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                                                                                                                        T-1806-96

Entre :

BASANT SINGH BRAR représenté par

son tuteur à l'instance DAYAL KAUR BRAR

                                                                                                                         demandeur

                                                                 - et -

                                             SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                     défenderesse

                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE ADJOINT GILES:

La requête en réexamen dont je suis saisi soulève une question qui pourrait être d'intérêt général. C'est pourquoi mes motifs sont un peu plus détaillés que d'habitude.

1.          La déclaration a été déposée le 2 août 1996. Les redressements demandés étaient deux brefs de mandamus et, comme d'habitude, tout autre redressement que la Cour estime juste.

2.          Le 17 septembre 1996, la défenderesse a déposé un avis de requête en vue d'obtenir une ordonnance radiant la déclaration. Sur l'avis de requête déposé, le procureur du demandeur a reconnu qu'il y avait eu signification le 16 septembre 1996. L'exposé des faits et du droit de la défenderesse a été déposé le même jour.


3.          L'avis de requête indiquait que celui-ci avait été déposé aux termes de la règle 324, c'est-à-dire la règle qui permet que les requêtes soient prises en considération sans comparution personnelle.

4.          Le 22 octobre 1996, comme aucune observation n'avait été reçue du demandeur, j'ai statué sur la requête de la défenderesse en radiant la déclaration et en rejetant l'action.

5.          Le 10 janvier 1997, le demandeur a demandé une prolongation de délai afin d'avoir plus de temps pour demander le réexamen de mon ordonnance et pour le réexamen comme tel.

Dans l'affidavit déposé à l'appui de la requête en réexamen, il est indiqué que le demandeur a essayé de déposer sa réponse à la requête en radiation le 30 octobre 1996, et qu'il s'est alors rendu compte que la requête avait déjà été réglée et que l'action avait été rejetée une semaine auparavant.

Pour tenter d'expliquer pourquoi il n'a pas essayé de déposer la réponse plus tôt, l'avocat du demandeur indique qu'aucun délai à l'intérieur duquel la réponse devait être déposée n'avait été fixé. Les règles ne précisent pas le délai à l'intérieur duquel la réponse doit être déposée, ni que la partie requérante peut fixer un tel délai. La règle 324(4) dispose qu'aucune décision ne doit être rendue au sujet d'une requête avant que la Cour soit convaincue que toutes les parties intéressées ont eu une possibilité raisonnable de présenter leurs observations.


À mon avis, le délai raisonnable dans une affaire donnée dépend, inter alia, de la façon dont l'avis de requête a été signifié. Si l'avis de requête doit être signifié par courrier, je présume que la partie qui doit répondre ne peut être réputée avoir reçu l'avis de requête avant un délai de 10 jours. Si la requête est signifiée par courrier, j'y vois là une invitation à déposer les observations présentées en guise de réponse également par le courrier et ces observations, je le présume également, pourraient n'être reçues au greffe que dix jours plus tard.

Lorsque, comme en l'espèce, la signification est faite à personne au procureur de la partie opposée, je présume que la réponse devrait également être déposée personnellement au greffe après signification et que cela ne requiert pas beaucoup de temps dans un sens comme dans l'autre.

Il faut également tenir compte des complications probables que suppose la préparation d'une réponse, et de la possibilité qu'on ait besoin de temps pour obtenir une preuve par affidavit.

En l'espèce, la seule question à examiner était une question de droit, savoir la compétence de la présente Cour à connaître d'une action en vue d'obtenir un bref de mandamus à l'encontre de la Couronne. J'estime que dix jours ou deux semaines constituent un délai suffisant pour préparer une réponse en l'espèce. Quand le dossier m'a été transmis pour examen, cinq semaines s'étaient déjà écoulées pour la préparation et le dépôt d'une réponse, et j'estime que cela constitue une possibilité raisonnable de présenter des observations. À cause des circonstances déjà expliquées, l'avocat du demandeur n'a essayé de déposer sa réponse qu'au bout de six semaines. À mon avis, dans un cas où il n'est pas possible de répondre dans un délai de deux semaines après la signification, la partie opposée devrait aviser le greffe de son intention de répondre et indiquer pourquoi sa réponse sera différée et pendant combien de temps.


La requête en réexamen est fondée sur la règle 337(5) qui dispose comme suit :

(5) Dans les 10 jours de prononcé d'un jugement en vertu de l'alinéa (2)a), ou dans tel délai prolongé que la Cour pourra accorder, soit avant, soit après l'expiration du délai de 10 jours, l'une ou l'autre des parties pourra présenter à la Cour, telle qu'elle est constituée au moment du prononcé, une requête demandant un nouvel examen des termes du prononcé, mais seulement l'une ou l'autre ou l'une et l'autre des raisons suivantes :

a) le prononcé n'est pas en accord avec les motifs, qui, le cas échéant, ont été donnés pour justifier un jugement;

b) on a négligé ou accidentellement omis de traiter d'une question dont on aurait dû traiter.

En l'espèce, aucune réponse n'ayant été déposée, je n'ai pas motivé ma décision de radier la déclaration, mais ces motifs, comme on peut sans aucun doute le présumer, semblent se fonder sur ceux énoncés dans les observations écrites de la Couronne. Des motifs présumés ne constituent pas des motifs au sens de la règle 337(5)a). La règle 337(5)a) ne s'applique donc pas. Je dois maintenant déterminer quelle question aurait dû être traitée et qu'on a négligé ou accidentellement omis de traiter. Dans ses observations, l'avocat du demandeur indique que j'ai statué sur la requête en octobre sans avoir eu l'avantage d'examiner l'exposé des faits et du droit présenté par le demandeur. À mon avis, je ne pouvais pas ignorer un mémoire dont je n'étais pas saisi. On ne peut donc invoquer la règle 337(5)b) pour demander un nouvel examen.


Par conséquent, je crois qu'il ne peut y avoir un réexamen fondé sur la règle 337(5). J'ai également examiné la règle 1733, qui n'a pas été invoquée, et j'en conclus qu'elle était inapplicable. J'ai aussi examiné la possibilité d'appliquer la règle 330b). L'arrêt Labrie c. Uniformes Town & Country Inc., [1992] 141 N.R. 159 (C.A.F.), est l'arrêt de principe appuyant la proposition selon laquelle la règle 330 ne s'applique pas à des jugements définitifs, mais uniquement à des ordonnances. Dans cette affaire, la décision contestée était une ordonnance. Découlant d'une requête interlocutoire, l'ordonnance a tranché définitivement l'action. Le raisonnement de la Cour d'appel n'indique pas que la décision se fondait sur un principe fondamental, mais plutôt sur le libellé précis de la règle. À la page 160 (page 2, version française), le juge Décary déclare : « Il est clair que la Règle s'applique aux ordonnances rendues sur requêtes. Elle ne s'applique pas aux jugements définitifs de la Cour. » En l'espèce, nous avons une ordonnance qui statue sur une requête et j'estime que la règle 330 aurait pu être examinée si elle avait été invoquée. J'estime qu'une ordonnance rendue en l'absence d'une partie ne peut être annulée qu'à la demande de cette partie, si celle-ci s'excuse de tous les retards et démontre également qu'elle a une cause défendable qui relève de la compétence de la Cour.

En l'espèce, il y a eu un retard dans le dépôt de la demande et un retard de plus deux mois pour demander un réexamen, et ces deux retards auraient dû être expliqués. La question de compétence a été soulevée par la Couronne dans la requête initiale en radiation, et le demandeur y a répondu dans ses observations à l'appui de cette requête.

Le demandeur signale que les paragraphes 17(1) et (5) de la Loi sur la Cour fédérale confèrent à la Cour la compétence de donner réparation contre la Couronne. Il ne fait aucun doute que tel est le cas, mais le seul redressement demandé en l'espèce est un bref de mandamus. L'alinéa 18(1)a) de la Loi sur la Cour fédérale confère à la Section de première instance la compétence exclusive, en première instance, pour décerner un bref de mandamus. Le paragraphe 18(3) dispose que les recours prévus au paragraphe (1) ou (2) ne peuvent être exercés que par présentation d'une demande de contrôle judiciaire fondée sur l'article 18.1.


Une demande de contrôle judiciaire fondée sur l'article 18.1 est présentée par voie de requête ou d'avis introductif de requête, et non pas par le dépôt d'une action introduite par une déclaration. Compte tenu du libellé très précis du paragraphe 18(3) et du fait que la Cour fédérale est une Cour créée par la loi, sans compétence en l'absence de tout pouvoir conféré par la loi, une action introduite par une déclaration dans laquelle le seul redressement demandé est un bref de mandamus est nécessairement vouée à l'échec.

Donc, si j'ai raison, et que la règle 330 aurait pu à bon droit être examinée, elle ne peut s'appliquer en l'espèce pour annuler mon ordonnance.

ORDONNANCE

La requête en réexamen est rejetée.

« Peter A.K. Giles »

             Protonotaire adjoint

Toronto (Ontario)

le 14 février 1997

Traduction certifiée conforme                 

François Blais, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Avocats et procureurs inscrits au dossier

N ° DU GREFFE :                                   T-1806-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :    BASANT SINGH BRAR représenté par son tuteur à l'instance DAYAL KAUR BRAR

- et -

SA MAJESTÉ LA REINE

EXAMINÉE À TORONTO (ONTARIO) EN VERTU DE LA RÈGLE 324.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE PRONONCÉS

PAR :                                                        LE PROTONOTAIRE ADJOINT GILES

DATE :                                                    LE 14 FÉVRIER 1997

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Mukesh Bhardwaj

BHARDWAJ & GOSWAMI

Avocats et procureurs

602, avenue Wilson

Bureau 210

Toronto (Ontario)

M3K 1Z3

Pour le demandeur

Kathryn Hucal

George Thomson

Sous-procureur général

du Canada

Pour la défenderesse


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

N ° du greffe : T-1806-96

Entre :

BASANT SINGH BRAR représenté par

son tuteur à l'instance DAYAL KAUR BRAR

demandeur

- et -

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

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