts-à-porter, à savoir : cravates et foulards " (Dossier de l"appelante, pages 7 à 10). Dans la présente instance, l"appelante ne porte en appel que la décision du registraire datée du 23 septembre 1997 qui a maintenu la marque de commerce en liaison avec les cravates et les foulards.

La décision du registraire

[5]      Le 23 septembre 1997, Mme Denise Savard, agent d"audience principal, Division de l"article 45, a rendu une décision au nom du registraire des marques de commerce. D"une part, la décision modifiait l"enregistrement pour supprimer plusieurs éléments de la liste des marchandises : complets et tailleurs, tuniques, chemisiers, chemises, robes chemisiers, robes, vestons, pantalons, jupes, pull-overs, ceintures, chaussettes, chaussures, au motif que la marque n"avait pas été employée pendant la période visée. D"autre part, la décision maintenait l"enregistrement pour les vêtements de haute couture pour femmes et hommes et vêtements prêts-à-porter, à savoir : cravates et foulards.

[6]      La décision comportait également les conclusions suivantes :

     a)      La marque employée sur les factures n"est pas sensiblement différente de la marque enregistrée, bien que la forme rectangulaire encadrant le mot PANCALDI ait été omise. À cet égard, l"appelante prétend que, dans cette décision, la marque enregistrée est présentée de manière inexacte, c"est-à-dire sans la forme rectangulaire qui apparaît dans la marque enregistrée.                 

         (Décision du registraire, page 2)

     b)      Des photocopies de griffes suffisent à établir l"emploi, puisque l"affidavit Ziosi contient des déclarations de faits indiquant que la marque est associée à des vêtements et accessoires de vêtements. Sur ce fondement, le registraire a accepté la pièce B comme preuve de la manière dont la marque était appliquée aux marchandises vendues pendant la période visée, illustrée sur les factures.                 

         (Décision du registraire, page 3)

     c)      Ce qu"on appelle un " mouchoir de poche " est un foulard, de sorte que la marque a été employée conformément à l"enregistrement.                 

L"ARGUMENTATION

[7]      L"appelante prend les positions suivantes sur les questions en litige :

     a)      Le registraire a conclu à tort que la preuve déposée par l"intimée établissait l"emploi de la marque VITALIANO PANCALDI (BLANC) & Dessin enregistrée en liaison avec l"une des marchandises couvertes par l"enregistrement n 379,823 et, en particulier, en liaison avec des vêtements de haute couture pour femmes et hommes et vêtements prêts-à-porter, à savoir : cravates et foulards.                 

    

     b)      Le registraire a jugé à tort que la marque figurant sur les pièces annexées à l"affidavit de l"intimée était essentiellement la même que la marque enregistrée sous le n 379,823 et, donc, constituait une preuve d"emploi de la marque par le titulaire de l"enregistrement.                 
     c)      Le registraire a conclu à tort que les photocopies de griffes jointes en annexe, plutôt que les griffes elles-mêmes, suffisaient à établir l"emploi de la marque dans la pratique normale du commerce.                              
     d)      Le registraire a conclu à tort qu"un mouchoir de poche est un foulard.                 

[8]      Selon l"intimée, c"est à bon droit que le registraire a conclu :

     a)      que la preuve déposée par l"intimée établit l"emploi de la marque VITALIANO PANCALDI & Dessin enregistrée en liaison avec les marchandises suivantes mentionnées dans l"enregistrement n 379,823, des vêtements de haute couture pour femmes et hommes et vêtements prêts-à-porter, à savoir : cravates et foulards;                 
     b)      que la marque figurant dans les pièces jointes au soutien de l"affidavit de l"intimée est essentiellement la même que la marque enregistrée sous le n 379,823 et, donc, constitue une preuve d"emploi de la marque par la titulaire de l"enregistrement/intimée;                 
     c)      que les photocopies des griffes, par opposition aux griffes elles-mêmes, suffisent, dans les circonstances actuelles compte tenu des faits présentés par Mme Ziosi, pour établir l"emploi de la marque dans la pratique normale du commerce;                 
     d)      qu"un mouchoir de poche est un foulard.                 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[9]      L"argumentation de l"appelante soulève la question principale suivante : est-ce à tort que le registraire des marques de commerce a conclu que l"intimée a établi l"emploi de la marque enregistrée n 379,823 en liaison avec des cravates et des foulards? Toutefois, cette question dépend des questions incidentes suivantes :

     i)      la présentation en preuve de photocopies de griffes échantillons par le moyen d"un affidavit suffit-elle à établir l"emploi d"une marque?                 
     ii)      la marque telle qu"elle apparaît sur les factures et les griffes est-elle sensiblement différente de la marque enregistrée sous le n 379,823, de sorte qu"elle ne permettrait pas d"établir l"emploi de cette marque enregistrée?                 
     iii)      ce qu"on appelle un " mouchoir de poche " est-il un foulard et constitue-t-il un emploi de cette marque enregistrée?                 

ANALYSE

[10]      La décision rendue au nom du registraire des marques de commerce et qui fait l"objet de l"appel a été rendue en vertu de l"article 45 de la Loi sur les marques de commerce , qui est ainsi conçu :


45. (1) The Registrar may at any time and, at the written request made after three years from the date of the registration of a trade-mark by any person who pays the prescribed fee shall, unless the Registrar sees good reason to the contrary, give notice to the registered owner of the trade-mark requiring the registered owner to furnish within three months an affidavit or a statutory declaration showing, with respect to each of the wares or services specified in the registration, whether the trade-mark was in use in Canada at any time during the three year period immediately preceding the date of the notice and, if not, the date when it was last so in use and the reason for the absence of such use since that date.

45. (1) Le registraire peut, et doit sur demande écrite présentée après trois années à compter de la date de l'enregistrement d'une marque de commerce, par une personne qui verse les droits prescrits, à moins qu'il ne voie une raison valable à l'effet contraire, donner au propriétaire inscrit un avis lui enjoignant de fournir, dans les trois mois, un affidavit ou une déclaration solennelle indiquant, à l'égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l'enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l'avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date.

(2) The Registrar shall not receive any evidence other than the affidavit or statutory declaration, but may hear representations made by or on behalf of the registered owner of the trade-mark or by or on behalf of the person at whose request the notice was given.

(2) Le registraire ne peut recevoir aucune preuve autre que cet affidavit ou cette déclaration solennelle, mais il peut entendre des représentations faites par le propriétaire inscrit de la marque de commerce ou pour celui-ci ou par la personne à la demande de qui l'avis a été donné ou pour celle-ci.

(3) Where, by reason of the evidence furnished to the Registrar or the failure to furnish any evidence, it appears to the Registrar that a trade-mark, either with respect to all of the wares or services specified in the registration or with respect to any of those wares or services, was not used in Canada at any time during the three year period immediately preceding the date of the notice and that the absence of use has not been due to special circumstances that excuse the absence of use, the registration of the trade-mark is liable to be expunged or amended accordingly.

(3) Lorsqu'il apparaît au registraire, en raison de la preuve qui lui est fournie ou du défaut de fournir une telle preuve, que la marque de commerce, soit à l'égard de la totalité des marchandises ou services spécifiés dans l'enregistrement, soit à l'égard de l'une de ces marchandises ou de l'un de ces services, n'a été employée au Canada à aucun moment au cours des trois ans précédant la date de l'avis et que le défaut d'emploi n'a pas été attribuable à des circonstances spéciales qui le justifient, l'enregistrement de cette marque de commerce est susceptible de radiation ou de modification en conséquence.


(4) When the Registrar reaches a decision whether or not the registration of a trade-mark ought to be expunged or amended, he shall give notice of his decision with the reasons therefor to the registered owner of the trade-mark and to the person at whose request the notice referred to in subsection (1) was given.

(4) Lorsque le registraire décide ou non de radier ou de modifier l'enregistrement de la marque de commerce, il notifie sa décision, avec les motifs pertinents, au propriétaire inscrit de la marque de commerce et à la personne à la demande de qui l'avis visé au paragraphe (1) a été donné.


(5) The Registrar shall act in accordance with his decision if no appeal therefrom is taken within the time limited by this Act or, if an appeal is taken, shall act in accordance with the final judgment given in the appeal.

(5) Le registraire agit en conformité avec sa décision si aucun appel n'en est interjeté dans le délai prévu par la présente loi ou, si un appel est interjeté, il agit en conformité avec le jugement définitif rendu dans cet appel.

[11]      L"article 45 de la Loi exige que le propriétaire de la marque, sur avis, établisse, à l"égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l"enregistrement, si la marque telle qu"elle a été enregistrée a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l"avis. En l"espèce, l"avis a été notifié le 20 février 1996, et l"intimée doit établir que la marque a été employée au Canada entre le 20 février 1993 et le 20 février 1996.

[12]      En réponse à l"avis, l"intimée a déposé l"affidavit de Mme Ziosi, daté du 27 août 1996, et les pièces A et B au soutien de celui-ci. En réponse à l"appel, l"intimée a déposé son dossier, sans aucune preuve supplémentaire. Donc, l"affidavit de Mme Ziosi, souscrit le 27 août 1996, avec les pièces qui y sont annexées, constitue la seule preuve présentée au registraire et à la Cour.

[13]      Pour établir l"emploi de la marque dans la pratique normale du commerce, l"intimée a déposé, par la voie de l"affidavit souscrit par Mme Ziosi, des factures portant des dates comprises entre le 29 octobre 1993 et le 30 mars 1995 faisant état de ventes de cravates pour femmes et hommes ainsi que de mouchoirs de poche portant la marque VITALIANO PANCALDI (pièce A) ainsi que des photocopies d"échantillons de griffes (pièce B), annexées à l"affidavit de Mme Ziosi.

[14]      L"appelante soutient que la marque figurant sur les factures et sur les griffes, lesquelles figurent, selon l"affidavit, sur les articles de vêtements, cravates et foulards, ne reproduit pas la marque enregistrée. La marque enregistrée se compose des mots VITALIANO PANCALDI sur un V, entourés d"un rectangle blanc. La pièce B contient deux photocopies de griffes. Le première photocopie est une marque qui paraît prise sur un tissu foncé, mais sans le rectangle. La seconde photocopie présente effectivement une griffe conforme à l"enregistrement. Mais l"appelante est d"avis que la marque apparaissant dans la seconde photocopie est italienne et ne peut donc servir à établir que la marque était employée au Canada, position que je ne puis accepter.

[15]      La seule différence entre la marque employée dans les factures, telle qu"elle est représentée dans une photocopie formant partie de la pièce A, et la marque enregistrée est le rectangle autour du V.

[16]      L"appelante invoque l"affaire Molson Companies Ltd. c. Mitches & Co. et al. (1980) 50 C.P.R. (2d) 180, établissant que les modifications de la marque ne doivent pas altérer son caractère distinctif, et l"affaire Buroughs-Wellcome c. Kirk, Shapiro, Eades, Cohen , (1983) 73 C.P.R. (2d) 13, établissant que l"emploi de marques différentes, même si elles partagent des caractéristiques similaires, ne peut soutenir un enregistrement.

[17]      Ainsi qu"il a été indiqué, le seul élément qui manque est la forme rectangulaire autour des mots et du V. À mon avis, il s"agit de décider si la marque sans le rectangle est sensiblement différente de la marque enregistrée. Le registraire a jugé qu"il s"agissait d"une différence mineure, ne risquant pas de tromper des acheteurs non avertis ou de leur causer un préjudice. Je suis convaincu que le registraire a appliqué le critère indiqué pour déterminer si la marque représentée sans le rectangle était sensiblement différente de la marque enregistrée. Ce critère a été formulé par le juge Pratte dans l"affaire Registraire des marques de commerce c. Cie Internationale pour l"information CII Honeywell Bull, [1985] 1 C.F. 406 (C.A.F.), aux pages 408 et 409 :

         Il ne s'agit pas de déterminer si CII a trompé le public quant à l'origine de ses marchandises. Elle ne l'a manifestement pas fait. La seule et véritable question qui se pose consiste à se demander si, en identifiant ses marchandises comme elle l'a fait, CII a employé sa marque de commerce " Bull ". Il faut répondre non à cette question sauf si la marque a été employée d'une façon telle qu'elle n'a pas perdu son identité et qu'elle est demeurée reconnaissable malgré les distinctions existant entre la forme sous laquelle elle a été enregistrée et celle sous laquelle elle a été employée. Le critère pratique qu'il faut appliquer pour résoudre un cas de cette nature consiste à comparer la marque de commerce enregistrée et la marque de commerce employée et à déterminer si les distinctions existant entre ces deux marques sont à ce point minimes qu'un acheteur non averti conclurait, selon toute probabilité, qu'elles identifient toutes deux, malgré leurs différences, des marchandises ayant la même origine.                 

[18]      L"appelante plaide également que les photocopies ne fournissent pas une démonstration suffisante de l"emploi de la marque enregistrée. Elle s"appuie sur l"affaire Boutiques ProGolf Inc. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1990), 27 C.I.P.R. 3, à la p. 10 (C.F. 1re inst.), pour établir le principe que, dans le cas où l"on n"offre que des photocopies, il faut nécessairement en déduire qu"on ne disposait que de photocopies et, donc, que les griffes en question ne sont plus employées.

[19]      Le juge Denault écrit :

             Les pièces déposées au soutien de l"affidavit de Léonard Turgeon consistent en une carte d"affaires portant la marque BOUTIQUES PROGOLF & DESSIN, quelques photocopies de chèques, quelques factures, un communiqué, une formule de commande et plusieurs lettres adressées à des clients, tous des documents datés entre le 14 juin 1985 et le 25 août 1988, et portant la marque et dessin BOUTIQUES PROGOLF en en-tête. On n"a produit aucune marchandise portant la marque BOUTIQUES PROGOLF & DESSIN, ni aucun colis dans lesquels ces marchandises auraient été distribuées. Le procureur de l"appelante a soutenu que pour prouver l"emploi de la marque, il pourrait suffire de démontrer qu"on l"utilisait comme en-têtes de documents. Il a aussi indiqué que la facture PG 2396 concernait la vente d"un putter de 139 $ : selon lui, on prouvait ainsi que la marque était employée en liaison avec des marchandises pour lesquelles elle avait été enregistrée. Le procureur a enfin souligné que la formule de commande de divers articles de golf (BP069), déposée à l"appui de l"affidavit de M. Turgeon, énumérait des bâtons de golf, des sacs de golf, etc., et qu"on devait en déduire soit qu"ils portaient la marque BOUTIQUES PROGOLF & DESSIN, soit que celle-ci était employée en liaison avec ces marchandises. Il n"a cependant déposé aucune " marchandise " portant la marque, ni établi que la marque était, de " toute autre manière ", liée aux marchandises pour lesquelles on avait fait une demande d"enregistrement. Tout au plus a-t-on démontré que depuis 1985, la compagnie dont le nom corporatif est le même que celui de la marque qu"on tente de protéger utilisait la marque BOUTIQUES PROGOLF & DESSIN comme en-tête sur sa papeterie. Bref, on se servait de cette marque comme " nom commercial " mais non en tant que marque de commerce en liaison avec les marchandises qu"on avait indiquées lors de l"enregistrement.                 
             En l"occurrence, les documents soumis par l"appelante ne rencontrent aucun des éléments essentiels ...                 

[20]      Je ne suis pas l"appelante dans son interprétation de cette affaire. Je crois plutôt que, dans une procédure de ce type, il incombe au titulaire de la marque de présenter une preuve suffisante pour démontrer l"emploi de la marque enregistrée en liaison avec les marchandises selon le paragraphe 45(1) de la Loi sur les marques de commerce . À mon avis, le titulaire a l"obligation de présenter la meilleure preuve quant à l"emploi de la marque au Canada : Thomas & Betts, Ltd. c. Panduit Corp. (1997), 74 C.P.R. (3d) 185, aux p. 200 et 201 (C.F. 1re inst.), mais il ne s"ensuit pas qu"une preuve présentée sous forme de photocopies entraîne l"invalidation de l"enregistrement. La seule question consiste à déterminer si la preuve établit l"emploi au Canada de la marque enregistrée.

[21]      À cet égard, je suis convaincu que la preuve présentée par l"intimée sous forme d"affidavit établit l"emploi de la marque enregistrée. L"affidavit de Mme Ziosi établit clairement que les griffes ont été employées en liaison avec des marchandises énumérées dans l"enregistrement. Dans l"affaire Plough (Canada) Ltd. c. Aerosol Fillers Inc. (1980), 53 C.P.R. (2d) 62, confirmant 45 C.P.R. (2d) 194, la Cour d"appel fédérale a jugé, aux pages 63 et 64, que le paragraphe 44(1), maintenant remplacé par le paragraphe 45(1), exige que la preuve présentée sous forme d"affidavit ou de déclaration solennelle ne constitue pas une simple affirmation, mais plutôt une démonstration de l"emploi de la marque au sens du terme " emploi " défini par la Loi sur les marques de commerce . Les déclarations faites dans l"affidavit de Mme Ziosi ont été suffisantes pour convaincre le registraire que l"emploi de la marque était établi en liaison avec des marchandises au Canada.

         [TRADUCTION]                 
         10. À titre d"illustration non exhaustive de l"emploi de la marque VITALIANO PANCALDI ( & dessin) LMC379823 par son propriétaire inscrit Le Cravatte Di Pancaldi S.r.1., dans la pratique normale du commerce, je dépose, sous la cote A, en liasse, quelques factures portant des dates comprises entre le 29 octobre 1993 et le 30 mars 1995 faisant état de ventes de cravates pour femmes et hommes ainsi que de mouchoirs de poche au distributeur canadien de PANCALDI, pour des clients dont les noms apparaissent également sur les factures, lorsqu"ils sont connus. Les sommes indiquées dans la colonne [TRADUCTION] " prix unitaire " sont en lires italiennes; 100 lires équivalent environ à 0,09 $CAN (une lire = 0,0000918 $).                 
         11. Tous les articles mentionnés dans les factures formant l"annexe A portent la marque VITALIANO PANCALDI ( & dessin); à titre d"illustration non exhaustive de l"emploi par PANCALDI de sa marque VITALIANO PANCALDI ( & dessin) sur ces articles et de la manière dont la marque est employée en liaison avec les articles et accessoires de vêtements, je dépose, sous la cote B, en liasse, quelques échantillons de griffes comme celles qui ont été fixées sur les marchandises que PANCALDI a vendues au Canada : l"un des échantillons est une griffe en tissu cousue sur les articles de vêtements (du genre de celle qui serait cousue au revers d"une cravate ou à la bordure d"un mouchoir); un autre échantillon est une vignette en carton qui peut être attachée à l"article.                 

[22]      De ce qui précède, il résulte de façon claire et incontestable que la marque de l"intimée était employée en liaison avec des cravates et des foulards.

[23]      La dernière question, mais non la moindre, est de savoir si un mouchoir de poche [pocket scarf, en anglais] est un foulard. Pour trancher cette question, je m"appuie sur l"Oxford English Dictionary, 2nd Ed., vol. VI, à la page 118, où le terme foulard [foulard] est défini de la façon suivante :

         [TRADUCTION]                 
         1.      Étoffe légère et souple de soie ou de soie et coton.                         
         2.      Mouchoir fait de cette étoffe.                         

Au vol. XI, à la page 1110, le terme pocket-handkerchief [mouchoir de poche] est défini comme un mouchoir porté dans la poche. Et au vol. XIV, à la page 590, le terme scarf [écharpe] est défini comme une [TRADUCTION] " large bande de soie, ou de gaze, qu"on jette sur l"épaule ou qu"on porte autrement comme accessoire d"une toilette " et une " bande de tissu chaud et doux qu"on porte autour du cou par temps froid ".

[24]      Compte tenu des définitions qui précèdent, je conclus que le registraire a eu raison de conclure qu"un mouchoir de poche est un foulard.

Le critère de contrôle

[25]      Avant de conclure, je veux traiter brièvement du critère de contrôle en appel. Les parties ont cité divers jugements dans leurs observations écrites et je ne les trouve pas incompatibles. Dans l"arrêt Beverly Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding and Upholstery Ltd. (1982), 60 C.P.R. (2d) 70, à la page 70, la Cour d"appel a statué que la norme n"exigeait pas qu"on se demande [TRADUCTION] " si le registraire s"est trompé au point de rendre nécessaire la modification de sa décision ", mais " si le registraire s"est trompé ". Dans l"affaire 88766 Canada Inc. c. Paulaner-Salvator-Thomasbrau A.G. (1996), 68 C.P.R. (3d) 360, j"ai eu l"occasion d"examiner la norme de contrôle en appel, à la page 367:

         Dans l'affaire Classic Door & Millwork Ltd. c. Oakwood Lumber & Millwork (1996) 63 C.P.R. (3d) 337, à la p. 339, qui concerne une opposition à l'enregistrement d'une marque de commerce, le juge en chef adjoint a déclaré ceci au sujet de la norme de contrôle applicable lorsqu'une décision du registraire est portée en appel :                 
             Avant d'analyser cet argument, je dois déterminer la norme de contrôle qui s'applique en l'espèce.                         
             Plus récemment, dans l'arrêt Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1987), 14 C.P.R. (3d) 133, à la p. 135, 11 C.I.P.R. 1, 9 F.T.R. 136 (C.F. 1re inst.), le juge Strayer (maintenant juge d'appel) a formulé les commentaires suivants au sujet de la norme de contrôle applicable à l'égard d'une décision du registraire :                         
                 ... j'estime cependant que la Cour devrait hésiter à infirmer la décision du registraire ou du président à moins qu'elle ne soit clairement convaincue qu'il a tiré une conclusion erronée sur les faits ou à moins qu'on ne produise devant la Cour des éléments de preuve nouveaux et importants dont le registraire n'a pas été saisi.                         
             Dans l'arrêt Mitac Inc. c. Mita Industrial Co. Ltd. (1992), 40 C.P.R. (3d) 387, aux p. 391 et 392, 51 F.T.R. 281, 31 A.C.W.S. (3d) 289 (C.F. 1re inst.), mon collègue le juge Denault a abondé dans le même sens :                         
                 ... je dois souligner que dans les affaires de ce genre, l'appelante a une double obligation. En premier lieu, elle doit établir que l'agent d'audition a commis une erreur dans son appréciation des faits ou dans son interprétation du droit. Il est bien établi que pareille décision a un poids considérable et qu'elle ne doit pas être annulée à la légère.                              

[26]      À mon sens, ces décisions ne sont pas incompatibles et je conclus que la norme de contrôle en appel exige que le juge soit nettement convaincu que le registraire est arrivé à une conclusion erronée sur les faits ou le droit pour modifier sa décision.

CONCLUSION

[27]      Je suis convaincu que le registraire n"a pas commis d"erreur donnant ouverture au contrôle en jugeant que les photocopies peuvent servir à démontrer l"emploi de la marque, que les griffes ne sont pas sensiblement différentes de la marque enregistrée et que le " mouchoir de poche " constitue un " foulard ". Je suis également convaincu que la preuve présentée par voie d"affidavit établit clairement l"emploi de la marque enregistrée au Canada en liaison avec les marchandises comme l"exige l"article 45 de la Loi et j"accepte donc sa conclusion. À mon avis, la Cour doit se montrer peu disposée à infirmer la décision du registraire à moins qu"elle ne soit convaincue que le registraire s"est trompé, c"est-à-dire, est arrivé à une conclusion erronée sur les faits.

[28]      Mme Ziosi a déclaré sous serment que les griffes illustrées sur les photocopies déposées comme annexe B de son affidavit ont été employées au Canada pour la vente de cravates et de foulards. Je n"ai aucune raison de ne pas la croire. De toute évidence, le registraire a également accepté son témoignage.

[29]      L"appel est rejeté, avec dépens.

                             Max M. Teitelbaum

                        

                                 Juge

Ottawa (Ontario)

Le 13 novembre 1998

Traduction certifiée conforme

C. Bélanger



COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


N DU GREFFE :

T-2534-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :

MANTHA & ASSOCIÉS

c. LE CRAVATTE DI PANCALDI S.R.L.

LIEU DE L"AUDIENCE :

MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L"AUDIENCE :

LE 4 NOVEMBRE 1998


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

EN DATE DU 13 NOVEMBRE 1998


ONT COMPARU :

ADELE FINLAYSON

POUR L"APPELANTE.

BARRY GAMACHE

POUR L"INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

SHAPIRO COHEN

OTTAWA (ONTARIO)

POUR L"APPELANTE

LÉGER ROBIC RICHARD

MONTRÉAL (QUÉBEC)

POUR L"INTIMÉE


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