Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


Date: 19991027


Dossier: T-954-99

MONTRÉAL (QUÉBEC), CE 27e JOUR D'OCTOBRE 1999

Présent:      ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

Entre:

     HERMES NUMISMATIQUE ET ARTS ANCIENS, INC.

     Demanderesse

     ET

     MINISTRE DU REVENU NATIONAL

     (DOUANES ET ACCISE)

     Défendeur

     ORDONNANCE

     Cette requête en radiation de la déclaration d'action de la demanderesse est accueillie avec dépens, sous réserve, il s'entend, du droit de la demanderesse d'entreprendre contre la couronne une action en dommages pour toute diffamation dont les préposés de la couronne pourraient être les auteurs. Vu le résultat présent, la défenderesse n'aura pas à donner suite aux ordonnances de cette Cour en date du 21 juin et du 19 juillet 1999.

Richard Morneau

     protonotaire

     Date: 19991027

     Dossier: T-954-99

Entre:

     HERMES NUMISMATIQUE ET ARTS ANCIENS, INC.

     Demanderesse

     ET

     MINISTRE DU REVENU NATIONAL

     (DOUANES ET ACCISE)

     Défendeur

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE:

Introduction

[1]      Il s'agit en l'espèce d'une requête du défendeur en radiation de la déclaration d'action de la demanderesse (la déclaration) en vertu de l'alinéa 221(1)a) des Règles de la Cour fédérale (1998) (les règles) au motif que cette Cour n'a pas juridiction pour entendre ladite action en raison du fait que la déclaration ne respecte pas la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985, ch. 1 (2e supplément), telle qu'amendée (la Loi) et, spécialement, les articles 123 à 135 de celle-ci qui prévoient un code complet quant à toute possibilité d'intervention à l'égard de la légalité d'une saisie-confiscation effectuée en vertu de la Loi.

Les faits pertinents

[2]      Tel qu'il appert de la déclaration, la demanderesse a importé en 1990 au Canada une série de mosaïques. En juillet 1998, le défendeur a procédé à la saisie de ces mosaïques. À ce moment la demanderesse fut avisée de cette saisie conformément à la Loi. Toutefois, en raison d'une erreur d'appréciation des procureurs de l'époque de la demanderesse, cette dernière n'a pas, tel que requis par l'article 129 de la Loi, transmis au défendeur l'avis écrit propre à enclencher auprès du ministre responsable le processus de révision prévu à la Loi.

Analyse

[3]      Les extraits pertinents de la Loi se lisent comme suit:

                      110.(1) L'agent peut, s'il croit, pour des motifs raisonnables, à une infraction à la présente loi ou à ses règlements du fait de marchandises, saisir à titre de confiscation:                 
                      a) les marchandises;                 
                 (...)                 
                      113. Il ne peut être procédé aux saisies prévues par la présente loi ni à l'envoi des avis prévus à l'article 124 plus de six ans après l'infraction ou l'utilisation passible de saisie ou susceptible de donner lieu à l'envoi.                 
                 (...)                 
                      122. Sous réserve des révisions, réexamens, appels et recours prévus par la présente loi, les marchandises ou moyens de transport saisis à titre de confiscation dans le délai fixé à l'article 113 sont confisqués:                 
                 (...)                 
                      123. La confiscation des marchandises ou des moyens de transport saisis en vertu de la présente loi, ou celle des montants ou garanties qui en tiennent lieu, est définitive et n'est susceptible de révision, de restriction, d'interdiction, d'annulation, de rejet ou de toute autre forme d'intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues à l'article 129.                 
                      129.(1) Les personnes suivantes peuvent, dans les trente jours suivant la saisie ou la signification, en s'adressant par écrit à l'agent qui a saisi les biens ou a signifié ou fait signifier l'avis, ou à un agent du bureau de douane le plus proche du lieu de la saisie ou de la signification, présenter une demande en vue de faire rendre au ministre la décision prévue à l'article 131:                 
                 (...)                 
                      (2) Il incombe à la personne qui prétend avoir présenté la demande visée au paragraphe (1) de prouver qu'elle l'a présentée.                 
                      132.(1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi ou de toute autre loi fédérale:                 
                      a) le ministre, s'il décide, en vertu des alinéas 131(1)a) ou b), que les motifs d'infraction ou, en vertu de l'alinéa 131(1)b), que les motifs d'utilisation des moyens de transports visés à cet alinéa n'ont pas été valablement retenus, autorise sans délai la levée de garde des marchandises ou moyens de transport en cause, ou la restitution des montants ou garanties qui en tenaient lieu;                 
                 (...)                 
                      135.(1) Toute personne qui a demandé que soit rendue une décision en vertu de l'article 131 peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la communication de cette décision, en appeler par voie d'action devant la Section de première instance de la Cour fédérale, à titre de demandeur, le ministre étant le défendeur.                 
                 (mes soulignés)                 

[4]      Dans sa déclaration, la demanderesse réclame les remèdes suivants:

                 (a)      A declaration from this Court that the Defendant acted contrary to section 113 of the Customs Act, R.S.C. 1985, c. C.1 (2nd Supp.), as amended;                 
                 (b)      A declaration from this Court that the customs seizure executed by the Defendant against the Plaintiff is a nullity as it was beyond the prescription contained at said section 113 of the Customs Act;                 
                 (c)      An order for delivery of the Plaintiff's goods;                 
                 (d)      General damages in the amount of One Million Dollars ($1,000,000) arising from the seizure of the Plaintiff's goods and defamation directed toward the Plaintiff by the Defendant;                 
                 (e)      Punitive damages in the amount of One Hundred Thousand Dollars ($100,000.00);                 
                 (f)      Special damages in an amount to be determined at a reasonable time before trial;                 
                 (g)      Pre-judgment and post-judgment interest on the above amounts pursuant to the Federal Court Act and the Federal Court Rules;                 
                 (h)      The Plaintiff's costs of this action, on a solicitor and client scale; and                 
                 (i)      Such further and other relief as this Honorable Court may deem just.                 

[5]      Il est évident que la demanderesse doit obtenir les déclarations d'illégalité qu'elle recherche en (a) et (b) avant de pouvoir prétendre aux autres remèdes qu'elle recherche. Partant, son action vise en premier lieu une reconnaissance de l'illégalité de la saisie en raison du fait que celle-ci aurait été effectuée, contrairement aux dispositions de l'article 113 de la Loi, plus de six ans après l'infraction.

[6]      Suivant la demanderesse, l'examen de la légalité de la saisie au terme de l'article 113 de la Loi ne constitue pas le type de situations qu'envisage la Loi dans son processus de révision et d'appel éventuel à la Cour fédérale. Suivant la demanderesse, ce processus est en place pour permettre uniquement à une personne de contester l'illégalité de ses propres gestes, à savoir qu'elle n'aurait pas contrevenu à la Loi. Ce même processus ne serait pas en place pour permettre à une personne d'attaquer la saisie en raison d'un manquement légal commis par le défendeur, à savoir ici le non-respect de la prescription de l'article 113 de la Loi.

[7]      Je ne puis suivre la demanderesse dans cette approche de la Loi. Il m'apparaît clair et évident que la Loi envisage un seul mode de contestation ou de révision de toute saisie-confiscation, soit l'avis au ministre dans les trente (30) jours de l'infraction, et ce, qu'une personne recherche une déclaration de non-contravention à la Loi ou qu'elle reproche au défendeur d'avoir agi dans l'illégalité.

[8]      Je pense qu'une telle conclusion s'accorde avec le but et le libellé de la clause privative que l'on retrouve à l'article 123 de la Loi. Cet article, pas plus que les autres articles se retrouvant à ce qui est permis de qualifier de code, ne crée de distinction à l'égard des motifs pouvant entraîner une révision d'une saisie-confiscation. Conclure autrement serait permettre la création de deux régimes d'attaques à l'égard de la validité d'une saisie.

[9]      Cette conclusion rejoint les propos qu'a tenus cette Cour dans l'affaire Smith v. Canada, [1992] F.C.J. No 1062. Dans cet arrêt, pour les fins d'une demande de prorogation de délai pour entreprendre une demande de contrôle judiciaire à l'égard de certains gestes posés par la couronne en vertu de la Loi, la Cour a eu à se pencher sur le caractère défendable de la demande que M. Smith voulait loger auprès de la Cour. Il est acquis pour les fins de notre étude de cet arrêt que les reproches formulés par M. Smith auraient pu faire l'objet d'une demande de révision en vertu du code sous la Loi. De plus, l'article 127 de la Loi dont il est question dans les extraits suivants est dans son essence identique à l'article 123 de la Loi précitée. Voici ci-dessous les conclusions de la Cour (en page 4) sur le mérite de la demande entreprise par M. Smith:

                 I have set out these procedures because I am required to consider whether or not the applicant has a fairly arguable case in respect of his extension of time application relative to the notices of ascertained forfeiture.                 
                      The provisions I have set out constitute a statutory scheme providing for a process of appeal from an ascertained forfeiture. To the extent such provisions exist, judicial review is not available by virtue of section 18.5 of the Federal Court Act which states:                 
                          18.5 Notwithstanding Sections 18 and 18.1, the provisions expressly made by an Act of Parliament for an appeal, as such, to the Court, the Supreme Court of Canada, to the Court Martial Appeal Court, to the Tax Court of Canada, to an order in council, or to the Treasury Board from a decision or order of the Federal Board Commission or Tribunal made by or in the course of proceedings before that Board Commission or Tribunal, that decision or order is not to the extent that it may be so appealed subject to review or to be restrained, prohibited, removed, set aside, or otherwise dealt with except in accordance with that Act.                         
                 In my view, section 18.5 precludes judicial review, where, as in this case, a statutory scheme of appeal otherwise exists.                 
                      Even if section 18.5 of the Federal Court Act did not preclude judicial review in this case, section 127 of the Customs Act must be considered. As I indicated previously, it is a form of privative clause which circumscribes the extent to which a Court may interfere with the result of a demand under section 124. National Corn Growers Association v. Canada, [1990] 2 S.C.R. 1324, stands for the proposition that in such circumstances, a review by the Court is restricted to a consideration of jurisdictional error or patent unreasonableness in the decision of the Tribunal.                 
                      Counsel for Mr. Smith argued that it was patently unreasonable for a Government official to be able to simply declare a person indebted to the Crown. In the absence of anything else, I would be sympathetic to this argument. However, the Act sets forth a procedure for appealing the decision of the official to the Minister and then to the Federal Court. If this process is followed, anything arbitrary or inappropriate can be caught at the Minister's stage, and if not there, by the Federal Court.                 
                      Under the circumstances, I am of the opinion that no fairly arguable case has been made out that judicial review lies to the Court directly from a notice under section 124 of the Customs Act. An aggrieved person must first ask for a decision of the Minister within thirty (30) days of the service of the notice of ascertained forfeiture. That did not occur here.                 
                 (mes soulignés)                 

[10]      L'exclusivité du code contenu à la Loi a également été reconnu par cette Cour dans l'arrêt Hussain v. Canada, [1999] F.C.J. No 350. Même s'ils sont de la nature d'un obiter, les propos suivants (page 3) sont tout de même ici d'une pertinence certaine:

                 9      The statutory provisions would seem to make it equally clear that, apart from the rights of appeal to the Minister and from the Minister to this Court, the forfeiture of seized goods is final and its legality is not otherwise reviewable in any legal proceedings.                 
                 10      In addition, counsel for the Minister referred me to decisions of the Court in which it has been held that the statutory rights of appeal under these provisions of the Customs Act are exclusive, and that the Court has no jurisdiction to entertain other proceedings, regardless of any procedural deficiencies that there may have been in the search and seizure.                 
                 (mon souligné)                 
                                 

[11]      L'arrêt Rollinson c. Canada, [1991] 3 C.F. 70, ne peut changer notre conclusion ici puisqu'il traite d'une situation impliquant la Charte alors que la Loi avait un autre libellé. Ces facteurs ne sont pas présents en l'espèce.

[12]      Vu ma conclusion quant à l'exclusivité du code à la Loi et à la nécessité en les présentes d'y recourir en premier, je n'ai pas à traiter des paramètres d'application de l'alinéa 106(2)b) à la Loi.

[13]      En conséquence, cette requête en radiation de la déclaration d'action de la demanderesse sera accueillie avec dépens, sous réserve, il s'entend, du droit de la demanderesse d'entreprendre contre la couronne une action en dommages pour toute diffamation dont les préposés de la couronne pourraient être les auteurs. Vu le résultat présent, la défenderesse n'aura pas à donner suite aux ordonnances de cette Cour en date du 21 juin et du 19 juillet 1999.

Richard Morneau

     protonotaire

MONTRÉAL (QUÉBEC)

le 27 octobre 1999

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU DOSSIER DE LA COUR:

INTITULÉ DE LA CAUSE:

T-954-99

HERMES NUMISMATIQUE ET ARTS

ANCIENS, INC.

     Demanderesse

ET

MINISTRE DU REVENU NATIONAL (DOUANES ET ACCISE)

     Défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE:Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE:le 21 octobre 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

DATE DES MOTIFS DE L'ORDONNANCE:le 27 octobre 1999

COMPARUTIONS:


Me Jesse I. Goldman

pour la demanderesse


Me Jacques Mimar

pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:


Gottlieb & Pearson

Me Jesse I. Goldman

Montréal (Québec)

pour la demanderesse


Me Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

pour le défendeur


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.