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     Date : 19990812

     T-1096-95

OTTAWA (Ontario), le 11 août 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HUGESSEN


ENTRE :

     ANDERSEN CONSULTING,

     demanderesse,

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     défenderesse,

     ORDONNANCE

     La requête de la défenderesse visant la tenue d"interrogatoires supplémentaires est rejetée.







Traduction certifiée conforme

     " James K. Hugessen "

     Juge

C. Bélanger, LL.L.








     Date : 19990812

     T-1096-95

ENTRE :

     ANDERSEN CONSULTING,

     demanderesse,

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     défenderesse,

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     [Prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario),

     le mercredi 11 août 1999]


Le juge HUGESSEN

[1]      Je suis saisi d'une requête présentée par la demanderesse qui allègue que la défenderesse a violé une convention d'évaluation objective préliminaire intervenue entre les parties. Cette convention prévoit une évaluation objective préliminaire et une médiation par un juge à la retraite de la Cour supérieure de l'Ontario. Dans le cadre de ce processus, les parties ont échangé un certain nombre de documents et, plus particulièrement, des projets de rapports d'experts.

[2]      Cette convention traite du caractère des documents échangés en termes très spécifiques :

         [traduction]
         5.1 En signant la présente convention, les parties indiquent qu'elles savent que toute déclaration faite, tout renseignement fourni et tout document préparé en vue de l'évaluation objective préliminaire et de la médiation (qui ne peuvent être obtenus d'une autre source) sont confidentiels et privilégiés.
         5.2 La déclaration faite et les documents produits, y compris tout projet de rapport d'expert et tout rapport de l'évaluation, qui ne sont par ailleurs pas susceptibles de faire l'objet d'un interrogatoire, ne peuvent être divulgués dans le cadre d'un interrogatoire ou de toute autre procédure et ne sont aucunement admissibles en preuve, même pour attaquer la crédibilité d'un témoin. La preuve qui est admissible indépendamment ou qui peut faire l'objet d'un interrogatoire ne sera pas rendue inadmissible ou non susceptible de faire l'objet d'un interrogatoire parce qu'elle a été utilisée au cours de l'évaluation objective préliminaire ou de la médiation.

[3]      Conformément à cette convention, la demanderesse a remis à la défenderesse un certain nombre de projets de rapports d'experts; chacun de ces rapports portait en page couverture la mise en garde suivante :

         [traduction] Le présent rapport ne peut servir qu"aux fins de l'évaluation objective préliminaire devant avoir lieu dans le cadre de la présente affaire et ne peut être utilisé relativement à toute autre action actuelle ou future liée au présent différend.

Il est maintenant établi que la défenderesse a révélé le texte du projet de rapport d'experts remis par la demanderesse à ses propres experts pour que ces derniers préparent leur rapport en vue du présent litige.

[4]      À mon avis, il s'agit là d'une violation évidente et maladroite des conditions de la convention d'évaluation objective préliminaire. Le texte de la clause 5 ci-dessus est on ne peut plus clair. Les documents échangés doivent être confidentiels et privilégiés. Ces mots n"ont rien de mystérieux; tout avocat en connaît le sens. Ce qui est remis confidentiellement à une fin ne peut être utilisé qu'à cette fin. Ainsi que l'a dit le juge La Forest dans l'affaire Lac Minerals1, " [t]out emploi non autorisé est interdit et équivaut à un manquement à une obligation ".

[5]      Le libellé de l'avertissement figurant au début des rapports ne fait que renforcer le caractère confidentiel de ces documents, à savoir des documents qui ne doivent pas être divulgués. Il ne s"agit pas ici d'idées ou de positions qui auraient pu être établies ou qui ont été établies dans le cadre d'une procédure de règlement extrajudiciaire des litiges. Il s"agit de l'expression concrète de ces idées dans des documents remis expressément en vue du règlement extrajudiciaire d'un litige. Le mot " confidentiels " qui figure au paragraphe 5.1 répète celui que nous trouvons à la règle 388 des Règles de la Cour fédérale, 1998 .

[6]      La Cour a comme principe de favoriser le règlement des litiges et d'encourager les parties à tenter de régler ceux qui les opposent. C'est pourquoi elle protège les communications échangées en vue du règlement extrajudiciaire d'un litige. En l"espèce, les communications ont été faites expressément à cette fin, et elles n"auraient pas dû être révélées à des personnes qui n'avaient pas le droit d'en prendre connaissance. Les témoins experts que la défenderesse se propose d'appeler au procès n'étaient pas parties à l'évaluation objective préliminaire, n'ont pas participé à cette évaluation et n'avaient pas le droit de prendre connaissance de ces documents.

[7]      Cela étant dit, je ne crois pas que le préjudice subi par la demanderesse soit aussi important qu'elle le prétend. En fait, les mêmes experts dont les rapports ont été communiqués confidentiellement à la défenderesse en décembre 1998 ont maintenant signé des rapports définitifs qui lui ont été signifiés en août 1999. Les rapports préparés en vue du procès ne différeraient que légèrement des projets de rapports. Le seul avantage important que la défenderesse a retiré de l"utilisation abusive des documents qui lui ont été transmis à titre confidentiel est que ses experts ont eu plus de temps pour réfléchir à ce qu'ils diraient en réponse aux positions de la demanderesse.

[8]      Dans sa requête, la demanderesse sollicite un certain nombre de mesures de redressement et certains redressements subsidiaires. Dans un premier temps, elle sollicite une déclaration qu'il ne conviendrait pas, selon moi, d'accorder dans le contexte d'une requête de cette nature, bien que les présents motifs puissent servir les mêmes fins que celles auxquelles une telle déclaration devrait servir, selon la demanderesse. Cette dernière cherche ensuite à empêcher les experts de la défenderesse de déposer des rapports ou de témoigner à l"instruction, laquelle doit commencer dans moins de deux mois. Je considère qu'une mesure de redressement de cette nature serait tout à fait disproportionnée compte tenu de la nature des fautes commises par la défenderesse.

[9]      Subsidiairement, la demanderesse demande de révéler l'ensemble de la procédure d'évaluation objective préliminaire de sorte qu"elle puisse utiliser le rapport préparé par l'évaluateur. Il s'agirait aussi d'un redressement disproportionné dans les circonstances, et je crois qu"il serait bien pire que le mal qui a été commis.

[10]      Toutefois, je crois que les conclusions des paragraphes ii) et iii) de la requête de la demanderesse sont appropriées. Ces conclusions sollicitent une ordonnance portant que les rapports de la défenderesse qui ont été signifiés à la demanderesse le 5 août 1999 soient traités comme des rapports de réponse, de sorte que la défenderesse n'ait plus le droit de déposer d'autres rapports en réponse aux rapports d'experts de la demanderesse. La demanderesse sollicite également une ordonnance lui permettant de déposer ses propres rapports en réponse aux rapports d'experts de la défenderesse avant le 15 septembre 1999.

[11]      À mon avis, ces deux conclusions sont appropriées.

[12]      La requête renferme d'autres demandes qui, à mon avis, ne sont pas appropriées, car elles concernent l'ordonnance finale relative aux dépens qui peut ou non être rendue par le juge à l'issue de l"instruction.

     DÉPENS

[13]      Selon moi, ainsi que je l'ai dit, la violation commise par la défenderesse est une maladresse. Bien qu'il ne s'agisse pas d"un acte de mauvaise foi, je crois qu'une ordonnance de dépens sur la base avocat-client serait appropriée. Dans les affaires de cette nature, j'accorde habituellement une ordonnance spécifique prévoyant un montant forfaitaire. Il y aura une ordonnance relative aux dépens d'un montant de 20 000 $ payable sans délai et quelle que soit l"issue de la cause. Conformément à la règle 394, il est demandé à la demanderesse de préparer une ordonnance donnant effet aux présents motifs et de présenter une requête qui pourra être accordée sur consentement ou autrement sur présentation devant moi le mercredi 18 août 1999 à 14 h 30.


     " James K. Hugessen "

     Juge

Traduction certifiée conforme


C. Bélanger, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DE DOSSIER :              T-1096-95
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Andersen Consulting c.
                     Sa Majesté la Reine
LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :          Le mercredi 11 août 1999
MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR :      Monsieur le juge Hugessen
EN DATE DU :              Mercredi 11 août 1999

ONT COMPARU :

     Debra Henke                      POUR LA DEMANDERESSE
     Sid Restall                      POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

     McCarthy, Tétrault                  POUR LA DEMANDERESSE
     Ottawa (Ontario)
     Sous-procureur général              POUR LA DÉFENDERESSE
     Morris Rosenberg

     Ottawa (Ontario)

__________________

1Lac Minerals Ltd. c. International Corona Resources Ltd., [1989] 2 R.C.S. 574, à la p. 642.

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