Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


Date : 19980522


Dossier : T-2790-96

ENTRE :

     DANIEL JOHN MISLAN,

     requérant,

     - et -

     MINISTRE DU REVENU DU CANADA,

     intimé.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]      Dans la présente demande, il s"agit de savoir si des " renseignements personnels " concernant à la fois le requérant et une autre personne doivent être communiqués au requérant en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels , L.R.C. (1985), ch. P-21, et ses modifications.

[2]      Le requérant a fait l"objet d"un rapport rédigé par un employé du ministère du Revenu national à la suite d"une plainte de harcèlement sexuel porté contre lui. Il a obtenu ce rapport conformément à une demande présentée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels . Cependant, certains passages avaient été supprimés. À la suite d"un appel adressé au Commissaire à la protection de la vie privée, des passages supplémentaires du rapport lui ont été communiqués. Toutefois, certains renseignements n"ont pas été communiqués pour le motif qu"ils constituaient des renseignements personnels concernant une personne autre que le requérant. Dans la présente demande, le requérant cherche à obtenir les renseignements qui n"ont pas encore été communiqués.

[3]      L"expression " renseignements personnels " est définie à l"article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Les passages pertinents de la définition sont les suivants :

                 3. Les définitions qui suivent s"appliquent à la présente loi.                 
                 " renseignements personnels " Les renseignements, quels que soient leur forme et leur support, concernant un individu identifiable...                 

[4]      Le paragraphe 12(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels prévoit le droit d"accès d"une personne aux renseignements personnels la concernant :

                 12. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, tout citoyen canadien et tout résident permanent, au sens de la Loi sur l"immigration, a le droit de se faire communiquer sur demande :                 
                      a) les renseignements personnels le concernant et versés dans un fichier de renseignements personnels;                 
                      b) les autres renseignements personnels le concernant et relevant d"une institution fédérale...                 

[5]      En vertu de l"article 26, le responsable d"une institution fédérale peut refuser la communication des renseignements personnels qui portent sur un individu autre que celui qui a fait la demande et il est tenu de refuser cette communication dans les cas où elle est interdite en vertu de l"article 8. Le paragraphe 8(1) prévoit :

                 8. (1) Les renseignements personnels qui relèvent d"une institution fédérale ne peuvent être communiqués, à défaut du consentement de l"individu qu"ils concernent, que conformément au présent article.                 

[6]      Le paragraphe 8(2) confère au responsable d"une institution fédérale le pouvoir discrétionnaire de communiquer certains types de renseignements personnels. Par exemple, l"alinéa 8(2)a ) prévoit :

                 8. (2) Sous réserve d"autres lois fédérales, la communication des renseignements personnels qui relèvent d"une institution fédérale est autorisée dans les cas suivants :                 
                      a) communications aux fins auxquelles ils ont été recueillis ou préparés par l"institution ou pour les usages qui sont compatibles avec ces fins.                 

[7]      En l"espèce, les renseignements en cause sont des renseignements personnels concernant à la fois le requérant et un autre individu. Les renseignements sont contenus dans le rapport relatif à une plainte de harcèlement sexuel. Bien que le requérant ne soit pas mentionné dans chacun des extraits des renseignements confidentiels, il ne fait pas de doute que les renseignements le concernent. Quant à l"autre individu (et dans quelques cas toutefois un tiers), il ne fait pas de doute que chaque extrait fait référence à lui et constitue des renseignements personnels le concernant.

[8]      L"avocat du requérant a dit que certains des extraits étaient [traduction] " des opinions exprimées par l"individu dans le cadre de son travail " et donc, par définition, ne constituaient pas des renseignements personnels à cause du sous-alinéa j )(v) de la définition de renseignements personnels figurant à l"article 3. Cependant, les renseignements en cause ne sont pas " fournis dans le cadre de son travail ". Ce dont on parle au sous-alinéa j )(v) serait des opinions concernant des affaires relevant du cadre de travail des employés du ministère du Revenu national. Les opinions d"une personne concernant une plainte de harcèlement sexuel dans laquelle elle est impliquée peuvent manifestement être considérées comme des renseignements personnels.

[9]      La question est de savoir si le droit du requérant d"obtenir des renseignements personnels le concernant l"emporte sur le pouvoir discrétionnaire conféré au responsable de l"institution fédérale de refuser la communication de renseignements concernant un autre individu. J"ai conclu que le pouvoir prépondérant est le pouvoir discrétionnaire accordé au responsable de l"institution fédérale.

[10]      L"objet de la Loi sur la protection des renseignements personnels est exposé à l"article 2 :

                 2. La présente loi a pour objet de compléter la législation canadienne en matière de protection des renseignements personnels relevant des institutions fédérales et de droit d"accès des individus aux renseignements personnels qui les concernent.                 

[11]      Dans Kelly c. Canada (Solliciteur général) (1992), 53 F.T.R. 147, conf. par (1993), 154 N.R. 319 (C.A.), le juge Strayer, tel était son titre à l"époque, a fait la remarque suivante au sujet de l"objet de la Loi sur la protection des renseignements personnels , à la page 150 :

                 L"objectif premier est d"assurer la protection des renseignements personnels; le droit que l"on accorde à quiconque de consulter les renseignements personnels qui le concernent doit, dans toute la mesure du possible, être exercé d"une manière qui respecte le droit qu"ont les autres à ce que leurs propres renseignements personnels soient protégés.                 

Cette observation peut servir de base à l"analyse à effectuer en l"espèce.

[12]      En vertu du paragraphe 12(1), le droit de l"individu de se faire communiquer des renseignements personnels existe " [s]ous réserve des autres dispositions de la présente loi ". Ce droit n"est donc pas absolu. Il y a de nombreuses exceptions à ce droit. Par exemple, en vertu de l"article 20, le responsable de l"institution fédérale peut refuser la communication des renseignements personnels demandés en vertu du paragraphe 12(1) dont la communication risquerait vraisemblablement de porter préjudice à la conduite par le gouvernement du Canada des affaires fédéro-provinciales.

[13]      En vertu de l"article 26, le droit de la personne qui fait la demande en vertu du paragraphe 12(1) de se faire communiquer les renseignements personnels la concernant est soumis à l"obligation pour, ou à l"exercice d"un pouvoir discrétionnaire par, le responsable de l"institution fédérale de ne pas communiquer les renseignements à une autre personne. Plus précisément, lorsque les renseignements en question concernent à la fois la personne qui fait la demande et une autre personne, le pouvoir discrétionnaire du responsable de l"institution fédérale de refuser la communication l"emporte sur le droit de la personne qui fait la demande de renseignements personnels la concernant.

[14]      Dans Kelly c. Canada (supra), le juge Strayer énonce la procédure à suivre dans les affaires comme en l"espèce, à la page 149 :

                 Comme on peut le voir, ces exemptions exigent que le responsable d'un établissement prenne deux décisions : 1) une décision de fait sur la question de savoir si les renseignements en question correspondent à la description de renseignements susceptibles de ne pas être divulgués; et 2) une décision discrétionnaire sur la question de savoir s'il convient néanmoins de divulguer lesdits renseignements.                 

[15]      En ce qui a trait à la première décision, j"ai examiné la décision de fait rendue pour refuser la communication et je suis convaincu que les renseignements en cause sont des renseignements personnels concernant le requérant et un autre individu.

[16]      En ce qui a trait à la deuxième décision, le juge Strayer fournit les directives suivantes à la page 149 :

                      Le second type de décision est purement discrétionnaire. À mon sens, en révisant une telle décision la Cour ne devrait pas tenter elle-même d'exercer de nouveau le pouvoir discrétionnaire, mais plutôt examiner le document en question et les circonstances qui l'entourent et se demander simplement si le pouvoir discrétionnaire semble avoir été exercé de bonne foi et pour un motif qui se rapporte de façon logique à la raison pour laquelle il a été accordé.                 

[17]      Je suis convaincu que le pouvoir discrétionnaire qui a été exercé l"a été pour une raison ayant un lien rationnel avec l"objectif pour lequel il a été accordé. Les renseignements sont des renseignements personnels concernant à la fois le requérant et un autre individu et l"exercice d"un tel pouvoir discrétionnaire est envisagé par l"article 26 et l"alinéa 8(2)a) de la Loi. Rien n"indique qu"il y a eu mauvaise foi ou une autre raison qui rendrait illégal l"exercice du pouvoir discrétionnaire en l"espèce.

[18]      Vu ces considérations, rien ne justifie la Cour d"intervenir dans l"exercice de son pouvoir discrétionnaire par le responsable d"une institution fédérale.

[19]      Ainsi que le juge Strayer l"a fait remarquer dans Kelly c. Canada (supra), à la page 148, en expliquant pourquoi la décision du responsable de l"institution fédérale de refuser la communication est maintenue, je ne dois pas révéler les renseignements mêmes qui, à mon avis, n"ont pas été communiqués à bon droit. Toutefois, je ferai observer d"un certain nombre de passages non communiqués semblent être anodins et il n"apparaît pas tout à fait clairement pourquoi, vu les renseignements personnels qui ont été communiqués, certains des renseignements anodins ont été tenus confidentiels. Cependant, comme je l"ai indiqué, il n"appartient pas à la Cour d"exercer le pouvoir discrétionnaire de nouveau.

[20]      La demande est rejetée.

                                     " Marshall Rothstein "

    

     J U G E

TORONTO (ONTARIO)

22 MAI 1998

Traduction certifiée conforme

Yvan Tardif, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

NO DU GREFFE :                      T-2790-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :              DANIEL JOHN MISLAN

                             - et -

                             MINISTRE DU REVENU DU CANADA

DATE DE L"AUDIENCE :                  14 MAI 1998

LIEU DE L"AUDIENCE :                  CALGARY (ALBERTA)

MOTIFS DE L"ORDONNANCE :              LE JUGE ROTHSTEIN

EN DATE DU 22 MAI 1998

ONT COMPARU :                     

                             William Johnston

                                 Pour le requérant

                             James Shaw

                                 Pour l"intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :      McGowan, Johnston

                             245-1209, 50e Avenue Sud-Est

                             Calgary (Alberta)

                             T2H 2P6

                                 Pour le requérant

                              Ministère de la Justice

                             Bureau régional d"Edmonton

                             211, Banque de Montréal

                             10199-101 e Rue

                             Edmonton (Alberta)

                             T5J 3Y4

                            

                                 Pour l"intimé

                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                 Date : 19980522

                        

         Dossier : T-2790-96

                             Entre

                             DANIEL JOHN MISLAN

     requérant

                             - et -

                             MINISTRE DU REVENU DU CANADA

                    

     intimé

                    

                            

            

                                                                                 MOTIFS DE L"ORDONNANCE

                            


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.