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Date : 20190405


Dossier : IMM‑4394‑17

Référence : 2019 CF 412

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 5 avril 2019

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

KHAWAJA HASSAN ABBAS

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  La nature de l’instance

[1]  Le demandeur, M. Abbas, demande le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 8 septembre 2017 par laquelle un agent principal d’immigration (l’agent) a rejeté la demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) de M. Abbas. L’agent a conclu que M. Abbas n’était pas exposé à un risque aux termes du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

[2]  Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu que la décision de l’agent n’était pas raisonnable.

II.  Le contexte

[3]  M. Abbas est un musulman chiite né et élevé à Karachi, au Pakistan. Il est entré au Canada le 17 février 2009 à Windsor (Ontario) avec son épouse, ses deux filles et son fils. Son fils est décédé dans un accident de moto le 2 août 2011, après quoi la famille a déménagé à Surrey (Colombie‑Britannique) pour repartir à neuf.

[4]  M. Abbas, son épouse et ses enfants ont vécu aux États‑Unis de septembre 1997 au 17 février 2009, date de leur arrivée à Windsor.

[5]  Le 28 janvier 2015, la Section de la protection des réfugiés (SPR) a reconnu à l’épouse et aux filles de M. Abbas la qualité de réfugié au sens de la Convention. Bien que leurs demandes d’asile aient été séparées de celle de M. Abbas, elles étaient fondées uniquement sur le Formulaire de renseignements personnels (FRP) de ce dernier. L’épouse et les filles de M. Abbas ont chacune confirmé devant la SPR que les renseignements contenus dans son FRP étaient exacts. La SPR a déclaré qu’elle n’avait aucune raison de douter de la véracité des renseignements fournis par les demandeures d’asile.

[6]  Dans l’exposé circonstancié présenté à la SPR, M. Abbas indiquait qu’il avait été membre du groupe Altaf du Mouvement Qaumi Mohajir (MQM‑A) de 1984 à 1997. Il a prétendu qu’il était un travailleur actif (bénévole) du MQM‑A et qu’il n’était pas un membre, mais plutôt un sympathisant. La SPR a admis qu’il avait tenu des réunions chez lui pour promouvoir le MQM‑A et éduquer le grand public au sujet du MQM‑A, qu’il a décrit comme étant [traduction« destiné à libérer le peuple pakistanais du régime dictatorial ».

[7]  Le 16 mars 2016, la Section de l’immigration (SI) a conclu que M. Abbas était interdit de territoire au Canada en application de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR, parce qu’il était membre d’un groupe qui a été l’auteur d’un acte de « terrorisme » au sens de l’alinéa 34(1)c).

[8]  Le 18 avril 2016, la SPR a avisé M. Abbas qu’elle avait mis fin à la procédure en cours devant elle, parce que l’Agence des services frontaliers du Canada l’avait informée que la demande d’asile de M. Abbas était devenue irrecevable.

[9]  Au moment où elle a conclu que M. Abbas était interdit de territoire, la SI a pris une mesure d’expulsion contre lui. Sa demande d’autorisation de contrôle judiciaire de la décision de la SI a été rejetée le 29 juin 2016.

III.  La décision de la Section de l’immigration

[10]  La SI a rendu sa décision le 16 mars 2016. Trois questions ont été examinées; toutes ont reçu une réponse affirmative.

[11]  La SI a déterminé que :

  1. le MQM‑A était une organisation;

  2. le MQM‑A était une organisation terroriste;

  3. M. Abbas était membre du MQM‑A.

[12]  Pour en arriver à ces conclusions, la SI a examiné le FRP de M. Abbas et le témoignage qu’il a livré à l’audience. M. Abbas était représenté par un avocat et a été contre‑interrogé par l’avocat du ministre. La SI a conclu que l’information contenue dans le FRP était exacte, mais qu’à l’audience M. Abbas avait tenté de minimiser sa participation aux activités du MQM‑A.

[13]  La SI a conclu que M. Abbas avait reçu des appels téléphoniques menaçants d’un groupe rival et que des hommes armés, soupçonnés d’appartenir à ce groupe, avaient fait feu sur sa maison. Sa famille et lui ont déménagé temporairement chez ses beaux‑parents et sont finalement rentrés chez eux après six mois. Trois mois plus tard, les appels téléphoniques menaçants ont recommencé. Le 24 mars 1996, sa maison a pris feu et a été gravement endommagée. M. Abbas est ensuite retourné vivre chez ses beaux‑parents.

[14]  Le 2 juin 1996, la police a arrêté M. Abbas chez ses beaux‑parents et l’a conduit au poste de police local où il a été détenu pendant six jours. Pendant ce temps, il a été battu et torturé. Sa famille a payé un pot‑de‑vin pour sa libération. Le 11 décembre 1996, M. Abbas a été enlevé et torturé par le groupe Haqiqi du Mouvement Qaumi Mohajir (MQM‑H), puis jeté dans la rue. M. Abbas a subi de graves blessures qui ont nécessité six jours d’hospitalisation.

[15]  La SI a conclu qu’aucun élément de preuve ne montrait que M. Abbas avait commis l’un quelconque des actes terroristes attribués au MQM‑A. Son activité la plus importante a été de promouvoir le programme du MQM‑A auprès du grand public en tenant des réunions à son domicile et à la mosquée tous les deux ou trois mois pendant deux ou trois ans. M. Abbas a également permis au MQM‑A de placer des dépliants dans la salle d’attente de son laboratoire de radiographie.

[16]  Bien que M. Abbas n’ait jamais officiellement adhéré au MQM‑A, la SI a examiné la jurisprudence et a conclu que la participation officieuse à un groupe ou un appui en sa faveur pouvait suffire. La SI a souligné que trois critères doivent être pris en compte, à savoir la nature de la participation de la personne à l’organisation, la durée de sa participation à celle‑ci et le degré d’engagement de la personne à l’égard des buts et des objectifs de l’organisation. D’autres facteurs sont également pris en compte, comme la connaissance des méthodes et des objectifs de l’organisation, le caractère volontaire de la participation et l’appartenance à des groupes connexes.

[17]  En concluant que M. Abbas était membre du MQM‑A, la SI a noté qu’il avait été impliqué dans l’organisation pendant longtemps (au moins de 1988 à 1996), qu’il connaissait les méthodes et les objectifs du groupe et qu’il organisait des séminaires d’information sur le groupe.

[18]  La SI a constaté que M. Abbas s’était montré très engagé à l’égard du MQM‑A. Il a été menacé et a été la cible de coups de feu, mais il a continué à tenir ses réunions malgré ces actes de persécution.

[19]  La SI a également accepté comme étant exacte toute l’information contenue dans le FRP de M. Abbas. Le FRP comprenait une description de divers incidents de persécution dont M. Abbas a été victime, qui sont décrits dans les présents motifs.

IV.  La décision de la SPR

[20]  M. Abbas a joint aux observations qu’il a présentées à l’agent une copie de la décision de la SPR accordant le statut de réfugié à son épouse et à ses filles. La SPR a établi que les demandes dont le tribunal était saisi étaient uniques, en ce sens que c’est l’exposé circonstancié de M. Abbas qui les appuyait et que celui‑ci n’était pas devant la SPR.

[21]  Le tribunal a conclu que les trois femmes appartenaient à un groupe social particulier : les femmes musulmanes chiites qui ne dépendent pas d’un homme et qui ont adopté les valeurs occidentales. Par conséquent, le tribunal a examiné les demandes uniquement sur le fondement de l’article 96 de la LIPR. La SPR a déterminé qu’elles seraient en danger en raison de leur sexe et en tant que rapatriées d’un pays occidental adhérant aux valeurs occidentales. En particulier, le tribunal a conclu que les musulmans chiites sont une minorité au Pakistan et qu’ils sont la cible d’actes de violence gratuite.

[22]  La SPR a déterminé que les membres de la famille étaient des réfugiés au sens de la Convention. Elle a conclu que les membres de la famille étaient des témoins crédibles et a accepté que ce qu’ils ont allégué à l’appui de leurs demandes était exact. Toutefois, le tribunal a rejeté, en raison de son caractère purement spéculatif, le fait que toute personne associée au MQM ou à tout autre parti politique aurait toujours un intérêt à faire du mal à M. Abbas.

[23]  Le tribunal a déterminé qu’il n’y avait de possibilité de refuge intérieur (PRI) nulle part au Pakistan pour la famille :

[traduction]

L’un des principaux problèmes pour ces demandeures d’asile est le fait qu’elles seraient facilement reconnaissables comme étant occidentalisées et que cela crée une possibilité sérieuse que des radicaux ou des voleurs les prennent pour cible.

[24]  En outre, le tribunal a fait valoir que les proches de M. Abbas pourraient essayer de retrouver son épouse et ses filles pour faire pression sur lui afin qu’il recommence à leur envoyer de l’argent ou qu’il parraine la famille au Canada. Pour éviter cela, il faudrait que les membres de la famille n’aient aucun contact familial et que M. Abbas s’assure qu’il ne divulgue pas leurs allées et venues à ses proches.

V.  Les dispositions législatives applicables

[25]  M. Abbas a été jugé interdit de territoire en application du paragraphe 34(1) de la LIPR, parce qu’il était membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte de terrorisme.

[26]  Vu cette décision d’interdiction de territoire, M. Abbas est visé par l’alinéa 112(3)a) de la LIPR et ne peut donc pas se voir conférer l’asile. Même si le résultat de son ERAR avait été positif, la mesure de renvoi le visant n’aurait été que suspendue en vertu du paragraphe 114(1). Si le ministre était par la suite d’avis que les circonstances entourant le sursis avaient changé, le paragraphe 114(2) prévoit qu’il pourrait y avoir un réexamen de l’ERAR et le sursis pourrait être annulé.

[27]  Comme l’interdiction de territoire de M. Abbas était fondée sur des motifs de sécurité, son ERAR se limitait à l’examen de l’article 97 de la LIPR et à la question de savoir si « la demande devrait être rejetée en raison de la nature et de la gravité des actes passés ou du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada », comme le prévoit le sous‑alinéa 113d)(ii) de la LIPR. Pour cette raison, l’agent n’a pas pu tenir compte des motifs prévus à l’article 96.

[28]  Les extraits pertinents de la loi mentionnés dans les présents motifs sont joints à l’annexe A.

VI.  La décision contestée

A.  Les observations de M. Abbas présentées à l’agent

[29]  Dans sa demande d’ERAR, présentée le 14 mars 2017, M. Abbas a allégué qu’il craignait de retourner au Pakistan en raison des risques qui découlaient des faits suivants :

  • - son statut de musulman chiite;

  • - sa participation passée à la vie politique pakistanaise;

  • - les membres de sa famille étendue au Pakistan qui, selon lui, pourraient lui faire du mal pour les raisons suivantes :

    • - il a cessé de les soutenir financièrement;

    • - il ne les a pas parrainés aux fins d’immigration au Canada;

    • - ils pourraient l’extorquer puisqu’ils continuent à chercher des fonds et un parrainage d’immigration;

  • - il est absent du Pakistan depuis longtemps.

[30]  M. Abbas a soutenu que la demande d’asile de son épouse et de ses filles, qui a été accueillie, reposait sur les mêmes faits que sa propre demande d’asile.

[31]  M. Abbas a également soutenu qu’il ne constituerait pas un danger pour la sécurité du Canada pour les raisons suivantes :

  • - sa participation aux activités du MQM‑A était minime;

  • - il n’était pas membre du MQM‑A; il était simplement bénévole et sympathisant;

  • - il souffre d’un certain nombre de problèmes de santé pour lesquels il prend actuellement des médicaments;

  • - il exploite une entreprise et subvient aux besoins de sa famille;

  • - il ne présente aucun risque pour la société canadienne;

  • - il n’a de casier judiciaire nulle part dans le monde;

  • - il n’est jamais retourné au Pakistan depuis qu’il a quitté le pays.

[32]  Dans ses observations écrites, M. Abbas a souligné qu’il avait expliqué en détail sa situation et les circonstances dans son affidavit joint au présent document.

B.  Les documents remis à l’agent

[33]  Des certificats de police de la GRC, du département de la Justice des États‑Unis et du district de Karachi‑Centre, ainsi qu’un certain nombre de documents à l’appui concernant les conditions de vie des membres de la minorité musulmane chiite au Pakistan, accompagnaient les observations écrites.

[34]  La décision de la SPR concernant la demande d’asile de l’épouse et des filles de M. Abbas, qui a été accueillie, a été présentée, ainsi que l’affidavit de M. Abbas en date du 27 mars 2016, à l’appui de sa demande d’ERAR.

[35]  Un grand nombre de lettres d’appui provenant d’un échantillon représentatif de la communauté a également été présenté. D’autres propriétaires d’entreprises, des chefs religieux, des membres de la famille et des amis ont tous témoigné de la bonne réputation de M. Abbas ainsi que de son ardeur au travail et de son honnêteté. Il est décrit à maintes reprises comme un bon membre de la communauté. Les dossiers médicaux de M. Abbas, ses dossiers d’affaires et un certain nombre de photos de famille ont également été présentés à l’agent.

[36]  Une évaluation psychologique de l’épouse de M. Abbas par le Dr Paul Ungar, datée de novembre 2014, a été présentée. Le Dr Ungar a conclu que l’épouse de M. Abbas souffrait d’un [traduction« trouble de l’adaptation avec humeur dépressive, trouble de la personnalité dépendante et autres troubles qui peuvent faire l’objet d’une attention clinique : insécurité existentielle ». L’essentiel du rapport est que l’épouse de M. Abbas a une tendance chronique à compter beaucoup trop sur son mari, tendance qui s’est aggravée à la suite du décès de leur fils. Le Dr Ungar a également constaté qu’elle avait [traduction« une peur intense d’être séparée de son mari et qu’elle était inquiète à l’idée de devoir vivre sans un protecteur masculin » si M. Abbas était déporté.

C.  Les conclusions de l’agent

[37]  L’agent a déterminé que les risques auxquels M. Abbas serait exposé s’il devait retourner au Pakistan étaient liés à sa religion, puisqu’il est issu de la minorité chiite musulmane, et aux membres de sa propre famille.

[38]  L’agent a noté que la demande d’ERAR de M. Abbas serait fondée uniquement sur l’article 97 de la LIPR, car il était visé au paragraphe 112(3).

[39]  L’agent a ensuite fait référence à la conclusion de la SI selon laquelle M. Abbas était membre du MQM‑A et a présenté un long extrait de la décision de la SI discutant du FRP et résumant de façon détaillée la discussion sur les raisons pour lesquelles la SI en est venue à la conclusion que M. Abbas était membre du MQM‑A.

[40]  L’agent a ensuite résumé la demande d’ERAR de M. Abbas en faisant référence à sa peur de la violence et des atrocités perpétrées contre les musulmans chiites : il craint que les gens de la ville et du pays ne représentent un grand risque pour sa vie et que le gouvernement du Pakistan ne soit pas disposé à contrôler les actes de violence commis contre les musulmans chiites ou qu’il soit incapable de le faire.

[41]  L’agent a également indiqué dans ses observations écrites que M. Abbas n’avait pas de casier judiciaire, qu’il n’était pas actif dans le MQM‑A, qu’il n’était pas violent et qu’il craignait sa famille élargie puisqu’il ne les soutient plus.

[42]  L’agent commente le fait qu’un certain nombre d’articles et de rapports ont été soumis par M. Abbas, et il répond à ces documents comme suit :

[traduction]

Ces documents contiennent des renseignements variés sur divers actes criminels, sont de nature générale et ne mentionnent pas le demandeur ni ne traitent des éléments cruciaux de la présente demande. Bien que j’aie examiné ces documents et articles dans le contexte de l’évaluation de la situation qui prévaut au pays, je ne peux pas dire qu’ils démontrent que le demandeur sera personnellement exposé à un risque au Pakistan. De plus, ni le demandeur ni son avocat n’ont présenté d’autres observations sur les risques auxquels il s’expose personnellement. Aucun de ces documents ne corrobore ou ne confirme les allégations du demandeur ni ne traite de sa situation personnelle de quelque façon que ce soit. Je suis conscient de la situation dans le pays et du fait que les conditions qui y prévalent sont loin d’être favorables, mais la défense n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve convaincants pour établir que le demandeur serait personnellement ciblé s’il retournait au Pakistan.

[43]  L’agent a fait remarquer que les divers documents à l’appui, les photos prises au Canada et les documents de l’Agence du revenu du Canada présentés par M. Abbas traitent de questions d’ordre humanitaire qui ne relèvent pas des articles 96 et 97 de la LIPR.

[44]  L’agent a déclaré que la preuve objective n’indiquait pas que M. Abbas serait en danger s’il retournait au Pakistan. M. Abbas n’a pas fourni de preuve démontrant qu’il serait probablement une personne d’intérêt pour les fanatiques qui ciblent les musulmans chiites. Il n’a pas fourni une preuve objective suffisante démontrant que, en raison de sa situation personnelle ou de ses activités passées, il serait une personne d’intérêt pour quiconque s’il retournait au Pakistan.

[45]  Ensuite, l’agent estime qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que M. Abbas, s’il était renvoyé au Pakistan, serait personnellement exposé au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumis à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il n’y avait pas non plus suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que [traduction« l’instigateur d’un tel préjudice en l’espèce est un fonctionnaire du gouvernement pakistanais sous quelque forme que ce soit, ou que le gouvernement pakistanais consentirait à ce qu’un individu fasse du mal » à M. Abbas.

[46]  Comme il est expliqué en détail dans la partie consacrée à l’analyse des présents motifs, l’agent n’a donné aucune raison précise à l’appui de ces constatations.

[47]  Néanmoins, à la lumière de ces conclusions, l’agent a rejeté la demande d’ERAR fondée sur l’article 97 de la LIPR.

VII.  Les questions en litige et la norme de contrôle

A.  Les questions en litige

[48]  M. Abbas soulève trois questions :

  • 1) L’agent a‑t‑il mal analysé la preuve?

  • 2) La décision contestée était‑elle déraisonnable et a‑t‑on omis de soupeser la preuve?

3)  L’agent a‑t‑il manqué à l’équité procédurale en omettant de tenir une audience étant donné que M. Abbas n’a jamais eu droit à une audience relative à sa demande d’asile?

[49]  En abordant ces questions, le défendeur soutient que la décision contestée était raisonnable et que l’équité procédurale n’exigeait pas que M. Abbas soit interrogé, puisque les préoccupations de l’agent ne portaient pas sur la crédibilité de M. Abbas.

[50]  Comme j’ai conclu que la décision n’était pas raisonnable, il n’est pas nécessaire d’examiner si elle a été rendue d’une manière équitable sur le plan procédural.

B.  La norme de contrôle

[51]  La norme de contrôle applicable à une décision défavorable en matière d’ERAR est la norme de la décision raisonnable : Nagarasa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 313, au paragraphe 16.

[52]  Une décision est raisonnable si le processus décisionnel est justifié, transparent et intelligible et qu’il donne lieu à une décision qui appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 [Dunsmuir].

[53]  Lus dans leur ensemble, « les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16 [Nfld Nurses].

[54]  L’agent qui a siégé à titre de tribunal administratif n’a pas l’obligation d’examiner et de commenter dans ses motifs chaque argument soulevé par les parties. La question pour la cour de révision est de savoir si la décision, considérée dans son ensemble, à la lumière du dossier, est raisonnable : Nfld Nurses, au paragraphe 16.

VIII.  Les observations des parties

A.  Les observations de M. Abbas

[55]  M. Abbas soutient qu’il a fourni des renseignements pertinents et fiables sur la situation qui prévaut au Pakistan et que le fait que l’agent les ait mentionnés comme étant de nature générale et sans lien avec M. Abbas personnellement était [traduction« totalement irrationnel », car, bien entendu, il n’est pas nommé dans ces documents. Ces documents traitent de la situation générale des musulmans chiites et d’autres groupes de personnes, comme celles qui ont été torturées après leur arrestation ou leur enlèvement, au Pakistan.

[56]  En examinant la preuve au dossier, l’agent a fait référence à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) et à [traduction« son audience relative à sa demande d’asile » plutôt qu’à la SI. Dans ses notes relatives aux motifs, l’agent a indiqué dans une note en bas de page qu’une longue citation provenait de la décision de la SPR. L’extrait qu’il a inclus était tiré de la décision de la SI. M. Abbas soutient que le fait que l’agent ait incorrectement appelé l’enquête de la SI son audience relative à sa demande d’asile démontre que l’agent avait déjà pris sa décision concernant la demande d’ERAR. M. Abbas affirme qu’il ne s’agit pas d’une simple erreur typographique.

[57]  M. Abbas soutient que la SPR, lorsqu’elle a accordé l’asile à son épouse et à ses filles, a accepté les mêmes risques que ceux qu’il avait mis de l’avant dans son ERAR (sauf que la SPR a rejeté l’aspect politique des risques et a accepté leur aspect relatif au sexe). M. Abbas affirme qu’il était clair que les risques encourus par son épouse et ses filles, si elles étaient renvoyées au Pakistan, étaient directement associés et liés aux mêmes risques auxquels il serait exposé.

[58]  M. Abbas affirme également que la décision de la SPR confirme qu’il serait exposé à des risques, mais qu’elle les a écartés. Il renvoie au paragraphe 60 de la décision de la SPR, que la SPR a indiqué être fondé sur les cartables nationaux de documentation du Département d’État des États‑Unis concernant les pratiques en matière de droits de la personne au Pakistan pour 2013 :

[traduction]

Souvent, la police n’a pas protégé les membres des minorités religieuses, notamment les chrétiens, les musulmans ahmadis et les musulmans chiites, contre des attaques. Les demandeurs d’asile appartiennent à ces catégories religieuses.

B.  Les observations du défendeur

[59]  Le défendeur soutient que le renvoi à l’audience relative à la demande d’asile et à la Commission plutôt qu’à l’enquête sur l’interdiction de territoire et à la SI est simplement une erreur administrative. La date indiquée dans la note en bas de page est la date de la décision de la SI.

[60]  Le défendeur note également que l’agent a fait référence aux lettres d’appui et a conclu qu’il s’agissait de documents généraux portant sur des questions d’ordre humanitaire, mais que ces derniers ne pouvaient être examinés pour l’application de l’article 97.

[61]  Le défendeur souligne également qu’il y a une liste de documents dans le dossier certifié du tribunal (DCT) et que l’agent a déclaré : [traduction« J’ai examiné attentivement la demande d’ERAR du demandeur, ainsi que la preuve documentaire sur la situation qui prévaut au Pakistan. » En outre, le fait que le Pakistan soit dangereux est un risque généralisé et M. Abbas ne serait pas personnellement exposé à un risque en raison de la situation qui prévaut au pays.

[62]  Le défendeur a également soutenu que M. Abbas ne serait pas exposé à un risque puisqu’il n’était pas un membre très en vue du MQM‑A.

[63]  Le défendeur affirme que même si l’agent n’a pas mis en relief les éléments de preuve, ce n’est pas la même chose que de les rejeter d’emblée. L’agent a fait référence à la preuve, notamment aux craintes de M. Abbas à l’égard de sa propre famille et en tant que musulman chiite, mais l’agent a conclu que M. Abbas n’avait pas établi, d’après la preuve, qu’il serait exposé à une menace à sa vie ou au risque d’être soumis à la torture. Le défendeur ajoute que la discrimination n’équivaut pas à la persécution.

[64]  Le défendeur soutient également que la famille de M. Abbas n’est pas un intervenant gouvernemental et qu’un tel conflit familial n’est pas visé par l’article 97.

IX.  Analyse

[65]  Le défendeur a soutenu que le traitement de la preuve effectué par l’agent et les conclusions finales que ce dernier a tirées sont raisonnables. Citant l’arrêt Nfld Nurses, le défendeur soutient que la cour de révision doit d’abord chercher à compléter les motifs avant de les contrecarrer et que les motifs n’ont pas à être parfaits. Les motifs n’ont qu’à démontrer pourquoi le tribunal a tiré une telle conclusion et à permettre à la cour de déterminer si la conclusion tirée appartient aux issues acceptables.

[66]  Je suis d’accord avec le défendeur. Toutefois, comme l’a déclaré le juge Rennie lorsqu’il siégeait à la Cour et comme il l’a confirmé lorsqu’il siégeait à la Cour d’appel fédérale, il est également vrai que « [l]’arrêt Newfoundland Nurses ne donne pas à la Cour toute la latitude voulue pour fournir des motifs qui n’ont pas été donnés, ni ne l’autorise à deviner quelles conclusions auraient pu être tirées ou à émettre des hypothèses sur ce que le tribunal a pu penser » : Komolafe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 431, au paragraphe 11; Lloyd c Canada (Procureur général), 2016 CAF 115, au paragraphe 24.

[67]  Bien que l’on présume que l’agent a examiné l’ensemble du dossier et, en l’espèce, l’agent a déclaré que c’était bien le cas, il faut quand même procéder à une analyse de la preuve et non simplement en faire un résumé et tirer une conclusion : Navarrete Andrade c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 436, au paragraphe 28.

[68]  En l’espèce, l’agent a présenté des extraits assez détaillés de la décision de la SI. L’agent a ensuite exposé pratiquement mot pour mot les observations de M. Abbas. Aucune analyse ni aucun commentaire n’a été ajouté par l’agent dans les deux cas.

[69]  La décision de la SPR et la décision de la SI ont toutes deux jugé le FRP de M. Abbas crédible, y compris les déclarations qu’il a faites au sujet de son appartenance au MGM‑A et les raisons qu’il a fournies pour expliquer pourquoi il craint de retourner au Pakistan. L’agent n’a pas examiné ou contesté ces constatations.

[70]  Lorsque l’agent a conclu que la preuve était insuffisante, il s’agissait d’une simple affirmation. Aucune analyse n’a été fournie pour montrer comment ou pourquoi l’agent a tiré ces conclusions.

[71]  Les deux exemples suivants illustrent l’approche imparfaite adoptée en l’espèce par l’agent.

A.  Les craintes de M. Abbas à l’égard de ses proches et en tant que musulman chiite

[72]  Dans son affidavit, M. Abbas a déclaré en particulier qu’il craignait de retourner au Pakistan parce que les membres de sa propre famille pourraient tenter de lui faire du mal parce qu’il ne les soutient pas financièrement. Il a juré que parce qu’il a une entreprise au Canada, les membres de sa famille pourraient croire qu’il est riche. Il a également déclaré que les membres de sa famille lui réclament constamment de l’argent; ils l’appellent presque tous les mois et toujours pendant les fêtes religieuses pour lui demander de leur envoyer de l’argent.

[73]  La décision de la SPR a tenu compte du risque fondé sur l’article 96 pour l’épouse et les filles de M. Abbas en tant que membres d’un groupe social particulier, mais elle a également reconnu que les frères et sœurs et les membres de la famille de M. Abbas représentaient un risque parce qu’ils étaient mécontents qu’il ait cessé de leur faire des paiements et ne les parraine pas pour qu’ils puissent s’installer au Canada.

[74]  La SPR a évalué et accepté plusieurs raisons invoquées par l’épouse et les filles de M. Abbas pour expliquer leur crainte de retourner au Pakistan. Trois de ces raisons s’appliquent également à la situation personnelle de M. Abbas : (1) il serait identifié comme venant d’un pays occidental ce qui constituerait un réel risque d’être perçu comme étant riche, donc une cible vulnérable pour les voleurs et les fanatiques religieux; (2) il ferait partie de la minorité chiite au Pakistan qui est souvent la cible de violence; et (3) il n’y a pas de PRI au Pakistan pour une personne perçue comme occidentalisée.

[75]  Je note que la première raison s’appuie sur le même fondement que la crainte de M. Abbas de subir un préjudice aux mains des membres de sa famille. Au paragraphe 18 de son affidavit, M. Abbas affirme :

[traduction]

J’ai peur d’aller au Pakistan à cause des membres de ma propre famille. J’ai peur qu’ils essaient de me faire du mal, car je ne les soutiens plus financièrement. Ils savent que j’ai une entreprise au Canada et pensent que, nécessairement, j’ai beaucoup d’argent. Les gens au Pakistan pensent que les gens qui vivent en Occident ont beaucoup d’argent et j’ai entendu de nombreuses histoires concernant des enlèvements faits pour obtenir de l’argent au Pakistan. Même les membres de ma famille veulent toujours de l’argent. Ils m’appellent presque tous les mois et toujours pendant les fêtes religieuses pour que je leur envoie de l’argent.

[76]  Dans l’ordonnance accordant un sursis à l’exécution de la mesure d’expulsion de M. Abbas, publiée sous la référence 2018 CF 126 et rendue après la décision concernant l’ERAR, le juge Zinn a noté que la seule évaluation concernant le risque auquel M. Abbas est exposé au Pakistan était celle contenue dans la décision relative à l’ERAR. Le juge Zinn a décrit le risque auquel M. Abbas est exposé, en se fondant sur la décision de la SPR, de cette façon au paragraphe 9 de l’ordonnance :

[...] Les faits de l’espèce sont très singuliers. L’épouse et les filles de M. Abbas ont été admises à titre de réfugiées au sens de la Convention en raison du risque auquel elles font face au Pakistan de la part de la famille de M. Abbas, et n’avaient aucune possibilité de refuge intérieur. M. Abbas semble être l’une des causes de ce risque. Je dois présumer que si M. Abbas avait pu présenter sa demande d’asile, il aurait aussi obtenu le statut de réfugié pour ce motif. En conséquence, il existe des éléments de preuve clairs qui ne reposent pas sur des conjectures selon lesquels sa vie et sa santé sont en péril s’il est renvoyé au Pakistan dès maintenant, à savoir, le même risque que celui sur lequel est fondée la décision de faire droit à la demande d’asile de sa famille.

[77]  L’agent a exposé avec précision la nature de la crainte exprimée par M. Abbas à l’égard des membres de sa propre famille parce qu’il ne les soutient plus financièrement et qu’ils voulaient qu’il parraine certains d’entre eux au Canada.

[78]  La décision contestée ne contient aucune analyse de cette crainte.

[79]  M. Abbas a indiqué que la principale raison pour laquelle il craignait de retourner au Pakistan était sa religion. Son propre témoignage par affidavit indiquait que son beau‑père avait construit une mosquée chiite à Karachi qui avait été bombardée et que des fidèles avaient été tués et blessés.

[80]  M. Abbas a juré qu’en raison de la réputation et de la notoriété de son beau‑père, il craignait que les habitants de Karachi et du Pakistan ne représentent un grave danger pour sa vie et sa sécurité. Il a mentionné qu’il existe des rapports nationaux crédibles et authentifiés montrant que la violence contre les musulmans chiites est en hausse. L’agent n’a pas mentionné ou examiné ces éléments de preuve dans sa décision, ni examiné les documents sur la situation qui prévaut au pays.

[81]  Ces deux risques énoncés par M. Abbas sont brièvement examinés, ensemble, par l’agent :

[traduction]

Le demandeur n’a pas fourni une preuve objective suffisante pour établir qu’il serait exposé à un risque advenant son retour au Pakistan. Le demandeur n’a pas fourni de preuve démontrant qu’il serait probablement une personne d’intérêt pour les fanatiques qui ciblent les musulmans chiites minoritaires, pour le gouvernement du Pakistan ou pour les membres de sa famille. De même, il n’a pas fourni une preuve objective suffisante pour montrer qu’en raison de sa situation personnelle ou de ses activités passées, il serait une personne d’intérêt pour quiconque s’il devait retourner au Pakistan. La preuve objective dont je dispose ne démontre pas que le demandeur serait exposé à un risque s’il retournait au Pakistan.

[82]  Il s’agit de l’ensemble des propos de l’agent concernant les craintes de M. Abbas à l’égard de ses proches au Pakistan et en tant que musulman chiite au Pakistan. Cela ne permet pas à M. Abbas ni à la Cour de comprendre pourquoi l’agent a tiré ces conclusions.

[83]  La SPR a procédé à une analyse des risques auxquels s’exposeraient l’épouse et les enfants de M. Abbas s’ils étaient renvoyés au Pakistan. La SPR a reconnu que leur crainte de subir un préjudice aux mains des proches de M. Abbas et le risque d’être victimes de violence gratuite en tant que musulmanes chiites étaient fondés. Selon la preuve, chacune de ces craintes s’applique à M. Abbas, mais l’agent ne les a pas examinées dans sa décision, bien qu’elles aient été exprimées par M. Abbas et étayées dans le dossier.

[84]  L’agent ne fait à aucun moment référence aux conclusions de la décision de la SPR qui ont été tirées après l’examen des documents sur la situation dans le pays. La décision de la SPR entre certainement dans la catégorie de la « preuve objective » et elle admet que les membres de la famille de M. Abbas présentent un risque.

[85]  L’affidavit de M. Abbas témoigne de cette crainte. Il explique d’une part les raisons de sa peur, d’autre part que M. Abbas craint que les membres de sa famille lui fassent du mal. Étant donné que ceux qui sont susceptibles de s’en prendre à lui sont des membres de sa famille ou de sa belle‑famille, on ne peut pas dire qu’il s’agit là d’un risque généralisé qui ne le touche pas personnellement.

[86]  Dans son analyse des risques, la SPR a reconnu que ces deux craintes constituaient des risques valables pour l’épouse et les filles de M. Abbas et a expliqué pourquoi elle en était arrivée à cette conclusion. Bien que l’agent ait pu percevoir une raison qui explique le fait que ces mêmes craintes, lorsqu’elles sont exprimées par M. Abbas, devraient entraîner un résultat différent dans le cadre de l’analyse des risques, cette explication n’a pas été intégrée à la décision.

[87]  L’agent a formulé des conclusions sans mener aucune analyse ou discussion sur les risques énoncés dans l’affidavit de M. Abbas, dans son FRP et dans les constatations à l’appui faites par la SPR. À cet égard, le processus décisionnel n’est ni justifié, ni transparent, ni intelligible; il n’est pas possible de comprendre pourquoi l’agent est arrivé aux conclusions énoncées dans la décision. Par conséquent, les critères de l’arrêt Dunsmuir ne sont pas respectés et la décision est déraisonnable.

[88]  D’après l’examen du dossier et pour les motifs susmentionnés, je suis convaincue que la décision doit être annulée et que l’affaire doit être renvoyée à un autre agent pour qu’il statue à nouveau sur l’affaire.

[89]  Aucune des parties n’a proposé de question grave de portée générale à trancher et les faits en l’espèce n’en soulèvent aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑4394‑17

LA COUR STATUE que :

  1. La demande est accueillie.

  2. L’affaire est renvoyée à un autre agent pour qu’il statue à nouveau sur l’affaire.

  3. Aucune question grave de portée générale n’est soulevée aux fins de certification.

« E. Susan Elliott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 11e jour de juin 2019

Julie Blain McIntosh


ANNEXE A

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

Interdictions de territoire

 

Inadmissibility

 

Sécurité

34  (1) Emportent interdiction de territoire pour raison de sécurité les faits suivants :

. . .

Security

34  (1) A permanent resident or a foreign national is in admissible on security grounds for

. . .

c) se livrer au terrorisme;

. . .

(c) engaging in terrorism;

. . .

f) être membre d’une organisation dont il y a des mo- tifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte visé aux alinéas a), b), b.1) ou c).

. . .

 

(f) being a member of an organization that there are reasonable grounds to believe engages, has engaged or will engage in acts referred to in paragraph (a), (b), (b.1) or (c).

. . .

 

Protection des réfugiés

Notions d’asile, de réfugié et de personne à protéger

. . .

Refugee Protection

Refugee Protection, Convention Refugees and Persons in Need of Protection

. . .

Définition de réfugié

96  A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

Convention Refugee

96  A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, member-ship in a particular social group or political opinion

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is un- able or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

Personne à protéger

97  (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

Person in need of protection

97  (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and un usual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

. . .

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

. . .

Examen des risques avant renvoi

Protection

Demande de protection

112 (1) La personne se trouvant au Canada et qui n’est pas visée au paragraphe 115(1) peut, conformément aux règlements, demander la protection au ministre si elle est visée par une mesure de renvoi ayant pris effet ou nom- mée au certificat visé au paragraphe 77(1).

. . .

 

Pre-Removal Risk Assessment

Protection

Application for Protection

112 (1) A person in Canada, other than a person referred to in subsection 115(1), may, in accordance with the regulations, apply to the Minister for protection if they are subject to a removal order that is in force or are named in a certificate described in subsection 77(1).

. . .

Exception

(2) Elle n’est pas admise à demander la protection dans les cas suivants :

. . .

 

Exception

(2) Despite subsection (1), a person may not apply for protection if

. . .

b) sa demande d’asile a été jugée irrecevable au titre de l’alinéa 101(1)e);

. . .

(b) they have made a claim to refugee protection that has been determined under paragraph 101(1)(e) to be ineligible;

. . .

 

Restriction

(3) L’asile ne peut être conféré au demandeur dans les cas suivants :

 

Restriction

(3) Refugee protection may not be conferred on an applicant who

 

a) il est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou criminalité organisée;

. . .

(a) is determined to be inadmissible on grounds of security, violating human or international rights or organized criminality;

. . .

 

Examen de la demande

113 Il est disposé de la demande comme il suit :

. . .


Consideration of Application

113 Consideration of an application for protection shall be as follows:

. . .

 

d) s’agissant du demandeur visé au paragraphe 112(3)— sauf celui visé au sous-alinéa e)(i) ou (ii) —, sur la base des éléments mentionnés à l’article 97 et, d’autre part :

. . .

(d) in the case of an applicant described in subsection 112(3) — other than one described in subparagraph (e)(i) or (ii) — consideration shall be on the basis of the factors set out in section 97 and

. . .

 

(ii) soit, dans le cas de tout autre demandeur, du fait que la demande devrait être rejetée en raison de la nature et de la gravité de ses actes passés ou du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada;

. . .

(ii) in the case of any other applicant, whether the application should be refused because of the nature and severity of acts committed by the applicant or because of the danger that the applicant constitutes to the security of Canada;

. . .

 

Effet de la décision

114(1)  La décision accordant la demande de protection a pour effet de conférer l’asile au demandeur; toutefois, elle a pour effet, s’agissant de celui visé au paragraphe 112(3), de surseoir, pour le pays ou le lieu en cause, à la mesure de renvoi le visant.

Effect of decision

114(1)  A decision to allow the application for protection has

(a) in the case of an applicant not described in subsection 112(3), the effect of conferring refugee protection; and

(b) in the case of an applicant described in subsection 112(3), the effect of staying the removal order with respect to a country or place in respect of which the applicant was determined to be in need of protection.

 

Révocation du sursis

(2) Le ministre peut révoquer le sursis s’il estime, après examen, sur la base de l’alinéa 113d) et conformément aux règlements, des motifs qui l’ont justifié, que les cir- constances l’ayant amené ont changé.

Cancellation of Stay

(2) If the Minister is of the opinion that the circumstances surrounding a stay of the enforcement of a removal order have changed, the Minister may re-examine, in accordance with paragraph 113(d) and the regulations, the grounds on which the application was allowed and may cancel the stay.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑4394‑17

 

INTITULÉ :

KHAWAJA HASSAN ABBAS c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 AVRIL 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DES MOTIFS :

Le 5 AVRIL 2019

 

COMPARUTIONS :

M. Ghulam Murtaza

 

Pour le demandeur

 

M. Brett J. Nash

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Ghulam Murtaza

GSM Law Corporation

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

Pour le défendeur

 

 

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