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Date : 20040420

Dossier : T-1554-02

Référence : 2004 CF 584

ENTRE :

HUGH STANFIELD, GRETA ANDERSON, ROBERT ANDERSON, DONALD APOLCZER, CAROL L. APOLCZER, JAMES C. AYEARST, ELIZABETH JOAN AYEARST, CHRISTINE BANVILLE, BRENT BEYAK, DAVID G. BLISSETT, JAMES L. BRADY, KEITH BROOKE, GEORGE BURDEN, DONALD CAREY, PATRICIA CARPENTER, ALAN CARPENTER, MARIA CLARKE, KENNETH CLARKE, JULIA S. CUNDLIFFE, KATE A DAVIS, LARRY DAVIS, ALLAN DE HAAN, HERB DEMARS, TERRANCE DUNFORD, IRVINE J. DYCK, NORMA FARENICK, STEPHAN FRALICK, RENEE GALLANT, ROY GALLANT, MARY GELPKE, PAUL GELPKE, DIANNE GERMAIN, BEN GOERTZEN, MARTHA GOERTZEN, PETER GRABOSKI, FRANK GRAF, GARY H. GRUETER, DAVID R. HACKETT, ERIC R. HARRISON, KENNETH ALLAN HAY, JOHN A. HIGGINS, GEOFFREY HILLIARD, WILLIAM JOHNSON, PETER LEGER, EDNA L. LINDAL, ROBERT LINDAL, WAYNE GARRY MARTIN, ED MACINTOSH, ROBERT MCGINN, TERENCE MEADOWS, ROBERT NABER, EDITH NELSON, GARTH L. NELSON, GLENN PARKER, JOHN L. PARSONS, HELEN PARSONS, DANNY PAWLACHUK, JOSEPH PENNIMPEDE, IRENE PENNIMPEDE, BRENDA QUATTRIN, GARRY REIMER, NEIL REINHART, GLEN ROBBINS, LUC ROBERGE, JOAN ELLEN SABOURIN, PAUL WYATT SABOURIN, MARK SAMPSON, SUSAN SCOTT, PHILIP SCOTT, MICHAEL SLADE, KAZIK SMILOWSKI, FRANCES SMILOWSKI, CANDICE STANFIELD, SEONA STEPHEN, JOHN G. STEPHEN, GREGORY STEVENS, JENNIFER STEVENS, ROGER G. STOGRE, BRIAN E. STOUTENBURG, LESLEY SUGGITT, JAMES H. SUGGITT, SCOTT THOMSON, ALLAN TOLSMA, TOM TOLSMA, AGNES DOROTHY TOLSMA, ANDREW TROJNER, MARY TROJNER, JIM R. TROJNER, GEORGE H. WADSWORTH, SHARON WADSWORTH, GLENYS WHELAN, EARL WILKES, DAVID J. WILLIAMS, MILDRED WILLIAMSON, KERRY WILSON, HARVEY YARN, DAVID ZEVICK, PREBEN ANDERSEN, DANIEL M. ARRIGO, ROBERT P. BLAIR, STEPHEN P. BURKE, BRENT CARLSON, FIONA DOUGLAS-CRAMPTON, HELEN FADDEN, REID FREDERICK, EDGAR GIESBRECHT, JOHN GORDON, GARY HAMMER, JOHN F. HEATHE, JUDITH A. KOSTUK, RON A. KROWCHUK, LARRY LEDOUX, PENNY LEDOUX, ERNEST REIMER, LAURIE REIMER, MAXWELL THOMPSON

                                                                                                                                                                                          demandeurs

                                                                                                      et

                                                                    LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                                                                              défendeur


                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE HARGRAVE

[1]                Le 17 août 2002, le ministre du Revenu national (le MRN) était préoccupé à propos de ce qu'il est convenu d'appeler les « dispositifs pour pertes fiscales » , qui participent d'opérations sur devises ou marchandises, chevauchant une fin d'exercice, et au titre desquels divers contribuables avaient déduit des pertes. Le MRN a donc envoyé au demandeur, Hugh Stanfield, une mise en demeure sous la forme d'un questionnaire, auquel était joint une lettre datée du 27 août 2002, renfermant le passage suivant :

[traduction] Veuillez prendre note qu'une enquête criminelle concernant la promotion d'opérations du genre que vous réclamez dans votre déclaration de revenus a été entreprise. Vous n'êtes pas l'objet d'une enquête pour l'instant, mais nous voulons vous informer que toute information produite pourra être communiquée pour examen à notre Section des enquêtes.

La lettre ne disait pas que le destinataire ne serait jamais l'objet d'une enquête. Cette incertitude préoccupait M. Stanfield, qui se demandait pourquoi il devrait communiquer des renseignements au ministre s'il était en fait l'objet d'une enquête. Il était suffisamment préoccupé pour qu'il décide de demander l'examen de la mise en demeure du ministre.

[2]                À M. Stanfield se sont joints éventuellement d'autres contribuables concernés, qui sont aujourd'hui les demandeurs dans cette procédure de contrôle judiciaire. Par cette procédure, il est demandé à la Cour de déclarer que la lettre sollicitant des renseignements est invalide ou illicite et d'interdire au ministre de prendre contre les demandeurs des dispositions ou procédures pour avoir ignoré la lettre du 27 août 2002.


[3]                Les demandeurs fondent leur position sur l'arrêt Jarvis c. La Reine [2002] 3 R.C.S. 757, dont l'effet est résumé par les juges Iacobucci et Major, aux pages 765 et 766 :

En dernière analyse, nous concluons qu'il faut traiter différemment les vérifications de conformité et les enquêtes pour fraude fiscale. Bien qu'un contribuable soit tenu par la loi de coopérer avec les vérificateurs de l'ADRC aux fins d'évaluation de son obligation fiscale (et passible de peines réglementaires à cet égard), une relation de nature contradictoire se cristallise entre le contribuable et les agents du fisc dès qu'un examen effectué par l'un de ces agents a pour objet prédominant d'établir la responsabilité pénale du contribuable. À partir de ce moment, les garanties constitutionnelles contre l'auto-incrimination interdisent aux agents de l'ADRC qui enquêtent sur des infractions à la LIR d'avoir recours aux puissants mécanismes d'inspection et de demande péremptoire établis par les par. 231.1(1) et 231.2(1). Lorsqu'ils exercent ainsi leur pouvoir d'enquête, les agents de l'ADRC doivent plutôt obtenir des mandats de perquisition pour mener leur enquête.

Essentiellement, les contribuables doivent collaborer dans les vérifications de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'ADRC), menées aux fins de cotisations fiscales, même si le résultat peut être une sanction administrative, mais une relation de nature contradictoire se cristallise lorsque l'objet prédominant de l'enquête est d'établir une responsabilité pénale : lorsque cette ligne est franchie, l'ADRC ne peut plus recourir aux procédures d'inspection et de demande péremptoire prévues par la Loi de l'impôt sur le revenu, mais doit obtenir des mandats de perquisition pour pouvoir continuer son enquête.


[4]                Dans la présente requête, les demandeurs sollicitent les documents complémentaires qui leur permettraient de poursuivre leur contre-interrogatoire au regard de l'affidavit établi sous serment au nom de la Couronne, et ils voudraient que l'auteur de l'affidavit comparaisse de nouveau pour être encore une fois contre-interrogé afin de répondre à des questions déjà posées et de répondre aux questions valides résultant des documents additionnels dont la production est ordonnée.

[5]                Le résultat de cette requête, eu égard à l'arrêt Jarvis et aux règles applicables, est un demi-succès. Afin de tracer la voie vers des décisions favorables ou défavorables aux demandeurs, je commencerai par un rappel des faits, lesquels remontent au printemps de 1999, car, bien avant que la Direction générale de la vérification de l'ADRC ne remette formellement un dossier à la Section des enquêtes, de nombreux événements peuvent cristalliser une relation de nature contradictoire et faire obstacle à la collecte de renseignements selon ce que prévoient les paragraphes 231.1(1) et 231.2(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, forçant ainsi la Section des enquêtes à obtenir un mandat de perquisition afin de pouvoir recueillir des renseignements pouvant déboucher sur des poursuites.

LES FAITS


[6]                Les conclusions des demandeurs se fondent sur des événements qui remontent à des dispositifs pour pertes fiscales datant de 1998. Le rôle du témoin du défendeur, Mme Deanna Pumple, l'auteur d'un affidavit du 31 octobre 2002 sur lequel se fonde le ministre pour s'opposer à la demande de contrôle judiciaire, est un rôle de vérificatrice. Mme Pumple travaillait pour l'Unité de l'évasion fiscale, à la Section de vérification et de l'exécution de l'ADRC, qui est semble-t-il une section d'audit. L'audit initial se rapportait à un dispositif de 1998 pour pertes fiscales, appelé les Union Cal Trading Joint Ventures, qui étaient, comme je l'ai déjà dit, des opérations sur devises et marchandises chevauchant une fin d'exercice, et que Mme Pumple décrit comme des moyens de réaliser des pertes et de différer la constatation d'un revenu. Elle a procédé à l'audit d'environ les trois quarts des demandeurs.

[7]                En raison semble-t-il du lien entre les dispositifs de 1998 pour pertes fiscales et les déclarations de revenus de 1999, Mme Pumple a décidé, durant le premier semestre de 2000, de revoir les déclarations de revenus des demandeurs qu'elle vérifiait, et cela pour l'année d'imposition 1999. Ce travail devint par la suite un projet national, plutôt que simplement un projet exécuté par Mme Pumple au bureau des services fiscaux de l'île de Vancouver. D'autres vérificateurs de l'ADRC sont donc également intervenus dans l'examen des déclarations de revenus de 1999 des demandeurs.

[8]                En avril 2001, des membres de la Section des enquêtes de l'ADRC ont rencontré les vérificateurs de la Section de l'évasion fiscale, qui comprenaient Mme Pumple, afin de partager des informations. À la suite d'une demande de la Section des enquêtes, Mme Pumple leur a remis plusieurs de ses dossiers et a établi à leur intention une chronologie. Vers cette date, la Section des enquêtes a demandé à la Section de l'évasion fiscale de cesser la vérification des déclarations de 1998 et 1999.


[9]                La Section des enquêtes est intervenue afin d'évaluer si les demandeurs étaient impliqués dans des activités criminelles. Mme Pumple recevait parfois des demandes de renseignements additionnels de la part de la Section des enquêtes, renseignements qu'elle lui communiquait. Il semble que c'était là une procédure courante, puisque Mme Pumple recevait périodiquement des instructions de la Section des enquêtes, ou lui demandait des instructions.

[10]            Quelque temps après avril 2001, un certain M. Kuhn, de la Section de l'évasion fiscale à Vancouver, fut détaché pour travailler auprès de la Section des enquêtes à Vancouver. Il était membre de ce que l'on appelait l'Équipe du groupe de la prospérité globale, au sein de la Section des enquêtes, travaillant directement avec ses membres, même s'il se définissait comme membre de la Section de l'évasion fiscale. D'après le procès-verbal de l'interrogatoire de Mme Pumple, il est clair qu'il agissait à tout le moins comme agent de liaison entre la Section de l'évasion fiscale et la Section des enquêtes.

[11]            Environ un an après l'intervention de la Section des enquêtes, c'est-à-dire en mars 2002, la Section des enquêtes disait à la Section de l'évasion fiscale de recommencer l'audit pour 1998, le résultat étant un avis de nouvelle cotisation pour 1998.

[12]            En juillet 2002, la Section des enquêtes disait à la Section de l'évasion fiscale de recommencer l'audit des demandeurs pour leurs années d'imposition 1999 et 2000. Mme Pumple et divers autres fonctionnaires de la Section de l'évasion fiscale ont donc envoyé des lettres accompagnées de questionnaires, qui sont l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

[13]            Entre juin 2002 et septembre 2002, il y a eu échange régulier de renseignements entre la Section des enquêtes et la Section de l'évasion fiscale. Des exemples de l'échange de renseignements apparaissent dans une série de messages électroniques envoyés par M. Kuhn, lequel assurait la liaison entre la Section des enquêtes et la Section de l'évasion fiscale, messages qui indiquaient aux fonctionnaires de l'ADRC l'approche à adopter en matière d'audit à la reprise des activités d'audit. À titre d'exemple de l'interdépendance des deux groupes, lors du contre-interrogatoire de Mme Pumple, en janvier 2003, les déclarations de revenus de nombre des demandeurs étaient encore en la possession de la Section des enquêtes.


[14]            Les demandeurs indiquaient dans les documents que Mme Pumple n'avait pas toujours une connaissance personnelle, et cela peut se comprendre vu l'ampleur du projet. Pour s'informer, Mme Pumple communiquait avec les autres fonctionnaires de la Section de l'évasion fiscale. Elle indiquait où se trouvait telle ou telle des déclarations de revenus. Cependant, elle n'adressait aucune demande de renseignements au siège de l'ADRC ni ne parlait à aucun fonctionnaire de la Section des enquêtes. L'avocat des demandeurs affirme ensuite que Mme Pumple n'avait en réalité qu'une connaissance restreinte, car elle ne savait rien sur la communication interne au sein de l'ADRC, sur les voies de transmission entre le siège et la Section des enquêtes, sur la notion d'abri fiscal ou sur le rôle de la Section des enquêtes. Elle n'était pas en mesure de s'exprimer pour la Section des enquêtes. Par ailleurs, Mme Pumple n'a pas préparé la lettre ou le questionnaire en question, même si elle a bien signé la lettre. L'interrogatoire préalable révèle effectivement que la Section des enquêtes est intervenue dans la rédaction de la lettre, spécifiquement je crois l'avis de l'enquête criminelle, et que le destinataire n'était pas à ce moment-là l'objet d'une enquête. Du point de vue des demandeurs, le témoignage de Mme Pumple et les documents qu'elle a apportés avec elle au contre-interrogatoire ne signalent pas à leur avis l'objet prédominant de l'enquête elle-même, la notion d'objet prédominant attestant dans certains cas la cristallisation d'une relation de nature contradictoire. Les demandeurs affirment donc qu'ils ne sont pas en mesure de dire si une relation de nature contradictoire s'est cristallisée ni où se trouve précisément la ligne entre la communication de renseignements dans le contexte d'un audit et le droit de refuser des renseignements, sauf à l'encontre d'un mandat de perquisition, dans le contexte d'une enquête.

[15]            Mme Pumple a aussi refusé de répondre à plusieurs questions qui lui ont été posées lors du contre-interrogatoire, parce qu'elle les jugeait hors de propos.

[16]            Le résultat des refus en ce qui a trait aux documents et aux questions est la présente requête. J'examinerai d'abord la demande générale de documents contenue dans l'assignation à comparaître adressée à Mme Pumple.


EXAMEN

Production de documents par voie d'assignation à comparaître

[17]            Les demandeurs se réfèrent à une assignation à comparaître, selon l'article 91 des Règles, signifiée à Mme Pumple, assignation qui lui demande d'apporter avec elle un éventail considérable de documents, à savoir :

[traduction] tous documents et dossiers, notamment les documents électroniques, en la possession du défendeur, faisant état d'un quelconque demandeur, pour les années d'imposition visées par cette demande, notamment : ...


[18]            Les documents particuliers qui sont ensuite décrits, mais en termes très généraux, englobent à peu près tous les documents se rapportant à la présente affaire et détenus par l'Agence des douanes et du revenu du Canada, notamment les documents en la possession de la Section des enquêtes. Évidemment, à première vue, l'assignation à comparaître dont parle l'article 91 des Règles (et qui est expliquée davantage dans l'article 94) est vaste, puisque, durant le contre-interrogatoire, le témoin doit apporter « ... les documents et les éléments matériels... qui sont en leur possession, sous leur autorité ou sous leur garde... » Cependant, l'article 91 ne peut servir à élargir la production de documents dans un contrôle judiciaire de telle sorte que le processus devient similaire à la communication de documents dans une action. Une cour de justice doit évidemment avoir devant elle suffisamment de documents pour disposer d'un dossier factuel adéquat. Il est dans l'intérêt de la justice que la production ne soit pas limitée au point de handicaper un demandeur. Cependant, la production de documents dans le contexte d'un contrôle judiciaire ne doit pas avoir pour effet d'élargir la portée d'un contrôle judiciaire en tant que recours relativement expéditif. La production se limite plutôt à ce qui est requis par la pertinence, dans le contexte d'un contrôle judiciaire et selon ce que prévoit la jurisprudence.

[19]            À titre d'exemple, même dans le cas d'une action, lorsqu'il y a pleine communication de tous les documents utiles et susceptibles de production, une demande aussi élargie de documents, disons une demande qui contient une assignation à produire, peut être assimilable à un abus de la procédure.

[20]            Examinant davantage cette idée selon laquelle la production trop étendue de documents peut être assimilée à un abus de procédure, je me référerais aux vues de M. le juge MacKay dans l'affaire Merck & Co. Inc. c. Apotex Inc. (1998) 80 C.P.R. (3d) 103, aux pages 107 et 108. Dans cette affaire, le juge MacKay avait trouvé que, en décrivant et en demandant des documents d'une manière trop générale et trop élargie dans l'assignation à produire, l'une des parties se livrait en réalité à une enquête à l'aveuglette. Ce recours à une assignation à produire était mal à propos. Dans l'affaire Merck, le juge MacKay a cassé deux assignations qui visaient un éventail de documents semblables à l'éventail recherché dans le cas présent. Il a exigé que les documents soient décrits d'une manière limitative et qu'ils intéressent les points soumis à la Cour, « pour éviter que la partie n'ait à parcourir tous ses registres » . (page 108).


[21]            Le juge Pelletier (son titre à l'époque), dans l'affaire Bristol-Myers Squibb Co. c. Canada (Procureur général) (2002) 18 C.P.R. (4th) 353, qui concernait une procédure de contrôle judiciaire, n'allait pas autoriser l'utilisation, selon l'article 91 des Règles, d'une assignation à comparaître qui aurait eu pour effet d'élargir la production de documents au-delà de ce qui était autorisé par la règle 317, c'est-à-dire les documents du tribunal.

[22]            Tout comme dans l'affaire Merck c. Apotex, une assignation à produire largement formulée ne peut être utilisée pour élargir à l'excès la production de documents, une assignation à comparaître selon la règle 91 ne saurait elle non plus servir à obtenir des documents au-delà de ce qui est requis dans un contrôle judiciaire, à plus forte raison eu égard au raisonnement et à la conclusion exprimés dans l'affaire Bristol-Myers Squibb (précitée). En bref, une assignation à comparaître selon la règle 91 ne peut servir à obtenir pleine communication de documents comme c'est l'intention manifeste dans le cas qui nous occupe. Naturellement, ainsi que le faisait observer ensuite le juge MacKay dans l'affaire Merck c. Apotex, son refus d'une production générale de documents n'empêchait pas la demanderesse de présenter une autre assignation en vue d'obtenir des documents décrits d'une manière plus détaillée. Gardant à l'esprit, comme je l'ai dit, que la production se limite à ce qui est requis par la pertinence, déterminée dans le contexte du contrôle judiciaire ainsi que par la jurisprudence, le refus ici d'une production générale de documents par voie d'assignation à comparaître n'empêche pas les demandeurs de présenter des demandes plus restreintes et plus détaillées de documents.


Pertinence et champ du contre-interrogatoire

[23]            La notion de pertinence est plus limitée dans un contrôle judiciaire qu'elle ne l'est dans une action. Pour cette proposition, et à titre de survol des principes du contre-interrogatoire, je me référerais à l'affaire Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (1997) 80 C.P.R. (3d) 550. Dans cette affaire, à la page 555, le juge Hugessen commençait par affirmer que le contre-interrogatoire n'est pas un interrogatoire préalable : il diffère de l'interrogatoire préalable sous divers aspects, qu'il a énumérés ainsi :

a) la personne interrogée est un témoin, et non une partie;

b) les réponses données sont des éléments de preuve, et non des aveux;

c) le témoin peut légitimement répondre qu'il ignore quelque chose; il n'est pas tenu de se renseigner;

d) on ne peut exiger d'un témoin qu'il produise un document que s'il en a la garde ou la possession, les mêmes règles s'appliquant à tous les témoins;

e) les règles relatives à la pertinence sont plus restreintes.

Ce qui était en cause dans l'affaire Merck Frosst, c'était la pertinence, un aspect important de la présente affaire. Par conséquent, il est utile de considérer ce que le juge Hugessen écrivait ensuite :

Comme les oppositions qui sont à l'origine des requêtes sur lesquelles je suis appelé à statuer se fondent presque toutes sur la pertinence, j'aborde immédiatement la question.

Aux fins de la présente instance, j'estime utile de scinder la pertinence en deux catégories, soit la pertinence formelle et la pertinence juridique.


La pertinence formelle est liée aux questions de fait qui opposent les parties. Dans le cas d'une action, ces questions sont délimitées par les actes de procédure, mais dans le cas d'une demande de contrôle judiciaire, où aucun acte de procédure n'est déposé (l'avis de requête lui-même ne devant faire état que du fondement juridique, et non factuel, de la demande de contrôle), elles sont circonscrites par les affidavits que déposent les parties. Le contre-interrogatoire de l'auteur d'un affidavit ne peut donc porter que sur les faits énoncés dans celui-ci ou dans un autre affidavit produit dans le cadre de l'instance.

Toutefois, outre la pertinence formelle, les questions posées en contre-interrogatoire doivent avant tout satisfaire à l'exigence de la pertinence juridique. Même le fait énoncé dans un affidavit produit dans le cadre de l'instance n'est pertinent sur le plan juridique que lorsque son existence ou son inexistence peut contribuer à déterminer si le redressement demandé peut ou non être accordé.

D'importants principes découlent de ces extraits. D'abord, la pertinence formelle repose sur des points de fait, définis par des actes de procédure dans une action et par des affidavits dans un contrôle judiciaire; deuxièmement, le juge Hugessen a fait observer que, à son avis, le contre-interrogatoire sur un affidavit « ... ne peut donc porter que sur les faits énoncés dans celui-ci ou dans un autre affidavit produit dans le cadre de l'instance » , ce qui requiert essentiellement un fondement factuel pour le contre-interrogatoire, fondement qui peut être obtenu d'un affidavit produit; et troisièmement, la pertinence juridique permet de dire si le recours demandé est possible.


[24]            La question de savoir si un contre-interrogatoire se limite strictement aux faits exposés dans la totalité des affidavits produits dans une affaire présente de l'intérêt. Certainement, le juge Muldoon, dans l'affaire Swing Paints Ltd. c. Minwax Co. Inc. [1984] 2 C.F. 521, aux pages 530 et 531, avait adopté un point de vue plus large, en invoquant de solides précédents. Il avait estimé que l'auteur de l'affidavit ne devrait pas pouvoir se dissimuler derrière une preuve habilement structurée, mais que le contre-interrogatoire devrait s'étendre au-delà des quatre coins d'un affidavit pour englober « toute question ayant rapport au règlement du point litigieux au sujet duquel l'affidavit a été déposé » (ibid., page 531), et les questions accessoires découlant de réponses et aussi les éléments au sujet desquels il est permis de penser que le témoin détient des connaissances, à propos du principal aspect de la procédure effleuré par l'affidavit :

La personne qui donne un affidavit doit se soumettre au contre-interrogatoire non seulement sur des questions précisément énoncées dans son affidavit, mais également sur les questions connexes que soulèvent ses réponses. De même elle doit répondre franchement à toutes les questions dont on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'elle eût connaissance et qui se rapportent à la principale question en litige dans la procédure que concerne son affidavit, s'il y a lieu.

Également à propos est l'affaire Monsanto Canada Inc. c. Novopharm Ltd. (1996) 118 F.T.R. 92, où, aux pages 93 et 94, le juge MacKay faisait siens les propos de madame la juge Reed dans l'affaire Castlemore Marketing Inc. c. Intercontinental Trade and Finance Corporation et al., un jugement non publié du 16 février 1996, n ° du greffe T-2498-95 :

Les critères qui s'appliquent pour déterminer les questions auxquelles il convient de répondre lors d'un contre-interrogatoire sur affidavit sont exposés dans la décision Upjohn Inter-American Corporation c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social et Procureur général) et autre (1987), 10 F.T.R. 37. Voir aussi Weight Watchers International Inc. c. Weight Watchers of Ontario Ltd. (no 2) (1972), C.P.R. (2d) 169 (C.F. 1re inst.). L'auteur d'un affidavit est tenu de répondre aux questions portant sur des points exposés dans l'affidavit, ainsi qu'à toute question secondaire découlant de ses réponses initiales. Dans la décision Bally-Midway Mfg. c. M.J.Z. Electronics Ltd. (1984), 75 C.P.R. (2d) 161, le juge Dubé a dit que les contre-interrogatoires sur affidavits se limitent « aux questions intéressant l'injonction interlocutoire ou à 11 ensemble des allégations faites dans l'affidavit ou aux deux » . Dans la décision Weight Watchers (précitée), le juge Heald s'est fondé sur une jurisprudence portant que la personne qui procède à un contre-interrogatoire sur un affidavit n'est pas limitée à la teneur de l'affidavit même, mais qu'elle peut aborder toute question liée à l'objet de l'affidavit. En plus d'être pertinente, la question doit, évidemment, ne pas être générale au point qu'il soit impossible d'y répondre intelligemment, et la Cour exercera son pouvoir discrétionnaire pour rejeter toute question qu'elle considérera comme assimilable à une « recherche à l'aveuglette » .

Cela élargit clairement le contre-interrogatoire non seulement au-delà des quatre coins de l'affidavit, mais également aux questions accessoires découlant de réponses et aux éléments « intéressant le point litigieux au sujet duquel l'affidavit a été déposé » : le principe s'accorde aussi avec l'espèce Swing Paint, précitée.


Obligation du témoin de s'informer

[25]            Un autre point que je dois effleurer est celui de savoir si l'auteur d'un affidavit peut être tenu de s'informer aux fins d'un contre-interrogatoire. Évidemment, le juge Hugessen, dans l'affaire Merck Frosst, précitée, était d'avis que la personne interrogée, étant témoin et partie, ne pouvait être tenue de s'informer. Or, dans l'affaire Bland c. Commission de la capitale nationale (1989) 29 F.T.R. 232, le juge Martin, après examen d'un certain nombre de précédents, notamment d'un précédent contraire, à savoir l'affaire Laflamme Fourrures (Trois-Rivières) Inc. c. Laflamme Fourrures Inc. (1986) 3 F.T.R. 48, un jugement rendu par le juge Walsh, avait effectivement invité le témoin, dans l'affaire Bland, à s'informer. Cette approche s'accorde avec celle adoptée par le juge Nadon (son titre à l'époque) dans l'affaire Merck & Co. c. Apotex Inc. (1996) 110 F.T.R. 155, selon laquelle « ... un déposant est tenu de s'informer des points en litige qu'il connaît ou qu'il est en mesure de connaître » . (page 149).

[26]            Par ailleurs, et je parle encore ici d'un témoin qui obtient des renseignements complémentaires, l'auteur d'un affidavit peut être tenu de produire des documents, pour contre-interrogatoire, en plus de ceux qui sont mentionnés dans un affidavit, mais le contre-interrogatoire sur un affidavit ne sera pas aussi libre qu'un interrogatoire préalable, et la production de documents ne sera pas aussi étendue que dans un interrogatoire préalable :


À mon avis, le contre-interrogatoire relatif à un affidavit déposé à l'appui d'une requête en injonction interlocutoire ne doit pas avoir la même vaste portée qu'un interrogatoire préalable. Dans ce dernier cas, le témoin est tenu de se renseigner sur toutes les questions soulevées dans les actes de procédure, d'y fournir des réponses et de produire des documents concernant ces questions. Quant au contre-interrogatoire sur un affidavit, il doit se limiter aux questions intéressant l'injonction interlocutoire ou à l'ensemble des allégations faites dans l'affidavit ou aux deux. En d'autres termes, le souscripteur est obligé de répondre aux questions et de produire des documents se rapportant à tout ce qui touche la requête interlocutoire et de répondre aussi aux questions concernant toutes les autres déclarations qu'il a pu, de sa propre initiative, faire dans son affidavit. Celui qui mène le contre-interrogatoire ne saurait se servir de l'affidavit comme moyen d'obtenir tous les renseignements et tous les documents qui pourront être utiles à l'instruction. (Bally-Midway Mfg. Co. c. M.J.A. Electronics Ltd. et al. (1983) 75 C.P.R. (2d) 160 (C.F. 1re inst.)) [Non souligné dans l'original]

Ici, je reconnais que le jugement Bally-Midway concernait un contre-interrogatoire sur un affidavit produit dans une action. Cependant, ce précédent montre qu'un contre-interrogatoire sur affidavit peut porter sur des documents qui dépassent l'affidavit, encore qu'il soit plus étroit qu'un interrogatoire préalable.


[27]            Dans nombre des précédents publiés, il y a des différences dans l'approche adoptée pour le contre-interrogatoire et dans l'étendue de la production de documents dans un contre-interrogatoire. Il se peut très bien que la nature de la procédure exige parfois une production légèrement plus complète de documents et de réponses : j'ai ici à l'esprit en particulier le cas où le témoin est en réalité le mandataire d'une partie. Plus précisément, il est fautif de permettre à un témoin d'échelon moindre, qui a une connaissance très limitée des concepts, de ce qui est arrivé et de ce qui est en jeu, de se dissimuler derrière un affidavit étroit. Ce serait en effet encourager le plaideur, qui véritablement compte sur le témoin comme agent, à produire un témoin marginal. Par exemple, un plaideur qui est une société ou une administration pourrait être encouragé à produire, comme auteur de l'affidavit, un témoin dont les connaissances ou le rôle sont restreints. Favoriser cela non seulement serait source d'injustice, mais également serait faire peu de cas du temps et de l'argent de tous les intéressés, qu'il s'agisse des plaideurs, du public ou de la Cour. Cependant, j'examinerai maintenant un précédent récent qui a élargi le champ du contre-interrogatoire sur affidavit.


[28]            Le dernier précédent auquel je me rapporterai, à propos du champ du contre-interrogatoire et de la production de documents, est l'arrêt Stella Jones Inc. c. Mariana Maritime S.A., un arrêt non publié, rendu le 6 décembre 2000 par la Cour d'appel fédérale, dossier A-52-00. En première instance, le juge avait adopté une approche très limitée au chapitre du contre-interrogatoire sur affidavit et au chapitre de la production de documents, limitant essentiellement le contre-interrogatoire à un contre-interrogatoire à l'intérieur de l'affidavit et à un examen des seuls documents qui étaient annexés à l'affidavit. La Cour d'appel a estimé que les relations antérieures étaient pertinentes et que l'auteur de l'affidavit pouvait être contre-interrogé sur les renseignements qu'il aurait pu obtenir d'un codéfendeur. La Cour d'appel a aussi exigé la production de réservations de fret et de connaissements portant sur des expéditions antérieures, documents qui, au vu du jugement de première instance, décision non publiée du 21 janvier 2000, dossier T-1942-98, n'étaient pas mentionnées dans l'affidavit et dont la production avait été refusée par le juge des requêtes. Essentiellement, ce que la Cour d'appel a fait dans l'arrêt Stella Jones, ce n'est pas seulement d'élargir le contre-interrogatoire sur affidavit pour qu'il s'étende à des aspects pertinents dépassant largement les quatre coins de l'affidavit, mais également d'élargir la production de documents en imposant la production de documents liés à des relations antérieures, documents qui manifestement échappaient à la portée de l'affidavit lui-même. La Cour d'appel a exprimé l'avis que le juge des requêtes n'avait pas le loisir d'exclure la possibilité que des relations antérieures puissent apporter un éclairage. Naturellement, le contre-interrogatoire et la production de documents découlant du contre-interrogatoire sont limités par la notion de pertinence, notamment celle dont parle le juge Hugessen dans l'affaire Merck Frosst, précitée, et celle dont parle la Cour d'appel dans l'arrêt Stella Jones Inc., précité.

[29]            Si je mets l'accent sur l'arrêt Stella Jones Inc. rendu par la Cour d'appel, c'est parce que je n'accepte pas l'argument de la Couronne selon lequel, en exigeant des réponses et des documents, je devrais m'abstenir de remonter le temps au-delà de la lettre du 27 août 2002, ou peut-être ne pas remonter au-delà du 6 juin 2002, lorsqu'une décision avait semble-t-il été prise par la Section des enquêtes, décision selon laquelle le processus de vérification devait être recommencé, car l'adoption d'une approche plus limitée reviendrait à nier l'examen de tous les facteurs pertinents tel que l'a imposé la Cour suprême dans l'arrêt Jarvis. Je relève aussi que, en juin 2002, l'ADRC envisageait une forme de la lettre du 27 août 2002. Par ailleurs, la preuve produite dans cette requête montre que, au moment du contre-interrogatoire de Mme Pumple, en janvier 2003, les documents se rapportant à certains des demandeurs n'avaient pas été retournés à la Section de la vérification, mais se trouvaient encore à la Section des enquêtes.


Objet prédominant du ministre

[30]            Avant de passer à la demande de production de documents individuels, aux réponses à des questions spécifiques et à la question de la nouvelle comparution pour contre-interrogatoire additionnel, je dois étudier la nature du critère de l'objet prédominant dont parle l'arrêt Jarvis. L'à-propos d'un document demandé ou d'une réponse demandée peut dépendre de sa pertinence dans le contexte du critère de l'objet prédominant. Plus précisément, la Cour suprême du Canada a proposé une liste non limitative de facteurs pouvant indiquer s'il y a eu franchissement de la ligne qui sépare la vérification coopérative à des fins de calcul de l'impôt et la cristallisation d'une relation de nature contradictoire, c'est-à-dire le moment où l'objet prédominant d'une enquête est d'établir une responsabilité pénale.

[31]            Dans l'affaire Jarvis, la Cour suprême du Canada parle de l'équilibre nécessaire qui est requis entre le principe interdisant l'autoincrimination et la nécessité de faire apparaître toute la preuve afin d'assurer la justice fondamentale, un équilibre qui essentiellement atteste un conflit entre intérêts privés et intérêts publics (voir les pages 795 et 797). Dans l'arrêt Jarvis, tout comme dans la présente affaire, une question de liberté est en jeu, puisqu'il n'y a aucune présomption de confidentialité, car une fois qu'un vérificateur dispose de renseignements ou de documents, ces renseignements ou documents peuvent être communiqués à la Section des enquêtes.

[32]            Le critère de l'objet prédominant n'est pas rempli par un simple soupçon suscité par un contact mineur entre vérificateur et enquêteur : cela ne signifie pas un passage du Rubicon entre la règle de l'article 231 selon laquelle des documents doivent être remis à un vérificateur, et l'existence d'une relation manifeste de nature contradictoire entre le contribuable et le ministre.

[33]            L'arrêt Jarvis nous enseigne qu'il n'y a aucune cristallisation tant qu'un dossier n'a pas été officiellement transmis à la Section des enquêtes, mais, en l'espèce, il y a eu cette transmission, suivie d'un renvoi du dossier à la Section de la vérification, après quoi la Section de la vérification a envoyé la lettre du 27 juillet 2002 à laquelle était annexé le questionnaire très lourd de sens du genre instrument d'enquête, qui soulevait davantage qu'un simple soupçon en ce qui a trait à l'objet prédominant.


[34]            Assurément, si l'on applique le principe de l'arrêt Jarvis, lorsqu'un dossier a été envoyé à la Section des enquêtes, c'est là un facteur qui contribue à définir la relation entre le contribuable et l'ADRC, tout comme la raison du renvoi du dossier de la Section des enquêtes à la Section de la vérification. Ainsi que le faisait observer la Cour suprême du Canada à la page 806, dans l'arrêt Jarvis, on doit se demander si le renvoi du dossier a eu lieu parce que la Section des enquêtes a refusé de participer, au motif qu'il devrait simplement y avoir une vérification, ou parce qu'il existe un autre ordre du jour, celui qui consiste à permettre à la Section de la vérification d'utiliser ses entrées commodes dans les dossiers du contribuable pour obtenir des preuves propres à soutenir plus tard des poursuites et une responsabilité pénale. Parmi les facteurs à examiner pour savoir si l'on est en présence d'un objet prédominant de l'ADRC, il y a les suivants :

a)             Les autorités avaient-elles des motifs raisonnables de porter des accusations? Semble-t-il, au vu du dossier, que l'on aurait pu prendre la décision de procéder à une enquête criminelle?

b)             L'ensemble de la conduite des autorités donnait-elle à croire que celles-ci procédaient à une enquête criminelle?

c)             Le vérificateur avait-il transféré son dossier et ses documents aux enquêteurs?

d)             La conduite du vérificateur donnait-elle à croire qu'il agissait en fait comme un mandataire des enquêteurs?

e)             Semble-t-il que les enquêteurs aient eu l'intention d'utiliser le vérificateur comme leur mandataire pour recueillir des éléments de preuve?

f)             La preuve recherchée est-elle pertinente quant à la responsabilité générale du contribuable ou, au contraire, uniquement quant à sa responsabilité pénale, comme dans le cas de la preuve de la mens rea?

g)             Existe-t-il d'autres circonstances ou facteurs susceptibles d'amener le juge de première instance à conclure que la vérification de la conformité à la loi était en réalité devenue une enquête criminelle?

                                                                                      [Arrêt Jarvis, aux pages 806 et 807]

Cette liste renferme un vaste éventail de facteurs et elle est par ailleurs, comme je l'ai dit, non limitative.


[35]            Si une question ou un document peut être pertinent et utile dans un contre-interrogatoire, eu égard à mon analyse antérieure, et peut raisonnablement contribuer à établir l'objet prédominant de l'enquête du ministre, alors la question appelle une réponse et le document doit être produit. Les questions qui appellent une réponse et les documents devant être produits peuvent, compte tenu de l'arrêt Stella Jones Inc. de la Cour d'appel fédérale, comprendre les questions et documents qui portent sur les relations antérieures entre les demandeurs et le ministre et aussi sur les relations périodiques entre la Section des enquêtes et la Section de la vérification.

[36]            Tout comme il peut n'y avoir aucune ligne claire et précise entre une enquête de l'ADRC et une vérification de l'ADRC, il n'y a en l'espèce aucune preuve claire et précise indiquant si l'objet prédominant est passé d'une intention initiale de vérification à une intention d'enquête et de poursuites pénales, et si cet objet prédominant est revenu à une intention de vérification quand le dossier est ensuite passé de la Section des enquêtes à la Section de la vérification, car il n'y a aucune indication claire que le processus de vérification sera le point final de l'affaire. Je lis le procès-verbal du contre-interrogatoire de Mme Pumple, qui a signé la lettre du 27 août 2002, et il est indiqué dans cette lettre que les demandeurs ne sont pas actuellement l'objet d'une enquête, mais « ... une enquête criminelle concernant l'encouragement d'opérations du genre qui sont réclamées dans votre déclaration de revenus a été entreprise » . La lettre du 27 août 2002 est donc loin de garantir que les demandeurs ne sont pas exposés au risque d'une enquête criminelle très réelle. Par ailleurs, le contre-interrogatoire de Mme Pumple établit qu'elle ne savait pas personnellement et directement que les demandeurs n'étaient pas l'objet d'une enquête criminelle, et qu'elle n'avait adressé aucune demande de renseignements au personnel de la Section des enquêtes qui pouvait avoir une connaissance personnelle ou directe de ce que la Section des enquêtes entendait faire de l'enquête criminelle.

[37]            J'accepte ici divers indices, avancés par l'avocat des demandeurs, selon lesquels ces personnes croyaient raisonnablement qu'elles avaient été, et sans doute étaient encore, l'objet d'une enquête de la part de la Section des enquêtes, et cela pour plusieurs raisons, à savoir :

1.         Les dossiers des demandeurs ont été transmis à la Section des enquêtes en avril 2001.

2.         À partir de cette date jusqu'à janvier 2003 au moins, il y a eu des contacts réguliers entre la Section de la vérification et la Section des enquêtes à propos des années d'imposition 1998 à 2001.

3.         Un employé de la Section de la vérification, M. Kuhn, a travaillé durant quelque temps auprès de la Section des enquêtes, tout en demeurant ou en se déclarant membre de la Section de la vérification.

4.         En mars 2002, la Section des enquêtes demandait à la Section de la vérification de recommencer la collecte d'informations pour l'année d'imposition 1998.

5.         En juillet 2002, la Section des enquêtes demandait à la Section de la vérification de recommencer la collecte d'informations pour les années d'imposition 1999 et 2000 et, à ce stade, la Section de la vérification a envoyé des lettres et des questionnaires, les questionnaires étant un aspect sur lequel je reviendrai bientôt.

6.         Entre juin 2002 et septembre 2002, il y a eu un échange régulier de renseignements et de courriers électroniques entre la Section des enquêtes et la Section de la vérification, à propos de l'approche à adopter pour la reprise des activités de vérification.


Tout cela fait raisonnablement craindre aux demandeurs qu'ils sont peut-être encore l'objet d'une enquête, ou du moins qu'une enquête est sans doute envisagée et que, à toutes fins utiles, il y a eu cristallisation d'une relation de type contradictoire entre les contribuables demandeurs et les fonctionnaires de l'impôt, l'objet prédominant de l'enquête étant la détermination d'une responsabilité pénale, une fois que la Section de la vérification a recueilli des documents auprès des demandeurs, à la faveur de ce qu'il est convenu d'appeler la phase de coopération entre la Section et les contribuables.


[38]            L'avocat des demandeurs a préconisé une lecture attentive du questionnaire envoyé par l'ADRC avec la lettre du 27 août 2002. La lettre elle-même invite les contribuables à produire un ensemble complet et détaillé de documents et de renseignements. Il s'agit en effet d'une lettre qui demande la production de livres et de registres : le questionnaire est manifestement bien davantage qu'une demande de livres et de registres, mais recherche une grande quantité de renseignements, qui manifestement n'étaient pas compris dans la demande générale de production exprimée dans la lettre, et recherche même des renseignements qu'il serait sans doute difficile de justifier sur la seule base d'une vérification. Une lecture attentive du questionnaire peut facilement conduire à la conclusion que le questionnaire n'était pas un document dicté par les besoins de la Section de la vérification, ni rédigé par elle, mais constitue plutôt une demande beaucoup plus inquisitoriale et lourde de sens, qui pourrait bien avoir un rapport avec l'enquête criminelle. Finalement, et cela a un rapport direct avec la communication de réponses et la production de documents bien avant juin 2002, Mme Pumple a reconnu, durant son contre-interrogatoire, que l'examen par l'ADRC de l'année d'imposition 1998 était relié à un examen courant des années d'imposition 1999 à 2001, et que les enquêtes entreprises par l'ADRC concernaient non seulement l'année d'imposition 1998, mais également les années d'imposition 1999 à 2001. Il est d'ailleurs juste d'affirmer que les enquêtes relatives à l'année d'imposition 1998 intéressaient les trois années d'imposition subséquentes, toutes faisant partie d'une seule enquête étalée sur plusieurs années.

Demandes de documents formulées par les demandeurs

[39]            La question 50, dans le procès-verbal du 13 janvier 2003 du contre-interrogatoire de Mme Pumple, parle d'un prétendu dossier principal recherché au moyen de l'assignation à comparaître. Comme je l'ai dit, la demande apparaissant dans l'assignation à comparaître est trop générale. Le résultat pourrait à la fois constituer une enquête à l'aveuglette et faire partie d'une communication intégrale de documents. Cependant, le contre-interrogatoire a alors suivi son cours, avec le marquage d'un document à la question 53, appelé « Répertoire du classeur de Unioncal Trading Joint Venture » , un document préparé par Mme Pumple, qui décrit ce qui est contenu dans le dossier principal. Le défendeur a refusé de produire le dossier principal, même s'il reconnaît que le dossier principal est utile pour ce qui concerne les années d'imposition 1999 et 2000, tout en niant son utilité au regard de la lettre du 27 juillet 2002.

[40]            Ou bien le document est pertinent, ou bien il ne l'est pas : on ne mesure pas la pertinence par une suite de gradations. Le dossier décrit par le répertoire qui a été produit peut fort bien constituer le point de départ du développement de la lettre effective du 27 juillet 2002, information permettant de vérifier l'objet prédominant des mesures prises par le ministre et exécutées par l'ADRC. Par ailleurs, le dossier demandé se trouve semble-t-il dans le classeur de Mme Pumple. Sa production, en tant que liasse utile de documents, est justifiée, car, bien qu'il puisse se trouver en dehors des quatre coins de l'affidavit de Mme Pumple, il indiquerait certainement une ligne de conduite de la part du ministre et pourrait bien présenter un rapport avec le point que les demandeurs soumettent à la Cour, notamment l'objet prédominant des demandes de renseignements de l'ADRC. Le prétendu dossier principal, mentionné dans les questions 50 et suivantes, sera produit.

[41]            La question 58 du procès-verbal du 20 janvier 2003 est le point culminant de la réponse 52, une réponse bredouillée et quelque peu incompréhensible donnée par un témoin chancelant peu sûr de ce qu'elle savait et ne sachant pas si elle devrait dire ce qu'elle sait. La réponse à la question 52 atteste à coup sûr une rencontre entre Mme Pumple et la Section des enquêtes en avril 2001. L'avocat du défendeur dit que le résultat a été une ordonnance de cesser et de s'abstenir adressée à la Section de la vérification par la Section des enquêtes, ordonnance qui a subsisté jusqu'en juin 2002.

[42]            Cependant, la réponse 52 soulève aussi la probabilité qu'un contribuable concerné par l'un des dispositifs pour pertes fiscales se soit présenté avec son avocat à la Section des enquêtes :

Q             Donc la Section des enquêtes vous a demandé de vous présenter. Savez-vous comment elle a été mise au fait de ce projet?

R             J'en ai une certaine idée.

Q             Pourriez-vous nous dire ce qu'il en est?

R             J'espère être autorisé à le dire - enfin, je ne sais pas - autant que je sache, deux choses ont probablement précipité son intervention. Mais la seule chose dont j'ai directement connaissance, c'est qu'une personne qui était impliquée dans l'une des Unioncal Trading Joint Ventures s'est présentée avec son avocat - à la Section des enquêtes. Et donc cette femme était impliquée dans l'une des Unioncal Trading Joint Ventures, et c'était là le lien - oui c'était un lien - je conjecture sur ce que la Section des enquêtes a fait là, et je ne devrais donc sans doute pas dire cela. Mais c'est ce qui l'a poussé à le découvrir, oui c'est cela, Victoria détient certains dossiers Unioncal Trading Joint Ventures, et Penticton également. Je crois que c'était les deux. Puis la Section des enquêtes a dit après avoir considéré ce qu'elle avait en main, je présume - je veux dire que je présume ici toutes sortes de choses. Mais il est logique de présumer qu'elle a examiné les renseignements qui lui ont été communiqués, qu'elle a vu un lien et qu'elle s'est dit : très bien, nous avons eu une rencontre, et elle a dit : consignez ce que vous savez.

La mention des « Unioncal Trading Joint Ventures » est semble-t-il le nom employé par l'ADRC pour désigner les présents dispositifs pour pertes fiscales.

[43]            Il y a le procès-verbal de la réunion d'avril 2001, Mme Pumple en a un exemplaire mais ne l'a pas produit. À ce stade rien n'indique qu'il y avait des motifs de déposer des accusations, mais l'action de transférer les dossiers à la Section des enquêtes constitue l'un des facteurs énumérés par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Jarvis.

[44]            La production de ces documents a d'abord été refusée au motif que Mme Pumple n'était pas tenue de produire quoi que ce soit ou de s'informer de quoi que ce soit. Cependant, d'après la jurisprudence, tel n'est pas le cas (précité, paragraphes 25 à 29), d'autant plus que Mme Pumple a le procès-verbal en sa possession. Eu égard à la jurisprudence que j'ai examinée, notamment à propos de la production de documents se rapportant à des relations antérieures, le procès-verbal devrait être produit.

[45]            La question 67 de la transcription du 20 janvier 2003 concerne un compte rendu de ce que Mme Pumple croyait savoir quand elle a transféré les dossiers de vérification à la Section des enquêtes. Je ne vois pas qu'un genre de note de couverture, manifestement remis par un témoin qui, d'après sa déposition, semble n'avoir aucune idée de ce qui se passait, soit autre chose qu'une enquête à l'aveuglette, car les demandeurs ont établi que les dossiers ont été, à ce stade, transférés de la Section de la vérification à la Section des enquêtes. Par ailleurs, ce qui peut ou non se produire selon le point de vue de Mme Pumple n'a aucune utilité pour l'intention du ministre attestée par ce que la Section des enquêtes a pu décider de faire. Le document de référence, la question 67, n'a pas à être produit.


[46]            Les questions 114, 128 et 136, dans la transcription du 20 janvier 2003, parlent de ce qu'il est convenu d'appeler les notes « feu vert » , c'est-à-dire des notes adressées par la Section des enquêtes à la Section de la vérification, si ma compréhension est exacte, notes invitant la Section de la vérification à effectuer un audit et à délivrer diverses lettres. Certains de ces documents concernent semble-t-il le report prospectif de pertes, mais cette série de questions trouve son point culminant dans la question et la réponse 136, qui établissent que diverses vérifications et divers avis de nouvelle cotisation ont été envoyés à M. Stanfield.

[47]            Ici nous avons une situation expressément considérée par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Jarvis, le retour apparent des dossiers de la Section des enquêtes à la Section de la vérification. Les directives de la Section des enquêtes pourraient théoriquement attester une intention des enquêteurs d'utiliser les vérificateurs comme leurs mandataires dans la collecte des documents. C'est là une possibilité raisonnable, étant donné la demande inquisitoriale et significative de renseignements, demande qui, je l'ai déjà indiqué, pourrait bien avoir un rapport avec l'enquête criminelle. Il s'agit de documents qui devraient être examinés dans l'exercice consistant à savoir quel est l'objet prédominant du ministre. Ce que j'appellerai généralement les directives adressées par la Section des enquêtes à la Section de la vérification, invitant celle-ci à aller de l'avant, directives mentionnées dans les questions 114, 128 et 136, seront produites.

[48]            La question 595 de la transcription du 20 janvier 2003 parle de chronologies préparées par divers vérificateurs des demandeurs, au début de 2001, c'est-à-dire des renseignements, à en juger d'après le commencement jusqu'à la question 595, qui pourraient se rapporter à l'enquête menée par la Section des enquêtes. Ces documents ressemblent à ceux qui sont demandés et que j'ai refusés, dans la question 67. Ils n'ont pas à être produits.

[49]            Dans la question 793 de la transcription du 20 janvier 2003, il est fait état d'une réunion du 16 janvier 2003 et de la production de procès-verbaux et autres documents se rapportant à cette réunion. L'essence de l'opposition à la production est qu'une réunion du 16 janvier 2003 ne peut à l'évidence jeter aucune lumière sur la lettre du 27 août 2002 et que la réunion devait porter sur une prescription extinctive imminente. Le deuxième volet de l'opposition a peut-être quelque validité. Cependant, la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Jarvis, dit qu'il faut considérer tous les facteurs environnants, et il se pourrait que la réunion ait effectivement porté sur des renseignements recueillis par la Section de la vérification, et là encore je me réfère au questionnaire inquisitorial envoyé par la Section de la vérification, en fait un questionnaire qui semblerait vicier ce qui a eu lieu et ce qui a lieu. Les documents de la question 793 seront produits.

Demande de réponses présentée par les demandeurs

[50]            Toutes les questions pour lesquelles les demandeurs sollicitent des réponses découlent de la transcription du 20 janvier 2003.


[51]            Les questions 53 à 55 concernent une réunion organisée avec la Section des enquêtes, à sa demande, en avril 2001. La date de la réunion est en cause. J'ai examiné les conclusions des avocats et relu les passages en cause ainsi que les questions y conduisant. Je ne vois ni pertinence formelle, ni pertinence juridique, selon l'examen qu'en faisait le juge Hugessen dans l'affaire Merck Frosst Canada, précitée. La date effective de la réunion d'avril 2001 est sans importance et n'a pas à être donnée.

[52]            La question 69 parle de divers aspects de la réunion d'avril 2001. D'après les questions et réponses conduisant à cette question, celle de savoir si quelqu'un du siège a participé à la réunion, il est manifeste que l'avocat des demandeurs s'est senti contrarié par l'apparent manque de connaissance de Mme Pumple et par son ignorance avouée de ce qu'était son travail, et qu'il a donc finalement demandé si quelqu'un du siège y était présent, quelqu'un qui peut-être pouvait donner une idée plus précise de ce en quoi consistait la réunion. D'où la demande portant sur le nom de quelqu'un qui était présent à la réunion et qui savait sans doute ce qui s'y était passé.

[53]            Il n'y a certainement jamais eu aucun droit de propriété sur des témoins, et c'est là la teneur des propos du juge Berger sur la désignation de témoins dans l'affaire Ansley c. Ansley [1973] 5 W.W.R. 181. Les aspects historiques de cette décision sont intéressants parce qu'elle est antérieure à la codification du point dans les Règles de pratique de la Colombie-Britannique. Il existe une codification semblable dans l'article 240 des Règles de la Cour fédérale, une disposition qui requiert la communication des noms et adresses de témoins durant un interrogatoire préalable. Mais évidemment l'article 240 ne s'applique qu'à l'interrogatoire préalable dans une action, non à un contre-interrogatoire sur affidavit.

[54]            Un peu plus intéressante est la décision rendue par le juge Rothstein (son titre à l'époque) dans l'affaire Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (1994) 75 F.T.R. 97, à la page 99, où il adopte l'idée selon laquelle le contre-interrogatoire sur un affidavit doit être pertinent et équitable, et selon laquelle « il faut une intention sincère de voir la question porter sur l'objet du litige ou sur la crédibilité du témoin » (page 99). Il se peut fort bien que l'avocat des demandeurs tente ici de mettre à l'épreuve la crédibilité du témoin qui, durant sa présence, semble n'avoir aucune idée de ce qui s'est produit lors de la réunion d'avril 2001. Au contraire, l'avocat du défendeur dit qu'il s'agit là d'une enquête à l'aveuglette. Cependant, la question va au-delà de ces considérations. L'avocat des demandeurs tente simplement de savoir ce qui s'est produit au cours d'une réunion dont le témoin n'a qu'un vague souvenir. Il ressort clairement des propos de l'avocat, dans la question 69, que le témoin est soumis à une évaluation, le témoin ayant dit qu'elle avait fait les enquêtes requises, mais une lecture de la transcription montre qu'il est de moins en moins probable que c'est ce qu'elle avait fait. Dans des questions subséquentes, le témoin précise qui était présent à la réunion. Cependant, la question simple, véritable et pertinente est celle de savoir si quelqu'un du siège s'y trouvait, et cette question appelle une réponse.


[55]            Les questions 147 et 148 posent la question de savoir quand le témoin a cru que les vérifications de 1999 avaient débuté. L'avocat des demandeurs a la meilleure réponse : il va obtenir du témoin la date à laquelle elle croit que la vérification a débuté, aux questions 163 et 164. Le témoin y confirme que la vérification suivait son cours durant l'année 2000. Il n'est pas nécessaire de répondre davantage aux questions.

[56]            À la question 181, le point est celui de savoir si le ministère avait décidé de délivrer de nouvelles cotisations pour les années d'imposition 1999 et 2000. L'avocat a une réponse à cela, dans la question 182, une réponse négative.

[57]            Aux questions 187 et 188, le point est celui de savoir si, avec la prescription extinctive imminente, au vu du contexte que j'imagine pour l'année d'imposition 1999, l'obtention de renonciations des contribuables a été envisagée. Ici je mets en doute la pertinence de l'enquête. Cependant, le témoin croit savoir qu'aucune renonciation n'a été demandée. La réponse a donc déjà été donnée.

[58]            À la question 199, le point est celui de savoir si le ministère du Revenu a songé à percevoir des pénalités pour l'année 1999. Là encore, dans la question 201, il a été répondu par la négative.


[59]            La question 207 est pure conjecture, le point étant celui de savoir s'il y avait une raison quelconque pour laquelle des pénalités ne seraient pas perçues pour l'année 1999. La réponse du témoin est qu'aucune décision n'a été prise. Je ne vois pas l'utilité d'explorer quelque chose qui n'est pas arrivé et qui ne semble pas directement rattaché à l'intention prédominante, ni à aucun autre aspect de la présente procédure. La question n'appelle pas de réponse.

[60]            La question 239 demande la date à laquelle M. Kuhn, de la Section de la vérification, est passé à la Section des enquêtes spéciales. Il s'agit ici du détachement de M. Kuhn auprès de la Section des enquêtes. L'avocat de la Couronne accepte, dans la transcription, de fournir la date du détachement, ou du moins une date aussi exacte que possible. Une réponse à la question est donc sur le point d'être donnée.

[61]            À la question 540, il s'agit des noms de 60 ou 70 demandeurs dans les dossiers desquels M. Kuhn est peut-être intervenu. Il n'y a ici aucune pertinence à moins que les contribuables concernés dans les dossiers en questions ne soient également des demandeurs dans la présente instance. L'avocat de la Couronne accepte ensuite de fournir cette information, dans la mesure où le témoin de la Couronne est tenu de s'informer. Tout cela présente un rapport avec la conduite générale de l'ADRC et avec la question de savoir si cette conduite s'accordait avec une enquête criminelle, et la question de savoir si un vérificateur agissait comme mandataire de la Section des enquêtes, et tout cela intéresse une conclusion sur la question de savoir si la vérification de conformité est en réalité devenue une enquête criminelle. La question appelle une réponse.


[62]            À la question 792, l'avocat demande si, lors de la réunion du 16 janvier 2003, il a été question de la transmission de renseignements de la Section de la vérification à la Section des enquêtes, la réponse étant que tout ce qui est arrivé en janvier 2003 est hors de propos. Cependant, si par exemple ce sujet avait été soulevé, il serait certainement pertinent à l'intérieur du cadre fixé par la Cour suprême dans l'arrêt Jarvis. L'avocat du défendeur dit qu'il s'agit là d'une enquête à l'aveuglette. Cependant, c'est clairement un élément qui entrerait dans les paramètres de l'arrêt Jarvis et qui est nécessaire si l'on veut connaître l'objet prédominant de l'enquête. La question appelle une réponse.

[63]            À la question 793, le point est celui de savoir si le sujet du contre-interrogatoire de Mme Pumple a été discuté au cours de la réunion du 16 janvier 2003. L'avocat de la Couronne fait valoir qu'il n'a pas préparé ou discuté le contre-interrogatoire avec Mme Pumple, et j'accepte son propos. Je ne vois pas la pertinence d'une discussion du témoin, avec d'autres membres de son service, sur ce qui se déroule dans la procédure judiciaire. Il n'y a aucune pertinence. La question n'appelle aucune réponse.

[64]            À la question 862, le point est celui de savoir si Mme Pumple a eu, en tant que membre d'un groupe d'employés de l'ADRC s'occupant des dossiers des demandeurs, une quelconque communication à propos d'une voie différente qui aurait pu être suivie, par opposition à celle indiquée dans la pièce n ° 4, c'est-à-dire un document préparé par un certain M. Makeno. Je ne vois aucune pertinence formelle ou juridique. D'autant plus que la question concerne une décision à propos de pénalités qui n'a pas été prise. La question n'appelle aucune réponse.

[65]            Le point de la question 1142 est celui de savoir si les noms des demandeurs, qui tous font l'objet d'un audit pour les années d'imposition 1999 et 2000, ont été communiqués à la Section de la vérification par l'entremise de la Section des enquêtes : l'avocat s'oppose à la question, qu'il juge hors de propos. Cependant, il a une réponse aux questions 1142 à 1145, réponse selon laquelle la Section des enquêtes, ou, comme elle est appelée dans la présente instance, « la Section des enquêtes spéciales » , n'a fourni aucun des noms des demandeurs à la Section de la vérification, pour audit. Il n'est pas nécessaire de répondre davantage à la question 1142.

CONCLUSION

[66]            Le succès est partagé. Cependant, il est nécessaire ici que Mme Pumple comparaisse de nouveau pour contre-interrogatoire additionnel, en s'informant selon que de besoin, car comme je l'ai fait remarquer un témoin ne peut pas se dissimuler derrière un affidavit trop habilement rédigé, ni être un témoin régulier, c'est-à-dire un témoin mandataire d'une grande entité, sans faire des enquêtes raisonnables afin de s'informer. Mme Pumple répondra donc aux questions selon ce qu'indiquent les présents motifs, ainsi qu'à toutes les questions régulières découlant de ces réponses et des documents produits.


[67]            Dans un contre-interrogatoire complexe portant sur un affidavit, tout comme dans le cas d'un interrogatoire préalable complexe, une nouvelle comparution est souvent requise, presque automatiquement. Cela ne devrait pas nécessairement être assimilé à la situation faisant intervenir un témoin contraire, qui souvent doit comparaître de nouveau à ses propres frais, encore que le fait d'être un témoin non informé puisse ressembler à cette situation. Eu égard à l'ensemble des circonstances, les frais de nouvelle comparution constitueront des dépens qui suivront l'issue de la cause.

[68]            Le succès étant partagé, les dépens de cette requête suivront eux aussi l'issue de la cause.

[69]            Le délai de production du dossier des demandeurs expirera 20 jours après qu'aura eu lieu le contre-interrogatoire additionnel.

          « John A. Hargrave »          

     Protonotaire

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                COUR FÉDÉRALE

                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                  T-1554-02

INTITULÉ :                 HUGH STANFIELD ET AUTRES c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L'AUDIENCE :                              VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 3 FÉVRIER 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE:               LE PROTONOTAIRE HARGRAVE

DATE DES MOTIFS :                                   LE 20 AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

Edwin G. Croft et Elizabeth Junkin                                 POUR LES DEMANDEURS

Robert H. Carvalho                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tétrault LLP                                     POUR LES DEMANDEURS

Vancouver (C.-B.)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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