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     Date : 19980123

     IMM-1025-97

OTTAWA (ONTARIO), le 23 janvier 1998

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SUPPLÉANT HEALD

ENTRE :

     JAN JAMES SIKILAA,

     requérant,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     O R D O N N A N C E

     La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, en date du 24 février 1997, est annulée et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour qu'il la réexamine et rende une nouvelle décision.

                                     Darryl V. Heald

                                     Juge suppléant

Traduction certifiée conforme :

François Blais, LL.L.

     Date : 19980123

     IMM-1025-97

ENTRE :

     JAN JAMES SIKILAA,

     requérant,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HEALD

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Section d'appel) a rejeté, le 24 février 1997, l'appel interjeté par le requérant contre la mesure de renvoi prise contre lui le 12 février 1996.

LES FAITS

[2]      Le requérant a obtenu le droit d'établissement au Canada en 1992. Il a revendiqué le statut de réfugié à l'égard du Malawi. Il soutenait être citoyen de ce pays. Il fondait sa revendication sur une crainte bien fondée d'être persécuté parce qu'il était témoin de Jéhovah. Lors de son enquête tenue le 12 février 1996, il a déclaré dans son témoignage avoir menti concernant le lieu où il était né et sa citoyenneté. Comme explication, il a affirmé qu'il était confus et troublé parce que son fils était très malade. Il a déclaré lors de l'enquête avoir une double citoyenneté (celle du Malawi et celle du Ghana). Il a dit que ses parents venaient du Malawi. Étant donné qu'il était né au Ghana, il croyait être également citoyen de ce pays.

[3]      L'arbitre a conclu, en s'appuyant sur l'alinéa 27(1)e) de la Loi sur l'immigration, que le requérant avait obtenu le droit d'entrer au Canada par suite d'une fausse indication sur un fait important. Cette conclusion a fondé la prise d'une mesure de renvoi.

LA DÉCISION DE LA SECTION D'APPEL

[4]      Devant la Section d'appel, le requérant a présenté deux passeports du Malawi et un passeport du Ghana. Dans son témoignage, il a dit être né au Malawi et être par conséquent citoyen du Malawi de naissance. Le requérant a déclaré avoir acheté un passeport du Ghana et un passeport du Malawi par des moyens illégaux. Une copie d'une lettre précisant qu'une personne ne pouvait obtenir la citoyenneté du Ghana uniquement par naissance a également été déposée devant la Section.

[5]      La Section d'appel a conclu que le seul document authentique dont elle disposait était le passeport du Ghana. La Section a tiré des conclusions défavorables sur la crédibilité du requérant. La Section a également examiné les motifs humanitaires invoqués par le requérant. La Section a conclu, à partir de l'ensemble du dossier, que la mesure d'expulsion étaient valide en droit et ne devait pas être modifiée.

LES QUESTIONS EN LITIGE

     1.      La Section d'appel a-t-elle commis une erreur en interprétant mal la preuve ou en tirant une conclusion de fait erronée?
     2.      La Section d'appel a-t-elle commis une erreur sur la question de savoir si des motifs d'ordre humanitaire sont en jeu en l'espèce?

ANALYSE

[6]      Il existe un conflit direct entre les parties quant à la citoyenneté du requérant. La Section d'appel a conclu que le requérant était citoyen du Ghana. Toutefois,la preuve documentaire établit qu'une personne ne peut être citoyenne du Ghana que si son père, sa mère ou l'un de ses grands-parents avait la citoyenneté du Ghana. Le père du requérant a signé un affidavit déclarant que le requérant était né au Malawi, que ses parents venaient du Malawi et que le requérant avait obtenu un passeport du Ghana par des moyens illégaux. Le requérant a également soutenu que son témoignage relatif à son aptitude à parler le Chichiwa, une langue indigène du Malawi, n'a pas été prise en compte.

a)      La preuve

[7]      À partir du dossier, j'estime que la Commission d'appel, en concluant que le requérant est un citoyen du Ghana, n'a pas tenu compte de l'affidavit de son père et de la preuve documentaire portant qu'une personne ne peut devenir citoyenne du Ghana à moins que son père, sa mère ou l'un de ses grands-parents soit Ghanéen. En conséquence, cette conclusion de la Section d'appel est erronée. La Section d'appel a également commis une erreur lorsqu'elle a souligné que le requérant aurait dû donner, aux agents d'immigration, des informations au sujet de son enfant et de son travail lorsqu'il est revenu du Ghana en 1993. À ce moment, le requérant n'avait pas d'enfant. Son premier enfant est né en 1994.

b)      L'entrave à l'exercice du pouvoir discrétionnaire

[8]      Cette prétention se fonde sur l'extrait suivant de la décision rendue par la Section d'appel lors de l'examen de l'existence de motifs humanitaires :

     [Traduction] Monsieur Sikilaa éprouvera de toute évidence certaines difficultés s'il est expulsé du Canada vers le Ghana... Monsieur Sikilaa n'a jamais été condamné pour une infraction criminelle, à la connaissance de la Section d'appel et, en conséquence, si on lui demandait de consentir à son retour au Canada, le ministre de la Citoyenneté et de l'immigration verrait sans aucun doute cette demande d'un oeil favorable, pour réunir la famille, une fois que M. Sikilaa aura révélé sa véritable identité.1         

[9]      Le requérant soutient que la décision éventuelle que le ministre prendra plus tard ne constitue pas un facteur pertinent à la question de savoir s'il existe ou non actuellement des motifs humanitaires justifiant l'annulation de la mesure d'expulsion. Je suis d'accord avec lui. Lorsqu'il s'agit de déterminer si une personne doit ou non être expulsée du Canada en application de l'alinéa 70(1)b) de la Loi sur l'immigration, la Section d'appel doit prendre en compte les " circonstances particulières de l'espèce " qui englobent nécessairement " le bien de la société et celui de la personne en particulier "2.

[10]      Toutefois, j'estime que la décision éventuelle que le ministre prendra plus tard ne constitue pas l'un des facteurs à prendre en compte. La Section d'appel, après avoir reçu des instructions adéquates, aurait dû examiner toutes les circonstances actuelles du requérant et rendre sa décision en se fondant sur tous ces facteurs, y compris le bien de la société. La Section d'appel a tenu compte des prétentions du requérant. Toutefois, il est clair que la possibilité que le ministre donne son consentement à son retour au Canada ne constitue pas un facteur pertinent.

[11]      Pour les motifs qui précèdent, je conclus que le requérant n'a pas bénéficié d'une audition équitable, étant donné que la Section d'appel n'a pas tenu compte de la totalité de la preuve pertinente qui lui a été soumise et, de plus, qu'elle a pris en compte un facteur non pertinent pour se prononcer sur l'existence de motifs humanitaires.

CONCLUSION

[12]      La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, en date du 24 février 1997, est annulée et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour qu'il la réexamine et rende une nouvelle décision.



[13]      Aucune des parties n'a proposé la certification d'une question grave de portée générale en vertu de l'article 83 de la Loi sur l'immigration. Je crois moi aussi qu'il n'y a lieu de certifier aucune question.

                                     Darryl V. Heald

                                     Juge suppléant

OTTAWA (Ontario)

23 janvier 1998

Traduction certifiée conforme :

François Blais, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :          IMM-1025-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :      JAN JAMES SIKILAA c. MCI
LIEU DE L'AUDITION :          Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDITION :          15 janvier 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE SUPPLÉANT HEALD

DATE DES MOTIFS :          23 janvier 1998

ONT COMPARU :

Me Bola Adetunji                      POUR LE REQUÉRANT
Me Neeta Logsetty                      POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Eboe-Osuji & Adetunji                  POUR LE REQUÉRANT

Toronto (Ontario)

Me George Thomson                      POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada

__________________

1      Dossier du requérant, page 16.

2      Comparer à l'arrêt Canepa c. Canada (M.E.I.), [1992] 3 C.F. 270 (C.A.), à la page 290, le juge MacGuigan.

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