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     Date : 19990125

     Dossier : IMM-1195-98

Entre

     CARLOS FERNANDO ALEGRIA-RAMOS, LORENA SUSANA

     MIRANDA AGUILERA, DIANA LORENA ALEGRIA MIRANDA,

     CARLOS FERNANDO ALEGRIA MIRANDA,

     OLGA DEL CARMEN AGUILERA CRUZ,

     demandeurs,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge DUBÉ

[1]      Il y a en l'espèce recours en contrôle judiciaire contre la décision en date du 24 février 1998 par laquelle la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que les demandeurs s'étaient désistés de leur revendication.

[2]      Les demandeurs sont citoyens du Chili. Leur revendication du statut de réfugié devait être entendue à l'origine le 23 juin 1997. Cependant, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le ministre) a demandé un ajournement de six mois, et l'affaire a été ajournée au 16 octobre 1997. L'audience a été ensuite ajournée une seconde fois au 20 janvier 1998 en raison de l'état de santé du principal demandeur. Avant que n'eût lieu l'audience prévue pour cette dernière date, celui-ci a fait savoir à son avocat qu'il ne serait pas en état d'y comparaître à cause de son angoisse à la perspective d'avoir à témoigner sur ce qui lui était arrivé au Chili. Son avocat en a informé la Commission en conséquence.

[3]      Les demandeurs ont comparu devant la Commission à Vancouver le 24 février 1998, sur convocation à venir expliquer pourquoi ils n'avaient pas comparu le 20 janvier 1998. Au cours de cette audience où ils étaient appelés à s'expliquer, la Commission a demandé à chacun des demandeurs adultes pourquoi il n'avait pas comparu le 20 janvier 1998. Le principal demandeur a répondu que la raison en était son état d'extrême angoisse. Les autres demandeurs, qui étaient tous à sa charge, ont fait savoir qu'ils n'avaient pas comparu parce que celui-ci ne comparaissait pas. Ils avaient présumé que s'il n'était pas en état de comparaître, l'audience serait ajournée à une date ultérieure et que, de ce fait, il n'y avait aucune raison pour eux de comparaître. Les autres demandeurs sont l'épouse, les enfants et la belle-mère du principal demandeur.

[4]      Il appert que les demandeurs ont pris plusieurs mesures dont on pourrait conclure qu'ils avaient pleinement l'intention de poursuivre leur revendication. Ils ont soumis leur formulaire de renseignements personnels dans les délais et conformément au règlement. En vue de l'audience initiale, le principal demandeur a passé une évaluation psychologique à la demande de la Commission. Tous les demandeurs ont comparu à l'audience du 23 juin 1997 à Vancouver. Le principal demandeur a présenté un certificat médical qui expliquait son absence de l'audience du 16 octobre 1997. Il s'est prêté à une autre expertise psychologique, dont les résultats ont été soumis à la Commission le 29 décembre 1997. Il a informé son avocat qu'il ne se sentait en mesure d'être présent à l'audience du 20 janvier 1998, et celui-ci en a informé la Commission.

[5]      Les preuves ne manquent pas dans le dossier soumis à la Commission, qui montrent que le principal demandeur souffre de névrose post-traumatique, comme en témoigne l'évaluation psychologique faite par un psychologue clinicien et confirmée par un psychiatre.

[6]      N'empêche que le président de la formation de jugement de la Commission a conclu de vive voix en ces termes : [TRADUCTION] " nous avons conclu à regret que nous n'avons d'autre choix que de juger que vous vous êtes tous désistés de vos revendications respectives. Nous éprouvons de la compassion pour vous tous et nous vous comprenons parfaitement. "

[7]      Il est visible que pour juger si les demandeurs avaient ou non l'intention de poursuivre leurs revendications, la Commission n'a pas pris en compte tous les éléments de preuve produits, ce qui constitue une erreur susceptible d'erreur judiciaire. Le paragraphe 69.1(6) de la Loi sur l'immigration prévoit que si la personne qui revendique le statut de réfugié ne comparaît pas aux date, heure et lieu fixés par la section du statut, celle-ci " peut, après avoir donné à l'intéressé la possibilité de se faire entendre, conclure au désistement " ". Ainsi donc, la Commission est investie du pouvoir discrétionnaire de se fonder sur les preuves produites pour ne pas conclure au désistement.

[8]      La preuve médicale administrée en l'espèce n'a pas été contestée et la Commission n'a jamais exprimé aucune réserve sur la crédibilité des demandeurs. Elle avait un autre choix que la conclusion au désistement. Elle aurait pu passer immédiatement à l'audition des revendications du statut de réfugié ou, si elle n'en avait pas le temps, fixer une autre date d'audience. Il n'était pas raisonnable de sa part de conclure que [TRADUCTION] " les demandeurs ne semblent pas tenir à poursuivre leurs revendications ".

[9]      La Commission a entravé l'exercice de ses propres pouvoirs discrétionnaires et, de ce fait, a commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire. Sa décision est annulée. L'affaire est renvoyée à une formation de jugement de composition différente en vue d'une audition en règle des revendications en question.

[10]      Les deux parties conviennent qu'il n'y a aucune question de portée générale à certifier.

     Signé : J. E. Dubé

     _______________________________

     J.C.F.C.

Vancouver (Colombie-Britannique),

le 25 janvier 1999

Traduction certifiée conforme,

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER No :              IMM-1195-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Carlos Fernando Alegria-Ramos et al.

                     c.

                     Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :          Vancouver (Colombie-Britannique)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE DUBÉ

LE :                      25 janvier 1999

ONT COMPARU :

M. Peter Golden                  pour les demandeurs

Mme Larissa Easson                  pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Peter Golden                  pour les demandeurs

Avocat

207-2750, rue Quadra

Victoria (C.-B.)

V8T 4E8

Morris Rosenberg                  pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

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