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Date : 19980618


Dossier : IMM-4189-97

     IMM-418-98

ENTRE

     INTERNATIONAL CHARTERING SERVICES LTD.,

     demanderesse,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L"IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE

JOHN A. HARGRAVE

[1]      Les présents motifs font suite à la requête que le défendeur, le ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration (le ministre ), a déposé en radiation de la demande d"autorisation et de contrôle judiciaire présentée par International Chartering Services Ltd. (International Chartering) à l"encontre d"une décision d"imputer à International Chartering les frais causés par des passagers clandestins qui sont arrivés à Vancouver à bord du Espirito Santo en mai 1992.

[2]      La demande de radiation est rejetée au motif que la demande de contrôle judiciaire présentée par International Chartering est loin d"être un cas exceptionnel qui, selon les mots du juge Strayer, juge à la Cour d"appel, est " manifestement irrégulier au point de n"avoir aucune chance d"être accueilli " (David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc. [1995], 1 C.F. 588, à la p. 600). Il s"agit plutôt d"une demande qui devrait être évaluée lors d"une audience en bonne et due forme. J"aborde maintenant la présente demande de manière plus détaillée en commençant par exposer certains éléments pertinents du contexte.

LE CONTEXTE

[3]      En mai 1992, le navire de charge brésilien Espirito Santo est arrivé à Vancouver en provenance de Kaoshiung (Taïwan), avec, à son bord, quatre passagers clandestins. Le navire, dont le propriétaire était Navegacao Mansur S.A., du Brésil, était affrété à Medmar Lines Inc., du Pirée (Grèce). International Chartering, une compagnie de Colombie-Britannique faisant affaires dans le domaine de la prestation de services d"agence pour les navires de tramping (par opposition aux navires venant en Colombie-Britannique sur une base régulière), était mandataire de l"affréteur. L"affréteur, Medmar Lines, a donné instruction à International Chartering de préparer les déclarations douanières d"usage pour le propriétaire du navire, mais cette tâche ainsi que l"envoi d"un avis de l"Immigration canadienne au propriétaire brésilien semble être le seul lien qu"ait eu International Chartering avec ce dernier.

[4]      Quoi qu"il en soit, les quatre passagers clandestins ont été détenus à bord en vertu d"une ordonnance des autorités canadiennes de l"Immigration et il leur a ensuite été ordonné de se présenter, à terre, à elles.

[5]      Par la suite, le centre d"immigration du Canada à Vancouver a avisé International Chartering, par lettres datées du 28 août 1992, qu"en tant que compagnie de transport, elle était responsable du versement d"un montant de 5 000 $, à titre de cautionnement, pour chacun des passagers clandestins, en application du paragraphe 92(2) de la Loi sur l"immigration (la Loi) alors en vigueur. International Chartering, qui a adopté la position qu"elle n"était ni un mandataire du propriétaire du navire ni un transporteur, a transmis la demande au propriétaire, lequel n"a pas payé.

[6]      En juillet 1997, s"appuyant sur la demande de cautionnements datant de 1992, la Couronne a délivré des certificats en vertu de l"article 92.1 de la Loi actuelle (un article qui n"était pas en vigueur lorsque l"incident des passagers clandestins s"est produit), qu"elle a déposés auprès de la Cour fédérale : un certificat produit au dossier a le même effet que s"il s"agissait d"un jugement de la Cour. Se fondant sur les certificats, la Couronne a obtenu des brefs d"exécution contre International Chartering. Le compte de Citoyenneté et Immigration Canada pour avoir pris à sa charge les passagers clandestins, y compris les frais engagés pour renvoyer deux d"entre eux au Kenya et pour lesquels les autorités de l"Immigration tiennent International Chartering responsable à titre de compagnie de transport, s"élève actuellement à environ 40 000 $, comme le montre la facturation du 1er avril 1998.

[7]      C"est à ce moment que International Chartering a déposé un cautionnement à la Cour et produit la présente procédure de contrôle judiciaire, demandant, en particulier, l"obtention d"un jugement déclarant que les certificats sont invalides et que l"ensemble de la procédure est inapplicable envers International Chartering.

REQUÊTE EN RADIATION

[8]      Le défendeur prétend que la Cour n"a pas compétence pour entendre la présente demande de contrôle en raison de l"absence de ce que l"on pourrait qualifier de décision, la présence de celle-ci étant nécessaire à l"exercice d"un contrôle aux termes de l"article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale . Le défendeur fonde sa requête sur la règle 419 (maintenant la règle 221). Il serait plus approprié d"invoquer la règle 208, laquelle permet la contestation de la compétence de la Cour, et en vertu de laquelle une requête peut être soutenue par affidavit : voir, par exemple, les arrêts Cairns c. Société du crédit agricole., [1992] 2 C.F. 115 (1re inst.), et Mobarakizadeh v. Canada (1994), 72 F.T.R. 30, provenant toutes deux de la Section de première instance, au soutien de la proposition que ce qui est maintenant la règle 208 est préférable, mais qu"il n"est pas interdit de contester la compétence en vertu de ce qui est maintenant la règle 221.

[9]      Le coeur de la position du Ministre est qu"il n"a pas rendu une décision ou une ordonnance assujettie au contrôle, mais qu"il a simplement déposé des certificats en application de l"article 92.1 de la Loi . Le simple fait de déposer les certificats serait de nature procédurale ou administrative et ne constituerait pas une décision ou ordonnance d"un office fédéral assujettie au contrôle au sens de l"article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale . Le défendeur ajoute que, s"il y avait une irrégularité dans l"imputation, le recours approprié ne serait pas le contrôle judiciaire, mais bien un protêt, qui aurait dû être déposé par International Chartering dès lors qu"elle a reçu les demandes en 1992, ainsi que, par la suite, une action en annulation du certificat.

[10]      En réponse, la demanderesse soulève un certain nombre d"éléments intéressants, dont le fait qu"elle n"était ni un transporteur ni le mandataire d"un transporteur à l"époque visée et que le Ministre, lorsqu"il a délivré les certificats, s"est fondé sur un texte de loi qui n"était pas en vigueur en 1992 et qui, lorsqu"il est entré en vigueur, n"avait aucun effet rétroactif.

EXAMEN

[11]      L"analyse la plus simple consiste à dire que le moyen approprié pour s"attaquer à une procédure sommaire n"est pas de présenter une requête pour la faire radier de façon sommaire, mais plutôt de faire en sorte qu"elle soit entendue le plus tôt possible. Une autre approche consiste à souligner que les certificats peuvent très bien être nuls ou, peut-être plus exactement, illégaux, et que, si tel est le cas, les deux procédures intentées par le demandeur ont certainement une chance de succès.

[12]      Examinant la première approche dans l"arrêt Khalil Hasan c. Le Sous-procureur général du Canada , une décision non publiée, rendue le 11 mai 1998 dans les dossiers T-316-98 et T-379-98, le juge Muldoon a adopté la position qu"il devrait être donné effet au principe de base établi dans l"arrêt David Bull que " le moyen approprié [...] [de] contester un avis de requête introductive d"instance [...] sans fondement consiste à comparaître et à faire valoir ses prétentions à l"audition de la requête " (David Bull , précité, à la page 597).

[13]      En l"instance, accepter l"argumentation avancée par le défendeur au soutien du rejet de la demande équivaut nécessairement à accepter certains arguments vigoureusement contestés, dont ceux relatifs au statut de International Chartering à titre de compagnie de transport et ceux relatifs aux procédures admissibles, notamment, en ce qui concerne la possibilité de recourir à la production de certificats auprès de la Cour fédérale, un recours qui, comme je le ferai remarquer plus loin, n"existait pas à l"époque visée. Puisque ce recours n"existait pas, le dépôt des certificats ne peut pas avoir constitué une étape administrative ou procédurale, mais bien une décision prise par quelqu"un, que l"on présume être le ministre. Une demande contenant autant d"éléments de preuve contradictoires et d"opinions divergentes ne devrait pas être radiée de façon sommaire car elle peut faire l"objet d"une décision sommaire à l"occasion d"une audience portant sur le contrôle. Comme le juge Muldoon l"a fait remarquer dans la décision Hasan (précitée), à la page 2, " c"est sur l"audience que l"intimé doit compter s"il croit que la demande sera rejetée ".

[14]      La Cour a cependant choisi d"appliquer les remarques incidentes que le juge Strayer a faites dans l"arrêt David Bull , à la page 600, remarques que j"ai déjà citées en partie mais auxquelles je vais faire référence en les replaçant dans leur contexte plus global. Aux pages 596 et 597, le juge Strayer a expliqué l"absence, dans les Règles de la Cour fédérale , de toute disposition prévoyant la radiation de requêtes :

        L"absence de dispositions prévoyant la radiation des avis de requête dans les Règles de la Cour fédérale s"explique fondamentalement par les différences qui distinguent les actions des autres instances. Dans une action, le dépôt des plaidoiries écrites est suivi de la communication de documents, d"interrogatoires préalables et d"instructions au cours desquelles des témoignages sont rendus de vive voix. Il est de toute évidence important d"éviter aux parties les délais et les dépenses nécessaires pour mener une instance jusqu"à l"instruction s"il est " manifeste " (c"est le critère à appliquer pour radier une plaidoirie écrite) que la plaidoirie écrite en cause ne peut pas établir une cause d"action ou une défense. Bien qu"il soit important, tant pour les parties que pour la Cour, qu"une demande ou une défense futiles ne subsistent pas jusqu"à l"instruction, il est rare qu"un juge soit disposé à radier une procédure écrite par application de la Règle 419. De plus, le processus de radiation est beaucoup plus facile à appliquer dans le cas des actions, étant        

        donné que de nombreuses règles exigent des plaidoiries écrites précises quant à la nature de la demande ou de la défense et aux faits qui l"appuient. Aucune règle comparable n"existe relativement aux avis de requête. Tant la Règle 319(1) [mod. Par DORS/88-221, art. 4], la disposition générale applicable aux demandes présentées à la Cour, que la Règle 1602(2) [édictée par DORS/92-43, art. 19], la règle pertinente en l"espèce, qui vise une demande de contrôle judiciaire, exigent simplement que l"avis de requête indique " avec précision, le redressement " recherché et " les motifs au soutien de la demande ". Le fait que les avis de requête ne doivent pas nécessairement contenir des allégations de faits précises aggrave beaucoup le risque que prendrait la Cour en radiant ces documents. De plus, une demande introduite par voie d"avis de requête introductive d"instance est tranchée sans enquête préalable et sans instruction, mesures qu"une radiation permet d"éviter dans les actions. En fait, l"examen d"un avis de requête introductive d"instance se déroule à peu près de la même façon que celui d"une demande de radiation de l"avis de requête : la preuve se fait au moyen d"affidavits et l"argumentation est présentée devant un juge de la Cour siégeant seul. Par conséquent, le moyen direct et approprié par lequel la partie intimée devrait contester un avis de requête introductive d"instance qu"elle estime sans fondement consiste à comparaître et à faire valoir ses prétentions à l"audition de la requête même. La présente cause illustre bien le gaspillage de ressources et de temps qu"entraîne l"examen additionnel d"une requête interlocutoire en radiation dans le cadre d"une procédure de contrôle judiciaire qui devrait être sommaire.        

Cependant, à la page 600, on trouve les commentaires suivants :

     Pour ces motifs, nous sommes convaincus que le juge de première instance a eu raison de refuser de prononcer une ordonnance de radiation sous le régime de la Règle 419 ou de la règle des lacunes, comme il l"aurait fait dans le cadre d"une action. Nous n"affirmons pas que la Cour n"a aucune compétence, soit de façon inhérente, soit par analogie avec d"autres règles en vertu de la Règle 5, pour rejeter sommairement un avis de requête qui est manifestement irrégulier au point de n"avoir aucune chance d"être accueilli. Ces cas doivent demeurer très exceptionnels et ne peuvent inclure des situations comme celle dont nous sommes saisis, où la seule question en litige porte simplement sur la pertinence des allégations de l"avis de requête.         

Ce passage exprime la position qu"un avis de requête introductive d"instance peut être rejeté dans le cas où il " est manifestement irrégulier au point de n"avoir aucune chance d"être accueilli ". Cette remarque incidente du juge Strayer indique qu"il y a parfois des cas exceptionnels nécessitant l"existence d"une procédure par laquelle une requête introductive d"instance peut être radiée. On peut même avancer que celle-ci s"infère de la rédaction actuelle des règles portant sur la radiation. La règle 419(1) visait la radiation d"une plaidoirie écrite (pleading ): une requête ne constitue évidemment pas une plaidoirie écrite. La nouvelle règle 221(1) vise toujours la radiation d"un acte de procédure (pleading ), mais l"expression " acte de procédure " est maintenant définie de façon plus large que ne l"était l"expression " plaidoirie écrite " dans les règles antérieures aux Règles de 1998. Cette définition se trouve à l"article 2, qui énonce qu"il s"agit d"un :

     "... Acte par lequel une instance est introduite, les prétentions des parties sont énoncées ou une réponse est donnée ".         

À première vue, la définition est assez large pour comprendre un avis de requête introductive d"instance. Toutefois, la règle 221, qui régit la procédure de radiation comme telle, se retrouve dans la Partie 4 des Règles, et la règle 169 édicte que la Partie 4 ne s"applique pas aux demandes. Ainsi, seul le critère du cas exceptionnel de l"avis de requête introductive d"instance manifestement irrégulier au point de n"avoir aucune chance d"être accueilli peut servir de fondement à la radiation d"une telle requête. L"avocate du défendeur prétend qu"il s"agit d"un cas de cette nature en l"espèce. Cela mène à la deuxième approche fondamentale, qui concerne la compétence de la Cour, la délivrance et l"effet des certificats ainsi que le fait de savoir s"il s"agit d"un cas exceptionnel dans lequel la demande devrait être radiée.

[15]      Lorsque l"affaire a été soulevée pour la première fois en 1992, la Loi sur l"immigration définissait la notion de transporteur de façon restreinte :

     " Transporteur " Personne ou groupement, y compris leurs mandataires, qui assurent un service de transport de voyageurs [...] dans la mesure où ils exploitent ou fournissent un tel service; (Loi sur l"Immigration, 1976-77, ch. 52, art. 2, devenue le ch. I-2, L.R.C. (1985)).         

Sur la foi de la documentation produite, il est possible de prétendre, et peut-être même d"établir, que International Chartering, qui ne possédait aucun navire, qui n"effectuait pas le transport de passagers et qui était un mandataire pour un affréteur, et non pas pour un transporteur, n"était pas un transporteur au sens de la Loi à l"époque. Il faut préciser que le Espirito Santo n"était pas un navire de transport de voyageurs mais plutôt un navire de charge. Aucune preuve n"indique que la demanderesse exploitait une entreprise de transport de voyageurs ou qu"elle transportait quoi que ce soit d"autre, de toute façon. À cet égard, je me rapporte à l"arrêt Jiang Sheng Co. Ltd. c. The Trans Aspiration, rendu le 14 avril 1998 dans le dossier A-442-97, dans lequel la Cour d"appel fédérale faisait remarquer qu"en l"absence de contrat d"association ou d"entreprise commune, le transport ne constitue pas une entreprise commune entre l"affréteur et le propriétaire. Aucune preuve n"indique qu"il y ait eu une telle association entre l"affréteur et le propriétaire du Espirito Santo . Il est contestable et même douteux que l"affréteur du Espirito Santo ait été un transporteur ou qu"il ait transporté quoi que soit. Le contraire serait d"ailleurs surprenant. Il est alors difficile d"imaginer que la demanderesse, agissant en tant que mandataire de l"affréteur, ait été un mandataire du transporteur.

[16]      Quant aux droits que la loi conférait au ministre en 1992, les recours de ce dernier consistaient à enjoindre à un transporteur de fournir un cautionnement (paragraphe 92(2)) et, en cas de défaut de paiement, il pouvait ordonner à un agent d"immigration de saisir et de retenir le navire jusqu"à ce que le capitaine ou le transporteur ait payé le cautionnement (paragraphe 92(4)). À l"époque visée, soit en juin 1992, le ministre ne disposait, en cas de non-respect d"une demande de cautionnement, d"aucun autre recours que de celui de faire saisir le navire.

[17]      Ce n"est que lors de la promulgation du chapitre 49 des Lois du Canada (1992) , en février 1993, soit bien après que l"incident des passagers clandestins se soit produit, que l"article 92.1 de la Loi sur l"immigration actuelle, permettant au Ministre de délivrer un certificat comme celui délivré en l"espèce, est entré en vigueur. L"article 119 de la Loi , L.C. 1992, ch. 49, qui est une disposition transitoire, interdit clairement au ministre d"utiliser ce recours de manière rétroactive :

     L"obligation financière qui incombe à une personne aux termes d"une disposition de la Loi sur l"Immigration modifiée par une disposition de la présente loi est déterminée, si elle découle d"un fait - acte ou omission - commis avant l"entrée en vigueur de cette disposition, comme si celle-ci n"était pas en vigueur.         

[18]      Ne se laissant pas désarmer, l"avocate du défendeur ajoute que la délivrance des certificats ne peut constituer une décision ministérielle. Elle invoque l"arrêt Singh c. Canada (1994), 27 Imm. L.R. (2d) 176, aux pages 178 et 179, au soutien de son argument que l"acte de certifier qu"une dette est due n"équivaut pas à une prise de décision, cela étant plutôt une simple étape dans la procédure de recouvrement d"une dette. En l"espèce, toutefois, l"article 119 de la Loi sur l"immigration actuelle a pour effet de rendre cette procédure inexistante en ce qui concerne la réclamation faite contre International Chartering suite à l"incident des passagers clandestins du Espirito Santo survenu en mai 1992. Les certificats ne constituent donc plus une simple procédure, mais deviennent plutôt un type de mesure de recouvrement ad hoc inventée et appliquée en vertu d"une décision prise par une personne, à l"intérieur du ministère de l"Immigration, qui est probablement le ministre.

[19]      Il ressort clairement de cette analyse possible que le ministre aurait pris une décision injustifiée et qu"il aurait erronément délivré les certificats. Ces certificats seraient nuls. En principe, une requête en annulation d"une décision nulle ne peut être présentée, mais les tribunaux sont néanmoins généralement enclins, s"il existe une raison valable de le faire, de rendre un jugement déclarant qu"une décision n"a aucun fondement, ou, comme De Smith, Woolf et Jowell l"expriment dans l"édition de 1995 de leur ouvrage Judicial Review of Administrative Action :

     [TRADUCTION]

        Il n"y a aucun intérêt à prétendre maintenir une décision qui est dénuée de tout contenu. Sous réserve qu"il y ait un motif pour obtenir une décision d"un tribunal, si celui-ci arrive à la conclusion qu"une décision n"a aucun fondement ou qu"elle est sans effet, il va généralement voir d"un bon oeil le fait de prononcer un jugement déclaratoire en ce sens. Strictement parlant, il n"y a rien à gagner à rendre une        
        ordonnance de certiorari dans le cas d"une décision frappée de nullité. On ne peut pas annuler ce qui est déjà nul. Cependant, dans la réalité des choses, le tribunal, adoptant une approche pragmatique qui lui évite d"avoir à aborder des questions relatives à la qualité et au statut d"une décision administrative invalide, sera prêt à rendre une ordonnance de certiorari sans trancher la question complexe de savoir si cela était vraiment nécessaire ou non (page 812).        

[20]      À la lumière de cette analyse, la procédure intentée par la demanderesse ne doit pas être rejetée car le défendeur n"a pas satisfait au critère établi par le juge Strayer dans l"arrêt David Bull , soit que celle-ci doit être " manifestement irréguli[ère] au point de n"avoir aucune chance d"être accueilli[e] ", auquel j"ai fait référence précédemment. C"est ce genre d"analyse, soit l"évaluation de la question de savoir si une demande de contrôle judiciaire devrait être radiée en application de l"arrêt David Bull , qui a été utilisée par le juge Nadon dans L"Association des distillateurs canadiens c. Le ministre de la Santé, une décision non publiée rendue le 4 juin 1998 dans le dossier T-338-98. Le juge Nadon a fait remarquer que la Cour d"appel n"incite pas les défendeurs à présenter des requêtes en radiation d"avis de requête introductive d"instance mais que, même dans les cas où la cause du demandeur ne semble pas reposer sur des fondements solides, elle les invite plutôt à produire un dossier du défendeur et à plaider au mérite à l"audience qui sera tenue par la suite, parce que " adopter un autre mécanisme ferait échouer un des objectifs clairement visé par le processus de contrôle judiciaire, lequel est conçu pour offrir aux parties une procédure sommaire permettant de régler les questions soulevées dans le cadre de l"instance " (page 4).

CONCLUSION

[21]      L"avocate du défendeur a fait valoir un certain nombre de prétentions compliquées au soutien de la radiation, à cette étape de la procédure, de la demande de International Chartering. J"ai tenté de les analyser à fond. Je suis arrivé à la conclusion que la demande de contrôle judiciaire présentée par International Chartering n"est pas un acte de procédure qui " est manifestement irrégulier au point de n"avoir aucune chance d"être accueilli ". Il ne s"agit pas du type de cas exceptionnel envisagé par le juge Strayer dans les motifs de l"arrêt David Bull .

[22]      Les avocats ont faits des représentations quant aux dépens. L"avocat de la demanderesse s"est dit préoccupé par le manque d"opportunité de la requête et par les frais en résultant, surtout si l"on tient compte des reproches qui ont été adressés à la défenderesse dans l"arrêt David Bull . Il croit que la requête n"aurait pas due être présentée et que la somme forfaitaire, payable sans délai, constituerait une adjudication appropriée. Quant à l"avocate du défendeur, elle considère qu"il s"agissait d"une requête d"un genre unique et original et qu"elle était bien-fondée.

[23]      La difficulté que j"ai à considérer la présente requête comme portant sur un cas exceptionnel, au sens de l"exception visée dans l"arrêt David Bull , provient du fait que pour accepter l"argumentation du défendeur à l"appui de la radiation, il faut faire fi d"une bonne partie de ce qui est énoncé dans la documentation produite au soutien de l"avis de requête introductive d"instance, du texte même de la Loi sur l"immigration, tel qu"il a existé au fil des ans, ainsi que des représentations que l"avocat de la demanderesse ne pouvait pas ne pas faire et qu"il a faites effectivement. Je suis convaincu qu"il ne s"agit pas du genre de demande de contrôle judiciaire qui devrait être comprise dans l"exception, établie dans l"arrêt David Bull, à la règle générale que

les affaires de contrôle judiciaire devraient être tranchées sur le fond de manière sommaire, à la suite d"une audience en bonne et due forme. J"en conclus que la demanderesse aura en fin de compte droit aux dépens, quelle que soit l"issue de l"affaire.

                             " John A. Hargrave "

                                          Protonotaire

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 18 juin 1998

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M.

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NOS DU GREFFE :              IMM-4189-97 et IMM-418-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :

    

INTERNATIONAL CHARTERING SERVICES LTD. c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

    

LIEU DE L"AUDIENCE :          Vancouver (C.-B.)

DATE DE L"AUDIENCE :      Le 8 juin 1998

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DE LA COUR PRONONCÉS PAR LE PROTONOTAIRE

JOHN A. HARGRAVE

EN DATE DU :              18 juin 1998

COMPARUTIONS :

     M. Peter Swanson              pour la demanderesse

     Mme Leigh Taylor              pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

     M. Peter Swanson              pour la demanderesse

     Campney & Murphy
     Morris Rosenberg              pour le défendeur     
     Sous-procureur général du Canada
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