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Date : 19981118


Dossier : T-323-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 18 NOVEMBRE 1998.

EN PRÉSENCE DE :      MONSIEUR LE JUGE JOYAL
         AFFAIRE INTÉRESSANT la décision de l'arbitre, Me Roland Tremblay, c.r., en date du 16 septembre 1988,                 
         ET le Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, modifié,                 

ENTRE :

     SECTION LOCALE 4004, DIVISION DU TRANSPORT AÉRIEN DU

     SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE,

    

     demanderesse,

     et

     AIR CANADA,

     défenderesse.

     ORDONNANCE

     La demande d'ordonnance de justification est rejetée avec dépens en faveur de la défenderesse, les dépens accordés étant du plus haut niveau d'unités prévu à la catégorie III du tarif B.

     L-Marcel Joyal

     JUGE

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.



Date : 19981118


Dossier : T-323-98

         AFFAIRE INTÉRESSANT la décision de l'arbitre, Me Roland Tremblay, c.r., en date du 16 septembre 1988,                 
         ET le Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, modifié,                 

ENTRE :

     SECTION LOCALE 4004, DIVISION DU TRANSPORT AÉRIEN DU

     SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE,

     demanderesse,

     et

     AIR CANADA,

     défenderesse.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE JOYAL

[1]      La Cour est saisie d'une demande d'ordonnance de justification présentée aux termes des règles 466 et suivantes des Règles de la Cour fédérale (1998).

[2]      Le litige a pris naissance en 1988 quand un désaccord sur l'interprétation d'un protocole d'entente souscrit par l'agent négociateur de l'époque et le transporteur aérien défendeur a été soumis à l'arbitrage. L'unité de négociation se composait du personnel de cabine, dont les directeurs de bord (DB), les commissaires de bord et les agents de bord.

[3]      La question soumise à l'arbitrage portait sur l'interprétation d'un protocole d'entente, signé en 1985, dans la mesure où il visait les DB. Cette catégorie particulière de personnel de cabine a été créée quand les règlements de l'air ont exigé une formule " deux personnes en charge " sur les gros porteurs, savoir les B-747 et les L-1011. Les deux personnes en charge étaient le DB, premier en charge, responsable du service de bord et des documents, et le commissaire de bord, second en charge, responsable des passagers de première classe ou de classe affaire.

[4]      En 1985, l'exigence relative à la présence de deux personnes en charge a été abolie et le transporteur aérien défendeur a décidé que sur ces gros porteurs, seule une personne en charge serait nécessaire. En septembre 1985, le transporteur aérien et le syndicat ont signé une lettre d'entente qui prévoyait l'élimination de la catégorie DB par l'attrition. La mise en place de ce processus a fait l'objet du renvoi en arbitrage. En mai 1988, l'arbitre a rendu sa décision, qui prévoyait notamment que la diminution du nombre de DB ne pouvait se faire que par l'attrition et que la lettre d'entente ne permettait pas de ne pas remplacer un DB temporairement absent.

[5]      Ce n'est qu'à la fin de 1997 ou au début de 1998 que la section locale 4004 de Toronto, de ce qui était devenue à l'époque la Division du transport aérien du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), s'est plainte que la défenderesse avait gravement violé la sentence arbitrale. La section locale 4004 de Toronto a alors procédé à l'enregistrement de la sentence arbitrale auprès de la Cour fédérale, conformément à l'article 66 du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, modifié, afin que la décision devienne une ordonnance de la Cour. Quand la défenderesse a nié avoir violé la sentence arbitrale de 1988, la demanderesse a intenté la présente procédure de justification.

[6]      Avant d'étudier plus en détail les nombreuses doctrines qui sont invoquées quand la prétendue violation d'une convention collective ou d'une sentence arbitrale devient une affaire d'accusations criminelles pour outrage, il peut être avisé d'exposer brièvement comment les événements susmentionnés se sont déroulés.

Contexte

[7]      Comme on l'a déjà mentionné, les employés qui font partie du personnel de cabine du transporteur aérien défendeur sont divisés en trois groupes, dans l'ordre hiérarchique habituel : DB, commissaires de bord et agents de bord. Les relations syndicales-patronales sont fondées sur une négociation à l'échelle nationale, ce qui donne lieu à une convention collective nationale, vraisemblablement dotée d'un certain degré de souplesse quant aux questions locales, et applicable à six sections locales situées dans les bases d'Air Canada à Halifax, Montréal, Toronto, Winnipeg, Calgary et Vancouver.

[8]      Les exigences opérationnelles du transporteur aérien, notamment en ce qui concerne son personnel de cabine, sont manifestement complexes et applicables à l'ensemble du transporteur aérien. Des systèmes ont donc été créés pour le courrier des membres du personnel de cabine afin que ces derniers, par le biais du jumelage de différents vols auxquels ils sont assignés, puissent éventuellement retourner à leur base. Les ressources humaines ne seraient pas utilisées efficacement si le personnel de cabine se retrouvait inactif trop souvent et pendant de trop longue période, aux frais du transporteur aérien, que ce soit à Londres, à Frankfurt ou à Miami. Pour mettre en place cette formule, un programme de vols a été adopté. Les trois groupes déjà décrits peuvent soumissionner sur ces programmes de vols en fonction de leur rang et de leur ancienneté. Ces programmes de vols sont ouverts aux soumissions pendant six jours et sont habituellement fermés le seizième jour du mois précédent. Règle générale, tous les membres du personnel de cabine savent à cette date sur quels vols ils sont inscrits, quand ils quitteront leur base et quand ils y retourneront.

[9]      Comme on l'a déjà mentionné, certains avions, savoir le gros porteur B-747 et le L-1011, nécessitaient la présence à la fois d'un DB et d'un commissaire de bord, en vertu du système de deux personnes en charge. Après la déréglementation de l'industrie en 1985, cette exigence relative à la dotation en personnel a été abolie. L'employeur a alors négocié avec le syndicat pour s'exempter du système de deux personnes en charge et pour compter exclusivement sur une seule personne comme chef du personnel de cabine. L'entente qui a été conclue autorisait, d'une façon générale, l'employeur à éliminer les postes de DB par l'attrition. À cette époque, le transporteur aérien comptait un effectif de 70 DB, répartis parmi les six bases susmentionnées.

[10]      Des conflits sont survenus relativement à la souplesse qu'avait l'employeur pour remplacer les DB absents par d'autres DB disponibles. Le litige a été soumis à l'arbitrage et la question suivante a été posée à l'arbitre : " Le but de la lettre d'entente est-il de diminuer le nombre des directeurs de vol par attrition seulement ou permet-il à l'employeur de ne pas remplacer un directeur de bord cédulé qui s'absente pour motif de maladie ou autres? " [Non souligné dans l'original.]

[11]      La décision de l'arbitre, en date du 16 septembre 1988, énonçait notamment que :

             Tant qu'il y a des directeurs de bord à la société Air Canada la direction se doit de continuer à préparer ses programmes de vols de façon à ce qu'il y ait deux personnes en charge dans les gros-porteurs, soit un directeur de bord et un commissaire de bord.             

[12]      L'arbitre a également dit :

             Ce n'est qu'au moment où l'employeur prend connaissance des demandes de programmes de vols qu'il se rend compte s'il y suffisamment de directeurs de bord pour garder deux personnes en charge et s'il n'y en a pas suffisamment alors le commissaire de bord peut demeurer seul en charge pour la durée du programme de vols.             

[13]      L'arbitre a présenté plusieurs autres observations et a finalement conclu en déclarant :

             Le grief est maintenu. Il y a constat de violation de la convention collective de la part de l'employeur quant au remplacement temporaire d'un directeur de bord. La réponse à la question soumise est que le but de la lettre d'entente est de diminuer avec le temps le nombre des directeurs de bord par attrition seulement et cette lettre d'entente ne permet pas de ne pas remplacer un directeur de bord absent temporairement.             

[14]      Afin de mieux comprendre ce qui précède, il est important de renvoyer une nouvelle fois au programme de vols utilisé. Des membres du syndicat et des exécutants gèrent habituellement le processus. En faisant particulièrement mention du personnel de cabine des B-747 et des L-1011, le programme de vols prévoit que si un programme de vols de DB n'est pas rempli dans le cadre du processus, le commissaire de bord assume la pleine responsabilité. Si, toutefois, un DB ou un autre membre du personnel de cabine est en vacances pendant la création d'un programme de vols, les courriers sont touchés. Par conséquent, un système de programme de vols supplémentaire est mis en place, à partir duquel les courriers libres sont assemblés encore une fois en de nouveaux programmes de vols et ouverts à la soumission. Cela se passe pendant la dernière semaine du mois précédent et il est possible de soumissionner pendant deux jours. Si aucune demande n'est présentée pour un programme de vols de DB après cette démarche, une fois de plus, le commissaire de bord assume la pleine responsabilité, et la vacance de DB dans ce programme de vols n'est pas comblée.

[15]      D'autre part, si un DB n'est plus disponible pour combler, en tout ou en partie, le programme de vols après la fin des attributions des demandes, le poste de DB dans ce programme de vols appartient en exclusivité aux DB et le programme de vols doit être comblé par un autre DB ou, s'il n'y en a aucun de disponible, par un commissaire de bord ou un agent de bord. En fait, la méthode de deux personnes en charge est maintenue.

La question en litige

[16]      Tout le litige entre les parties porte sur ce que chaque partie croit être l'interprétation appropriée de la sentence arbitrale de 1988.

Point de vue de la demanderesse

[17]      En résumé, le syndicat est d'avis que la décision de l'arbitre signifie, ni plus ni moins, qu'une fois le programme de vols fermé, le DB absent ne peut être remplacé que par un autre DB, à moins qu'il ne soit absent en raison de l'attrition, c'est-à-dire qu'il n'est plus un employé. Ce n'est que lorsqu'aucun DB ne soumissionne pour remplir la vacance que l'ordre hiérarchique baisse d'un cran.

[18]      La preuve par affidavits au nom du syndicat demandeur a été présentée par Mme Sacks, présidente de la section locale 4004 du SCFP, assermentée le 1er mai 1998, Richard Nolan, vice-président de la section locale, assermenté le 22 mai 1998 et Egan Keist, actuellement représentant syndical pour le SCFP, assermenté le 8 juillet 1998. M. Keist a auparavant été commissaire de bord, directeur de bord et président fondateur de la section locale.

Point de vue de la défenderesse

[19]      Le transporteur aérien employeur adopte un point de vue différent. À son avis, comme il ressort de l'affidavit en date du 18 juin 1998 de M. D. Frederick Parker, directeur des relations de travail et de l'administration chez Air Canada, aux paragraphes 20 et 21 :

             [TRADUCTION] 20.      Par suite de la sentence [arbitrale], Air Canada a commencé à remplacer par d'autres DB les DB qui étaient absents quand un programme de vols était ouvert, gardant les deux personnes en charge dans le programme de vols. Air Canada s'est conformée à cette pratique pendant les dix dernières années. La demanderesse n'allègue pas qu'Air Canada a cessé d'appliquer cet aspect de la pratique ni que le non-respect prétendu de la sentence porte sur cet aspect de la pratique.             
             21.      En se conformant à la sentence, Air Canada a continué à confier des postes de DB à des agents de bord et à des commissaires de bord qui demeurent les seules personnes en charge sur le vol, pour les programmes de vols pour lesquels il n'y a pas eu de DB qui ont soumissionné, que ce soit pour le programme de vols initial ou le programme de vols supplémentaire. Toujours en se conformant à la sentence, Air Canada a continué à confier des postes de DB à des agents de bord tandis que les commissaires de bord demeuraient les seules personnes en charge sur le vol, sur des programmes de vols pour lesquels des DB avaient soumissionné dans le cadre soit du programme de vols initial, soit du programme de vols supplémentaire, mais qui étaient devenus vacants avant la fin du processus de répartition et avant que le programme de vols n'ait débuté. [...]             

[20]      L'opinion susmentionnée a été largement entérinée par un autre témoin, M. Anthony Colliss, dans son affidavit en date du 18 juin 1998.

[21]      Il est important de signaler à ce stade-ci que les trois témoins du syndicat et les deux témoins de l'employeur ont tous été soumis à un contre-interrogatoire. Il en est résulté un dossier de requête quelque peu imposant, en quatre volumes, totalisant 899 pages.

Remarques

[22]      Pour les fins de la présente demande, je n'ai pas besoin d'analyser tous les éléments de preuve en détail. Cependant, on peut dire à juste titre que l'interprétation de la sentence arbitrale de 1988 ne peut, de quelque façon que ce soit, être facilement ramenée à des termes très simples. On remarquera que, les parties entretenant depuis longtemps des relations, elles ont développé un jargon qui donne un sens particulier ou spécial à certains mots et expressions comme " courrier " (pairings ), " programme de vols supplémentaire " (supplemental block ), " vol ouvert " (open flying ), " deux personnes en charge " (two in-charge ), " programmes de vols ouverts " (blocks in progress ), " une seule personne en charge " (sole in-charge ), " directeur de bord affecté " (scheduled Flight Service Director ), " programme de vols fermé " (closed block ), etc.

[23]      L'examen de la transcription des contre-interrogatoires des témoins me démontre clairement qu'à certains égards, du moins, les parties ne parlaient pas le même langage. Elles utilisent les mêmes mots, mais chaque partie paraît leur donner des sens différents. Le débat acharné qui s'ensuit devient alors simplement " un dialogue de sourds " et l'intention véritable de l'entente, dans son domaine d'application particulier, demeure vague et ambiguë. À cet égard, on peut sommairement remarquer que le cadre de référence de l'arbitrage précise directeur de bord " cédulé ", mais qu'on n'a pas expliqué ce que l'on entendait par là dans la sentence arbitrale, comme on le lit dans le paragraphe final de la sentence.

[24]      Il faut également remarquer que l'application de la sentence arbitrale de 1988 par la défenderesse s'est poursuivie sans problème pendant dix ans et qu'elle a soulevé la controverse seulement il y a environ un an.

[25]      Un système modifié de répartition des programmes de vols a été mis en place pour les activités de Toronto pendant les mois de septembre à décembre 1997. Ce système était conforme à l'interprétation actuelle de la sentence arbitrale par la section locale du syndicat. Il ne s'agissait pas d'une décision de la direction cependant, mais d'une initiative provenant strictement du syndicat. À mon avis, compte tenu des éléments de preuve dont je dispose, ce système ne devrait avoir aucune incidence sur la question de l'interprétation contractuelle, ni faire pencher la décision d'un côté ou de l'autre.

[26]      J'ai déjà fait part de certaines préoccupations que j'éprouve du fait que la présente procédure pour outrage paraît avoir été intentée à la seule initiative de la section locale 4004 de Toronto de la Division du transport aérien du Syndicat canadien de la fonction publique. Dans l'organisation actuelle d'Air Canada, il existe cinq autres sections locales du SCFP, de Halifax à Vancouver. Les sections locales ne se sont pas fait entendre, et elles ne se sont pas non plus jointes à la section locale 4004 dans la présente affaire. Par conséquent, si le transporteur aérien défendeur affirme qu'il a appliqué la sentence arbitrale de façon uniforme dans toutes ses bases, il n'y a personne pour le contredire. À cet égard, il me suffit de faire part de certaines préoccupations que j'entretiens sur la question de savoir quels effets légaux de l'interprétation des contrats peuvent découler d'une pratique qui est demeurée incontestée pendant aussi longtemps.

[27]      Il existe également d'autres éléments à la présente affaire. Il est de droit constant que lorsqu'une loi ou un contrat prévoit un cadre spécial en vue du règlement des différends, le tribunal doit le respecter et n'exercer sa compétence que dans des cas exceptionnels. En ce qui concerne l'affaire dont je suis saisi, le Code canadien du travail prévoit à l'article 57 que les désaccords portant sur une convention collective doivent être soumis à l'arbitrage. Le texte intégral de l'article est le suivant :

57 (1)      Est obligatoire dans la convention collective la présence d'une clause prévoyant le mode " par arbitrage ou tout autre voie " de règlement définitif, sans arrêt de travail, des désaccords qui pourraient survenir entre les parties ou les employés qu'elle régit, quant à son interprétation, son application ou sa prétendue violation.

(2)      En l'absence de cette clause, tout désaccord entre les parties à la convention collective est, malgré toute disposition de la convention collective, obligatoirement soumis par elles, pour règlement définitif :

(a) soit à un arbitre de leur choix;

(b) soit, en cas d'impossibilité d'entente sur ce choix et sur demande écrite de nomination présentée par l'une ou l'autre partie au ministre, à l'arbitre que désigne celui-ci, après enquête, s'il le juge nécessaire.

(3)      Lorsque la convention prévoit, comme mécanisme de règlement, le renvoi à un conseil d'arbitrage, tout désaccord est, malgré toute disposition de la convention collective, obligatoirement soumis à un arbitre conformément aux alinéas (2)a) et b) dans les cas où l'une ou l'autre des parties omet de désigner son représentant au conseil.

(4)      Lorsque la convention collective prévoit le règlement définitif des désaccords par le renvoi à un arbitre ou un conseil d'arbitrage et que les parties ne peuvent s'entendre sur le choix d'un arbitre " ou dans le cas de leurs représentants au conseil d'arbitrage, sur le choix d'un président ", l'une ou l'autre des parties " ou un représentant " peut, malgré toute disposition de la convention collective, demander par écrit au ministre de nommer un arbitre ou un président, selon le cas.

(5)      Le ministre procède à la nomination demandée aux termes du paragraphe (4), après enquête, s'il le juge nécessaire.

(6)      L'arbitre ou le président nommé ou choisi en vertu des paragraphes (2), (3) ou (5) est réputé, pour l'application de la présente partie, avoir été nommé aux termes de la convention collective.

57 (1)      Every collective agreement shall contain a provision for final settlement without stoppage of work, by arbitration or otherwise, of all differences between the parties to or employees bound by the collective agreement, concerning its interpretation, application, administration or alleged contravention.

(2)      Where any difference arises between parties to a collective agreement that does not contain a provision for final settlement of the difference as required by subsection (1), the difference shall, notwithstanding any provision of the collective agreement, be submitted by the parties for final settlement

(a) to an arbitrator selected by the parties; or

(b) where the parties are unable to agree on the selection of an arbitrator and either party makes a written request to the Minister to appoint an arbitrator, to an arbitrator appointed by the Minister after such inquiry, if any, as the Minister considers necessary.

(3)      Where any difference arises between parties to a collective agreement that contains a provision for final settlement of the difference by an arbitration board and either party fails to name its nominee to the board in accordance with the collective agreement, the difference shall, notwithstanding any provision of the collective agreement, be submitted by the parties for final settlement to an arbitrator in accordance with paragraphs (2)(a) and (b).

(4)      Where a collective agreement provides for final settlement, without stoppage of work, of differences described in subsection (1) by an arbitrator or arbitration board and the parties or their nominees are unable to agree on the selection of an arbitrator or arbitration board chairman, as the case may be, either party or its nominee may, notwithstanding anything in the collective agreement, make a written request to the Minister to appoint an arbitrator or arbitration board chairman, as the case may be.

(5)      On receipt of a written request under subsection (4), the Minister shall, after such inquiry, if any, as the Minister considers necessary, appoint an arbitrator or arbitration board chairman, as the case may be.

(6)      Any person appointed or selected pursuant to subsection (2), (3) or (5) as an arbitrator or arbitration board chairman shall be deemed, for all purposes of this Part, to have been appointed pursuant to the collective agreement between the parties.

[28]      Un autre élément important de la présente affaire est, évidemment, l'article 66 du Code canadien du travail, qui prévoit que l'enregistrement à la Cour d'une sentence arbitrale la rend pleinement exécutoire, comme s'il s'agissait d'une ordonnance de la Cour. Cependant, à cet égard, on doit se rappeler deux choses : premièrement, la procédure pour outrage exige une preuve de la violation de la sentence et, deuxièmement, compte tenu de la nature criminelle ou pénale de la procédure, cette preuve doit être établie hors de tout doute raisonnable. Dans l'arrêt Bhatnager c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] 2 R.C.S. 217, le juge Sopinka, à la page 224, a déclaré sans ambages :

             Tout d'abord, il convient de se rappeler qu'une allégation d'outrage au tribunal a une dimension criminelle (ou du moins quasi criminelle): voir Poje v. Attorney General for British Columbia, [1953] 1 R.C.S. 516, le juge Kellock, aux pp. 517 et 518; et In re Bramblevale Ltd., [1970] Ch. 128 (C.A.), le maître des rôles, lord Denning, à la p. 137. En l'espèce, une déclaration de culpabilité aurait pu assujettir les appelants à une amende d'au plus 5 000 $ et à la possibilité d'une peine d'emprisonnement maximale d'un an: voir la Règle 355(2). Par conséquent, il est nécessaire que les éléments constitutifs de l'outrage soient démontrés contre les appelants et soient prouvés hors de tout doute raisonnable.             

[29]      Ce processus entraîne l'examen d'une autre affaire. Si le but de la procédure pour outrage est de faire observer une ordonnance ou une décision, il doit y avoir quelque chose à faire observer. Il est maintenant bien établi que la Cour refusera de procéder à l'exécution forcée d'un jugement qui est purement déclaratoire. (Voir Syndicat des Postiers du Canada c. Société canadienne des postes (1987), 16 F.T.R. 4; Union des facteurs du Canada c. Société canadienne des postes (1986), 8 F.T.R. 93; A.C.P.L.A. c. Canadian Airlines International (1989), 27 F.T.R. 61.)

[30]      À première vue, il appert que la sentence arbitrale en cause déclare simplement ce qu'est l'entente. Le juge Addy, dans la décision Union des facteurs du Canada (précitée), s'est prononcé sur une sentence arbitrale en réponse à la question suivante qui avait été posée à l'arbitre : la direction de la Société canadienne des postes a-t-elle le droit d'ordonner à un facteur de commencer son itinéraire de l'après-midi si ce facteur a encore du courrier à trier à la succursale postale? En rejetant la demande de justification, le juge Addy a fait le commentaire suivant : " la question fondamentale [est] de savoir si, compte tenu de sa nature et de son essence même, la sentence pouvait effectivement donner ouverture à des procédures pour outrage au tribunal ". Il a alors poursuivi en citant le passage suivant de l'ouvrage Administrative Law de Wade, Oxford, Clarendon Press, 1977, à la page 500 :

             [TRADUCTION] [...] En soi, un jugement déclaratoire ne fait qu'énoncer une situation juridique existante. Il n'oblige personne à faire quoi que ce soit et le fait de ne pas en tenir compte ne constitue pas un outrage au tribunal. Mais, en donnant à une partie l'occasion de découvrir quelle est sa situation juridique, elle donne ouverture à l'utilisation d'autres recours pour lui donner effet.             

[31]      Dans le même ordre d'idée, le juge Rouleau, dans Syndicat des Postiers, précité, aux pages 9 et 10, a fait la remarque suivante :

             L'arbitre se prononça sur les événements des mois de janvier à juin 1985, sans préciser un remède aux violations alléguées. Il a constaté que l'intimée n'avait pas respecté la convention collective à cette époque mais il n'a pas ordonné de redressement susceptible d'exécution. À mon avis, une ordonnance qui ne fait qu'énoncer un comportement général n'est pas suffisante.             
             L'ordonnance doit forcer la personne visée à poser des actes ou la restreindre de façon précise. Les énoncés généraux, comme en l'espèce, doivent donc être considérés comme plus déclaratoire qu'exécutoire. Et, une sentence arbitrale déclaratoire n'est pas susceptible d'exécution [...].             

[32]      Je dois à présent faire une autre remarque. Le processus initial dans les affaires d'outrage, comme dans l'affaire dont je suis saisi, peut être évalué au moyen d'éléments de preuve écrits. Toutefois, si une citation suit et qu'un procès a lieu, la Règle 470(1) prévoit clairement que sauf directives contraires de la Cour, les témoignages sont donnés oralement. Cette règle est évidemment conforme au principe reconnu depuis longtemps en droit criminel selon lequel un accusé a le droit de faire face à ses accusateurs. Il a droit à davantage qu'un procès sur papier. Un tel procès serait un lourd fardeau à porter pour les deux parties.

[33]      J'ai une dernière remarque à faire, qui porte sur l'esprit de la loi quant au domaine des relations de travail. Toute la portée de notre système repose nettement sur la compétence statutaire conférée aux commissions, aux médiateurs et aux arbitres du travail, qui assurent le règlement des conflits contractuels de façon relativement rapide et peu coûteuse et qui réduisent également autant que possible les retombées propres à notre système judiciaire accusatoire traditionnel, qui accorde beaucoup d'importance à la forme et aux précédents. Le recours aux procédures pénales pour appliquer des droits contractuels ou assurer le respect d'obligations contractuelles devrait s'exercer avec une certaine retenue par les parties et par les tribunaux. La jurisprudence est abondante à ce sujet, par exemple : Weber v. Ontario Hydro (1995), 125 D.L.R. (4th) 503 (C.S.C.); St. Anne Nackawic Pulp & Paper Ltd. c. Syndicat canadien des travailleurs du papier, [1986] 1 R.C.S. 704; Pilon v. International Minerals and Chemical Corp. (1996), 31 O.R. (3d) 210 (C.A.); et Roberts c. Société canadienne des postes (1997), A.C.F. no 1483 (C.F. 1re inst.).

Conclusions

[34]      Il sera évident pour les parties que les remarques qui précèdent ne font que reprendre les réserves que j'ai formulées à l'audience quant au type de procédure engagée par le syndicat demandeur en vue de faire valoir ses droits prévus à la lettre d'entente de 1985 et à la sentence arbitrale de 1988.

[35]      Les composantes de l'argumentation de la demanderesse forment un curieux mélange. En outre, il est important de souligner une fois de plus le fardeau qui incombe à quiconque souhaite faire respecter les modalités d'un contrat de travail en ayant recours à une procédure pour outrage. J'estime avec égards qu'une demande du type de celle dont je suis saisi ne devrait être présentée que lorsque les allégations d'inobservation se rapportent à une ordonnance claire et non ambiguë, prévue à la sentence arbitrale, en vue d'exiger ou d'empêcher que quelque chose soit fait. Sans vouloir préjuger de l'affaire en faveur de l'une ou l'autre des parties, il me semble que les éléments propres à étayer une ordonnance pour outrage ne se retrouvent pas en l'espèce. La nature de la sentence arbitrale est, au premier abord, purement déclaratoire. Même s'il était possible d'en décider autrement, je doute que l'affaire de la demanderesse puisse établir le bien-fondé de sa prétention hors de tout doute raisonnable. On peut affirmer que vu la nature du renvoi soumis au départ à l'arbitre, la question qui a été posée à ce dernier est elle-même ambiguë. J'ai déjà mentionné certains usages contractuels où, en l'absence de définitions appropriées, des ambiguïtés sont créées et des malentendus surviennent.

[36]      L'avocate de la demanderesse, dans un mémoire clair, énonce les motifs sur lesquels elle se fonde pour démontrer que la sentence arbitrale a été violée. Soit, mais le litige dont je suis saisi est de savoir si l'argumentation de l'avocate est si convaincante ou incontestable, que je devrais simplement y donner mon approbation de façon tout aussi incontestable et laisser le procès de justification avoir lieu. Je souligne, à cet égard, que les arguments écrits de la demanderesse, bien qu'ils comptent plus de 20 pages, ne se fondent sur aucune jurisprudence susceptible de contredire les remarques ou les observations présentées en l'espèce et la jurisprudence que je peux avoir citée. En outre, je devrais mentionner que si quelques 800 pages d'éléments de preuve dans le dossier sont nécessaires pour porter les faits substantiels à l'attention de la Cour, on ne peut pas dire que la question de l'interprétation des contrats est aussi claire, évidente ou catégorique que la demanderesse le suggère. Dans la décision Beamscope Canada Inc. v. Aviva Software Corp. (1988), 18 C.P.R. (3d) 100, le juge en chef adjoint Jerome fait bien comprendre qu'une interprétation raisonnable d'une ordonnance prétendument violée est suffisante pour échapper à la sévérité de l'outrage.

Conclusion

[37]      La sentence arbitrale porte sur l'interprétation des contrats. L'argumentation de la demanderesse en l'espèce porte également sur l'interprétation des contrats. Aucune conclusion de fait n'a été précédemment tirée par la Cour. Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus qu'il n'y a pas suffisamment de motifs pour permettre à la demanderesse de poursuivre sa procédure pour outrage. La prétention de la demanderesse, soit intenter une procédure pour outrage mettant en jeu l'interprétation d'une sentence arbitrale, doit être analysée dans le contexte de plusieurs observations que j'ai faites en l'espèce. Avec égards, j'estime que les arguments présentés par la demanderesse ne réussissent pas du tout à justifier la procédure pénale prévue à la Règle 461. La loi offre à la demanderesse des recours beaucoup plus expéditifs et tout aussi efficaces par la voie du grief.

[38]      La demande est donc rejetée avec dépens en faveur de la défenderesse. Étant donné que l'audience a duré deux jours et que plusieurs jours ont été nécessaires pour procéder au contre-interrogatoire des témoins, j'accorde à la défenderesse les dépens du plus haut niveau d'unités prévu à la catégorie III du tarif B.

     L-Marcel Joyal

     JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 18 novembre 1998.

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              T-323-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Section locale 4004, Division du transport aérien du Syndicat canadien de la fonction publique c. Air Canada                         

LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 6 octobre 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      Monsieur le juge Joyal
EN DATE DU :              18 novembre 1998

ONT COMPARU :                 

            

Beth Symes                      POUR LA DEMANDERESSE

Douglas Gilbert                  POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Eberts Symes Street & Corbett      POUR LA DEMANDERESSE

Heenan Blaikie                  POUR LA DÉFENDERESSE

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