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Date : 20040126

Dossier : T-791-02

Référence : 2004 CF 85

Ottawa (Ontario), le 22 janvier 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

ENTRE :

                                       NUNAVUT TUNNGAVIK INCORPORATED

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT


[1]                Nunavut Tunngavik Incorporated a été constituée en 1993 pour surveiller la mise en oeuvre de l'Accord entre les Inuit de la région du Nunavut et Sa Majesté la reine du chef du Canada. Entre autres choses, l'Accord établit plusieurs organismes décisionnels ayant un rôle à jouer dans l'administration du Nunavut. L'un d'eux, le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut (le CGRFN), est chargé de gérer les ressources fauniques du territoire. La demanderesse soutient que les membres du CGRFN sont sous-payés, en contravention de l'Accord, qui prévoit qu'ils doivent recevoir « une rémunération juste et raisonnable » . Plus précisément, elle affirme que le refus du Bureau du Conseil privé (le BCP) de reclassifier le CGRFN, reclassification qui aurait entraîné une augmentation du tarif quotidien de ses membres, équivaut à une violation de l'Accord. Dans sa demande de contrôle judiciaire, la demanderesse voudrait que j'ordonne au BCP de revoir la question.

I. Points en litige

[2]                Il y a trois points à décider :

1. La position du BCP est-elle sujette à contrôle judiciaire?

2. Dans l'affirmative, quelle est la norme de contrôle à appliquer?

3. L'intervention de la Cour est-elle justifiée?

[3]                Avant d'analyser ces aspects, il convient de rappeler certains faits.

II. Les faits

[4]                La rémunération que reçoivent les membres du CGRFN résulte de cinq types d'instruments : une loi, un accord de mise en oeuvre, un contrat, des décrets et un ensemble de lignes directrices.

[5]                La Loi concernant l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, L.C. 1993, ch. 29, art. 12 (les textes pertinents figurent dans une annexe), dit que la rémunération des membres du CGRFN est fixée par le gouverneur en conseil. L'Accord lui-même, susmentionné, prévoit que les membres du CGRFN devraient recevoir pour leur travail une « rémunération juste et raisonnable » (article 5.2.20). Les parties à l'Accord se sont entendues en 1993 pour que les membres du CGRFN soient payés 200 $ par jour, et le président 275 $ par jour. Ces tarifs ont été confirmés par des décrets en 1993 et 1994 respectivement. Les lignes directrices qu'applique le BCP pour les offices fédéraux ne mentionnaient pas expressément le CGRFN jusqu'à leur révision en 2000. Le CGRFN fut alors inscrit comme organisme de la catégorie IV, et ses membres ont vu leur rémunération passer à 225 $ par jour. Celle du président passait à 325 $ par jour. Un décret a confirmé ces tarifs en 2001.


[6]                En février 2002, le président du CGRFN, M. Ben Kovic, demandait au BCP de revoir selon les lignes directrices la classification du CGRFN. Il voulait que le CGRFN soit élevé au niveau d'un organisme de catégorie II. Le BCP a accepté d'examiner la question. Il a consulté le ministère des Affaires indiennes et du Nord, lequel nomme et administre d'autres offices et organismes nordiques. Finalement, le personnel du BCP est arrivé à la conclusion que le CGRFN devait demeurer un organisme de catégorie IV. Le greffier adjoint du Conseil privé, M. Ronald Bilodeau, a souscrit à cette conclusion. Le BCP n'a donc pris aucune mesure pour modifier les taux existants de rémunération. En avril 2002, M. Kovic en fut informé. La lettre de refus du BCP précisait que, « eu égard aux critères d'évaluation, et par rapport à d'autres postes de direction au sein des offices fédéraux, le [CGRFN] est adéquatement classifié comme office de catégorie IV » .

III. Analyse

(1) La position du BCP est-elle sujette à contrôle judiciaire?

[7]                La demanderesse affirme que le refus du BCP de reclassifier le CGRFN est une « décision » qui est sujette à contrôle judiciaire.

[8]                La Cour a compétence pour revoir « toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l'office fédéral » agissant selon les pouvoirs prévus par une loi fédérale : Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, art. 2, 18.1(3)b). Ce rôle va au-delà des décisions au sens strict. Il comprend l'examen d' « une grande diversité d'actions administratives qui ne sont pas pour autant des "décisions ou ordonnances", par exemple les règlements, rapports ou recommandations relevant de pouvoirs légaux, les énoncés de politique, lignes directrices et guides, ou l'une quelconque des formes multiples que peut prendre l'action administrative dans la prestation d'un programme public par un organisme public » : Markevich c. Canada, [1999] 3 C.F. 28 (QL) (1re inst.), au paragraphe 11, infirmé sur d'autres moyens, [2001] A.C.F. n ° 696, infirmé sur d'autres moyens, [2003] A.C.S. n ° 8.

[9]                L'action administrative que l'on veut faire réformer doit cependant découler d'un pouvoir prévu par la loi. Il n'est pas nécessaire que le décideur exerce un pouvoir officiel particulier, mais il doit au minimum avoir selon la loi des pouvoirs susceptibles de modifier les droits et intérêts d'autrui : Markevich, au paragraphe 12. Si l'on suppose que le refus du BCP de reclassifier le CGRFN modifiait les droits et intérêts des membres du conseil, sa conduite était-elle rattachée à un pouvoir officiel?

[10]            À mon avis, la réponse est négative.

[11]            Le seul organe ayant un pouvoir officiel en ce qui a trait à la rémunération des membres du CGRFN est le gouverneur en conseil agissant en vertu de l'article 12 de la Loi concernant l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Pour sa part, le BCP a développé des lignes directrices générales sur la rémunération, il a examiné la question de la classification du CGRFN et finalement il a conclu que sa classification était juste. Il a en fait décidé qu'il ne proposerait pas au gouverneur en conseil de modifier la rémunération des membres du CGRFN. Mais, à mon avis, ce n'était pas là une décision sujette à contrôle judiciaire, et cela parce qu'elle n'a pas été prise dans l'exercice d'un pouvoir conféré par la loi.


[12]            En revanche, le gouverneur en conseil avait modifié en 2001 les taux de rémunération des membres du CGRFN, et sa décision était dûment reflétée dans un décret. Cette décision avait été prise en vertu d'une disposition législative expresse et elle était manifestement susceptible de contrôle judiciaire. Cependant, le CGRFN a choisi l'autre voie, en demandant au BCP d'appuyer une modification des rémunérations versées à ses membres. Le BCP a étudié cette demande et a décidé de ne pas conseiller au gouverneur en conseil, l'organe investi par la loi du pouvoir en la matière, d'apporter un quelconque changement. À mon avis, cette décision du BCP n'est pas sujette à contrôle judiciaire.

[13]            Je me rends compte qu'en pratique il pourrait être difficile de faire que le gouverneur en conseil élève les taux de rémunération des membres du CGRFN sans l'appui du BCP. Mais ce seul constat n'autorise cependant pas le contrôle judiciaire de la conduite du BCP.

(2) Dans l'affirmative, quelle est la norme de contrôle à appliquer?

[14]            Au sens strict, il est inutile d'examiner cette question, ni la suivante, compte tenu de ma réponse à la première. Cependant, pour le cas où je ferais fausse route en affirmant qu'un contrôle judiciaire est impossible, je présumerai que la position du BCP est sujette à contrôle et j'aborderai les trois autres points, ne fût-ce que brièvement.


[15]            La demanderesse dit que le BCP doit exercer son pouvoir discrétionnaire en conformité avec les droits des peuples autochtones tels qu'ils sont reconnus dans l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Elle soutient aussi que le non-respect des valeurs constitutionnelles par le BCP est sujet à révision selon la norme de la décision correcte. Par conséquent, puisque l'Accord donne forme à des droits autochtones reconnus par la Constitution, le refus du BCP de reclassifier le CGRFN devrait être infirmé parce qu'il équivaut à une violation d'une condition expresse de l'Accord : l'obligation de verser aux membres du CGRFN une rémunération juste et raisonnable.

[16]            Certes, le BCP a l'obligation de respecter la Constitution. S'il nie les droits garantis par la Constitution, la Cour a le devoir d'intervenir et d'accorder réparation à la demanderesse. Je reconnais aussi que la norme de la décision correcte est la norme qu'il faut appliquer aux décisions portant sur des droits garantis par la Constitution : Lalonde c. Ontario (Commission de restructuration des services de santé), [2001] O.J. No. 4767 (QL) (C.A.). En d'autres termes, si je devais conclure que la conduite du BCP a été contraire à la Constitution, il me faudrait infirmer sa décision et lui ordonner de revoir la question. La même norme s'applique aux erreurs de droit, y compris aux manquements à la justice naturelle, commis par le BCP. J'examinerai plus loin si le BCP a ignoré des droits fondamentaux ou commis des erreurs de droit.


[17]            En revanche, s'agissant du cas où un décideur applique des faits à une norme juridique, les juges n'interviennent en général que si la conclusion du décideur était déraisonnable : Dr. Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, 2003 ACS 19, [2003] A.C.S. n ° 18 (QL) (ACS), aux paragraphes 34-39. Ce serait le cas ici pour la question de savoir si la rémunération des membres du CGRFN était « juste et raisonnable » . Si le BCP avait décidé que les membres du CGRFN recevaient une rémunération « juste et raisonnable » , je jugerais sa décision selon la norme de la décision raisonnable. Cependant, le BCP semble n'avoir jamais décidé de la sorte et, à ce titre, il n'y a pas de décision à réformer. Je dois plutôt me demander si, en n'appliquant pas le critère prévu dans l'Accord, le BCP a commis une erreur de droit réformable selon la norme de la décision correcte.

[18]            Les tribunaux montrent en général encore plus de retenue envers les conclusions de fait d'un décideur : voir l'arrêt Dr. Q. Les conclusions de fait sur lesquelles le BCP s'est fondé pour rendre sa décision ne peuvent être modifiées à la légère. Je ne puis intervenir que si ses conclusions de fait sont manifestement déraisonnables. J'examinerai plus loin le fondement sur lequel le BCP a finalement décidé de ne pas recommander la reclassification du CGRFN.

(3) L'intervention de la Cour est-elle justifiée?

[19]            La demanderesse invoque trois moyens qui selon elle m'autoriseraient à dire que le refus du BCP de reclassifier le CGRFN devrait être annulé.

a)          Le BCP a-t-il commis une erreur parce qu'il ne s'est pas demandé si les membres du CGRFN recevaient une rémunération juste et raisonnable?


[20]            Selon la demanderesse, le BCP avait le devoir d'examiner cet aspect parce qu'il doit respecter la Constitution, et en particulier les droits ancestraux. À mon sens, la question de la rémunération juste et raisonnable des membres de l'un des organes de surveillance prévus par l'Accord est assez éloignée des droits fondamentaux des peuples autochtones. La présente affaire se distingue donc des circonstances de l'affaire Lalonde. Dans l'arrêt Lalonde, la Cour d'appel de l'Ontario a jugé que l'abandon de la prestation des services de santé en français contrevenait au principe de la protection des minorités - un principe fondamental non écrit de la Constitution. Il y avait un lien direct entre la conduite reprochée et le principe constitutionnel invoqué.

[21]            La logique de l'argument de la demanderesse est moins évidente. La demanderesse soutient que :

·            les droits ancestraux sont protégés par l'article 35 de la Constitution;

·            l'Accord constitue une reconnaissance de tels droits;

·            l'Accord prévoit pour les membres du CGRFN une rémunération juste et raisonnable;

·            le refus du BCP de reclassifier le CGRFN afin que ses membres reçoivent des rémunérations quotidiennes plus élevées constitue une violation de l'Accord;

·            toute violation de l'Accord est une violation de la Constitution.


[22]            Le lien entre la conduite reprochée (la non-reclassification du CGRFN) et la présumée violation de la Constitution (négation de droits ancestraux) est mince. Il ne m'apparaît pas évident que toutes les parties de l'Accord aient nécessairement un statut constitutionnel. Et je ne vois rien qui atteste une violation effective de l'Accord. L'Accord prévoit que les membres du CGRFN doivent recevoir une rémunération juste et raisonnable. Les prix de journée actuels sont certainement modestes, mais sont-ils injustes ou déraisonnables? Je ne dispose d'aucun élément qui me permettrait de répondre à cette question. Par conséquent, il m'est impossible de voir là une quelconque violation de la Constitution. Je ne puis trouver non plus aucune erreur de droit qu'aurait commise le BCP parce qu'il ne s'est pas demandé si la rémunération des membres du CGRFN était juste et raisonnable. C'est au gouverneur en conseil, non au BCP, qu'il appartenait de verser aux membres du CGRFN une rémunération juste et raisonnable.

b)          Le BCP a-t-il manqué aux principes de justice naturelle?


[23]            Selon la demanderesse, le BCP a manqué aux règles de la justice naturelle parce qu'il a tenu compte de facteurs autres que ceux sur lesquels il avait invité le CGRFN à s'exprimer. En mai 2001, le BCP avait expressément demandé au CGRFN de présenter des conclusions sur la rémunération de ses membres, conformément aux lignes directrices du BCP. Le CGRFN ne l'a pas fait. Cependant, le BCP a finalement résolu de ne pas reclassifier le CGRFN, en se fondant, du moins en partie, sur d'autres facteurs, notamment ce qu'il a appelé le principe de la « relativité interne » . La « relativité interne » signifie simplement que le BCP a comparé le CGRFN à d'autres organismes pour vérifier que les organismes de même nature étaient traités d'une manière semblable. La demanderesse dit que le CGRFN était en droit de s'attendre à ce que la décision de reclassifier ou non le CGRFN soit fondée uniquement sur les lignes directrices. La demanderesse dit aussi qu'elle n'a pas été consultée avant que ne soient revues en 2001 les rémunérations quotidiennes des membres du CGRFN, et cela contrairement à un engagement antérieur.

[24]            Je ne crois pas que le principe des attentes légitimes soit applicable ici. Le juge Sopinka a décrit le fondement de ce principe dans l'arrêt Association des résidents du vieux Saint-Boniface Inc. c. Winnipeg (Ville), [1990] 3 R.C.S. 1170. Après avoir cité divers précédents, il s'est exprimé ainsi :

Le principe élaboré dans cette jurisprudence n'est que le prolongement des règles de justice naturelle et de l'équité procédurale. Il accorde à une personne touchée par la décision d'un fonctionnaire public la possibilité de présenter des observations dans des circonstances où, autrement, elle n'aurait pas cette possibilité. La cour supplée à l'omission dans un cas où, par sa conduite, un fonctionnaire public a fait croire à quelqu'un qu'on ne toucherait pas à ses droits sans le consulter. (À la page 1204.)

[25]            Le principe des attentes légitimes oblige les décideurs à donner à ceux dont les intérêts sont en jeu l'occasion de s'exprimer. Il intervient lorsque la conduite du décideur donne clairement à entendre que les intéressés auront la possibilité de s'exprimer avant qu'une décision ne soit prise : Canada (Procureur général) c. Canada (Tribunal des droits de la personne), [1994] A.C.F. n ° 300; (1994), 19 Admin. L.R. (2d) 69 (C.F. 1re inst.) (QL). Ici, le BCP a manifestement donné au CGRFN l'occasion de s'exprimer sur la rémunération de ses membres.


[26]            Quant à la présumée violation d'un engagement de consulter le CGRFN, la demanderesse signale le contrat de 1993 donnant effet à l'Accord, contrat qui fait état d'une hypothèse de planification selon laquelle la rémunération des membres du Conseil serait fixée après consultation des « organisations inuit désignées » . La demanderesse se réfère aussi au procès-verbal d'une réunion du Comité de mise en oeuvre du Nunavut, en juillet 2001, au cours de laquelle avait été discutée l'intention du BCP de revoir la rémunération des membres de commissions nommées par le gouverneur en conseil. La question des présidents à temps plein et des présidents à temps partiel pour les commissions avait aussi été débattue. Le procès-verbal mentionne ensuite : « NTI (la demanderesse) et le Comité devraient intervenir dans ces discussions » . La demanderesse dit que ce passage atteste l'engagement du BCP de la consulter sur le sujet de la rémunération des membres du CGRFN.

[27]            À mon avis, une hypothèse de planification insérée dans le contrat de mise en oeuvre n'établit pas une obligation contraignante. C'est d'ailleurs ce que dit lui-même le contrat (clause 2(3)c)). Le procès-verbal de la réunion du Comité de mise en oeuvre du Nunavut est quant à lui ambigu. Dans l'un ou l'autre de ces deux documents, je ne vois nulle part une promesse expresse de consultation. Quoi qu'il en soit, ainsi que je l'ai dit, le BCP avait déjà donné pleinement l'occasion au CGRFN de s'exprimer sur cette question, et le CGRFN ne l'a pas saisie.

c)          Le BCP a-t-il commis de graves erreurs de fait?


[28]            Selon la demanderesse, le BCP a commis deux erreurs. D'abord, elle dit que le BCP a conclu, à tort, que le CGRFN avait toujours été classifié comme organisme de catégorie IV. Deuxièmement, elle dit que le BCP a ignoré le fait que des organismes semblables au CGRFN avaient récemment été élevés de la catégorie IV à la catégorie II.

[29]            Encore une fois, lorsque le CGRFN a été établi en 1993, ses membres recevaient une rémunération de 200 $ par jour, et son président une rémunération de 275 $ par jour. Selon les lignes directrices en vigueur à l'époque, le CGRFN se trouvait donc dans la partie médiane des offices de catégorie III. Dans les nouvelles lignes directrices rendues publiques en 2000, le CGRFN figure parmi les offices de catégorie IV. Lorsque le BCP a augmenté les prix de journée en 2001, les membres du CGRFN ont alors reçu une rémunération de 225 $ par jour (et le président une rémunération de 325 $), c'est-à-dire le point médian de l'échelle de la catégorie IV. S'ils avaient été rémunérés selon l'échelle de la catégorie III, ils auraient reçu environ 275 $ et 400 $ respectivement.

[30]            Lorsque le BCP a répondu à la demande du CGRFN d'accroître les rémunérations de ses membres, il a dit que le CGRFN était « à juste titre classé comme office de catégorie IV » . La demanderesse soutient que le BCP a commis, par cette déclaration, une grave erreur de fait, parce que les membres du CGRFN avaient à l'origine été rémunérés comme si le Conseil avait été classifié dans la catégorie III.


[31]            Les lignes directrices du BCP et son système de classification sont flexibles. Le classement d'un office dans une catégorie donnée ne dicte pas nécessairement la rémunération de ses membres. Les lignes directrices elles-mêmes précisent que les tarifs quotidiens qu'elles indiquent sont des maximums. Les membres d'un office peuvent recevoir une rémunération inférieure et, dans des cas spéciaux, supérieure, à l'éventail des rémunérations correspondant à la catégorie désignée de l'office. En conséquence, même si le BCP avait commis une erreur sur la catégorie à laquelle le CGRFN avait été assigné à l'origine, il était fondé à dire que la rémunération de ses membres devait dès lors correspondre à la catégorie IV. En d'autres termes, l'erreur qu'a pu commettre le BCP ne modifiait pas nécessairement la rémunération des membres du CGRFN.

[32]            La demanderesse soutient aussi que le BCP a commis une erreur parce qu'il n'a pas traité le CGRFN sur le même pied que des offices semblables qui ont été élevés à la catégorie II. Ces autres organismes ont été nommés par le ministre des Affaires indiennes et du Nord, non par le gouverneur en conseil, mais les mêmes lignes directrices s'appliquent à eux.

[33]            Selon les lignes directrices du BCP, la classification d'un office est le produit de trois critères :

·            la complexité et la diversité de son champ d'activités;

·            l'étendue de ses activités, ce qui va de la personne concernée, ou de l'installation locale, à l'ensemble des citoyens ou à des industries entières d'importance nationale;

·            l'incidence de ses activités, ce qui va des attributs accessoires et préoccupations périphériques aux droits fondamentaux, aux caractéristiques de base ou au bien-être essentiel.


[34]            Le BCP a appliqué ces critères, il a consulté les fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes et du Nord et il est arrivé à la conclusion que le CGRFN devrait figurer dans la catégorie IV. Les fonctionnaires du BCP ont indiqué qu'ils avaient aussi comparé le CGRFN à d'autres offices semblables. Selon la demanderesse, le BCP, après avoir pris en compte ces facteurs, aurait dû faire figurer le CGRFN dans la catégorie II. Cependant, je ne puis trouver, dans l'approche du BCP ou dans son analyse, aucune erreur sérieuse pouvant justifier l'intervention de la Cour.

IV. Conclusion

[35]            La décision du BCP de ne pas reclassifier le CGRFN n'est pas sujette à contrôle judiciaire parce que le BCP n'avait pas le pouvoir officiel de décider de la rémunération des membres du CGRFN. Même s'il avait ce pouvoir, il n'a pas commis d'erreur de droit ni de fait qui justifierait l'intervention de la Cour. En conséquence, cette demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

JUGEMENT

LE JUGEMENT DE LA COUR EST LE SUIVANT :

1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens.

                                                                                                                          _ James W. O'Reilly _             

                                                                                                                                                     Juge                           

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                                        Annexe


Loi concernant l'accord sur les revendications territoriales du Nunavut, 1993, ch. 29

12. Les membres du conseil touchent la rémunération fixée par le gouverneur en conseil.

Nunavut Land Claims Agreement Act, 1993, c. 29

12. The remuneration of the members of the Nunavut Wildlife Management Board shall be set by the Governor in Council.

Loi sur la Cour fédérale, L.R. 1985, ch. F-7

2. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

Federal Courts Act, R.S.C. 1985, c. F-7

2. (1) "federal board, commission or other tribunal" « office fédéral »

« office fédéral » Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d'une prérogative royale, à l'exclusion d'un organisme constitué sous le régime d'une loi provinciale ou d'une personne ou d'un groupe de personnes nommées aux termes d'une loi provinciale ou de l'article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867.

"federal board, commission or other tribunal" means any body, person or persons having, exercising or purporting to exercise jurisdiction or powers conferred by or under an Act of Parliament or by or under an order made pursuant to a prerogative of the Crown, other than the Tax Court of Canada or any of its judges, any such body constituted or established by or under a law of a province or any such person or persons appointed under or in accordance with a law of a province or under section 96 of the Constitution Act, 1867;

18.1 Pouvoirs de la Section de première instance

(3) Sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire, la Section de première instance peut :

                                             [...]

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu'elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l'office fédéral.

18.1 Powers of Federal Court

(3) On an application for judicial review, the Federal Court may

                                               ...

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.


Loi constitutionnelle de 1982

Confirmation des droits existants des peuples autochtones

35. (1) Les droits existants - ancestraux ou issus de traités - des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés.

Constitution Act, 1982

Recognition of existing aboriginal and treaty rights

35. (1) The existing aboriginal and treaty rights of the aboriginal peoples of Canada are hereby recognized and affirmed.Définition de « peuples autochtones du Canada »

(2) Dans la présente loi, « peuples autochtones du Canada » s'entend notamment des Indiens, des Inuit et des Métis du Canada.

Definition of "aboriginal peoples of Canada"

(2) In this Act, "aboriginal peoples of Canada" includes the Indian, Inuit and Métis peoples of Canada.

Accords sur des revendications territoriales

(3) Il est entendu que sont compris parmi les droits issus de traités, dont il est fait mention au paragraphe (1), les droits existants issus d'accords sur des revendications territoriales ou ceux susceptibles d'être ainsi acquis.

Land claims agreements

(3) For greater certainty, in subsection (1) "treaty rights" includes rights that now exist by way of land claims agreements or may be so acquired.

Égalité de garantie des droits pour les deux sexes

(4) Indépendamment de toute autre disposition de la présente loi, les droits - ancestraux ou issus de traités - visés au paragraphe (1) sont garantis également aux personnes des deux sexes.

Aboriginal and treaty rights are guaranteed equally to both sexes

(4) Notwithstanding any other provision of this Act, the aboriginal and treaty rights referred to in subsection (1) are guaranteed equally to male and female persons.



                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        T-791-02

INTITULÉ :                                       NUNAVUT TUNNGAVIK INCORPORATED c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 21 OCTOBRE 2003

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                             LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :                     LE 26 JANVIER 2004

COMPARUTIONS :

Dougald E. Brown                                                                     POUR LA DEMANDERESSE

Donald Rennie                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Lynn Marchildon

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

NELLIGAN O'BRIEN PAYNE LLP POUR LA DEMANDERESSE

Ottawa (Ontario)

MORRIS ROSENBERG                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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