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Date : 08091998


Dossier : T-1801-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 8 SEPTEMBRE 1998

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE J.E. DUBÉ

     AFFAIRE INTÉRESSANT l'article 45 de la Loi sur les marques de

     commerce, S.R.C. 1970, ch. T-10, et ses modifications

     - et -

     AFFAIRE INTÉRESSANT l'appel de la décision du

     registraire des marques de commerce rendue le 20 juin 1997

     par laquelle ce dernier a radié l'enregistrement canadien

     no 393,922 de la marque de commerce ZIRCOTEX

ENTRE :

     GERD EISENBLATTER GmbH,

     appelante,

     - et -

     KENT & EDGAR et

     REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,

     intimés.

     J U G E M E N T

     L'appel est accueilli avec dépens.

    

     Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


Date : 08091998


Dossier : T-1801-97

     AFFAIRE INTÉRESSANT l'article 45 de la Loi sur les marques de

     commerce, S.R.C. 1970, ch. T-10, et ses modifications

     - et -

     AFFAIRE INTÉRESSANT l'appel de la décision du

     registraire des marques de commerce rendue le 20 juin 1997

     par laquelle ce dernier a radié l'enregistrement canadien

     no 393,922 de la marque de commerce ZIRCOTEX

ENTRE :

     GERD EISENBLATTER GmbH,

     appelante,

     - et -

     KENT & EDGAR et

     REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,

     intimés.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DUBÉ

[1]      Il s'agit d'un appel interjeté en vertu de l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce1 (la " Loi ") à l'égard de la décision rendue le 20 juin 1996 par un agent d'audience du registraire des marques de commerce (le " registraire "), aux termes de l'article 45 de la Loi, par laquelle il a radié la marque de commerce de l'appelante " ZIRCOTEX " enregistrée sous le no 393,922. Le registraire a conclu qu'aucun élément de preuve n'établissait l'emploi de la marque en soi au cours de la période pertinente.

[2]      Lorsqu'il a présenté son affidavit au registraire, Rolf Gerd Eisenblatter, directeur général de la société propriétaire de la marque de commerce, a déposé des pièces afin de prouver l'emploi de la marque composite " ZIRCOTEX-FIX ". Selon le registraire, le fait que [TRADUCTION] " l'inscrivant ait employé la marque composite " ZIRCOTEX-FIX " n'équivaut pas à l'emploi de la marque " ZIRCOTEX " ". Il a signalé que les [TRADUCTION] " caractères des lettres " FIX " sont de la même taille et du même style que ceux employés pour le terme " ZIRCOTEX " ". Enfin, il a précisé ce qui suit : [TRADUCTION] " [d]e plus, la présence d'un trait d'union entre les deux mots laisse croire, à mon avis, qu'ils doivent être lus ensemble et qu'ils seraient donc vraisemblablement perçus comme formant une seule marque composite ".

[3]      Le registraire a renvoyé à une décision rendue par la Cour d'appel fédérale2 pour illustrer l'application du principe voulant que l'emploi d'une marque composite ne puisse équivaloir à l'usage de la marque de commerce telle qu'elle est enregistrée. Dans cette affaire, la Cour d'appel a conclu que l'inscrivant, lorsqu'il employait la marque composite CII HONEYWELL BULL, n'utilisait pas sa marque BULL. Le juge Pratte a en effet déclaré ce qui suit :

                 Il ne s'agit pas de déterminer si CII a trompé le public quant à l'origine de ses marchandises. Elle ne l'a manifestement pas fait. La seule et véritable question qui se pose consiste à se demander si, en identifiant ses marchandises comme elle l'a fait, CII a employé sa marque de commerce " Bull ". Il faut répondre non à cette question sauf si la marque a été employée d'une façon telle qu'elle n'a pas perdu son identité et qu'elle est demeurée reconnaissable malgré les distinctions existant entre la forme sous laquelle elle a été enregistrée et celle sous laquelle elle a été employée. Le critère pratique qu'il faut appliquer pour résoudre un cas de cette nature consiste à comparer la marque de commerce emregistrée et la marque de commerce employée et à déterminer si les distinctions existant entre ces deux marques sont à ce point minimes qu'un acheteur non averti concluerait, selon toute probabilité, qu'elles identifient toutes deux, malgré leurs différences, des marchandises ayant la même origine.                 

[4]      Pour les besoins du présent appel, l'appelante a demandé, et obtenu, l'autorisation de déposer des éléments de preuve additionnels et elle a versé au dossier un second affidavit de M. Eisenblatter daté du 16 octobre 1997. Dans ce second affidavit, l'auteur affirme que [TRADUCTION] " les biens expédiés au Canada sont emballés dans des caisses en carton scellées avec du ruban adhésif sur lequel est imprimée la marque " ZIRCOTEX " ". Il ajoute que [TRADUCTION] " différents produits vendus sous la marque " ZIRCOTEX " sont davantage décrits par les mots additionnels " fix " ou " alu ". Or, ces ajouts ne visent pas à isoler la source, mais les produits ". Il a expliqué que le terme " fix " a plusieurs sens, par exemple [TRADUCTION] " prompt, rapide " ainsi que [TRADUCTION] " fait d'arranger quelque chose ", ce qui laisse entendre, par un jeu de mots, que le produit peut être arrangé rapidement. Il a ajouté comme pièce " A " à son affidavit la photographie d'une caisse scellée avec du ruban adhésif prête pour l'expédition. La pièce " B " jointe à son affidavit consiste en un échantillon du ruban adhésif qui est reproduit ci-dessous.

[5]      L'avocate de l'appelante soutient que, grâce à ces éléments de preuve additionnels, sa cliente a remédié au défaut constaté par le registraire. Elle signale que l'échantillon montre la marque " ZIRCOTEX " ostensiblement suivie du symbole ". Selon elle, l'utilisation du symbole " constitue une preuve prima facie de l'emploi d'une marque de commerce3. Elle fait valoir que la marque " ZIRCOTEX " se distingue de façon manifeste de toute portion additionnelle qui y est ajoutée. Dans son second affidavit, M. Eisenblatter défini le terme " ALU " comme [TRADUCTION] " une abréviation courante du terme " aluminium ", ce qui donne à entendre que le produit est principalement constitué d'aluminium ".

[6]      L'avocate de l'appelante affirme avec raison que les mesures prévues à l'article 45 de la Loi visent uniquement à permettre de découvrir si une marque de commerce est employée ou non au Canada et à supprimer le [TRADUCTION] " bois mort "4, soit les marques de commerce qui tombent en désuétude. Elle fait également valoir que, selon la jurisprudence, l'article 45 de la Loi ne nécessite pas la présentation d'une preuve excessive5.

[7]      D'un autre côté, l'avocat de l'intimée prétend, à très juste titre, qu'on ne doit pas réviser à la légère la décision du registraire puisqu'il s'agit d'un [TRADUCTION] " fonctionnaire qui doit, entre autres tâches quotidiennes, tirer des conclusions relativement aux questions soulevées en l'espèce de même qu'à l'égard de questions analogues visées par la Loi6 ". À moins qu'un nouvel élément de preuve important ou substantiel soit déposé, ce n'est qu'avec réticence que la Cour devrait infirmer la décision du registraire7. L'avocat de l'intimée soutient que la preuve présentée dans le second affidavit n'est pas substantielle ni suffisamment importante pour justifier la Cour de surmonter sa réticence puisque l'affidavit comporte trois lacunes appréciables.

[8]      En premier lieu, l'affidavit énonce simplement que [TRADUCTION] " les biens sont expédiés au Canada dans des caisses de carton " sans mentionner de quels biens il s'agit. Toutefois, même si le second affidavit pouvait être plus précis, j'estime qu'il ressort sans équivoque des deux affidavits que les biens en question sont ceux produits sous la marque de commerce " ZIRCOTEX ".

[9]      En deuxième lieu, le second affidavit n'offre aucun élément de preuve (comme des factures) permettant d'établir que, dans les faits, des caisses scellées avec du ruban adhésif sont, ou ont jamais été, expédiées au Canada. À mon avis, il découle assez clairement du deuxième paragraphe du second affidavit que les biens en question [TRADUCTION] " sont expédiés au Canada [...] dans des caisses en carton scellées avec du ruban adhésif sur lequel est imprimé la marque ZIRCOTEX ".

[10]      En troisième lieu, même s'il a été conclu que les reçus déposés devant le registraire étayaient dans une certaine mesure l'usage de la marque " ZIRCOTEX-FIX ", la preuve déposée en appel renvoie à une autre marque, savoir " ZIRCOTEX-ALU ". Cette affirmation est exacte et il aurait été plus avantageux pour la requérante de déposer un dessin " ZIRCOTEX-FIX ". Néanmoins, je n'estime pas que cette différence soit fatale puisque le second affidavit, en plus de définir sans équivoque les deux termes " fix " et " alu ", explique que ces deux mots ne visent pas à isoler la source, mais bien à mieux identifier les produits.

[11]      Par conséquent, même si la décision du registraire qui se fonde sur le premier affidavit est justifiée, les éléments de preuve additionnels montrent que la marque de commerce en question a été employée au Canada au cours de la période de trois ans précédant la date de l'avis. Évidemment, le second affidavit aurait pu être davantage substantiel et il ne peut, même avec tous les efforts d'imagination possibles, être qualifié de [TRADUCTION] " preuve excessive ". Il n'en demeure pas moins que cet affidavit suffit à établir que la marque de commerce " ZIRCOTEX " était employée au Canada au cours de la période pertinente.

[12]      La combinaison des deux affidavits satisfait au critère pratique offert par le juge Pratte de la Cour d'appel dans l'arrêt Honeywell Bull. La marque apparaissant sur le ruban adhésif utilisé pour les besoins de l'expédition montre manifestement le terme " ZIRCOTEX " en un seul mot suivi du symbole " de manière à indiquer que " ZIRCOTEX " est la marque de commerce. L'ajout de l'abréviation " ALU " en caractères plus petits placés en angle n'aurait pas pour effet de créer de la confusion dans l'esprit d'un acheteur non averti ni de mener ce dernier à croire que les biens en question sont d'une origine différente. En ce sens, l'abréviation " ALU " est sans importance. Elle ne prive pas la marque de commerce " ZIRCOTEX " de son identité. Par conséquent, la marque " ZIRCOTEX " était employée au Canada au moment pertinent.


[13]      L'appel est donc accueilli avec dépens.

OTTAWA (Ontario)

Le 8 septembre 1998

    

     Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              T-1801-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :      GERD EISENBLATTER c. KENT & EDGAR ET AL.
LIEU DE L'AUDIENCE :          OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE :          LE 2 SEPTEMBRE 1998

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS LE 8 SEPTEMBRE 1998 PAR LE JUGE DUBÉ.

ONT COMPARU :

MME NICOLA M. HUNT                  POUR L'APPELANTE

M. MARCUS GALLIE                  POUR L'INTIMÉE

                             KENT & EDGAR

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Appelante

EISENBLATTER, GERD (GMBH)

Nicola M. Hunt

Ottawa

Ontario

Intimée

KENT & EDGAR

Ottawa

Ontario

Intimé

REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

__________________

     1      L.R.C. (1985), ch. T-13.

     2      Registraire des marques de commerce c. Compagnie Internationale pour l'Informatique CII Honeywell Bull S.A. (1985), 4 C.P.R. (3d) 523, [1985] 1 C.F. 406.

     3      Voir Trade Mark Reflections Ltd. v. Morgan Crucible Co. Plc. (1977), 78 C.P.R. (3d) 519 (COMC, Campbell, agent d'audience) et Dennison Associates v. Alum-A-Pole Corp. (1977), 78 C.P.R. (3d) 563 (COMC, Campbell, agent d'audience).

     4      American Distilling Co. v. Canadian Schenley Distilleries Ltd. (1977), 38 C.P.R. (2d) 60 (Thurlow, JCA); Broderick & Bascom Rope Co. v. Registrar of Trade-marks (1970), 62 C.P.R. 268 (Jackett, P.); Re Wolfville Holland Bakery Ltd. (1964), 42 C.P.R. 81 (Thorson, P.) et Rogers, Bereskin & Parr v. The Registrar of Trade-marks (1986), 9 C.P.R. (3d) 260, Joyal, J.

     5      Union Electric Supply Co. Ltd. v. Registrar of Trade Marks (No. 1) (1982), 63 C.P.R. (2d) 56.

     6      Benson & Hedges Canada Ltd. v. St-Regis Tobacco Corp., [1969] S.C.R. 192, à la p. 200.

     7      88766 Canada Inc. c. George Weston Ltd. (1987), 15 C.P.R. (3d) 260, à la p. 267 (C.F. 1re inst.) et Corby Distilleries Ltd. c. Wellington County Brewery Ltd. (1995), 59 C.P.R. (3d) 357, aux p. 362 et 363 (C.F. 1re inst.).

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