Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

                                                                                                                                 Date : 19990929

                                                                                                                    Dossier : IMM-5228-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 29 SEPTEMBRE 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MULDOON

ENTRE :

EBERHARD BERTOLD,

demandeur,

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

défendeur.

ORDONNANCE

            VU la demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur à l'encontre de la décision par laquelle la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a statué, le 23 septembre 1998, que la mesure d'expulsion prise contre le demandeur le 5 novembre 1996 était valide et que l'octroi de la réparation discrétionnaire prévue par l'alinéa 70(1)b) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi) n'était pas justifié et

            VU l'autorisation de faire trancher la demande de contrôle judiciaire accordée par monsieur le juge Pinard le 13 mai 1999,

LA COUR STATUE que la Section d'appel de l'immigration :

1.a commis une erreur de droit en admettant la preuve relative aux accusations en instance contre le demandeur en Allemagne, que sa décision à cet égard doit être annulée et que cette preuve ne doit pas être prise en considération dans l'instance concernant la demande de résidence permanente au Canada présentée par le demandeur sous le régime de la Loi sur l'immigration, parce que ces accusations ont été effacées en application de la loi allemande;

2.a admis la preuve des dossiers criminels et des dossiers d'enquête provenant d'Allemagne, obtenue par des manoeuvres illégales frauduleuses et trompeuses de la part de M. Langreuther, en contravention des articles 7 et 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, et que cette preuve aurait due être écartée en vertu du paragraphe 24(2) de la Charte - les accusations ne prouvent pas la culpabilité et n'auraient pas dû être mentionnées;

3.a, selon l'arrêt Chieu c. M.C.I. (1988), 234 N.R. 112 (C.A.F.), agi illégalement en mentionnant la situation qui règne en Allemagne (p. 29), le pays vers lequel le demandeur devrait être expulsé, et cette mention constitue un motif justifiant l'annulation de la décision de la SAI visée par le contrôle judiciaire;

4.a exercé correctement sa compétence en évaluant la gravité de la fausse indication fournie par le demandeur (p. 26 des motifs), comme l'explique le paragraphe 58 des présents motifs de la Cour;

5.avait compétence pour conclure que les excuses et les explications fournies par le demandeur relativement à ses fausses indications, expresses et par omission, n'étaient pas plausibles et ne pouvaient pas être retenues et elle a probablement eu raison de tirer cette conclusion;

6.avait compétence pour conclure que le demandeur n'éprouvait aucuns remords relativement à ses infractions, de sorte que la Cour ne modifiera pas cette conclusion;

7.a tiré une conclusion juste et bien étayée, sous réserve de la réponse à la question certifiée par les présentes, lorsqu'elle a statué que la BZRG n'a pas effacé la condamnation prononcée contre le demandeur aux États-Unis (Texas) pour l'application de la Loi sur l'immigration.

EN OUTRE, LA COUR CERTIFIE la question suivante :

La réhabilitation accordée à une partie par une loi du pays dont elle est citoyenne (la BZRG de l'Allemagne, en l'occurrence) s'applique-t-elle nécessairement et doit-elle être révélée en droit canadien, lorsque cette partie (le demandeur, en l'occurrence) présente une demande de résidence permanente au Canada sous le régime de la Loi sur l'immigration, malgré la condamnation présumée équitable de cette partie (le demandeur) dans un pays tiers (par exemple, le Texas)?

                                                                                                                                                                                                    

                                                                                                                                                      juge

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.


                                                                                                                                 Date : 19990929

                                                                                                                    Dossier : IMM-5228-98

ENTRE :

EBERHARD BERTOLD,

demandeur,

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

défendeur.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MULDOON

[1]         Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SAI ou la Commission) a statué, le 23 septembre 1998, que la mesure d'expulsion prise contre lui le 5 novembre 1996 est valide et que le l'octroi de la réparation discrétionnaire prévue dans l'alinéa 70(1)b) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, (la Loi) n'est pas justifiée. Le juge Pinard a accordé l'autorisation d'introduire la présente demande de contrôle judiciaire le 13 mai 1999.

[2]         Le demandeur sollicite une ordonnance annulant la décision de la SAI et demande la réparation prévue par l'article 70; subsidiairement, le demandeur prie la Cour de renvoyer l'affaire à un tribunal différent de la SAI pour qu'il rende une nouvelle décision.

Remarque

[3]         Il faut signaler que le mémoire des faits et du droit du demandeur, et son mémoire des faits et du droit additionnel, sont tous les deux assez longs, comptant respectivement 52 et 56 pages. La règle 70(4) des Règles de la Cour fédérale (1998) dispose :

Sauf ordonnance contraire de la Cour, le mémoire ne peut contenir plus de 30 pages, abstraction faite des annexes.

[4]         L'ordonnance par laquelle monsieur le juge Pinard a accordé l'autorisation d'engager la procédure de contrôle judiciaire ne dit rien quant à l'augmentation du nombre de pages du mémoire au-delà de celui prévu par les règles et aucun document déposé par le demandeur ne comporte une demande d'autorisation de déroger à la limite fixée.

[5]         Il faut aussi souligner que le demandeur a soulevé la question de savoir si la communication par les douaniers allemands aux fonctionnaires des douanes canadiennes de renseignements concernant les accusations en instance contre lui en Allemagne a porté atteinte aux droits que lui garantissent les articles 7 et 8 de la Charte. Ces renseignements ont été officiellement communiqués en vertu de l'Article 6 d'un accord douanier conclu en 1984 entre le Canada et l'Allemagne. Ils ont ensuite été transmis au CIC (le bureau de l'immigration) de Vancouver à la demande des fonctionnaires allemands, apparemment en conformité avec l'accord. Aucun avis de question constitutionnelle exigé par l'article 57 de la Loi sur la Cour fédérale n'a été signifié et le défendeur n'a pas soulevé cette question. La question de savoir si le demandeur entend contester la validité de l'accord douanier ou lui faire attribuer une interprétation compatible avec la Charte n'était pas claire lorsque l'affaire a été introduite à Vancouver et n'a pas été clarifiée.

Le contexte

[6]         Le demandeur, Eberhard Bertold, est un citoyen allemand âgé de 42 ans qui a obtenu le droit d'établissement le 27 décembre 1994 à titre de personne à charge de son épouse. Il a signé une demande de résidence permanente au Canada en novembre 1993 et, le 22 février 1994, une déclaration sous serment portant que les renseignements figurant dans cette demande étaient véridiques, complets et exacts. Lors de l'audience devant la SAI, le témoignage du demandeur a toutefois révélé que le contenu de sa demande n'était pas véridique, complet et exact à plusieurs égards.

[7]         Le demandeur a notamment omis de mentionner son premier mariage, en 1983, à une citoyenne américaine (son épouse actuelle est sa deuxième femme). En réponse à la question 24 de sa demande de résidence permanente, il a déclaré avoir vécu en Allemagne de 1983 à 1986. Cela n'est pas tout à fait exact, car il a vécu aux États-Unis du mois de janvier 1982 jusqu'à son extradition en Allemagne, en octobre 1984. Au cours de cette même période, il s'est rendu souvent en Allemagne et il a déclaré dans son témoignage devant la SAI n'avoir jamais séjourné aux États-Unis plus de six mois à la fois; il possédait néanmoins une entreprise établie aux États-Unis et il était marié à une citoyenne américaine. Aucune preuve n'a été produite pour établir qu'il avait une résidence ou un emploi en Allemagne à l'époque.

[8]         L'omission ou la fausse indication cruciale qui a entraîné la prise d'une mesure d'expulsion contre le demandeur touche sa réponse à la question 27b) dans laquelle il a affirmé ne pas avoir de dossier criminel. Or, il a été déclaré coupable de vol au troisième degré au Texas en 1984.

[9]         De plus, en août 1977, alors qu'il était un jeune contrevenant, le demandeur a aussi été déclaré coupable, en Allemagne, des infractions suivantes, commises avec d'autres contrevenants à l'occasion d'un vol à main armée dans une station service : meurtre commis lors d'un vol qualifié, tentative de meurtre lors d'un vol qualifié, extorsion et vol qualifié. Toutefois, ces condamnations à titre de jeune contrevenant ont été effacées du registre allemand des condamnations, conformément à la loi allemande régissant la réhabilitation (la BZRG), et n'ont ni joué dans la prise de la mesure d'expulsion ni été invoquées par le ministre lors de l'audience devant la SAI. Lorsqu'il a présenté sa demande de résidence permanente au Canada, le demandeur a obtenu une attestation de bonne conduite des autorités allemandes confirmant qu'il n'avait pas de dossier criminel, ce qui signifie que ses condamnations à titre de jeune contrevenant avaient été effacées de son dossier.

[10]       Le seul aspect des condamnations du demandeur à titre de jeune contrevenant qui a été pris en compte est le non-respect d'une condition de son ordonnance de probation l'obligeant à se présenter à un agent. Quelque temps après avoir été libéré, alors qu'il était toujours assujetti à une ordonnance de probation, le demandeur a quitté l'Allemagne pour s'installer aux États-Unis tout en sachant que son départ entraînerait la révocation de son ordonnance de probation. Le demandeur a soutenu avoir quitté l'Allemagne pour aller retrouver une femme qu'il avait rencontrée en ski en Autriche et qui allait devenir sa première épouse. C'est la révocation de son ordonnance de probation qui a entraîné plus tard son extradition en Allemagne, en 1984.

[11]       Pendant son séjour aux États-Unis, le demandeur a fondé une entreprise, DKW, qui importait des automobiles. Un client a porté plainte à un certain moment et des accusations de vol ont été déposées. Le demandeur et son épouse ont quitté le Texas pour s'installer en Californie, ce qui fait que le demandeur ne s'est pas présenté devant le tribunal à la date à laquelle il devait comparaître. Sa liberté sous caution a été révoquée et il a été arrêté en Californie, pour se retrouver finalement incarcéré dans une prison du Texas.

[12]       Les autorités allemandes ont alors amorcé le processus d'extradition. Dans son témoignage devant la SAI, le demandeur a affirmé avoir plaidé coupable au Texas à l'infraction de vol au troisième degré, prévue par l'article 31.03 du code pénal du Texas, et avoir été condamné à une peine de trois ans d'emprisonnement le 6 mars 1984, à la suite de la négociation d'un plaidoyer. Il a renoncé à son droit à une audience relativement à son extradition en raison de l'expérience horrible qu'il allègue avoir vécue en prison au Texas. Après avoir été libéré, il a été arrêté à nouveau et envoyé en Allemagne, où il a été incarcéré jusqu'à une date ultérieure en 1984 ou en 1985, pour purger une peine de trois ans pour non-respect de son ordonnance de probation.

[13]       À une date indéterminée en 1986 ou en 1987, après avoir été libéré, le demandeur s'est joint à une société de personnes engagée dans la vente et la réparation d'automobiles. Il a vendu sa participation à l'entreprise en 1988 pour fonder sa propre entreprise, la Whaler Auto Company; il a aussi commencé à cohabiter avec une femme qu'il a épousé par la suite. En 1989, le demandeur a conclu une convention prévoyant la vente d'une Ferrari à un certain M. Langreuther. Le demandeur a finalement vendu l'automobile à une autre personne; M. Langreuther a demandé réparation devant les tribunaux et obtenu, en 1992, un jugement lui accordant la somme de 120 000 deutsche marks. Le demandeur ne s'est pas acquitté de l'obligation que lui imposait ce jugement, mais, en 1995, il a dit à M. Langreuther qu'il le respecterait.

[14]       Le demandeur et sa deuxième épouse ont commencé à passer plus de temps au Canada à partir de 1990. Ils entraînaient des chiens de traîneau et les faisaient participer à des courses. Ils se sont mariés en septembre 1990 et ils ont acheté une maison en Colombie-Britannique. À cette époque, le demandeur a aussi fait des voyages aux États-Unis et en Allemagne. En février 1991, le couple a eu une fille, qui est citoyenne canadienne. En 1991, ils ont vendu leur maison en Colombie-Britannique et sont retournés en Allemagne. Au début de 1993, Whaler Auto avait mis fin à ses activités et le demandeur a fondé une nouvelle compagnie, Eucar, qu'il a exploitée jusqu'en mars 1995.

[15]       En 1995, M. Langreuther en revenu à la charge pour réclamer la somme que lui accordait le jugement. Après quelques accrochages juridiques, le demandeur lui a versé 80 000 DM. Le demandeur et ses témoins ont parlé, dans leur témoignage devant la SAI, de différents incidents de harcèlement et de tactiques d'intimidation, qu'ils attribuent à M. Langreuther. Le demandeur aurait notamment été suivi en automobile, il aurait reçu des appels téléphoniques d'un interlocuteur qui gardait le silence et, en mars 1995, des personnes auraient fait intrusion dans la maison que lui et son épouse louaient. Apparemment, M. Langreuther aurait prétendu être un agent de police et, accompagné de deux fiers-à-bras, il aurait « confisqué » les clés de la maison des mains du beau-père du demandeur. M. Langreuther aurait finalement dévoilé son identité, mais il aurait refusé de rendre les clés de la maison. Le beau-père serait allé chercher la police et un serrurier, mais M. Langreuther avait déjà quitté la maison, après avoir tout chambardé. Le demandeur et ses témoins ont aussi affirmé que M. Langreuther avait emporté des documents judiciaires, qu'ils n'ont pas décrits avec précision, mais qui ont plus tard été remis aux autorités de l'immigration canadienne à l'été 1995. Des accusations pour violation de domicile ont été déposées, mais aucune décision n'a été rendue à leur égard, l'accusé ne pouvant être retracé.

[16]       Le demandeur, qui avait obtenu le droit d'établissement au Canada en décembre 1994, a témoigné qu'il avait été suivi par une agence de sécurité embauchée par M. Langreuther au Canada en 1995. M. Langreuther a obtenu un jugement ex parte en Colombie-Britannique, mais une ordonnance de saisie-arrêt subséquente a été radiée par la suite. Vers cette époque, M. Langreuther aurait apparemment menacé le demandeur de fournir certains renseignements aux autorités de l'immigration canadienne et il aurait tenté de lui extorquer de l'argent. Le demandeur n'a jamais demandé l'aide des autorités.

[17]       Finalement, M. Langreuther a fourni des renseignements concernant les condamnations antérieures du demandeur aux autorités de l'immigration. Celles-ci se sont alors adressées aux autorités allemandes pour obtenir confirmation de ces renseignements.

[18]       Le demandeur a été arrêté par les autorités de l'immigration en novembre 1995, et une enquête a été menée afin de déterminer s'il était inadmissible pour des motifs d'ordre pénal en raison de ses condamnations antérieures, conformément au sous-alinéa 27(1)a.1)(i) de la Loi sur l'immigration, et pour le motif qu'il aurait obtenu le droit d'établissement par suite d'une fausse indication sur un fait important au sens de l'alinéa 27(1)e). L'arbitre a conclu que la preuve ne permettait pas d'établir une correspondance entre la condamnation prononcée au Texas et une infraction canadienne. Toutefois, elle a statué que le défaut du demandeur de divulguer sa condamnation au Texas constituait une fausse indication sur un fait important et une mesure d'expulsion a été prise contre lui en vertu de l'alinéa 27(1)e) de la Loi.

La décision de la SAI

[19]       Le demandeur a interjeté appel de la mesure d'expulsion en vertu de l'article 70 et une audience de douze jours a été tenue entre le 10 février 1998 et le 19 juin 1998. La SAI a rendu sa décision le 23 septembre 1998.

[20]       La SAI a rendu une décision préliminaire sur la recevabilité de sept documents, que le défendeur a voulu produire en preuve malgré les objections du demandeur. Ces documents comprenaient, premièrement, un avis d'arrestation du demandeur délivré en vertu de l'article 103 de la Loi sur l'immigration, le 5 novembre 1995; deuxièmement, un formulaire de cautionnement daté du 10 novembre 1995, établissant que le demandeur a été libéré après avoir fourni un cautionnement de 100 000 $; troisièmement, une demande de remboursement du cautionnement, indiquant que son montant passait de 1000 000 $ à 10 000 $; quatrièmement, une lettre, datée du 5 novembre 1995, rédigée par le bureau d'enquête des douanes de Stuttgart, en Allemagne, avec les pièces jointes, composées d'un mandat d'arrêt, d'une télécopie transmise par un agent d'immigration canadien au bureau du procureur de Stuttgart et d'un acte d'accusation, daté du 21 août, délivré contre le demandeur; cinquièmement, la traduction anglaise du quatrième document; sixièmement, le dossier, daté du 14 mai 1992, d'un 'interrogatoire du demandeur par le procureur public, en allemand, avec une traduction anglaise en annexe; septièmement, une lettre du bureau du procureur public de Stuttgart, datée du 6 décembre 1995.

[21]       La SAI a jugé ces documents recevables; elle a statué que les documents relatifs aux accusations en instance en Allemagne étaient pertinents eu égard aux circonstances particulières de l'espèce. La SAI a conclu qu'ils ne constituaient pas une preuve de culpabilité, mais plutôt du fait que le demandeur était engagé dans d'autres instances en cours dans un autre ressort. La SAI a précisé que le poids qui serait attribué à ces documents tiendrait compte du fait qu'il s'agissait d'accusations, et non de condamnations. Étant donné que le verdict « not proved » (non prouvé) existant en Écosse n'est pas reconnu au Canada, on ne sait trop quel poids la SAI a attribué, en fait, à ces accusations dont la preuve n'a pas été faite.

[22]       La SAI n'a pas retenu la prétention du demandeur selon laquelle ces documents ont été obtenus dans des conditions qui portaient atteinte aux droits que lui garantit la Charte. La Commission s'est appuyée sur l'arrêt Schreiber c. Canada (Procureur général), [1998] 1 R.C.S. 841, dans lequel la Cour suprême du Canada a statué que ce sont les lois du pays où se trouvent les renseignements qui régissent la question de savoir si et comment ils peuvent être obtenus. Les documents concernant le mandat encore valable et les accusations en cours contre le demandeur ont été transmis par les fonctionnaires des douanes allemandes aux fonctionnaires des douanes canadiennes, que ces documents intéressaient certainement, en vertu d'un accord douanier conclu par ces deux pays en 1984; une demande de transmission de ces renseignements aux autorités de l'immigration canadienne les accompagnait. La SAI a examiné l'accord de 1984 et s'est reportée à la section 1 de l'Article 6, qui prévoit que les renseignements et les documents reçus en vertu de l'accord ne peuvent être utilisés que pour l'application de l'accord, mais que l'accès à ces renseignements peut être donné à d'autres personnes avec l'approbation expresse de l'autorité qui les fournit.

[23]       En ce qui a trait au fond de l'appel du demandeur, la SAI s'est d'abord penchée sur la validité de la mesure d'expulsion. Le demandeur a prétendu qu'il pouvait, en vertu du droit allemand régissant les déclarations de culpabilité, déclarer n'avoir jamais été condamné, y compris au Texas. La SAI a statué qu'aucune preuve qui lui avait été soumise n'établissait que la condamnation prononcée à l'étranger avait été inscrite au registre allemand et que, quoi qu'il en soit, la condamnation prononcée contre le demandeur au Texas devrait être effacée en vertu des lois du Texas et non de l'Allemagne, pour que le demandeur ait le droit d'être considéré comme n'ayant jamais été déclaré coupable d'une infraction pour l'application de la Loi sur l'immigration. La SAI a conclu que le demandeur avait l'obligation de révéler aux autorités de l'immigration qu'il avait été déclaré coupable d'une infraction aux États-Unis, lors de la présentation de sa demande de résidence permanente, et que son défaut de le faire constituait une fausse indication sur un fait important.

[24]       Quant à la question de savoir si, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, le demandeur ne devrait pas être renvoyé du Canada, la SAI a fait remarquer que le demandeur avait présenté sa demande de résidence permanente avec l'assistance d'un avocat canadien et qu'il aurait dû lui demander s'il était tenu de révéler sa condamnation.

[25]       La SAI a aussi souligné que, bien que l'arbitre ait conclu que l'infraction commise au Texas par le demandeur n'équivalait à aucune infraction canadienne, les faits précis de l'infraction ne lui avaient pas été exposés. La SAI a conclu que la fausse indication donnée par le demandeur était grave parce qu'elle empêchait la tenue d'une enquête relativement à une déclaration de culpabilité criminelle grave, à l'issue de laquelle il aurait pu être établi que le demandeur n'était pas admissible au Canada.

[26]       La SAI a noté que le demandeur ne se reconnaissait absolument pas responsable de ses problèmes actuels avec l'immigration et elle a conclu qu'il risquait de faire preuve d'encore moins de franchise à l'avenir.

[27]       Le tribunal a aussi pris en considération les difficultés éventuelles que l'épouse et la fille du demandeur pourraient éprouver s'il était renvoyé du Canada. La SAI a noté que l'épouse du demandeur avait passé la plus grande partie de sa vie en Allemagne et que leur fille y avait aussi séjourné, mais qu'il leur revenait de décider si elles voulaient quitter le Canada pour accompagner le demandeur. La SAI a également souligné que l'Allemagne est un pays moderne, démocratique et prospère qui, en sa qualité de membre de la Communauté européenne, pouvait offrir de nombreuses possibilités au demandeur.

La position du demandeur

[28]       Le demandeur fait valoir que la SAI a commis une erreur en recevant les documents relatifs aux accusations de fraude fiscale en instance contre lui en Allemagne parce qu'elle les jugeait pertinents eu égard aux « circonstances particulières de l'espèce » . Le demandeur s'appuie sur l'arrêt prononcé par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Kumar c. Canada (MEI) (A-1533-83; 29 novembre 1984), pour affirmer que de telles accusations ne devraient jouer aucun rôle dans la décision de la Commission. Le demandeur invoque aussi la façon dont la SAI a considéré cet arrêt dans l'affaire subséquente Melo c. Canada (MCI) (1997), 39 Imm. L.R. (2d) 1, dans laquelle il a été établi que l'arrêt Kumar avait force obligatoire et que, par conséquent, la preuve d'accusations en cours ne devait pas être produite, sauf pour ce qui est de déterminer s'il est nécessaire de reporter l'instance. Or, cette question ne se pose pas en l'espèce.

[29]       Subsidiairement, le demandeur soutient que la SAI a tiré une conclusion de fait erronée en statuant que le demandeur avait admis ces accusations. Le demandeur affirme n'avoir jamais admis ces accusations, mais avoir plutôt expliqué, dans son témoignage, qu'il avait retenu les services d'un avocat et qu'il essayait de conclure une transaction sans faire l'objet d'une condamnation criminelle.

[30]      Le demandeur affirme que la SAI a commis une erreur en ne concluant pas que les documents ont été obtenus dans des conditions qui portent atteinte aux droits que lui garantissent les articles 7 et 8 de la Charte. La législation allemande en matière de protection des renseignements personnels empêche les tiers d'avoir accès aux dossiers criminels et aux dossiers d'enquête sans le consentement de la personne intéressée. Le demandeur soutient que les autorités de l'immigration canadienne ont violé sciemment son droit au respect de sa vie privée en utilisant à mauvais escient l'accord douanier conclu en 1984 entre le Canada et l'Allemagne pour obtenir ces documents. Le demandeur fait valoir que les douanes canadiennes n'ont aucun intérêt dans ses activités et que leur comportement abusif ne visait qu'à faire parvenir irrégulièrement des renseignements provenant d'Allemagne au CIC.

[31]       Le demandeur prétend que le CIC a été informé à au moins deux reprises par les autorités allemandes que les documents demandés ne pouvaient leur être communiqués en raison de la législation applicable en matière de protection des renseignements personnels. Or, malgré cette information, le CIC a utilisé l'accord douanier pour obtenir les documents ou les renseignements auxquels il ne pouvait pas avoir accès autrement. Le demandeur soutient que cette « preuve » , obtenue dans des conditions qui portaient délibérément et volontairement atteinte aux droits que lui garantit la Charte, doit être écartée en vertu du paragraphe 24(2) de la Charte.

[32]       Le demandeur affirme également que la SAI a commis une erreur en recevant le dossier de l'interrogatoire de 1992, car, selon ses allégations, ce dossier lui aurait été volé par M. Langreuther lorsqu'il a fait intrusion dans sa maison en 1995. Le demandeur a témoigné qu'il conservait ses dossiers personnels au sous-sol dans cette maison, et ses témoins ont affirmé que M. Langreuther avait un dossier contenant des documents judiciaires.

[33]       Le demandeur fait valoir que la SAI a commis plusieurs erreurs en refusant d'exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère l'alinéa 70(1)b) de la Loi sur l'immigration. Premièrement, le demandeur soutient que, dans les dossiers qui ne concernent pas un réfugié, l'admission en preuve d'éléments concernant la situation existante dans le pays vers lequel doit se faire l'expulsion n'est pas pertinente et outrepasse la compétence du tribunal. Deuxièmement, le demandeur allègue que la SAI a commis une erreur en évaluant la décision par laquelle l'arbitre avait conclu qu'il n'existait pas, au Canada, d'infraction équivalente à celle commise au Texas. Troisièmement, le demandeur soutient que la SAI a commis une erreur en s'abstenant de conclure que ce n'est pas par malhonnêteté, mais par erreur, que le demandeur n'a pas révélé sa condamnation prononcée aux États-Unis en s'appuyant sur la législation allemande en matière de réhabilitation. Le demandeur affirme que la déposition de son témoin, Me Ufer (son avocat allemand), établit que le BZRG permet l'inscription et la radiation subséquente des déclarations de culpabilité prononcées à l'étranger. Quatrièmement, le demandeur prétend que la SAI a tiré une conclusion irrégulière et injustifiée sur la gravité de la fausse indication à partir de l'absence de preuve concernant les conseils juridiques que le demandeur aurait demandés à un avocat canadien lorsqu'il a préparé sa demande de résidence permanente. Cinquièmement, le demandeur soutient que la SAI a tiré des conclusions irrégulières et injustifiées relativement à son absence de remords à partir des témoignages relatifs à la raison motivant la présente procédure devant la SAI.

[34]       Enfin, le demandeur plaide que la SAI a commis une erreur dans son application des décisions Canada (MEI) c. Burgon, [1991] 3 C.F. 44 (C.A.F.) et Barnett c. Canada(MCI) (1996), 33 Imm. L.R. (2d) 1 (C.F. 1re inst.). Le demandeur prétend que la SAI aurait dû tenir compte de l'effet de la législation allemande en matière de réhabilitation sur sa condamnation prononcée au Texas.

Le défendeur

[35]       Le défendeur soutient que la SAI pouvait recevoir la preuve relative aux accusations en instance en Allemagne et s'appuie sur la décision Canada (Secrétaire d'État) c. Dee (1995), 90 F.T.R. 113 (1re inst.). Dans cette affaire, le juge Pinard a conclu que l'arrêt Kumar était un cas d'espèce : la SAI avait garanti au demandeur que les accusations en instance ne seraient pas prises en considération, mais s'est ensuite reporté à ces accusations dans la décision qu'elle a rendue.

[36]       Le défendeur affirme que c'est à juste titre que la SAI a dit que le demandeur avait admis les accusations, car le demandeur a reconnu devant les autorités allemandes que la valeur à l'importation des automobiles qu'il avait importées en son nom pour un client était fausse. Le défendeur affirme que cet aspect de la preuve a joué un rôle négligeable dans l'issue du litige et que la SAI a clairement indiqué que le poids qui serait attribué à cette preuve tiendrait compte du fait qu'il s'agissait d'accusations et non de condamnations. L' « aveu » le plus important du demandeur est qu'il a [Traduction] « déclaré la valeur durable la moins élevée possible » (Dossier du Tribunal, vol. 2, à la p. 399). Il est comme beaucoup d'autres. C'est idiot de tenir compte de cet élément.

[37]       En ce qui concerne l'allégation du demandeur portant que les documents ont été obtenus en contravention de la Charte, le défendeur soutient que la SAI a noté a juste titre que les lois du pays où se trouvent les renseignements régissent la question de savoir si et comment ces renseignements peuvent être obtenus. Le défendeur plaide que l'accord douanier permet expressément la transmission à d'autres personnes des renseignements, des communications ou des documents reçus par le défendeur pour l'application de l'accord, avec l'approbation expresse de l'autorité qui les fournit, qui a censément été obtenue en l'espèce. Le bureau des douanes de Stuttgart, qui a fourni les renseignements en cause, a inclus une demande de transmission des documents au CIC, à Vancouver.

[38]       Le défendeur fait valoir qu'aucun élément de preuve n'établit que les fonctionnaires de l'immigration canadienne ont enfreint une disposition de la Charte, et qu'on ne peut commettre une erreur en utilisant des renseignements obtenus par les voies officielles. En ce qui a trait au dossier de l'interrogatoire du demandeur par le procureur public allemand, en 1992, le défendeur soutient que la SAI a pris en considération l'allégation du demandeur portant que M. Langreuther lui a volé ce document lorsqu'il a fait intrusion dans sa maison en mars 1995 et que la SAI a, à bon droit, émis l'hypothèse qu'il était tout aussi vraisemblable que M. Langreuther ait obtenu ce document légitimement dans le cadre de sa poursuite civile contre le demandeur.

[39]       Pour ce qui est de l'alinéa 70(1)b) et de la prise en compte par la SAI de la preuve concernant le pays vers lequel l'expulsion doit être effectuée, le défendeur admet que la Cour d'appel fédérale a clarifié que la SAI ne doit pas tenir compte d'une telle preuve, mais que ces décisions ont été rendues après celle de la SAI. Quoi qu'il en soit, le défendeur soutient que la décision de la SAI n'est pas fondée sur cette preuve. (Pourquoi alors ne devrait-elle pas simplement être retirée ou effacée?)

[40]       Le défendeur affirme que la SAI n'a pas évalué la gravité de l'infraction commise au Texas, mais plutôt la gravité de la fausse indication, et son évaluation de la décision de l'arbitre s'est soldée par la constatation que la preuve dont l'arbitre disposait relativement à l'infraction était bien mince.

[41]       Le défendeur fait valoir que la SAI n'a pas commis d'erreur en concluant que l'attestation de bonne conduite du demandeur ne l'a pas dégagé de l'obligation de révéler sa condamnation au Texas. La preuve offerte par le témoin du demandeur, Me Ufer, laissait entendre qu'il était possible que la condamnation du demandeur aux États-Unis n'ait pas été inscrite au registre allemand et que la déclaration de culpabilité de 1984 ne serait radiée que dans 10 ou 15 ans. Le défendeur plaide que la SAI n'a pas outrepassé sa compétence en concluant, quant aux faits, que la prétention du demandeur, selon laquelle il s'est fié de bonne foi à l'attestation de bonne conduite, n'était pas plausible. La question de savoir s'il pouvait s'y fier légalement, ab initio, est plus importante.

[42]       Quant à l'opinion de la SAI selon laquelle le demandeur n'éprouverait pas de remords, le défendeur fait valoir que le tribunal pouvait y parvenir : le demandeur attribue ses problèmes à M. Langreuther; il ne s'est jamais montré disposé à parler de sa condamnation au Texas avant que les agents de l'immigration obtiennent ce renseignement d'autres sources; et le demandeur n'en a tout simplement jamais parlé dans son témoignage.

[43]       Enfin, le défendeur soutient que le motif déterminant dans l'arrêt Burgon est qu'il faut donner effet à la législation étrangère en matière de réhabilitation en vigueur dans le pays où a été prononcée la condamnation pour trancher les questions de recevabilité sous le régime de la Loi sur l'immigration. Aucune preuve ne portait sur la question de savoir si le Texas considérait l'infraction comme effacée.

Les questions en litige

1.La SAI a-t-elle commis une erreur en recevant la preuve relative aux accusations en instance contre le demandeur en Allemagne?

2.La SAI a-t-elle commis une erreur en s'abstenant de conclure que la même preuve a été obtenue dans des conditions qui portent atteinte aux droits que les articles 7 et 8 de la Charte garantissent au demandeur et qu'elle devrait donc être écartée par application du paragraphe 24(2)?

3.La SAI a-t-elle commis une erreur en tenant compte de la preuve relative à la situation existant dans le pays de destination de l'expulsion prévue?

4.La SAI a-t-elle commis une erreur en évaluant la décision de l'arbitre concernant la condamnation prononcée au Texas?

5.La SAI a-t-elle commis une erreur en ne concluant pas que c'est de bonne foi que le demandeur s'est fié à la législation allemande en matière de réhabilitation?

6.La SAI a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur n'éprouvait pas de remords?

7.La SAI a-t-elle commis une erreur dans son application des décisions Burgon et Barnett, en ce qui concerne l'effet de la législation étrangère en matière de réhabilitation, et le demandeur avait-il le droit, en vertu du droit allemand, de nier toutes ses condamnations antérieures, y compris celles prononcées à l'étranger, aux fins de sa demande d'immigration au Canada?

Analyse

1.Les accusations en instance

[44]       Dans l'arrêt Kumar, la Cour d'appel fédérale a statué que l'existence d'accusations en instance n'aurait dû jouer aucun rôle dans la décision rendue par la SAI, dans le cadre d'un appel sous le régime de l'article 70, relativement à la question de savoir s'il y avait lieu d'accorder la prolongation de sursis demandée par le demandeur. Dans cette affaire, la SAI avait garanti au demandeur que ces accusations ne seraient pas prises en compte; toutefois, la SAI les a finalement mentionnées dans sa décision et la Cour d'appel fédérale ne pouvait pas affirmer avec certitude qu'elles n'avaient joué aucun rôle dans la décision de la SAI.

[45]       Dans la décision rendue par la SAI dans l'affaire Melo, le président du tribunal a statué que l'arrêt Kumar avait force obligatoire et il l'a interprété comme signifiant que les accusations en instance ne peuvent jamais être prises en considération, si ce n'est pour déterminer s'il y a lieu de reporter l'audience de la SAI lorsqu'une décision semble sur le point d'être rendue relativement aux accusations.

[46]       Dans un contexte légèrement différent, le juge Reed a statué, dans Kessler c. Canada (MCI) (1998), 153 F.T.R. 240 (1re inst.), qu'un agent d'immigration pouvait à bon droit prendre en considération des accusations criminelles en instance pour refuser d'accorder au demandeur l'autorisation, pour des motifs humanitaires, de demander le droit d'établissement alors qu'il se trouve déjà au Canada. Les accusations en instance dans cette affaire concernaient des infractions de fraude et de fraude fiscale commises aux États-Unis. La décision Kessler devrait probablement être réexaminée en regard de l'arrêt Baker c. Canada (MCI) C.S.C. 25823, 9 juillet 1999.

[47]       Dans l'affaire Dee, le juge Pinard a statué que l'arrêt Kumar de la Cour d'appel fédérale était un cas d'espèce : la SAI avait affirmer qu'elle ne tiendrait pas compte des accusations, mais elle les a néanmoins prises en considération ou, du moins, semble l'avoir fait. Dans Dee, la Couronne a présenté une demande de contrôle judiciaire fondée sur la prétendue erreur qu'aurait commise la SAI en ne tenant pas compte des accusations criminelles et civiles en instance qui pesaient contre le demandeur. La Cour a rejeté la demande de contrôle judiciaire en soulignant que la SAI avait, de fait, pris en considération les accusations en instance portées contre M. Dee aux Philippines.

[48]       La validité et le bien-fondé de l'énoncé pour lequel l'arrêt Kumar est souvent cité ont été mis en doute. Dans Seth c. Canada (MEI), [1993] 3 C.F. 348 (C.A.F.), la Cour a fait remarquer qu'une enquête de l'immigration est une procédure à caractère purement administratif qui ne comporte aucun pouvoir de trancher la question de la responsabilité, de la culpabilité ou de l'innocence. La Cour a fait la remarque suivante, à la page 366 :

En l'absence d'un préjudice réel et incontestable causé à l'accusé, les accusations criminelles dont un individu fait l'objet ne devraient pas, en elles-mêmes, empêcher l'État de poursuivre des enquêtes administratives régulières n'ayant aucun rapport avec les accusations portées.

Le juge Pinard a cité ce passage dans l'affaire Dee, en soulignant qu'il avait de sérieux doutes quant à l'applicabilité de l'arrêt Kumar à l'espèce.

[49]       En l'espèce, la SAI a insisté sur le fait que la preuve des accusations en instance ne prouve pas la culpabilité, mais établit simplement que le demandeur est engagé dans d'autres instances. La SAI a conclu :

[Traduction] Le poids qui sera attribué à la preuve des accusations en instance en Allemagne tiendra compte du fait qu'il s'agit d'accusations, et non de condamnations.

(Motifs de la décision, p. 6.)

La décision de la SAI ne s'appuie pas sur l'existence des accusations en instance contre le demandeur; eu égard « aux circonstances particulières de l'espèce » , dont il faut tenir compte dans une appel interjeté sous le régime de l'article 70, ces accusations étaient pertinentes, mais ne se sont vu attribuer, semble-t-il, que très peu de poids. Étant donné que ces accusations constituaient, tout au plus, des allégations formulées par le procureur, on peut se demander quelle valeur elles ont, au juste, si tant est qu'elles en aient. Tant qu'une décision n'a pas été rendue à leur égard, elles ne peuvent porter atteinte à la réputation ou à la crédibilité du demandeur. Toute mention de ces accusations était irrecevable.

2.          La violation de la Charte

[50]       La SAI a souligné que, selon l'arrêt Schreiber de la Cour suprême du Canada, les lois du pays où se trouvent les renseignements régissent les questions de savoir si et comment ces renseignements peuvent être obtenus.

[51]       La preuve soumise à la SAI indique que la législation en matière de protection des renseignements personnels, en Allemagne, limite l'accès aux dossiers criminels et aux dossiers d'enquête aux parties aux dossiers et à leurs conseillers juridiques. Des traités peuvent toutefois permettre un tel accès. Les renseignements relatifs aux accusations en instance ont officiellement été obtenus en application de l'accord douanier conclu par le Canada et l'Allemagne en 1984. L'article 6 de cet accord prévoit notamment :

[Traduction] Les renseignements, communications et documents reçus ne peuvent être utilisés que pour l'application du présent accord. Ils ne peuvent être rendus accessibles à des personnes autres que celles qui sont responsables de leur utilisation pour l'application du présent accord qu'avec l'approbation expresse de l'autorité qui les fournit.

(Motifs de la décision, p. 8.)

[52]       Le Bureau des douanes de Stuttgart a fourni les renseignements à Douanes Canada, avec une lettre de présentation contenant une demande de transmission de ces renseignements au Centre d'immigration Canada à Vancouver. Les fonctionnaires des douanes allemandes ont décidé que ces renseignements pouvaient être communiqués aux fonctionnaires canadiens de l'immigration dans le cadre de l'accord de 1984 et il les ont communiqués.

[53]       En bout de ligne, toutefois, il ne semble pas que les accusations en instance aient eu une grande incidence sur la décision rendue par la suite par la SAI, car la SAI était consciente qu'il s'agissait d'accusations, qui n'établissaient pas la culpabilité. Aucune fin valable ou légale ne justifiait qu'elle les mentionne. Ces renseignements n'étaient donc pas recevables. Il y a eu de ce fait violation de la Charte.

3.          La compétence en equity et la preuve relative à la situation existant dans un pays

[54]       Le demandeur s'appuie sur l'arrêt prononcé récemment par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Chieu c. Canada (MCI), (1998) 234 N.R. 112 (C.A.F.). Le juge Linden, s'exprimant au nom de la Cour, a statué, aux paragraphes 15 à 17 :

Ne laissons persister aucune confusion à ce sujet-la Cour confirme qu'elle est d'accord avec l'arrêt Hoang et son application aux affaires concer­nant les non-réfugiés comme en l'espèce. La Commis­sion ne peut pas, dans l'exercice de sa juridiction d'équité conformément à l'alinéa 70(1)b), considérer, comme une circonstance, la situation des pays où des personnes pourraient être expulsées. De plus, les éléments de preuve relatifs à ces pays ne sont pas pertinents et, par conséquent, ils ne sont pas admissi­bles. Selon l'alinéa 70(l)b), la Commission a seule­ment le pouvoir de décider si une personne devrait être renvoyée du Canada. La Commission n'a pas à prendre en considération le bien-fondé ou non de quelque destination éventuelle. Le fait pour la SACISR d'examiner une telle question aurait pour effet d'étendre la compétence de la Commission et de lui permettre de se livrer à des conjectures prématu­rées au sujet de questions hypothétiques concernant la situa­tion de pays vers lesquels quelqu'un pourrait être expulsé.

J'estime non seulement que cette opinion est fondée sur le plan juridique, mais qu'il est davantage conforme à l'économie générale de la Loi de laisser de côté l'examen de la situation du pays éventuel de destination jusqu'à ce que cette destination soit établie définitivement par le ministre en vertu de l'article 52 [mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 30, art. 7; L.C. 1992, ch. 49, art. 42] de la Loi. Tout autre comportement équivaudrait à usurper le rôle du ministre.

C'est ainsi qu'il faut interpréter le libellé de l'alinéa 70(1)b), dans un contexte global. Cet article permet à la Commission de se demander si une mesure de renvoi ou une mesure de renvoi condition­nel prononcée contre un résident permanent devrait être annulée ou suspendue pour le motif que, eu égard aux circonstances particulières de l'affaire, la personne ne devrait pas être renvoyée du Canada. La Commis­sion a ordre d'examiner la validité et l'équité de la mesure de renvoi. La question est la suivante: Cette personne devrait-elle être renvoyée ou non? Il s'agit de savoir si la personne devrait être renvoyée, non pas elle devrait l'être. La Commission n'est pas autori­sée à examiner des questions étrangères à celle de savoir si la mesure de renvoi a été prononcée correcte­ment et équitablement, comme la nature de l'endroit la personne peut être envoyée.

La Cour a toutefois noté que la présence de la famille au Canada et les bouleversements que le renvoi lui causerait font partie des considérations qui peuvent être examinées.

[55]       Dans sa décision, la SAI traite des bouleversements que l'expulsion du demandeur causerait à sa famille au Canada, comme le lui permet l'arrêt Chieu. Le tribunal a aussi noté que le demandeur avait déclaré être en mesure d'exploiter son entreprise de location d'automobiles en Allemagne. Les remarques suivantes, exprimées par le tribunal, sont toutefois plus troublantes :

[Traduction] Soulignons que l'Allemagne est un pays moderne, démocratique et prospère qui, en sa qualité de membre de la communauté européenne, pourrait offrir de nombreuses possibilités [au demandeur] et à sa famille, si celle-ci décidait de le suivre.

(Motifs de la décision, p. 29.)

Cette remarque, bien que brève, touche directement la situation existante en Allemagne. Sa longueur est peut-être due au fait que l'évaluation de la situation existant en Allemagne était relativement simple pour la SAI, bien que cette explication relève, bien sûr, d'une pure hypothèse. Il est impossible de déterminer avec certitude quel rôle cet élément a joué, le cas échéant, dans la décision de la SAI. Si la situation saine qui régnait en Allemagne n'a eu aucune incidence, alors pourquoi la mentionner? Par conséquent, même si la Cour fédérale n'avait pas encore prononcé l'arrêt Chieu au moment où la SAI a rendu sa décision, la SAI a commis une erreur sur ce point. Cette erreur constitue un motif additionnel d'annuler la décision de la SAI.

4.La décision de l'arbitre et l'infraction commise au Texas

[56]       Lors de l'enquête tenue devant l'arbitre, et dans la décision rendue par la suite, l'arbitre a statué que le ministre n'avait pas établi le bien-fondé de ses allégations fondées sur le sous-alinéa 27(1)a.1)(i) de la Loi. L'arbitre n'était pas en mesure de conclure que l'infraction commise au Texas pouvait correspondre à une infraction quelconque prévue par le Code criminel. Il a poursuivi en concluant que le demandeur avait été déclaré coupable d'une infraction et qu'il était donc établi qu'il avait fourni une fausse indication.

[57]       Le demandeur conteste l'évaluation que la SAI a fait de la décision de l'arbitre au motif que cette évaluation laisse croire que seule l'insuffisance de la preuve a empêché l'arbitre d'établir un lien avec une infraction canadienne parallèle. Cependant, dans une note infrapaginale, la SAI renvoie à la page 3 des motifs de l'arbitre, où celle-ci énonce la conclusion suivante :

[Traduction] J'ai donc conclu, après avoir examiné toute la preuve qui m'a été soumise, qu'elle était insuffisante pour conclure que vous tombez sous le coup du sous-alinéa 27(1)a.1)(i). [Non souligné dans l'original.]

(Motifs de la décision, p. 26, note 23.)

[58]       Le demandeur n'a pas compris, ou a mal interprété, la raison pour laquelle la SAI s'est reportée à la décision de l'arbitre. Elle n'entendait pas faire l'évaluation, ni même discuter, de la gravité de l'infraction; elle avait plutôt l'intention d'apprécier la gravité de la fausse indication, que la SAI le dit expressément. Cela règle la question.

5.          La législation allemande en matière de réhabilitation

[59]       Le demandeur s'appuie sur la décision rendue par le juge Rothstein, maintenant juge à la Cour d'appel, dans l'affaire Lazaro c. Canada (MCI) (1998), 149 F.T.R. 120 (1re inst.) pour affirmer que l'arbitre doit prendre en considération le fait, vraisemblable, que le demandeur s'est fié à la législation étrangère en matière de réhabilitation. Dans cette affaire, la mesure d'expulsion a été annulée parce que le ministre n'avait pas tenu compte de la question de savoir s'il existait des infractions canadiennes équivalentes aux infractions que la demanderesse avait commises à Hong Kong. La Cour a donné pour instructions à l'auteur de la nouvelle décision de prendre en compte l'explication proposée par la demanderesse relativement au fait qu'elle s'était fiée à la Hong Kong Rehabilitation of Offenders ordinance, tout en soulignant qu'un arbitre précédent avait jugé cette explication plausible.

[60]       En l'espèce, la SAI a pris en considération l'explication fournie par le demandeur pour établir que c'est de bonne foi qu'il s'est fié à la législation allemande en matière de réhabilitation, savoir à la BZRG. La SAI a conclu que cette explication n'était pas plausible parce qu'il avait préparé sa demande de résidence permanente au Canada avec l'assistance d'un avocat canadien et qu'il ne lui avait jamais demandé conseil à cet égard. Le tribunal a relevé les autres omissions du demandeur concernant les renseignements relatifs à son premier mariage avec une citoyenne américaine, ainsi que le fait qu'il avait déjà résidé aux États-Unis. La SAI a conclu que le demandeur avait caché trois aspects de son passé pour empêcher les autorités canadiennes de l'immigration de fouiller son passé, ce qui aurait pu compromettre son admission au Canada. Le tribunal a de plus fait remarquer que le demandeur a prétendu que son agent de probation allemand lui avait dit qu'il n'était pas tenu de divulguer ses condamnations antérieures si aucune n'était inscrite sur son attestation de bonne conduite.

[61]       Me Ufer, que le demandeur a fait témoigner sur la procédure et les règles de droit criminel allemandes, a dit qu'il était possible que la déclaration de culpabilité prononcée contre le demandeur aux États-Unis n'ait jamais été inscrite dans le registre allemand, mais que, de toute façon, la condamnation de 1984 ne pourrait être considérée comme effacée qu'après 10 ou 15 ans en vertu du droit allemand.

[62]       La SAI pouvait conclure, comme elle l'a fait, à partir de la preuve qui lui a été soumise, que l'explication fournie par le demandeur n'était pas plausible et devait être rejetée.

6.          Les remords

[63]       La Cour d'appel fédérale a souligné, dans l'arrêt Chieu, que les remords éprouvés par le demandeur, si un crime a été commis, peuvent constituer une considération pertinente. En admettant qu'un crime a été commis, indirectement, en l'espèce, en ce qui concerne la fausse indication fournie par le demandeur, la SAI a conclu, avec une assurance remarquable, qu'il n'éprouvait pas le moindre remord. La SAI a fondé cette conclusion sur son évaluation du témoignage et du comportement du demandeur, ainsi que des témoins qu'il a cités. Étant donné que la SAI se trouvait mieux placée que la Cour pour faire ce type de constatations et d'appréciations et trancher ces questions, il ne conviendrait pas que la Cour intervienne et modifie ces conclusions.

7.          L'effet de la législation allemande en matière de réhabilitation

[64]       Le demandeur prétend que la SAI a mal interprété les décisions Burgon et Barnett. Dans cette dernière, le juge en chef adjoint Jerome a statué que l'arbitre avait commis une erreur de droit en concluant que la loi du Royaume-uni intitulée Rehabilitation Offenders Act, 1974 n'avait pas force obligatoire au Canada :

Il ressort clairement de l'arrêt Burgon que lorsqu'un autre pays, dont le système juridique repose sur des fondements analogues et partage des valeurs semblables aux nôtres, a adopté des lois qui reflètent des buts et des objectifs semblables à ceux que renferme notre propre système juridique, il y a lieu de respecter ces lois et de les reconnaître aux fins du droit canadien en matière d'immigration. La question n'est pas de savoir si le Canada possède une législation semblable, mais si le principe qui sous-tend la loi étrangère est conforme à un principe fondamental de justice respecté au sein de notre propre société.

[65]       Dans l'affaire Burgon, le juge Mahoney a formulé la remarque suivante :

En toute déférence, je ne considère pas non plus que l'exclusion du Canada d'une personne réputée aux termes d'une loi étrangère ne pas avoir été déclarée coupable d'une infraction contrecarre les objectifs de cette loi étrangère. Pour commencer, en l'absence de traité ou d'accord international, les législateurs étrangers n'ont tout simplement pas le droit de s'attendre à ce que nos lois s'ajustent aux objectifs visés par les leurs. De toute façon, bien qu'il ne fasse aucun doute qu'elle ait pour objectif de lever les incapacités civiles internes frappant les contrevenants, la loi britannique ne devrait pas - si c'est effectivement son but - viser à faciliter l'émigration au Canada.

[66]       Dans la même affaire, le juge Linden a cité la décision de la SAI :

[Traduction] On porterait gravement atteinte au sens canadien de la justice si le ministère canadien de l'Immigration ou le système judiciaire canadien s'autorisait lui-même à présumer qu'une personne est déclarée coupable d'une infraction alors que cette personne est réputée ne pas avoir été déclarée coupable de la même infraction dans le territoire où l'infraction aurait été commise. [Non souligné dans l'original.]

[67]       Ces deux décisions, Burgon et Barnett, traitent de l'effet de la législation étrangère en matière de réhabilitation sur les condamnations prononcées dans le même pays, c'est-à-dire dans le pays où s'applique cette législation. Par conséquent, si la déclaration de culpabilité en cause en l'espèce avait été prononcée en Allemagne, ou si la législation en matière de réhabilitation avait été édictée au Texas, ces décisions seraient pertinentes. La SAI n'a pas commis d'erreur en les distinguant des faits de l'espèce.

[68]       Quant à l'erreur que la SAI aurait commise en ne tranchant pas la question de savoir si la législation allemande permettait que soit effacées les condamnations prononcées à l'étranger contre les ressortissants allemands, Me Ufer a témoigné que la BZRG permettait l'inscription de déclarations de culpabilité prononcées à l'étranger et que les mêmes dispositions régissant la radiation s'y appliquaient. Toutefois, il n'a pas été en mesure d'affirmer sans équivoque que la condamnation prononcée au Texas contre le demandeur avait été inscrite, mais il avait la certitude qu'elle l'aurait été si les autorités allemandes en avait eu connaissance avant d'entamer la procédure d'extradition (dossier de demande du demandeur, onglet 3, transcription des audiences, p. 283 à 291). Le tribunal, qui a reconnu le témoignage de Me Ufer selon lequel la BZRG permet l'inscription et la radiation des condamnations prononcées à l'étranger, a déclaré :

[Traduction] Ni Me Ufer, ni l'appelant ne savaient si la condamnation prononcée au Texas avait déjà été inscrite dans le registre allemand des condamnations. Ils ont tous les deux tenu pour acquis que les autorités allemandes étaient au courant de la condamnation prononcée contre le demandeur aux États-Unis, mais aucun ne le savait réellement; ils ne savaient pas non plus si la condamnation prononcée aux États-Unis avait été inscrite et effacée. Malgré ce que l'appelant dit comprendre des effets de la loi allemande relativement à son droit à la non-divulgation, la question demeure de savoir si la loi allemande donne légalement le droit à l'appelant de ne pas divulguer une condamnation existante qui a été prononcée aux États-Unis.

(Motifs de la décision, p. 23.)

Le tribunal disposait d'une preuve, émanant de Me Ufer, qui a lu la version anglaise de passages pertinents de la législation allemande en matière de réhabilitation, selon laquelle la BZRG permet l'inscription et la radiation éventuelle des déclarations de culpabilité prononcées à l'étranger contre des ressortissants allemands. Toutefois, il n'était pas convaincu que la preuve démontrait que la condamnation du demandeur aux États-Unis avait déjà été inscrite. Si elle l'avait été, la BZRG aurait-elle effectivement effacé la condamnation prononcée contre le demandeur au Texas selon le droit canadien? C'est une question qui peut être certifiée.

Conclusion

[69]       Il serait normalement possible de ne pas tenir compte de la mention de la situation sociale existant en Allemagne en raison de son importance minime, mais la décision rendue par la SAI en l'espèce doit de toute façon être renvoyée à la Commission pour réexamen par un tribunal différemment constitué.

[70]       Le droit évolue. L'arrêt prononcé par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Baker c. Canada (MCI) révèle maintenant que, lorsque la Cour certifie une question grave, le libellé de la question n'importe pas, car l'intention de la Cour de certifier la question permet l'appel général de la décision de la Cour. La Cour n'est même plus tenue, depuis l'arrêt Baker, d'essayer de composer avec la demande de l'avocat du demandeur de ne pas tenir compte des étapes prescrites par le paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration : c'est-à-dire certifier « dans son jugement que l'affaire soulève une question grave de portée générale et énonce celle-ci. »

[71]       Dans l'affaire Pushpanathan c. Canada (MCI), [1988] 1 R.C.S. 982, au par. 25, la Cour suprême du Canada a conclu « que le par. 83(1) n'exige pas que la Cour d'appel traite uniquement de la question énoncée et des points qui s'y rapportent » , comme le précise l'arrêt Baker, au par. 12. La Cour ajoute :

Le libellé du par. 83(1) indique, et l'arrêt Pushpanathan le confirme, que la certification d'une « question grave de portée générale » permet un appel du jugement de première instance qui, normalement, ne serait pas autorisé, mais ne limite pas la Cour d'appel ni notre Cour à la question énoncée ou aux points qui s'y rapportent directement. Par conséquent, nous pouvons examiner tous les points soulevés dans le pourvoi.

[72]       L'affaire dont la Cour est saisie justifie de toute façon l'énoncé d'une question. En voici le libellé :

La réhabilitation accordée à une partie par une loi du pays dont elle est citoyenne s'applique-t-elle nécessairement et doit-elle être révélée en droit canadien, lorsque cette partie présente une demande de résidence permanente au Canada sous le régime de la Loi sur l'immigration, malgré la condamnation présumée équitable de cette partie dans un pays tiers?

[73]       Plusieurs erreurs ressortent de la décision de la SAI. En toute justice, cette décision devrait être renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu'il rende une nouvelle décision. L'appel a apparemment une portée très large par application de l'arrêt Baker. Le demandeur, s'il ne réussit pas à contenir la prolixité de son avocat, devrait présenter une requête pour obtenir l'autorisation prévue au par. 70(4) des Règles. Il se peut qu'il soit possible de réduire considérablement le volume des documents, selon les points soulevés en appel. Dans le cas contraire, la sagesse originale qui sous-tend les paragraphes 83(1) de la Loi et 70(4) des Règles s'avérera très pratique. Il n'y aura pas d'adjudication des dépens.

Ottawa (Ontario)

29 septembre 1999                                                                                                                                                                                                    

                                                                                                                                                      juge

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :                     IMM-5228-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :    EBERHARD BERTOLD

LIEU DE L'AUDIENCE :                     VANCOUVER (C.-B)

DATE DE L'AUDIENCE :                    5 août 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE MULDOON

DATE DES MOTIFS :              29 septembre 1999

ONT COMPARU :

Me Gordon Maynard                             POUR LE DEMANDEUR

Me Kim Shane                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Gordon Maynard                             POUR LE DEMANDEUR

McCrea & Associates

Me Morris Rosenberg                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.