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Date : 20040120

Dossier : T-878-93

Référence : 2004 CF 75

Ottawa (Ontario), le mardi 20 janvier 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

ENTRE :

                                                    MONIT INTERNATIONAL INC.

                                                                                                                                             Demanderesse

                                                                                   et

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                   

                                                                                                                                               Défenderesse

                                            MOTIFS DE JUGEMENT ET JUGEMENT

A.         INTRODUCTION


[1]                 Monit International Inc. (Monit) réclame des dommages de 106 millions de dollars de la défenderesse. De 1974 à 1996, l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), un organisme des Nations Unies, est locataire dans l'édifice de la demanderesse situé au 1000, rue Sherbrooke Ouest à Montréal. Monit allègue qu'en 1992, lors des négociations en vue de prolonger la location au moyen d'un bail à court terme, et de deux appels d'offres qu'ils ont effectués en vue de signer un bail à long terme, les représentants de Travaux publics Canada (TPC) ont failli à leurs obligations de collaboration, de renseignement, d'équité, de bonne foi, de diligence, ou de « commercial fair play » envers elle.

[2]                 Le Canada, à titre de pays hôte de l'OACI, est responsable de lui trouver des locaux pour la loger. Le Ministère des Affaires étrangères (MAE), représentant du gouvernement, donne le mandat à TPC afin de lui faire des recommandations.

[3]                 En décembre 1991, voyant que le bail de 20 ans conclu avec TPC arrive à échéance en 1994, Monit fait une proposition en vue de conclure un autre bail à long terme. TPC refuse cette proposition mais demande et accepte de prolonger le bail jusqu'en 1996.

[4]                 En mai 1992, TPC publie un appel d'offres en vue de conclure un bail à long terme avec un locateur. Monit soumet une offre. Par la suite, TPC décide d'annuler cet appel d'offres et en fait un deuxième en septembre 1992. Monit fait une deuxième soumission, qui est rejetée. Finalement, la compagnie Westcliff est retenue pour construire un immeuble au 999, rue Université à Montréal. Le siège social de l'OACI est maintenant situé à cet endroit.

[5]                 Le 26 avril 2001, sur consentement des parties, le protonotaire Morneau rend une ordonnance à l'effet que les dommages seront déterminés une fois que la responsabilité aura été établie :


La Cour ordonne que la question des dommages prétendument subis par la demanderesse en l'instance soit traitée par voie de renvoi devant un juge ou une autre personne désignée par le Juge en chef adjoint une fois que la question de la responsabilité aura été établie à la suite d'un procès, le tout, frais à suivre.

[6]                 Le procès dure 48 jours incluant une visite des lieux. Vingt-trois témoins sont entendus et les parties déposent 1 189 pièces totalisant environ 25 000 pages.

[7]                 Pour faciliter la lecture de ces motifs, on retrouve un index à l'Annexe 1.

B.        QUESTIONS EN LITIGE

[8]                 Les parties formulent conjointement trois questions. La demanderesse, d'une part en propose 16 additionnelles, soit subsidiaires ou complémentaires, alors que la défenderesse d'autre part, en soumet six additionnelles dont une principale et cinq sous-jacentes.

[9]                 Dans mon analyse, je traite trois périodes distinctes, soit :

a)         la période précédant le premier appel d'offres;

b)         le premier appel d'offres;

c)         le deuxième appel d'offres.

[10]            Quant à moi, les questions en litige sont les suivantes:

a)         durant les périodes précédant le premier appel d'offres, le premier appel d'offres et le deuxième appel d'offres, le gouvernement et ses représentants avaient-ils une obligation d'équité, de bonne foi ou de diligence envers la demanderesse?


b)    dans l'affirmative, le gouvernement et ses représentants ont-ils failli à cette obligation d'équité, de bonne foi ou de diligence envers la demanderesse?

c)    dans l'affirmative, le gouvernement, en se faisant, a-t-il engagé sa responsabilité envers la demanderesse?

d)    la défenderesse ou l'un quelconque de ses ministères ou représentants ont-ils comploté pour faire en sorte que l'OACI ne demeure pas dans l'immeuble de Monit?

e)    durant la période précédant le premier appel d'offres, la défenderesse a-t-elle fait des fausses représentations àMonit quant à ses intentions relativement au renouvellement à long terme des baux ou a-t-elle manqué à son obligation d'agir de bonne foi?

f)    Monit savait-elle, et où aurait-elle dûsavoir très tôt dans le processus, que TPC considérait plusieurs options et que par voie de conséquence, le renouvellement à long terme des baux n'était aucunement assuré?

g)    durant la période du premier appel d'offres, est-ce que la proposition faite par Monit a été évaluée de façon attentive, équitable et impartiale par la défenderesse?

h)    durant la période du deuxième appel d'offres, est-ce que la proposition de Monit a été évaluée de façon attentive, équitable et impartiale par la défenderesse?

i)    durant la période du deuxième appel d'offres, est-ce que la défenderesse a agi conformément à l'obligation de bonne foi qui lui incombe à l'égard de tous?

[11]            Les réponses à ces questions se retrouvent dans la conclusion de la décision (voir paragraphe [353] à la page 102).

C.        CONTEXTE FACTUEL

1)          GÉNÉRAL

a)          Historique de l'immeuble

[12]            En 1974, les propriétaires du 1000, rue Sherbrooke Ouest concluent un bail de 20 ans avec l'OACI. Deux options de renouvellement de cinq ans sont prévues à la fin de ce bail. En 1983, la demanderesse acquiert l'immeuble.

b)          Qui est Monit?

[13]            Monit, une compagnie familiale renommée, existe depuis une cinquantaine d'années et possède plusieurs immeubles de prestige à Montréal. L'OACI est son plus important locataire.

c)          Rapport Picard


[14]            En 1986, le rapport Picard est publié et recommande que la Ville de Montréal se dote d'une vocation internationale en créant une Cité internationale. La Société du centre de conférences internationales de Montréal (SCCIM) est donc fondée. En 1990, le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial, la Ville de Montréal et le secteur privé s'entendent pour financer des études en vue d'élaborer un projet d'un Centre de conférences internationales (pièce 987). Grâce à ce projet, on prévoit pouvoir offrir des nouveaux locaux à l'OACI à la fin du bail en 1994.

2)          CHRONOLOGIE DES ÉCHANGES ET DES APPELS D'OFFRES ENTRE MONIT ET TPC

a)          En 1991

[15]            En avril 1991, Monit annonce au gouvernement canadien qu'elle est prête à commencer à négocier un bail à long terme pour continuer à loger l'OACI après la fin du bail. Au mois de mai 1991, le président de Monit, Barry Kotler, rencontre le représentant de TPC, Avrum Miller. Ce dernier confirme par lettre la teneur de cette rencontre. Dans celle-ci, il indique que Monit désire négocier un bail à long terme, mais ne semble pas prête à vendre son immeuble. Malgré tout,     M. Miller lui demande de lui fournir des prix approximatifs, sous toutes réserves, pour l'achat de son immeuble en novembre 1992 et en novembre 1994. Finalement, M. Miller confirme que      M. Kotler n'est pas en faveur d'une extension à court terme du bail se terminant en 1994 (pièce 173).

[16]            Le procès-verbal d'une réunion chez Monit tenue le 29 novembre 1991(pièce 995) révèle que son architecte présente un rapport à TPC pour rénover l'immeuble et satisfaire aux exigences à long terme de l'OACI. Selon le procès-verbal, M. Miller en profite pour expliquer les principaux scénarios qui sont envisagés à cette période par TPC :

a)         la location chez Monit de 1994 à 2029;

b)         l'achat de l'immeuble Monit et la rénovation des lieux;


c)         la publication d'un appel d'offres pour louer un immeuble neuf d'un autre locateur;

d)         la construction, par le gouvernement, d'un immeuble rencontrant les besoins de l'OACI.

[17]            Il mentionne aussi que TPC a reçu pas moins de quatre propositions non sollicitées visant la relocalisation de l'OACI.

[18]            Le 12 décembre 1991 (pièce 279), M. Miller, faisant référence à une lettre envoyée le 2 décembre 1991, demande à M. Kotler de lui fournir une proposition financière pour un bail de 35 ans au plus tard le 16 décembre, à défaut de quoi TPC fera ses propres estimations qui pourraient s'avérer plus élevées que celle de Monit, et ainsi la désavantager.

b)          Proposition de Monit du 19 décembre 1991


[19]            Le 19 décembre 1991 (pièce 288), Monit envoie sa proposition, qui s'élève à                  143 998 295 $. Ceci représente la valeur nette actualisée d'un bail d'une durée de 35 ans (pièce 287). Lors d'une conversation téléphonique du lendemain, M. Miller dit à M. Kotler que cette proposition est trop élevée et lui demande de revoir ses chiffres (pièce 997). Monit expédie donc une autre lettre, datée du 19 décembre, avec un prix cette fois de 134 871 007 $ (pièce 287). À la page 8 de cette missive, M. Kotler précise que cette proposition n'est qu'une proposition d'affaires, envoyée pour fin d'analyse seulement, et qu'elle n'engage pas Monit. Un mémo interne de Monit daté du 21 janvier 1992 fait référence à une conversation avec M. Miller, lors de laquelle il déclare n'avoir aucun mandat pour négocier un bail à long terme avec Monit et qu'il ne peut donc pas faire d'offre liant le gouvernement (pièce 999).

c)          Lettre du 12 février 1992 - Demande de prolongation d'un bail à court terme (pièce 340)

[20]            Au nom de son client, M. Miller demande à Monit de prolonger le bail du 1er novembre 1994 au 30 avril 1996 et d'inclure deux options de renouvellement additionnelles de six mois chacune tout en conservant les deux options de cinq ans déjà prévues dans le bail original.         M. Miller avertit Monit qu'advenant son refus, TPC continuera à analyser d'autres solutions à long terme pour l'OACI.

[21]            Le 27 février 1992, M. Kotler acquiesce à la demande de TPC et donne à ce dernier jusqu'au 30 juin pour confirmer l'acceptation de la prolongation du bail. Dans sa lettre, il mentionne à nouveau que Monit préfère conclure une entente à long terme et qu'elle est prête à commencer les rénovations immédiatement (pièce 355). Le 7 avril 1992, le journal La Presse publie un article intitulé « L'OACI pourrait déménager au WTC » (Centre de commerce mondial de Montréal, immeuble d'un autre promoteur) (pièce 385).

d)         Premier appel d'offres - juin 1992

[22]            Au mois de mai, TPC annonce dans les journaux qu'il recherche des offres pour des baux d'une durée de 20 à 35 ans dans le but de relocaliser l'OACI à compter du 1er mai 1996 ou avant. Les propositions doivent être reçues au plus tard le 15 juin 1992.

e)         Propositions reçues

[23]            À la date prévue, TPC reçoit 14 propositions de neuf promoteurs différents. Parmi celles-ci, figure l'offre de Monit pour un bail à compter du 1er novembre 1994 (pièce 443). Du 15 au 26 juin 1992, les propositions sont évaluées et un rapport est présenté à l'OACI. Le 29 du même mois, TPC accepte au nom du gouvernement, la prolongation du bail pour une durée de 18 mois ainsi que les deux options de renouvellement de six mois chez Monit (pièce 480).

f)          Proposition de Monit non considérée

[24]            Le 7 juillet 1992 (pièce 489), M. Miller écrit à M. Kotler pour l'informer que la proposition de Monit du 15 juin 1992 ne sera pas considérée. Deux raisons sont invoquées. D'une part, la décision ayant été prise de demeurer dans son immeuble jusqu'au 30 avril 1996, Monit n'a fait qu'une proposition pour un bail débutant le 1er novembre 1994, d'autre part, il s'agit d'une question de coût : les propositions les moins onéreuses sont celles dont le bail débute le 1er mai 1996.

g)         Deuxième appel d'offres - septembre 1992

[25]            Durant l'été, TPC décide d'annuler le premier appel d'offres parce que toutes les propositions ont été disqualifiées et celle de Monit n'a pas été retenue. On décide alors de faire un deuxième appel d'offres. Cette fois-ci, seuls ceux qui ont fait des propositions le 15 juin 1992 sont invités à participer.

[26]            Le nouveau processus est mis en branle. Une visite obligatoire de l'immeuble Monit est organisée pour tous les participants et des rencontres individuelles sont fixées afin d'informer chacun d'eux des points forts et faibles de leur première proposition. Ce deuxième appel d'offres comprend de nouvelles catégories d'exigences et divise le processus en deux phases. Pour réussir la phase technique, les participants doivent obtenir un minimum de 70 % dans chacune des catégories. Ceux qui réussissent la première phase peuvent ensuite passer à la deuxième phase, soit, la financière. Des questions et réponses sont préparées afin que chaque participant puisse mieux comprendre le devis. Des addendas sont envoyés pour corriger, éclaircir ou annuler certaines dispositions de ce dernier.

[27]            Après avoir reçu les propositions, dont celle de Monit, TPC fait parvenir des demandes d'éclaircissement aux proposants. Chacun soumet ses réponses au plus tard le 31 décembre 1992. L'évaluation des propositions a lieu durant les deux premières semaines de janvier 1993.

[28]            Des dix propositions reçues, trois passent la première phase. Les promoteurs qui ont le droit de présenter une proposition financière sont Pomerleau pour un site, et Westcliff, pour deux sites.


[29]            Le 24 mars 1993 (pièce 773), Monit reçoit une lettre de TPC l'informant que sa proposition est disqualifiée. Elle n'a pas obtenu 70 % dans les catégories suivantes : architecture, sécurité, ingénierie et fonctionnalité.

[30]            Le 19 avril 1993, Monit décide d'intenter la présente poursuite en dommages. Malgré cela, le président de la compagnie écrit au ministre des Travaux publics le 29 et lui propose un bail de 35 ans aux mêmes termes et conditions que celles prévues dans le bail qui se termine en 1994. De plus, il s'engage à dépenser 15 millions de dollars pour rénover son immeuble afin de rencontrer les exigences de l'OACI (pièce 804). Il fait parvenir à tous les députés, aux ministres et au premier ministre canadien, une lettre expliquant la situation.

[31]            Le 5 mai 1993, le ministre des Travaux publics répond au président de Monit qu'il n'interviendra pas dans le processus. En effet, les proposants qui ont réussi la première phase ont soumis des propositions financières et TPC est en train de les évaluer (pièce 812).

[32]            Par la suite, TPC choisit la proposition qu'il estime être la meilleure, celle de la firme Westcliff. Des recommandations en ce sens sont faites au Conseil et à l'Assemblée de l'OACI, qui les acceptent, et le Conseil du Trésor donne son aval à la transaction. Un contrat est donc octroyé à Westcliff pour la construction d'un nouvel immeuble pour l'OACI.

[33]            Le 29 mars 1994, TPC exerce une des options de renouvellement de six mois prévue dans le contrat de prolongation du bail original conclu avec Monit.

D)        PRÉTENTIONS DES PARTIES

1)         LA DEMANDERESSE

[34]            La demanderesse convient qu'elle doit prouver une faute, des dommages et un lien de causalité. Dans les faits, TPC a commis plusieurs fautes envers Monit entre 1990 et 1992. Il faut se rappeler que l'OACI occupait 85 % de son immeuble en 1991 et 1992. Pendant ces années, la récession sévissait dans la région de Montréal, en particulier dans la location des immeubles. TPC n'était pas sans savoir qu'un déménagement de l'OACI entraînerait des conséquences financières désastreuses pour Monit. De très bonnes relations avaient été créées au cours des années entre l'OACI et Monit par l'entremise du comité de « gérance des baux » . Monit avait clairement indiqué à TPC qu'elle s'attendait à des négociations confidentielles et empreintes de bonne foi. TPC entretenait des relations d'affaires avec Monit depuis fort longtemps; il existait donc des engagements contractuels.

a)         Le droit

i)          Contexte juridique

A)        Le droit applicable - Le recours au droit provincial

[35]            Les lois provinciales qui régissent les actions entre particuliers s'appliquent aux poursuites en responsabilité délictuelle contre l'État fédéral. Cette règle découle des dispositions de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, L.R.C. 1985,           c. C-50 qui incorpore les règles de droit applicables entre particuliers (Ministère de la Justice du Canada, La Couronne en droit canadien, Éditions Yvon Blais, 1992 à la page 405).

[36]            « À moins d'indication contraire, [...], nul autre texte que le Code civil ne doit servir de droit commun, en droit privé, à la législation fédérale applicable au Québec. » (St-Hilaire c. Canada (Procureur général), [2001] 4 C.F. 289 (C.A.) au paragraphe 39. On retrouve aussi ce principe dans la Loi d'harmonisation no 1 du droit fédéral avec le droit civil, L.C. 2001, c. 4.

B)        Le droit transitoire

[37]            Comme les faits du présent litige ont eu lieu avant 1994, c'est le Code civil du Bas-Canada (C.c.B.-C.) qui s'applique. La jurisprudence antérieure en semblable matière a été codifiée avec la mise en vigueur du Code civil du Québec (C.c.Q.) (1994).

C)        La nature du recours

[38]            Qu'il s'agisse de responsabilité contractuelle ou délictuelle, les devoirs et les obligations sont les mêmes (Wabasso Ltd. c. National Drying Machinery Co., [1981] 1 R.C.S. 578 à la page 590.

D)        La valeur des précédents de common law

[39]            Citant doctrine et jurisprudence, la demanderesse plaide que les concepts de common law ne font pas tous autorité en droit civil québécois (Wabasso, précité).

[40]            La demanderesse me demande de me distancier de l'arrêtMartel Buildings Ltd. c. Canada, [2000] 2 R.C.S. 860 car cette cause provient de l'Ontario. À titre d'exemple, l'obligation de négocier de bonne foi ne semble pas être reconnue dans cette cause, alors qu'elle l'est depuis fort longtemps dans la doctrine civiliste québécoise (B. Lefebvre, La bonne foi dans la formation du contrat, Éditions Yvon Blais, 1998 aux pages 114 et 117). D'ailleurs, l'auteur N. Rafferty critique l'approche de la Cour suprême sur cette question ( « Developments in Contract and Tort Law : the 2000-2001 Term » (2001), 15 S.C.L.R. (2d) 173 à la page 196) .

[41]            Un autre exemple porte sur un concept inconnu en common law, le droit à l'indemnisation d'une perte purement économique. Selon la demanderesse, le droit civil québécois a quant à lui toujours reconnu que ce type de préjudice devait être indemnisé (D. Jutras, « Civil Law and Poor Economic Loss : What are we missing? » (1986-87) 12 Can. Bus. L.J. 295).


[42]            En somme, les principes de common law qui ne sont pas compatibles avec le droit civil dans cet arrêt important de la Cour suprême ne devraient pas s'appliquer ici.

E)         Fardeau de preuve

[43]            Le fardeau de la preuve incombe à la demanderesse, selon la balance des probabilités. Cependant elle peut faire usage de présomptions de fait ou de droit pour alléger son fardeau.

[44]            Les tribunaux québécois privilégient la règle voulant qu'une partie ne puisse tirer profit de son refus de fournir des éléments de preuve qui sont à sa connaissance. « En matière civile où l'objectif est la recherche de la vérité, une partie ne peut tirer profit de son refus de fournir des éléments à sa portée, nécessaires à la solution du litige. » (Kahn c. Toronto-Dominion Bank, [1997] R.R.A. 50 aux pages 56 et 57 (C.A. Qué.)).

b)         Comportements fautifs antérieurs aux appels d'offres

i)          Bonne foi

A)        Assujettissement de la Couronne


[45]            En matière contractuelle, les règles du droit civil régissent les rapports entre l'État et les particuliers. La bonne foi, principe universel, s'applique tant aux personnes physiques que morales.

B)        Commentaires généraux

[46]            La Cour suprême consacre le devoir de se conduire de bonne foi (Houle c. Banque canadienne nationale, [1990] 3 R.C.S. 122 à la page 145).

[47]            Malgré l'absence de preuve d'intention malveillante ou malicieuse, il peut y avoir contravention à l'obligation d'agir de bonne foi (G.D.G. Environnement Ltée c. Zoecon Canada inc., J.E. 93-1255 (C.S.); J.-L. Baudouin et P.-G. Jobin, Les obligations, 5e éd., Éditions Yvon Blais, 1998 à la page 111).

[48]            Cette obligation de bonne foi se traduit par des normes de comportement comme la loyauté, la collaboration, et le partage de l'information (Lefebvre, précité, aux pages 91 et 166) .

C)        Bonne foi lors de négociations

[49]            La bonne foi doit inspirer tous les actes juridiques et ce, à tout moment. (Lefebvre et Baudouin, précités).

ii)         Rupture de pourparlers : fait générateur de responsabilité

A)        Principe

[50]            Les parties ne sont plus des tiers lorsqu'ils entrent en pourparlers. De cette situation naît des obligations; leurs violations constituent une faute génératrice de responsabilité. L'obligation de négocier de bonne foi est reconnue par les tribunaux du Québec (Hôtel de l'aéroport de Mirabel inc. c. Aéroports de Montréal, [2002] R.J.Q. 1721 (C.S.), confirmé par (2003) J.E. 2003-1606, (C.A.)).

[51]            On ne doit pas rompre les négociations sans justification lorsqu'on a suscité chez le partenaire une confiance dans la conclusion d'un accord (Cie France Film inc. c. Imax Corp.,         J.E. 2002-5 (C.A.)).

B)        Contexte particulier du bail

[52]            Selon la demanderesse, le droit a évolué. Au départ, l'accent était mis sur la liberté de contracter. Certaines décisions maintenant sanctionnent une partie à un bail qui refuse de négocier de bonne foi son renouvellement. « En droit civil québécois, cependant, il faut négocier, (...) les conventions en toute bonne foi. » (Hôtel de l'aéroport de Mirabel inc., précité).


C)        Comportements répréhensibles

[53]            L'obligation de négocier de bonne foi interdit à une partie de s'engager dans un processus de négociations en sachant qu'il ne mènera à rien ou pour d'autres fins. Si généralement la bonne foi n'exige pas qu'on divulgue des négociations parallèles, il demeure toutefois des exceptions très importantes, selon lesquelles il est impératif d'informer le co-contractant qui croit à l'unicité des négociations ou qui pose une question à ce sujet (Lefebvre, précité, aux pages 144 et 145).

[54]            Pour déterminer si une rupture est abusive, certains éléments factuels doivent être analysés, soit la longueur des négociations, la nature des documents échangés et la qualité des parties. L'existence de relations d'affaires antérieures jouent un rôle prépondérant. Le degré de confiance est alors augmenté (Lefebvre, précité, aux pages 117 et 118).

D)        Nature de la responsabilité

[55]            Le défaut de négocier entraîne une responsabilité extracontractuelle. Qu'il s'agisse d'un recours contractuel ou délictuel, les devoirs et obligations sont les mêmes.

iii)        Transgression de l'obligation de renseignement

A)        Commentaires généraux

[56]            La victime d'une contravention à une obligation de renseignement peut choisir la réparation qu'elle préfère : elle peut procéder par action en nullité ou par action en dommages (Giovest inc. c. Place Brossard inc., [2000], R.D.I. 192 à la page 196 (C.A. Qué.). L'obligation de renseignement existe en matière de bail commercial (Gestion Solvic ltée c. Amusement Daniel inc., J.E. 96-298 à la page 11 (C.S.).

B)        Paramètres de l'obligation de renseignement

[57]            Les critères relatifs à l'obligation de renseignement sont énoncés par la Cour suprême dans l'arrêt Banque de Montréal c. Bail Ltée, [1992] 2 R.C.S. 554 à la page 586 : la connaissance, réelle ou présumée, de l'information par la partie débitrice de l'obligation de renseignement; la nature déterminante de l'information en question; l'impossibilité du créancier de l'obligation de se renseigner lui-même, ou la confiance légitime du créancier envers le débiteur.

[58]            Cette obligation peut être atténuée par l'obligation qu'a une partie de se renseigner. Il faut toutefois que l'information soit accessible. L'expertise des parties peut également entrer en ligne de compte.

[59]            Le devoir de se renseigner peut également être anéanti par la confiance qui s'est instaurée entre les parties.

[60]            Le fait de transiger avec le gouvernement est d'ailleurs reconnu et a pour effet d'augmenter cette confiance (Grandmont et Fils Ltée c. Québec (Procureur général), [1996] R.J.Q. 1290 (C.S.)). La demanderesse allègue que TPC était dans une position privilégiée et aurait dû révéler à Monit la possibilité que l'OACI aille se loger ailleurs car il était difficile pour Monit de consentir en toute connaissance de cause au renouvellement à court terme du bail original.

iv)        L'appropriation d'informations confidentielles

[61]            À cause de l'existence de l'obligation de renseignement, il est usuel que les parties s'échangent des informations, qui peuvent souvent être de nature privée ou confidentielle. Deux     comportements fautifs peuvent alors surgir. D'une part, lorsqu'une partie ne négocie que dans le but d'obtenir des informations privées; d'autre part, lorsqu'une partie se sert de cette information à mauvais escient ou en fait bénéficier un tiers (Lac Minerals Ltd. c. International Corona Resources Ltd., [1989] 2 R.C.S. 574).

c)         Comportements fautifs lors des appels d'offres

i)          Nature de l'appel d'offres

[62]            Le recours au processus qu'est l'appel d'offres démontre le désir du gouvernement d'octroyer des contrats avec transparence et impartialité (P. Issalys et D. Lemieux, L'action gouvernementale, 2e éd., Éditions Yvon Blais, 2002 à la page 1016).

ii)         Fondement : l'égalité des soumissionnaires

[63]            Le principe inhérent à ce processus est l'égalité des soumissionnaires. La bonne foi doit toujours être présente. Plusieurs décisions de la Cour d'appel du Québec le confirment (Pavage L. Métivier inc. c. Beauport (Ville de), 2002 BE-960 (C.A.) à la page 2 et Entreprises Bon Conseil ltée c. Hydro-Québec, REJB 2002-32248 à la page 1 (C.A. Qué.)).

iii)        Devoir d'agir avec équité et transparence

[64]            Les tribunaux sanctionnent les organismes publics qui ne dévoilent pas toute l'information pertinente (Voltelec Inc. c. Corp. de l'hôpital Saint-Charles Borromée Inc., J.E. 90-1490 à la page 18 (C.S.), [1990] A.Q. no 1448 (C.S.) (QL), confirmé par [1995] A.Q. no 314 (C.A) (QL). Ce devoir de renseignement est d'autant plus important lorsqu'il existe des rapports antérieurs.

iv)        L'obligation d'accepter une soumission conforme

[65]            Malgré la présence d'une clause de réserve, la Cour suprême estime que le gouvernement a l'obligation de contracter avec un soumissionnaire conforme (M.J.B. Entreprises Ltd. c. Construction de Défense (1951) Ltée, [1999] 1 R.C.S. 619). Ce principe s'applique en droit civil (9071-8214 Québec inc. c. Roch Lessard 2000 inc., REJB 2001-25544 (C.A. Qué.) aux pages 2 et 3).

v)         Une faute commise de bonne foi engendre la responsabilité

[66]            La méconnaissance, même de bonne foi par l'auteur des règles relatives à l'appel d'offres doit être sanctionnée (J. P. Doyon ltée c. Trois-Rivières (Ville de), J.E. 96-2014 (C.S.) à la page 6 et Bau-Québec ltée c. Sainte-Julie (Ville de), [1999] R.J.Q. 2650 à la page 2654 (C.A.).

vi)        Premier appel d'offres : le refus de négocier constitue une faute

[67]            À la suite du premier appel d'offres, toutes les propositions ont été disqualifiées sauf celle de Monit. Une directive gouvernementale prévoyait qu'advenant le cas où une seule proposition rencontrait les exigences, le gouvernement devait négocier avec ce soumissionnaire (page 9, extraits de la pièce 1185A, Politiques et lignes directrices).


[68]            Même si la directive n'a pas la même force que l'acte réglementaire, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une « règle de conduite » . La violation de cette règle est imputable à son auteur (M. Tancelin, Des obligations : actes et responsabilités, Wilson & Lafleur, 1997 à la page 316). La directive doit être prise en considération dans l'évaluation de ce que constitue un comportement raisonnable. La demanderesse plaide que, lorsque quelqu'un se fie à une directive, elle peut l'opposer à l'administration. Ceci rejoint la théorie de l'espoir raisonnable élaboré en droit administratif. D'ailleurs, dans les appels d'offres, la jurisprudence indique que les directives sont des éléments pertinents (Yves Germain Construction inc. c. Hydro-Québec, J.E. 2000-1658 (C.A.)).

[69]            L'obligation de négocier fait partie des usages en semblables matières, et ne pas respecter cet usage peut constituer une faute (article 1457 C.c.Q. et article 1053 C.c.B.-C.).

[70]            Le rejet en bloc de toutes les soumissions ne doit se faire que pour des motifs raisonnables. Même si l'existence de soumissions trop élevées peut constituer un motif raisonnable, en l'espèce, Monit n'avait pas adopté une position ferme puisqu'elle avait déjà manifesté à de nombreuses reprises son intention de négocier à la baisse les prix qu'elle avait proposés.

[71]            Les tribunaux sanctionnent les autorités qui utilisent les appels d'offres pour privilégier une solution particulière ou qui fixent l'issue du concours dès le début du processus (La Reine c. Wilfrid Nadeau Inc., [1973] C.F. 1045 à la page 1046 (C.A.).

vii)       Deuxième appel d'offres

A)        Modification des critères


[72]            En principe, les tribunaux refusent de s'ingérer dans l'analyse des critères, à moins que la preuve démontre un avantage à un soumissionnaire en particulier. Les éléments à considérer sont les suivants : 1) les facteurs utilisés n'étaient pas pertinents par rapport à l'objectif de la procédure; 2) les facteurs utilisés n'étaient pas connus des soumissionnaires; 3) les évaluateurs ont agi de manière inéquitable, discriminatoire ou de mauvaise foi dans l'évaluation des soumissions; 4) le résultat est entaché d'une erreur grossière ou entraîne un déni de justice          (P. Giroux, C. Moffet, M.-C. Belleau, et D. Lemieux, Contrats des organismes publics québécois, Publications CCH/FM (feuilles mobiles), section 7-7701 à la page 1193).

B)        Modification du contrat

[73]            Étant donné qu'il s'agit d'un contrat avec l'administration, les modifications du contrat doivent respecter les limites du pouvoir contractuel (P. Lemieux, « Les récents développements en matière de contrats de l'administration » (1986) 16 R.D.U.S. 541 à la page 570). La jurisprudence accepte des modifications postérieures qui sont mineures ou accessoires. Toutefois, la modification n'est pas présumée mineure. On peut inférer qu'il y a eu faute dans l'attribution du contrat lorsque des propositions du soumissionnaire écarté jugées non conformes sont reprises par le soumissionnaire retenu (Tuyauterie Caribou Inc. c. Hôpital Louis-H. Lafontaine, J.E. 98-607 (C.S.) à la page 6, confirmé par REJB 2001-25347 (C.A.)).

[74]            On peut également inférer la faute lorsque le rejet de la soumission n'est pas accompagné d'explication. Les tribunaux n'acceptent pas que les autorités administratives changent les règles pendant l'appel d'offres ou après coup.

[75]            La Cour d'appel du Québec a refusé qu'une subvention postérieure soit octroyée au soumissionnaire choisi car cela n'avait pas été prévu ni dans les modalités d'appel d'offres ni dans la soumission (Cité de St-Romuald d'Etchemin c. S.A.F. Construction Inc., [1974] C.A. 411 (C.A. Qué.).

2)         LA DÉFENDERESSE

[76]        Citant plusieurs paragraphes de la déclaration amendée, la défenderesse souligne les allégations injustifiées de complot, d'injustice et d'inéquité soulevées par Monit. La défenderesse invoque aussi que la demanderesse se plaint que la défenderesse lui a caché des documents.

[77]            Selon la défenderesse, des efforts énormes ont été effectués pour transmettre environ      20 000 pages de documents à la demanderesse. Même si la demanderesse s'est prévalue de la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. 1985, c. A-1, elle n'a utilisé aucun document additionnel à ceux fournis.

[78]            La défenderesse s'est acquittée de ses obligations malgré le droit à la confidentialité qu'elle possède à l'égard de certains documents. D'ailleurs, elle a révoqué son privilège sur plusieurs documents.

[79]            Elle plaide aussi que plusieurs témoins, certains venant même de l'extérieur du pays, ont été appelés à la barre pour démontrer que les accusations sévères à l'endroit de la défenderesse sont non fondées.

[80]            Comme le fardeau de preuve incombe à la demanderesse, celle-ci a failli à sa tâche et doit subir les conséquences du rejet de sa poursuite.

a)         Droit applicable

[81]         L'adjudication des contrats par l'État par le moyen d'appels d'offres relève du droit public et administratif, et la jurisprudence de common law s'applique ici. La défenderesse cite plusieurs auteurs, en particulier la juge Thérèse Rousseau-Houle, Les contrats de construction en droit public et privé, Montréal, Wilson & Lafleur, 1982.

b) Obligations applicables préalablement au processus d'appels d'offres

[82]            La bonne foi est présumée et il faut présenter une preuve prépondérante pour l'écarter.

[83]            Une partie n'a pas l'obligation d'entreprendre des négociations avec une autre partie et la défenderesse n'avait donc pas l'obligation de négocier avec la demanderesse.

[84]            On doit faire une distinction entre l'obligation de négocier de bonne foi et l'obligation de négocier. L'obligation de négocier ne doit s'imposer qu'une fois que les pourparlers sont solidement amorcés (Lefebvre, précité, aux pages 114 à 120).

[85]            Les discussions ou les négociations en vue de renouveler un bail ne peuvent forcer les parties à conclure un contrat. À tout événement, l'obligation de négocier de bonne foi et de ne pas rompre abusivement les négociations a été respectée en l'espèce. À l'appui de cette thèse, la défenderesse cite plusieurs auteurs ainsi que la décision Paul c. Vancouver International Airport Authority (2000), B.L.R. (3d) 135 (C.S.C.-B.).

[86]            Le fait de présenter une soumission dans le cadre d'un appel d'offres constitue une renonciation ou une fin de non-recevoir à l'égard de tout prétendu droit découlant de rapports antérieurs (Affiliated F.M. Insurance Co. c. Symons General Insurance Co., [1990] R.J.Q. 2421 (C.A.); Gabias c. Mainville (1922), 33 B.R. 32 (C.A. Qué.); Stevenson c. Brique Champlain Ltée, [1943] B.R. 196 (C.A. Qué.); E.R. c. A.T., [2001] R.J.Q. 691 (C.S.); J.C. c. B.V., [2001] R.J.Q. 1051 (C.S.); Robichaud c. Panneton, [1989] R.J.Q. 1267 (C.S.)).

[87]            L'obligation de renseignement ne s'étend pas à l'information que le co-contractant possède déjà ou à laquelle il peut avoir accès en se comportant avec prudence et diligence.


(J.L. Baudouin et P.G. Jobin, Les obligations, 5e éd., Éditions Yvon Blais, 1998 aux pages 314 et 315; Lefebvre, précité, aux pages 171 à 175; Canada c. Covex, J.E. 98-198 (C.S.); Paul c. Vancouver International Airport Authority, précité, Hughes Land Co. c. Manitoba (Minister of Government Services (1991), 72 Man. R. (2d) 215 (Q.B.)).

c)         Principes applicables aux d'appels d'offres

[88]            Le document d'appel d'offres peut conférer à son auteur une grande discrétion dans l'évaluation des soumissions, pourvu que soit respecté le devoir de traiter équitablement et sur un pied d'égalité tous les soumissionnaires (Martel, précité).

[89]            L'auteur de l'appel d'offres dispose d'une discrétion quant à la conformité des soumissions et il n'appartient pas au tribunal de substituer son évaluation à celle de l'évaluateur à moins d'une preuve de mauvaise foi ou d'un manque d'objectivité manifeste de sa part (Gestion Complexe Cousineau (1989) Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux) (1995), 90 F.T.R. 214 (C.F. 1re inst.), confirmé par [1995] 2 C.F. 694 (C.A.); Halifax Shipyard Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux) (1996), 113 F.T.R. 58 (C.F. 1re inst.)).


[90]            L'auteur de l'appel d'offres qui négocie avec un seul des soumissionnaires viole le principe de l'égalité des soumissionnaires (J. Pineau et S. Gaudet, Théorie des obligations, 5e éd., Éditions Thémis 2001 à la page 76; G.P. Allard, « Les droits des autres soumissionnaires et la modification du contrat administratif » (1996), 10 R.J.E.U.L. à la page 109; A. Langlois, L'adjudication des contrats municipaux par voie de soumissions, 2e éd., Éditions Thémis 1994 aux pages 173 à 175; P. Giroux, L. Moffet et D. Lemieux, Contrats des organismes publics québécois, Publ. C.C.H., no 5-450).

[91]            Une clause de réserve selon laquelle ni la soumission la plus basse ni aucune soumission ne sera nécessairement retenue fait en sorte que l'auteur de l'appel d'offres n'est pas tenu d'accepter la soumission conforme la plus basse (Martel, précité; M.J.B. Enterprises c. Construction de défense, précité; Bau-Québec ltée c. Sainte-Julie (Ville de), précité).

[92]            L'auteur de l'appel d'offres n'est pas tenu de permettre au soumissionnaire de fournir une explication ou de se faire entendre (Lapointe c. A.M.A.R.C., [1992] R.J.Q. 1321 (C.S.); Northeast Marine Services c. Administration de pilotage de l'Atlantique, [1995] 2 C.F. 132 (C.A.); Halifax Shipyard Ltd. c. Canada, précité; Cegeco Construction Ltée c. Ouimet, [1991] A.C.F. no 1144 (C.F. 1re inst.) (QL)).

[93]            L'auteur de l'appel d'offres peut demander des clarifications afin d'écarter une ambiguïté (Gestion Complexe Cousineau (1989) Inc. c. Canada, précité; Assn. des pêcheurs propriétaires des Îles-de-la-Madeleine c. Canada, [1996] A.C.F. no 113 (1re inst.) (QL).


[94]            Une directive gouvernementale n'a pas force de loi et ne saurait créer des droits en faveur des tiers (M. Filion, « Le pouvoir discrétionnaire de l'administration exercé sous forme de normes administratives: les directives » , (1979) 20 C. de D. 855 aux pages 867, 889 et 892;           P. Garant, Droit administratif , volume 1, 4e éd., Éditions Yvon Blais, 1996 aux pages 395 et 396; R. Dussault et L. Borgeat, Traité de droit administratif, t. 1, 2e éd., P.U.L., 1984 aux pages 418 à 430).

[95]            La soumission la plus basse peut être rejetée si son prix est trop élevé (Bernier Lecomte inc. c. Verdun (Ville de), J.E. 2002-1551 (C.S.)).

[96]            Avec une justification raisonnable, l'auteur d'un appel d'offres peut rejeter toutes les soumissions et lancer un deuxième appel d'offres. Parmi ces justifications raisonnables, l'on compte le prix trop élevé des soumissions reçues, la nécessité de corriger une ambiguïté dans les documents d'appel d'offres ou une modification des conditions de l'appel d'offres (Beauchesne c. Bécancour (Ville de), J.E. 84-631 (C.A.); Community Enterprises Limited c. La corporation de la Ville d'Acton Vale, [1970] C.A. 747 (C.A. Qué.); J.R. Proulx et fils inc. c. Municipalité du village de Baie-Trinité, 98BE-526 (C.S. Qué.); Boless inc. c. Université du Québec à Hull, J.E. 92-1746 (C.S.); Centre Routier inc. c. St-Luc de Matane (Corp. municipale de la paroisse de), J.E. 92-513 (C.S.); Lepage c. Visitation-de-la-Bienheureuse-Vierge-Marie, J.E. 83-29 (C.S.); La Compagnie d'assurances du Québec c. La Ville de Charlesbourg, J.E. 83-568 (C.S.); Transport Déchex Inc. c. Saint-Hubert (Ville de), J.E. 82-855 (C.S.); Fontaine et Fils inc. c. Ville de Ste-Hyacinthe (1979), 11 M.P.L.R. 51; Glenview Corporation c. Canada (Ministre des Travaux publics) (1990), 34 F.T.R. 292 (C.F. 1re inst.)).

[97]            Le dépôt d'une soumission lors d'un deuxième appel d'offres constitue une renonciation à tout prétendu droit découlant du premier appel d'offres (Les Entreprises d'électricité Adamik Inc., c. Les Constructions Sicor Inc., (8 décembre 1992), 500-05-000379-907 (C.S.); Lavigueur c. Municipalité de Ste-Clothilde de Chateauguay, (10 novembre 1989), 760-05-000477-891 (C.S.); Jourdain c. Grand-mère (Corp. de la Ville de), J.E. 83-328 (C.S.); Tétreault et Frères Ltée c. Les Commissaires d'écoles pour la municipalité de la cité de Lachine, (26 février 1969), 597,470 (C.S.).

[98]            Le maître de l'ouvrage peut apporter des modifications au contrat. À plus forte raison il peut le faire lorsqu'une clause de l'appel d'offres le prévoit (P. Lemieux, Les contrats de l'administration fédérale, provinciale et municipale, R.D.U.S., 1981 aux pages 280, 281 et 291; Rousseau-Houle, précité, à la page 260; Adricon Ltée c. d'East Angus (Ville de), [1978] 1 R.C.S. 1107; Whistler Service Park Ltd. c. Whistler (Resort Municipality), [1990] B.C.J. no 1546 (C.S.C.-B.) (QL).

d)         Lien de causalité


[99]            Le soumissionnaire qui conteste l'adjudication du contrat doit prouver par prépondérance de preuve qu'il aurait obtenu le contrat si l'auteur de l'appel d'offres n'avait pas commis une faute (Toitures Quatre-Saisons inc. c. Casiloc Inc., J.E. 2003-1195 (C.S.); Bernier Lecomte inc. c. Ville de Verdun, précité; Hypertec Systèmes inc. c. Commission scolaire de La Capitale,           J.E. 2001-1446 (C.S.); Chauffage Moderne (1977) inc. c. Réfrigération Noël Inc., (8 mai 1995), 150-05-000175-929 (C.S.); 142710 Canada Inc. c. Construction Canvar inc., J.E. 93-517 (C.S.); Bilodeau Électrique Ltée c. Santerre Électrique inc., (26 octobre 1989), 655-05-000035-873 (C.S.); Acier D.C.L. Inc. c. Construction D. Leblanc Inc., (22 janvier 1987), 700-02-001968-859 (C.P.).

e)         Preuve

[100]        Les privilèges de la Couronne prévus dans la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C., c. C-5 ont leur raison d'être (J.-C. Royer, La preuve civile, 2e éd., Éditions Yvon Blais, 1995 aux nos 1066 à 1098; J. Sopinka, The Law of Evidence in Canada, 2e éd., Butterworths, 1999 aux nos 15.10 et 15.11; Goguen c. Gibson, [1983] 2 C.F. 463 (C.A.); Kevork c. Canada, [1984] 2 C.F. 753 (1ère inst.)).

f)          Arguments de la défenderesse sur le complot allégué par Monit

i)          Contexte général

A)        Gouvernement canadien

[101]        Il faut tenir compte de la réalité gouvernementale, c'est-à-dire la complexité des nombreux ministères qui souvent mène à des décisions qu'il faut soupeser selon la mission de chacun.

B)        OACI

[102]        L'OACI est un organisme indépendant qui ne relève d'aucune autorité étatique. Le Canada s'occupe de la loger et plusieurs ministères dont TPC et MAE participent à cette tâche.

C)        Recherche d'options par MAE et son mandataire, TPC

[103]        S'appuyant sur les témoignages de MM. Noble, Duguay, Miller et Kotler et sur certaines pièces déposées, la défenderesse allègue qu'elle a agi avec professionnalisme et intégrité, et que ni elle ni ses représentants ne devraient faire l'objet de reproches.

g)         Appels d'offres

i)          Premier appel d'offres lancé le 5 mai 1992

[104]        La défenderesse explique pourquoi TPC a décidé de procéder à un appel d'offres.

[105]        La défenderesse met l'accent sur l'arrêt Martel, précité, pour plaider que TPC n'avait pas à tenir compte de ses rapport antérieurs avec Monit.

[106]        La défenderesse allègue que Monit comprenait très bien les exigences de l'appel d'offres et savait très bien qu'en matière de sécurité, son immeuble comportait des problèmes architecturaux.


[107]        La défenderesse estime que ses représentants ont respecté le devis. Les réserves de droit prévues dans ce document sont similaires à celles dont il était question dans l'arrêt Martel, précité. L'analyse financière effectuée par Will Young, consultant externe auprès d'Avrum Miller, démontre que les propositions dont le bail devait commencer le 1er mai 1996 étaient les plus avantageuses pour TPC. Comme Monit n'a soumis qu'une proposition pour novembre 1994, TPC était justifié de ne pas la considérer malgré le fait qu'elle était conforme au niveau technique. De plus, TPC n'avait aucune obligation de négocier avec la demanderesse.

[108]        Étant donné qu'aucune des propositions n'était acceptable, TPC a eu raison de mettre fin au processus d'appel d'offres et d'en lancer un nouveau afin d'obtenir des offres bonifiées.

[109]        Selon la défenderesse, la conformité technique n'était pas une condition de qualification. La note de passage dans chaque catégorie était de 70 %. Des notes de passage ont été données par défaut en matière de sécurité car la majorité des propositions ne se qualifiaient pas avant l'ajout d'un facteur de normalisation. Selon la défenderesse, il ne faut pas non plus faire de comparaison entre les notes accordées lors du premier appel d'offres et celles accordées lors du second appel d'offres.

ii)         Deuxième appel d'offres lancé le 17 septembre 1992

[110]        Seuls les soumissionnaires qui ont fait des propositions lors du premier appel d'offres ont été invités à participer au deuxième appel d'offres.

[111]        Selon la défenderesse, le fait que Monit a participé au processus du deuxième appel d'offres et a déposé une soumission le 15 novembre 1992 équivaut à une renonciation tacite de tous les droits qu'elle aurait pu avoir à la suite du premier appel d'offres. Elle plaide l'estoppel ou la fin de non-recevoir.

[112]        La rencontre individuelle entre Monit et TPC le 29 septembre avait pour but de l'aider àfranchir la première phase et passer à l'étape financière. Les deux procès-verbaux de cette réunion, soit celui de TPC et de Monit, confirment que cette dernière n'a pas obtenu un laissez-passer à la deuxième étape telle que le prétend le vice-président de Monit, M. Cuccioletta. Des discussions exhaustives ont eu lieu en matière de sécurité, ce qui a permis à Monit de préparer adéquatement sa soumission. L'interprétation de certains propos de Claude Bernard lors de cette rencontre ne confirme en rien les allégations soutenues par la demanderesse. Lchéancier pendant la construction a également fait l'objet de discussions durant cette réunion.

[113]        TPC avait le droit de procéder au deuxième appel d'offres. Ainsi, il n'avait donc aucune obligation de rencontrer ou discuter avec Monit avant son élimination.


[114]        La défenderesse expose en détail les dispositions pertinentes du devis et les principes juridiques applicables. Elle passe en revue la méthodologie que son expert Cogerec a utilisé pour analyser les évaluations et conclut que Macogep (expert de la demanderesse), a finalement suivi la même méthode sauf pour quelques critères redressés. La défenderesse soumet, à l'instar des évaluateurs de TPC, que la demanderesse a subi un échec dans les catégories architecture, ingénierie, sécurité, et fonctionnalité.

[115]        Le 12 janvier 1992, tous les évaluateurs de TPC se sont rencontrés pour accorder les notes finales à chacune des propositions. Il fallait procéder ainsi afin de les comparer et protéger le principe de la relativité entre les propositions. La défenderesse soutient qu'aucune preuve de discrimination ou de mauvaise foi n'a été démontrée et Monit n'a aucune raison de contester les conclusions de cette rencontre.

[116]        L'OACI voulait s'assurer que la proposition canadienne suggérée soit la meilleure pour elle : elle engage donc un consultant indépendant pour faire l'analyse des propositions et lui demande de lui faire des recommandations.

[117]        La défenderesse plaide que la décision d'octroyer un contrat à Westcliff était la meilleure et que certains travaux subséquents effectués et payés par le gouvernement canadien n'ont nullement eu pour effet de modifier le contrat à l'avantage de Westcliff. Le principe d'égalité entre les soumissionnaires a été respecté.


[118]        Selon la défenderesse, même si on admettait pour fins de discussion seulement que Monit stait qualifiée à la première étape du deuxième appel d'offres, il faut se demander si Monit était en mesure de démontrer selon la prépondérance de probabilité que c'est sa proposition et non pas celle des trois autres soumissionnaires qui aurait été retenue. L'OACI disposait d'un droit de veto, et certains tiraillements existaient quant à l'utilité de demeurer dans l'édifice Monit. L'évaluation financière par TPC de la proposition de Monit effectuée par TPC lors du premier appel d'offres slevait à 211 millions de dollars, ce qui dépassait largement les 152,3 millions autorisés par le Conseil du Trésor. La demanderesse n'a nullement démontré que son prix aurait été moins élevé que celui de Westcliff au deuxième appel d'offres.

E.         ANALYSE

1)         REMARQUES PRÉLIMINAIRES

[119]        La demanderesse a fait entendre les personnes suivantes :

-           Barry Kotler, président, Monit

-           Pierre Cuccioletta, vice-président, Monit

-           Richard Hylands, vice-président, Westcliff

-           Stéphane Auger, consultant en sécurité, firme CSP

-           Louis-Yves Lebeau, président et expert, Macogep

-           Denis Côté, représentant de Macogep

-           Charles Aboukhaled, vice-président, Macogep

-           Paul Riedstra, représentant de la Banque Scotia

[120]        La défenderesse a fait entendre les personnes suivantes :

-           John Noble, ancien directeur général, MAE

-           Gilles Duguay, ancien représentant du Canada auprès de l'OACI


-           Ruth Archibald, ancien chef de cabinet de la ministre Barbara McDougall

-           Jacques Yves Therrien, ancien sous-ministre adjoint, Bureau fédéral de développement régional (Québec) (BFDR(Q) )

-           Guy Coulombe, ancien directeur général de la SCCIM

-           Jacques Bélec, ancien conseiller spécial de John Noble

-           Avrum Miller, ancien chargé de projet à TPC

-           Will Young, ancien consultant externe auprès d'Avrum Miller

-           Claude Bernard, architecte, TPC

-           Donald Byrne et Daniel Desjardins, sécurité, GRC;

-           Daniel Choinière, ingénieur mécanique, TPC

-           Pierre Martin, ancien consultant auprès de l'OACI

-           Nessim Habashi, président de Cogerec, expert de la défenderesse

-           Louis Plante, ancien fonctionnaire à TPC.

[121]        Comme je l'ai mentionné précédemment, j'analyserai trois périodes afin de répondre aux questions en litige :

a)         la période précédant le premier appel d'offres;

b)        le premier appel d'offres;

c)         le deuxième appel d'offres.

Mais avant, je dois déterminer quels sont les principes de droit qui s'appliquent.

2)         DROIT APPLICABLE


[122]        La défenderesse soumet que l'adjudication des contrats par l'État au moyen d'appels d'offres relève du droit public et administratif, et la jurisprudence de common law s'applique en cette matière. La demanderesse n'est pas en total désaccord avec l'application de la jurisprudence de common law en l'espèce, mais y applique un bémol. Elle cite Rousseau-Houle, précité, à la page 27 :

Provenant donc du droit anglais, les principes de notre loi administrative publique sont d'abord tirés de la « Common Law » [...] Au Canada, en vertu du paragraphe 13 de l'article 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique, les provinces ont juridiction exclusive en matière de propriété et de droit civil, et sont par-là seules habilitées à réglementer les contrats. Ainsi, tout contrat civil ou administratif doit-il être régi au Québec par le droit privé provincial.

Ce droit privé provincial est incontestablement chez-nous : c'est donc lui qui doit fondamentalement régir les contrats de l'Administration. » [...] (je souligne)

[123]        Les tribunaux formulent certaines réserves relativement à l'importation des principes de common law lorsque le droit civil prévoit des règles (Prud'homme c. Prud'homme, 2002 CSC 85, (2002) 221 D.L.R. (4th) 115 aux paragraphes 54, 59 et 63).

[124]        La demanderesse m'invite donc à analyser l'arrêt Martel, précité, avec un certain recul. La défenderesse reconnaît le principe de la négociation de bonne foi et estime s'être conformée à ce principe dans tous ses échanges avec Monit.

[125]        Compte tenu de la jurisprudence et de la doctrine citées, j'adopterai comme guide la proposition mise de l'avant par la défenderesse tout en tenant compte des précisions apportées par la demanderesse.


3)         PÉRIODE AVANT LE PREMIER APPEL D'OFFRES

a)         Demandes d'accès à l'information, privilèges invoqués en vertu de la Loi sur la preuve au Canada

[126]        Dans sa plaidoirie écrite, Monit allègue que la défenderesse lui a caché des documents. Monit a donc été obligée d'avoir recours à la Loi sur l'accès à l'information pour obtenir l'information nécessaire afin de présenter sa preuve. Même à la fin du procès, elle n'avait toujours pas reçu tous les documents demandés auxquels elle avait droit.

La défenderesse a invoqué des privilèges en vertu des articles 37, 38 et 39 de la Loi sur la preuve au Canada, ce qui lui a rendue la tâche plus difficile.

[127]        Monit aurait voulu faire témoigner Thomas Paradis car ce dernier travaillait pour TPC au moment des événements. Toutefois, l'OACI a invoqué une immunité à l'égard de M. Paradis, car il est devenu son employé par la suite. Selon Monit, cette imunité aurait été soulevée à l'initiative d'un avocat du MAE.

[128]        La demanderesse ne m'a faite aucune demande pour contester les privilèges de la Couronne et l'immunité invoquée à l'égard de M. Paradis. Je ne peux donc rien reprocher à la défenderesse à cet égard. Je n'ai aussi aucune juridiction à ce stade-ci pour entendre les griefs de la demanderesse à l'égard de la Commission de l'accès à l'information qui n'aurait pas encore répondu à ses demandes.


[129]        Je dois cependant ajouter que, tout au long du procès, tant la demanderesse que la défenderesse ont déployé des efforts considérables pour aider le tribunal dans la recherche de la vérité.

b)         SCCIM

[130]        Le BFDR(Q) travaille avec la SCCIM dans le but de développer la Cité internationale. Cet organisme relève pendant un certain temps du ministère de l'Industrie et du Commerce, qui est alors dirigé par le ministre Benoit Bouchard, puis de la Santé lorsque M. Bouchard y est muté.

[131]        Guy Coulombe agit comme directeur général de la SCCIM et Jean-Yves Therrien, sous-ministre adjoint, s'occupe du BFDR(Q).

[132]        Plusieurs entités s'intéressent à la SCCIM, notamment l'OACI, le MAE, le ministère des Transports, TPC, le gouvernement du Québec, la Ville de Montréal et le secteur privé.


[133]        Les paramètres géographiques de la Cité internationale s'étendent dans son axe Nord-Sud du boulevard René-Lévesque à la rue Notre-Dame et dans son axe Est-Ouest de la rue Saint-Urbain à la rue Université. Selon M. Coulombe, pour assurer l'avenir de la Cité internationale, il est essentiel que l'OACI déménage à l'intérieur de son périmètre. La SCCIM commence donc à analyser des sites dans cet endroit désigné.

[134]        À l'époque, l'OACI regroupe près de 190 pays et loge 33 délégations permanentes. Le ministère des Transports du Canada, responsable de la nomination du délégué du Canada, désigne Gilles Duguay comme son représentant. Le MAE paie 100 % du loyer de l'OACI alors que cette dernière rembourse 25 % au fonds consolidé du revenu.

[135]        La situation financière précaire de l'OACI fait en sorte que le MAE doit lui trouver les locaux les moins coûteux possible tout en satisfaisant à ses exigences.

[136]        Dès 1989, le MAE identifie plusieurs options pour loger l'OACI à la fin du bail en octobre 1994 :

a)         demeurer dans l'immeuble de Monit et renouveler le bail;

b)         conclure un bail avec un autre promoteur dans un autre immeuble;

c)         acheter l'immeuble de Monit;

d)         acheter un autre immeuble;

e)         construire un nouvel immeuble;

f)          participer au projet de la SCCIM.


[137]        C'est ce qui ressort de la pièce 82 et du témoignage de M. Noble, ancien directeur général, Programme interne, Organisations internationales, au MAE. Il témoigne de façon claire, précise et sans hésitation. Sa mémoire des événements est infaillible et sa connaissance du dossier, impeccable. La Cour retient que son but ultime était d'analyser toutes les options pour en dégager la meilleure pour l'OACI. D'ailleurs, M. Noble considérait la SCCIM un promoteur comme les autres. Son témoignage à cet égard est corroboré par Guy Coulombe ainsi que par Gilles Duguay.

[138]        De nombreuses démarches sont entreprises autant par la SCCIM que par le BFDR(Q) pour inclure l'OACI dans le développement de la Cité internationale. Ainsi, d'autres organismes pourraient se servir du centre de conférences qui y serait construit. Cependant, selon le témoignage de MM. Noble et Duguay, le MAE ne veut pas se faire imposer le projet SCCIM à moins que ce soit le meilleur projet pour l'OACI.

[139]        À cause de son expertise en matière immobilière, TPC reçoit le mandat du MAE d'analyser toutes les options pour loger l'OACI à la fin du bail en 1994. Avrum Miller, chef de projet à TPC, est désigné pour faire les recommandations. Pendant que TPC fait ses propres analyses, la SCCIM en fait de même de son côté. Des informations sont échangées de part et d'autre. Les questions de M. Miller à l'égard du cheminement critique proposé par la SCCIM démontre que cette dernière et TPC procédaient dans le cadre de leur mandat respectif.


[140]        La demanderesse prétend que, parce que plusieurs ministères sont impliqués directement ou indirectement avec la SCCIM, la défenderesse veut écarter le projet de Monit. Elle lui reproche aussi de l'avoir défavorisée en fournissant à la SCCIM des informations confidentielles à son sujet.

[141]        Je conçois aisément que les différents ministères ont voulu collaborer au projet de la SCCIM, et que le gouvernement de l'époque voulait donner suite au rapport Picard en créant une Cité internationale à Montréal. Cependant, je ne suis pas convaincu que Monit a été laissée pour compte. L'occupation de l'immeuble de Monit par l'OACI comme option a subsisté jusqu'à la toute fin, c'est-à-dire jusqu'au lancement du premier appel d'offres.

[142]        Les chiffres transmis par TPC à la SCCIM au début de 1992 sont des estimations faites par TPC sur la base d'une proposition d'affaires avancée par Monit (pièce 322 à la page 4). Monit a elle-même accès à ces estimés à l'automne de 1991 (pièce 1156).

[143]        Les données financières concernant le bail de Monit ne sont pas confidentielles et, comme on le verra plus loin, la proposition de Monit du 19 décembre 1991 ne l'est pas non plus (pièce 287, conclusion).


[144]     Monit prétend qu'elle n'a été mis au courant des activités de la SCCIM et du projet de la Citéinternationale qu'à l'automne 1991. Sans mettre en doute le témoignage de son président, je trouve un peu curieux que son entreprise n'en ait pas eu vent avant cette époque car, depuis 1989, on en discutait amplement dans les journaux (pièces 71, 72, 77, 987 et 990). De plus, la récession sévissait à Montréal, le taux d'inoccupation des immeubles commerciaux était très élevé et le Centre de conférences internationales était un projet d'envergure qui était probablement le plus important à Montréal depuis plusieurs années. L'architecte de Monit, Dimitri Dimakopoulos, avait même participé en 1990 au concours architectural de la Citéinternationale. L'OACI était le plus important locataire de Monit. La Cour a de la difficulté à croire que personne chez Monit n'ait été mis au courant avant.

c) Intention de Monit de négocier un bail à long terme

[145]        Il est clair que, dès avril 1991, Monit veut négocier un bail à long terme afin de loger l'OACI à compter du 1er novembre 1994 (pièce 167).

[146]        Le 23 mai 1991, M. Miller répond au président de Monit qu'il est prématuré de discuter d'un bail à long terme (pièce 173). Le 18 juin 1991, il écrit de nouveau à M. Kotler pour l'informer que TPC est en train d'étudier les exigences futures de l'OACI et qu'un certain temps sera nécessaire avant que le gouvernement fédéral détermine la meilleure stratégie pour loger l'OACI. Il avertit M. Kotler qu'avec la réglementation gouvernementale en matière de contrat, il sera difficile de négocier un contrat à long terme avec Monit. Même si cette option est choisie, il faudra alors procéder par un appel d'offres publique (pièce 183).

[147]        Il est vrai que dans sa missive du 23 mai, M. Miller, résumant une conversation du 21 du même mois, confirme qu'il a demandé à M. Kotler un prix approximatif pour l'achat de son édifice au 1er novembre 1992 et au 1er novembre 1994 sous toutes réserves pour Monit. M. Miller réitère cette demande dans sa lettre du 18 juin 1991, y ajoutant que cette information peut être utile à TPC dans son étude d'une stratégie pour loger l'OACI à la fin du bail.

[148]        Pour ce qui est du droit applicable en matière de négociations, la Cour souscrit à l'argument de la demanderesse selon lequel les négociations doivent être menées de bonne foi, imprégnées des principes de loyauté et de divulgation et ne pas être rompues sans justification.

[149]        Je dois donc déterminer si TPC a négocié avec la demanderesse pendant la période allant du mois de mai 1991 jusqu'au lancement du premier appel d'offres. Dans la négative, les principes de loyauté, de divulgation et d'interruption sans justification ne s'appliquent pas.

[150]        Après avoir lu attentivement les documents portant sur cette période et avoir entendu les témoignages de M. Kotler et M. Miller en particulier, j'en viens à la conclusion que TPC n'a pas négocié avec Monit. La Cour donne raison à la défenderesse sur cette question.


[151]        Monit prétend que la pièce 191 (datée du 10 juillet 1991) et la pièce 226 (datée du 17 octobre 1991), autorisait M. Miller à négocier un bail à long terme avec la demanderesse. Je ne suis pas d'accord. En effet, le premier document indique « to investigate short and long term extensions to the lease for the building at 1000 Sherbrooke West » , et le second mentionne           « External Affairs and International Trade Canada has in fact designated Mr. Miller as the responsible contact person for future accommodation of ICAO, including all aspects of renewal after the termination of the current lease » (je souligne). Ces deux documents ne révèlent aucun mandat précis autorisant clairement M. Miller à négocier avec Monit ou avec qui que ce soit.

[152]        Lors d'une rencontre chez Monit le 29 novembre 1991, M. Miller déclare que quatre options sont toujours à l'étude et demande à Monit de lui transmettre une proposition qui lui permettra d'effectuer des comparaisons (pièce 995 préparée par les représentants de Monit).

[153]        Le 2 décembre, il confirme sa demande par écrit (pièce 267). Le 19 décembre 1991 (pièce 287), Monit remet sa proposition et indique que celle-ci ne lie pas l'entreprise et servira à des fins de comparaison seulement.

[154]     Un mémo du MAE daté du 16 janvier 1992 (pièce 304 à la page 2) indique que le prix estimé non négocié de Monit est de 163 millions.

[155]        Un extrait d'un mémo du 21 janvier 1992 rédigé par un employé de Monit mentionne clairement que M. Miller lui a dit lors d'une conversation antérieure qu'il n'a aucun mandat de négocier un bail à long terme avec Monit et qu'il ne peut faire une offre à la demanderesse au nom du gouvernement.

[156]        Dans son témoignage, M. Kotler maintient que M. Miller négociait avec lui un bail à long terme. En contre-interrogatoire, il affirme que M. Miller a établi un ordre de priorité parmi les quatre options mentionnées lors de leur rencontre du mois de novembre 1991; la première est de louer de Monit, la deuxième est d'acheter son édifice. M. Kotler ne prends pas au sérieux les autres options car il croit qu'il s'agit de tactiques de négociation. M. Miller nie les propos de     M. Kotler à ce sujet. M. Noble confirme dans son témoignage qu'il n'a jamais été question d'un ordre de priorité au sujet des options.

[157]     Selon moi, les termes employés dans les documents pertinents sont clairs et non ambigus. Ils sont d'ailleurs confirmés par les témoignages de M. Miller et de M. Noble.

[158]        Enfin, Monit plaide que ses relations d'affaires avec le gouvernement depuis plusieurs années constituent des liens étroits avec ce dernier, TPC se devait de négocier avec elle. Dans l'arrêt Martel, précité, la Cour suprême s'est penchée sur cette question et a refusé de reconnaître une telle obligation.

d)         Demande d'une option de renouvellement de 18 mois à l'expiration du bail : arnaque, complot

[159]        Le 12 février 1992 (pièce 340), après avoir informé Katy Watkins chez Monit que la proposition du 19 décembre ne sera pas retenue, M. Miller demande à Monit de lui accorder une option de renouvellement de 18 mois à l'expiration du bail en octobre 1994.


[160]        Monit allègue qu'il y a eu une arnaque, complot, que les dés étaient pipés d'avance : le gouvernement fédéral avait décidé de loger l'OACI dans la Cité internationale. De plus, on aurait obligé Monit à faire des rénovations importantes à son immeuble en lui laissant croire que l'OACI logerait chez elle alors que le but ultime était de s'assurer que le siège social de l'OACI demeure à Montréal.

[161]        L'admission conjointe des parties déposée le 11 juin 2003 (pièce 1162) prévoit ce qui suit :

La défenderesse admet qu'il y a eu, à un moment donné en février/mars 1992, du travail effectué sur un projet de soumission au Conseil du Trésor qui visait à obtenir son approbation pour deux (2) choses impliquant le siège social de l'OACI à Montréal :

1)             le lancement d'un appel de proposition limitée au périmètre de la Cité internationale, et

2)             la négociation d'une extension à court terme (18 mois) du bail avec Monit pour permettre la tenue d'un appel de propositions.


[162]        Une note de janvier 1992 de Jacques Bélec (pièce 304), conseiller spécial auprès de M. Noble, confirme qu'aucune décision n'a été prise jusqu'à ce jour et que M. Noble est encore à la recherche de la soumission la moins coûteuse pour l'OACI. Quant à Gilles Duguay, il insiste pour qu'un choix véritable soit présenté à l'OACI avant d'aller au Cabinet. Trois options sont alors disponibles : l'immeuble de Monit rénové; un immeuble vacant avec un centre de conférences dans la Cité internationale; ou un immeuble neuf avec un centre de conférences dans la Cité internationale (pièce 326). Au mois de février, un consensus semble se dégager en faveur de la Cité internationale, mais aucune décision n'est prise à ce moment-là.

[163]        En mars, le projet proposé par la SCCIM est mis au rancart car la Ville de Montréal décide qu'elle n' accorde pas d'exemption de taxes foncières.

[164]        TPC recommande alors de procéder par appel d'offres sans toutefois imposer que le site soit uniquement dans le périmètre de la Cité internationale.

[165]        Voici ce que je retiens de ces documents ainsi que des témoignages de MM. Coulombe (SCCIM), Therrien (BFDR(Q)), Noble et Bélec (MAE), Duguay (l'OACI) et Miller (TPC) :

a)         la SCCIM, de concert avec le BFDR(Q), cherche à intégrer l'OACI dans la Cité internationale;

b)         le MAE veut s'assurer de choisir la meilleure option et la moins dispendieuse pour l'OACI;

c)         le représentant de l'OACI veut que cette dernière soit consultée avant qu'une décision finale soit prise;

d)         TPC veut conseiller adéquatement le MAE.


[166]        Est-ce que M. Miller avait un préjugé favorable en faveur du projet de la SCCIM? Cela est possible, surtout à la lumière de la note de Claude Bernard du MAE à son directeur (pièce 164, 11 avril 1991). Cette note relate une conversation entre un administrateur de l'OACI et Thomas Paradis (employé de TPC auprès de l'OACI) au sujet d'une rencontre entre M. Miller et cet administrateur. Lors de cette rencontre, M. Miller aurait voulu persuader cette personne d'appuyer le projet de la SCCIM. Interrogé à ce sujet, M. Miller affirme qu'il est possible qu'une rencontre ait eu lieu avec cet administrateur mais il ne se souvient pas d'avoir tenté de le convaincre.

[167]        De toute évidence, même si M. Miller avait préféré le projet SCCIM, ce n'est pas lui qui devait prendre la décision finale et il n'avait aucune autorisation de négocier un bail à long terme.

[168]        Un document inclus dans la pièce 997 du 19 février 1992 (comptes rendus de différentes conversations téléphoniques préparés par M. Kotler), confirme que M. Miller appelle M. Kotler pour s'enquérir de ses intentions quant à la prolongation du bail. M. Miller informe ce dernier que les fonctionnaires sont favorables à l'idée d'une compétition générale pour l'emplacement de l'OACI; c'est pour cette raison qu'il demande une prolongation du bail pour 18 mois.                   M. Miller ajoute que Monit pourrait, dans le cadre de cette compétition, faire une proposition pour un des sites dans la Cité internationale. Cependant, si la prolongation n'est pas accordée, TPC pourra négocier un bail de 35 ans avec un autre locateur dans la Cité internationale. Monit serait donc exclue car le gouvernement fédéral favorise la Cité internationale. Le second choix est de lancer un appel d'offres pour un emplacement au centre-ville. M. Miller l'avise aussi que la proposition du 19 décembre 1991 de Monit n'est pas considérée par le Conseil du Trésor et le Conseil privé.


[169]        Le 27 février, M. Kotler informe M. Miller qu'il est favorable à la prolongation demandée, mais TPC aura jusqu'au 30 juin pour exercer cette option.

[170]        Le 16 mars 1992, M. Miller demande à M. Kotler de reporter le délai jusqu'au 31 décembre, et lui indique en même temps que deux endroits pour loger l'OACI sont à l'étude : la Cité internationale ou le centre-ville de Montréal. Le 21 avril, il lui dit qu'aucune décision n'a encore été prise par les ministres et lui répète qu'il ne croit pas que le gouvernement veuille négocier directement avec Monit (pièce 997).

[171]        Quant à un lancement d'un appel d'offres, M. Kotler confirme en contre-interrogatoire que M. Miller l'a informé d'une telle possibilité.

[172]        Pour les rénovations effectuées par Monit avant la fin du bail, il est exact de dire que le gouvernement canadien voulait s'assurer de conserver le siège social de l'OACI à Montréal. La preuve démontre que l'OACI s'était déjà plaint des conditions de logement chez Monit, en particulier en ce qui concerne la qualité de l'air. D'ailleurs, un comité spécial avait été mis sur pied et TPC avait délégué Thomas Paradis pour s'assurer des bonnes relations entre Monit et l'OACI. Monit avait participé activement à ce comité. Dans l'offre du 19 décembre 1991, Monit s'était engagée à faire plusieurs rénovations pour satisfaire à certaines demandes de l'OACI et elle avait ajouté que ces rénovations seraient complétées sans majoration du coût du loyer et nonobstant toute décision que pourrait prendre TPC relativement à sa proposition.


[173]        Mes conclusions sur l'ensemble de la preuve sur la question du complot allégué sont les suivantes :

a)         Monit n'a pas été victime d'arnaque ou de complot;

b)         Monit n'a pas été induite en erreur; elle a été adéquatement informée de la situation par TPC;

c)         TPC n'avait pas d'intention cachée lorsqu'il a demandé la prolongation du bail de 18 mois;

d)          aucune promesse n'a été faite à Monit que l'OACI demeurerait dans son édifice;

e)          les rénovations effectuées par Monit ont eu lieu dans le cours normal des relations

locateur-locataire.

4)         PREMIER APPEL D'OFFRES

a)         Contexte du premier appel d'offres

[174]        La proposition de Monit faite le 19 décembre 1991 évaluée par TPC à 163 millions de dollars n'ayant pas été retenue, le projet de la SCCIM ayant avorté, TPC décide de procéder à un appel d'offres publique qui porte non seulement sur des sites dans la Cité internationale mais inclut également le centre-ville de Montréal afin d'encourager la demanderesse à soumissionner (pièce 368).

b)         Processus

[175]        Cet appel d'offres, lancé le 5 mai 1992, prévoit que la date limite pour présenter les soumissions est le 15 juin. Trois catégories y sont indiquées: 1) architecture (50 %); 2) ingénierie (20 %) et 3) sécurité (30 %). Les propositions doivent obtenir une moyenne de 50 % dans chacune des catégories et une moyenne cumulative de 70 %. Même si TPC recherche un bail de 20 ans, les soumissionnaires doivent également fournir des propositions pour des baux de 25 et 35 ans.

[176]        La clause 16.1 du devis prévoit que « le locataire demande un terme de bail débutant le 1er mai 1996 ou avant et se terminant le 30 avril 2016 » (pièce 382).           

[177]        Monit embauche des professionnels et dépose sa soumission dans laquelle il propose un bail commençant le 1er novembre 1994. Neuf promoteurs présentent 14 propositions : deux propositions pour 1996, quatre propositions pour 1994 et huit propositions pour 1994 ou 1996.

[178]        Monit reproche à la défenderesse plusieurs choses en ce qui concerne le processus. Elle plaide, par exemple, qu'il est biaisé et défavorise les immeubles existants. J'estime que ces reproches sont devenus académiques, car la proposition de Monit a été jugée conforme aux exigences après l'analyse faite par TPC.


[179]        L'évaluation des propositions a lieu du 15 au 24 juin. TPC détermine que celles qui contiennent un bail débutant le 1er mai 1996 sont les plus avantageuses, d'où la décision du gouvernement d'écarter les propositions qui prévoient le 1er novembre 1994. C'est pour cette raison que quatre propositions sont écartées, dont celle de Monit.

[180]        Le 29 juin 1992, TPC exerce l'option de prolongation du bail pour une période de 18 mois chez Monit.

[181]        Le 7 juillet, Monit reçoit une lettre (pièce 489) de M. Miller lui annonçant que sa proposition ne sera pas considérée car il a été décidé que l'OACI demeurerait dans son immeuble jusqu'au 30 avril 1996 et Monit n'a fait qu'une proposition débutant le 1er novembre 1994. Dans cette lettre, M. Miller explique que cette décision a été prise en fonction de l'évaluation du meilleur rapport qualité-prix et que les meilleures propositions sont celles qui débutent en 1996.

[182]        TPC calcule que la proposition Monit (184,5 millions) est davantage de l'ordre de 209 ou 211 millions de dollars, ce qui est corroboré par une analyse indépendante effectuée par les comptables Ernst & Young. De toute façon, la proposition de Monit dépasse les 153,3 millions de dollars autorisés par le Conseil du Trésor.


[183]        Toutefois, seule la proposition Monit est conforme aux exigences. Toutes les autres propositions sont disqualifiées. La pièce 559 « Proposal Call Results » explique les raisons des disqualifications. Par exemple, une des propositions exige une prime au moment de l'acceptation de l'offre; une autre est disqualifiée parce que le devis est mal interprété; d'autres ne prévoient pas un taux fixe de location; enfin une proposition prévoit une formule de location après dix ans que TPC n'est pas en mesure d''analyser. Dans le cas de Monit, les mots suivants sont inscrits :      « Price, not officially disqualified » (je souligne).

[184]        La défenderesse fait référence aux clauses suivantes du devis (cahiers bleus, volume no 5 au paragraphe 4.6 à la page 833 et au paragraphe 5.1 à la page 834) :

4.6           Le Locataire se réserve le droit absolu de comparer les propositions reçues et de les évaluer en fonction du meilleur rapport qualité-prix tel que déterminé par le Locataire, à sa seule discrétion. Cette évaluation peut porter sur certains aspects tels que, mais ne se limitant pas à ceux-ci, la qualité et la fonctionnalité des locaux proposés, la conception de l'édifice et son accessibilité, l'aspect sécuritaire, ainsi que le niveau de satisfaction aux exigences requises par rapport au taux de location demandé.

5.1          Le Locataire peut accepter quelque proposition que ce soit, qu'elles soient de moindre coût ou non, ou peut rejeter l'une quelconque des propositions ou toutes les propositions. (je souligne)           

et plaide que cette réserve de droit lui donne une grande latitude dans l'évaluation des soumissions, sous réserve seulement de son obligation de traiter tous les soumissionnaires sur un pied d'égalité et de manière équitable. Elle cite les pages 897 et 898 de l'arrêt Martel, précité et ajoute que plusieurs clauses dans les documents d'appel d'offres dans cet arrêt sont identiques à celles-ci. De plus, elle souligne que les deux rapports du témoin Will Young (conseiller de M. Miller) sur la détermination du meilleur rapport qualité-prix permettent de conclure que le gouvernement a exercé sa discrétion d'une manière raisonnable en se fondant sur des critères sérieux et quantifiables et que, surtout, tous les soumissionnaires ont été traités sur un pied d'égalité et de manière équitable.

[185]        La Cour doit déterminer si la décision d'écarter la proposition de Monit est conforme au devis. Pour les raisons qui suivent, je crois que cette décision est erronée.

[186]        Tout d'abord, la clause 16.1 du devis mentionne une demande de propositions pour un bail « débutant le 1er mai 1996 ou avant » (je souligne). Monit est écartée parce que dans sa proposition, le bail commence en 1994. La défenderesse allègue que Monit ne peut se plaindre car elle aurait pu faire des propositions comme certains développeurs, soit pour un bail débutant en 1994 et l'autre en 1996. La décision du juge R. Fréchette dans Entreprises Jarbec 2000 Inc. c. La régie d'Assainissement des Eaux de la région de Sherbrooke, (2 octobre 1995), 450-05-000063-947 (C.S.), appuierait cette thèse. Je crois que les faits dans cette cause sont différents des faits en l'espèce. Dans Jarbec, le devis prévoyait clairement deux options qui devaient être traitées séparément. Dans la présente affaire, le devis ne stipule nullement deux options. Comment Monit pouvait-elle savoir qu'elle devait faire deux propositions, soit une en 1996 et l'autre en 1994 afin d'éviter le risque d'être éliminée. Rien de tel n'est prévu dans les documents d'appel d'offres.

[187]        La défenderesse plaide que Monit dépasse largement le montant autorisé par le Conseil du Trésor et qu'en raison de la clause de réserve prévue dans le devis, TPC a exercé sa discrétion de façon légale. Monit ne peut se plaindre car tous les proposants qui ont soumis des propositions pour 1994 ont été éliminées, et TPC s'est conformé aux principes énoncés dans l'arrêt Martel, précité.

[188]        En exerçant l'option de prolonger le bail initial de 18 mois, TPC a écarté la proposition de Monit (pièces 446, 465, 468, 503 et 530).

[189]        Pièce 446, mémo de M. Noble, 19 juin 1992 :

Exercising the 18 month option would basically exclude four of the proposals which are good only for 1994 (including all three existing buildings). It would mean deciding to go for a new building.[...] (je souligne)

[190]        Pièce 465, transmission par télécopieur de M. Miller à M. Bélec, 23 juin :

Based on the above, we conclude that the 18 month extension should be exercised. This would eliminate Monit and leave us with four potential providers of space. There are however, some downsides to this recommendation. (je souligne)

[191]        Pièce 468, mémo interne du MAE au même effet, 24 juin:

The PWC report concludes that the 18 month extension should be exercised. This would eliminate Monit's proposition which is for 1994 only and leave us with four potential proponents. PWC has also identified some downsides to the 18 month extension. (je souligne)

[192]        Pièce 503, de M. Noble à M. Rochat de l'OACI, 22 juillet 1992 :

Le 30 juin, Mme Barbara McDougall, [...] devait impérativement signifier au propriétaire actuel son intention de prolonger ou non le bail en cours pour une période de 18 mois. Cette décision, comme M. Noble l'a précisé, conduit à l'élimination des propositions qui n'offraient pas de date de livraison en 1996. [...] L'absence de prolongement du bail signifiait l'élimination des options d'un déménagement en 1996. [...] (je souligne)

[193]        Pièce 530, mémo de M. Pelletier à Mme Callahan (chef, location et louage), sur la question du rejet des propositions, 11 août :


MONIT INTERNATIONAL INC.: ont été avisés le 92.07.07 de leur disqualification car leur proposition fixait la date de début du bail au 1er novembre 1994 sans aucune autre alternative alors que TPC décidait qu'il était plus économique de demeurer au 1000 Sherbrooke ouest jusqu'au 30 avril 1996 suite à l'analyse financière des propositions. (je souligne)

[194]        En choisissant d'exercer la prolongation à court terme et en décidant d'éliminer la proposition de Monit, TPC a changé unilatéralement les règles du jeu. Selon moi, cela va à l'encontre des modalités prévues dans le devis.

[195]        Je considère donc que Monit s'est conformée aux documents d'appel d'offres en soumettant une proposition pour un bail débutant en 1994.

[196]        Je retiens de la preuve les éléments suivants :

a)         il est plus économique que l'OACI demeure dans l'édifice Monit et que le bail soit prolongé à court terme sans augmentation de loyer;

b)         en adoptant une telle ligne de conduite, TPC conserve l'option de déménager en 1996;

c)         toutes les propositions sont disqualifiées sauf celle de Monit;

d)         la proposition Monit est la plus onéreuse;

e)         ne pas avoir pris en considération la proposition de Monit est erroné.


c)         Obligation de négocier avec Monit

[197]        La défenderesse plaide aussi que les articles 4.6 et 5.1 du devis ainsi que les principes dans l'arrêt Martel, précité, ont préséance sur les directives de TPC.

[198]        Elle soumet que la pièce 1170, onglet 1, prévoit que les lignes directrices n'ont aucune valeur obligatoire. La pièce 415 intitulée « Evaluation Process Flow Chart » , quant à elle, ne constitue qu'une prévision interne de M. Miller. Avec l'opinion du ministère de la Justice de juin 1992, TPC n'a aucune discrétion pour négocier avec un proposant. Ceci serait confirmé par la pièce 1185C (Lignes directrices de la Division des biens immobiliers de TPC).

[199]        La jurisprudence en matière d'appel d'offres prohibe la négociation avec un seul des soumissionnaires après l'ouverture des soumissions. Négocier enfreindrait le principe d'égalité entre les soumissionnaires.

[200]        Même si TPC a le pouvoir de négocier, il n'a pas l'obligation de le faire.

[201]        La clause de réserve lui accorde une grande latitude.


[202]        Le 12 mai 1992, dans un mémo à M. Noble (extrait de la pièce 415, « Evaluation Process Flow Chart » ), M. Miller décrit la démarche à suivre pour choisir la meilleure soumission. Après avoir déterminé qu'elle est la meilleure, des négociations sont prévues. Les mots « negotiate to see if terms can be improved, i.e. lower rental rate higher standards » sont assez éloquents. C'est donc dire que M. Miller envisage négocier après l'ouverture des soumissions. Cependant, quatre jours avant l'ouverture de celles-ci, TPC reçoit l'opinion du ministère de la Justice à l'effet que cet appel d'offres n'est pas un appel de propositions et il ne peut pas y avoir de négotiation. Cette opinion n'est pas déposée en preuve.

[203]        Louis Plante, fonctionnaire à la retraite de TPC qui connaît bien les lignes directrices en vigueur en 1991 et 1992, dépose plusieurs documents et témoigne qu'il n'existe pas de directives différentes pour les appels d'offres et les appels de propositions.

[204]        La pièce 1170A, Conseil du Trésor, onglet 1, article 10, page 22 indique ce qui suit :

Lorsqu'une seule soumission valide a été reçue, on peut demander au soumissionnaire de fournir une justification du prix. Si l'autorité contractante ne juge pas que l'information fournie est acceptable, il convient de négocier un nouveau prix [...] (je souligne)

[205]        La pièce 1185A, Cartable « Immobilier, Biens immobiliers, Location-général numéro 10.275, circulaire numéro 1990 - 6 daté du 29 juin 1990, page 3 article 4 (a) » définit le marché concurrentiel :

(a)     un marché est concurrentiel même si une seule soumission valable est reçue, [...] (je souligne)


[206]        L'article 9 de l'appendice C du même document (pages 2 et 3) prévoit que lorsqu'il n'y a qu'une seule soumission conforme à la suite d'une demande de soumissions, un contrat peut être octroyé par la Couronne si cette dernière considère que le prix est juste. Si la Couronne considère que ce prix n'est pas juste, une négociation devrait être entamée avec le proposant afin d'obtenir une valeur juste. Si cette négotiation échoue, on devrait envisager de recommencer le processus.

[207]        Selon la doctrine, il arrive dans certains cas particuliers que le législateur permet la négociation du prix du contrat lorsqu'il n'y a qu'un seul soumissionnaire conforme et que le prix soumis présente un écart important avec l'estimation initiale (G.P. Allard « Les droits des autres soumissionnaires et la modification du contrat administratif » (1996), 10 R.J.E.U.L. 101 à la page 110).

[208]        Les directives ou lignes directrices de la défenderesse n'ont pas la même portée juridique que le devis. On sait que ces directives ne sont pas génératrices de droit pour les tiers mais on ne peut les mettre de côté comme si elles n'existaient pas. Elles peuvent être invoquées dans un litige comme celui qui nous occupe (Michel Miller inc. c. Québec (Procureur général), J.E. 90-957 (C.S.) aux pages 7 et 8).


[209]        Louis-Yves Lebeau (Macogep, expert de la demanderesse) affirme qu'il est fréquent et courant qu'un donneur d'ouvrage qui reçoit des soumissions s'adresse au plus bas soumissionnaire conforme et négocie avec lui certains éléments de sa proposition qui excèdent son budget. Il s'agit d'une pratique acceptable, en autant que cela ne défavorise pas le deuxième plus bas soumissionnaire conforme (témoignage non contredit du 24 avril 2003, volume 13, transcriptions sténographiques aux pages 160 et 161).

[210]        Ici, le principe de l'égalité entre soumissionnaire n'est pas en cause. En effet, il n'y a que Monit qui n'est pas disqualifiée, et négocier avec elle n'aurait certainement pas mis en péril cette norme jurisprudentielle.

[211]        La clause de réserve n'est pas absolue et ne permet pas d'agir de façon inéquitable

(P. Giroux, Le mécanisme d'appel d'offres : quelques réflexions à la suite des arrêts M.J.B. Entreprises Ltd. et Martel Building Ltd., « Développements récents en droit de la construction » , 139 aux pages 240 à 251.

[212]        TPC prévoyait négocier avec les soumissionnaires après l'ouverture des soumissions (extrait de la pièce 415 « Evaluation Process Flow Chart » ). L'usage et la pratique courante en semblable matière confirment ce pouvoir de négociation avec les soumissionnaires conformes en autant que les principes d'égalité et d'équité sont respectés. Les directives ou lignes directrices de la défenderesse prévoient la négociation avec un soumissionnaire conforme.

[213]        J'en viens à la conclusion que TPC aurait dû considérer la proposition de Monit et engager des négociations avec elle à la suite de sa soumission de juin 1992.

[214]        Je n'affirme cependant pas que Monit aurait dû se voir octroyer le contrat mais on a fait perdre à Monit l'opportunité qu'elle obtienne un contrat. Elle a toutefois droit à des dommages qui devront être déterminés plus tard, selon le désir exprimé par les parties.

d)         En acceptant de participer au deuxième appel d'offres, Monit renonçait-elle à ses droits découlant du premier appel d'offres?

[215]        Comme on le verra plus loin, Monit accepte l'invitation de TPC de participer à un deuxième appel d'offres en septembre 1992.

[216]        Jusqu'au dépôt de sa deuxième soumission le 15 novembre 1992, Monit n'envoie aucune mise en demeure, n'intente aucune procédure judiciaire, et ne se réserve aucun droit à l'égard de TPC après avoir appris que sa proposition du mois de juin ne sera pas considérée.

[217]        La défenderesse soutient qu'en agissant ainsi, Monit a renoncé tacitement aux droits qu'elle aurait pu avoir à l'occasion du premier appel d'offres.


[218]        Elle invoque, jurisprudence à l'appui, la doctrine de fin de non-recevoir connue en droit anglais sous le vocable « estoppel » (Les Entreprises d'électricité Adamik Inc. c. Les Constructions Sicor Inc., précité; Lavigueur c. Municipalité de Ste-Clothilde de Chateauguay, C.S. Qué., précité; Jourdain c. Grand-mère, précité; Tétreault et Frères Ltée c. Les Commissaires d'écoles pour la municipalité de la cité de Lachine, précité; Gabias c. Mainville, précité).

[219]        De son côté, la demanderesse nuance la proposition de la défenderesse en alléguant qu'il faut que la personne à qui on oppose cette renonciation ait eue connaissance de l'ensemble des faits pertinents.

[220]        Elle reprend à son avantage les décisions citées par la défenderesse où les tribunaux déclarent qu'avant d'appliquer cette théorie, la partie doit avoir agit en « toute connaissance de cause » , ou « en pleine connaissance de cause » .

[221]        Elle ajoute que la renonciation doit être non équivoque et doit être fondée sur des faits qui la supposent nécessairement (E.B. Eddy Forest Products Ltd. c. Beamer & Lathrop (Québec) Ltd., J.E. 84-417 (C.A.) aux pages 30 et 31).

[222]        En l'espèce, comme la demanderesse ne connaissait pas l'ensemble des faits pertinents, elle allègue qu'aucun reproche ne peut lui être adressé et aucune conclusion défavorable ne peut être inférée de son inaction.

[223]        Dans The Mile End Milling Company c. Peterborough Cereal Co., [1924] R.C.S. 120 à la page 131, la Cour suprême déclare que la renonciation à un droit peut être tacite mais doit être non équivoque, c'est-à-dire que l'intention de renoncer doit être démontrée.


[224]        De son côté, la Cour supérieure du Québec dans A.S.M. Canada Ltd. c. Créalise Conditionnement Inc. J.E. 97-1399 (C.S.), affirme que « si une renonciation à un droit peut-être implicite, tout doute quant à celle-ci doit favoriser celui qui aurait renoncé » .

[225]        C'est ainsi que la demanderesse se dit en total désaccord avec la défenderesse.

[226]        L'estoppel, principe fort connu en droit anglais, est l'équivalent en droit civil d'une renonciation ou d'une fin de non-recevoir.

[227]        Je ne crois pas qu'une telle renonciation puisse s'appliquer ici. Monit n'avait sûrement pas en main le 15 novembre 1992, le document (extrait de la pièce 415, « Evaluation Process Flow Chart » ) préparé par M. Miller en vue d'une négociation après l'ouverture des soumissions lors du premier appel d'offres. De plus, ce n'est que lors de la dernière journée des auditions que les politiques et lignes directrices (pièces 1170A et 1185A) ont été portées à la connaissance de Monit.

[228]        Quant à la pratique et l'usage de la négotiation avec un soumissionnaire conforme, M. Lebeau en fait état dans son rapport daté de 2003.


[229]        Aucune preuve au dossier ne démontre clairement que Monit a renoncé ou voulu renoncer à ses droits. Il n'y a pas non plus de manifestations expresses ou tacites d'une telle renonciation. Je considère également que Monit ne connaissait pas, avant le dépôt de sa soumission le             15 novembre 1992, l'ensemble des faits pertinents qui auraient pu lui permettre de renoncer à ses droits découlant du premier appel d'offres.

5)         DEUXIÈME APPEL D'OFFRES

a)         Processus

[230]        Après avoir décidé d'annuler le premier appel d'offres, TPC invite le 15 septembre tous les soumissionnaires ayant déposé une proposition le 15 juin à un deuxième appel de propositions se terminant le 15 novembre 1992. Pour justifier une telle décision, TPC invoque que, d'une part les soumissionnaires ont mal compris le devis du mois de mai et d'autre part, que les proposants n'ont pas eu assez de temps pour préparer leur soumission.

[231]        Le 17 septembre, tous les invités assistent à une réunion générale. Chacun y reçoit les nouveaux documents d'appel d'offres.

[232]        Le processus comporte deux phases : la phase technique, puis la phase financière. Trois catégories sont ajoutées et les participants doivent maintenant obtenir 70 % dans toutes les catégories pour pouvoir passer à la phase financière.

[233]        Le 19 septembre, une visite obligatoire de l'immeuble Monit a lieu afin que les soumissionaires puissent mieux comprendre les besoins de l'OACI.


[234]        Des rencontres individuelles avec chaque soumissionnaire constituent l'étape suivante. Le 15 octobre, TPC envoie aux différents soumissionnaires des questions et réponses d'ordre général. Monit avait déjà envoyé une série de questions le 6 octobre; elle obtient des réponses de TPC le 21 octobre 1992.

[235]        TPC publie trois addendas au devis :

a)        Addendum n º 1 : 22 octobre;

b)         Addendum n º 2 : 30 octobre;

c)          Addendum n º 3 : 12 novembre.

[236]        Le 18 novembre, on ouvre les soumissions. On envoie ensuite des demandes de clarifications aux différents soumissionnaires. Monit en a reçoit quatre, soit les 8, 16 et 17 décembre (une à 14 h 30 et l'autre à 16 h 10).

[237]        Du 5 au 11 janvier 1993, les propositions sont évaluées et le 12 janvier, TPC organise une réunion générale des équipes d' évaluation afin qu'elles puissent discuter des résultats de leurs évaluations.

[238]        Le 24 mars 1993, Monit apprend que sa proposition est disqualifiée car elle n'a pas obtenue la note de passage de 70 % sur le plan technique.


b)         Rencontre individuelle du 29 septembre 1992

[239]        Des représentants de TPC rencontrent les représentants de Monit le 29 septembre 1992. Le but de cette réunion est de s'assurer que Monit comprend bien le deuxième devis, de discuter de sa première proposition et de lui faire connaître ses points forts et ses points faibles et finalement, de lui permettre de réussir la phase technique.

[240]        Deux procès-verbaux sont déposés en preuve : celui de TPC envoyé à Monit (pièce 575 version 40) et le second préparé par Monit à la suite d'un enregistrement autorisé de la réunion (pièce 570). L'expert de la demanderesse utilise un tableau (pièce 1144C) pour montrer les critères qui ont été traités, non traités et traités partiellement durant cette réunion. Il se sert du procès-verbal de TPC au lieu de celui qu'a préparé Monit car selon lui, ce premier document est officiel et fait partie des documents contractuels. S'appuyant sur ce document et les commentaires de TPC durant la réunion, l'expert affirme que TPC aurait laissé croire à Monit que sa proposition au niveau technique serait acceptée lorsqu'elle présenterait sa deuxième soumission.

[241]        M. Cuccioletta, vice-président de Monit, perçoit les propos de TPC comme un laissez-passer gratuit vers la deuxième étape, soit la phase financière. Il retient des propos échangés que seules les cabines d'interprète et l'échéancier des travaux constituent des problèmes mineurs qu'il peut facilement résoudre.

[242]        Quant aux critères liés à la sécurité, Claude Bernard, architecte de TPC, aurait dit qu' « il y a toujours une solution » . Rien ne pouvait laisser croire à M. Cuccioletta que des problèmes majeurs pouvaient survenir en matière de sécurité.

[243]        Monit reproche aussi à TPC de ne pas avoir donné de commentaires suffisants et complets sur le processus d'évaluation. Lors de la rencontre, Donald Byrne de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) n'a pas précisé les moyens qui pouvaient permettre à Monit de satisfaire aux exigences du devis.

[244]        De son côté, Nessim Habashi de Cogerec (expert de la défenderesse), affirme qu'il faut analyser tous les documents, et en tout premier lieu, le devis, les addendas, les questions et réponses, les demandes d'éclaircissement et les réponses. Les procès-verbaux des réunions font partie d'un tout et il ne faut pas les analyser de façon isolée, mais ils sont manifestement moins importants que les documents mentionnés ci-dessus. M. Habashi ne voit pas pourquoi il faudrait mettre de côté la version Monit du procès-verbal de la réunion du 29 novembre. Cette version pourrait aider la Cour à déceler ce que Monit a effectivement compris lors de cette réunion, sans compter que le procès-verbal découle d'un enregistrement mécanique autorisé.

[245]        La défenderesse plaide que TPC n'avait pas l'obligation de convoquer Monit le 29 septembre, ce qui est admis par l'expert de la demanderesse.

[246]        Après avoir analysé les témoignages de MM. Louis-Yves Lebeau, Stéphane Auger, Pierre Cuccioletta, Nessim Habashi, Donald Byrne et Claude Bernard concernant la rencontre du         29 septembre 1992, j'adopte le point de vue de la défenderesse sur cette question.

[247]        Il ne faut pas oublier que cette rencontre était une des premières étapes avant le dépôt de la soumission. Des questions et réponses d'ordre général devaient être envoyées par la suite; des addendas et des demandes de clarifications et réponses suivraient.

[248]        Je suis d'avis qu'il ne faut pas seulement examiner le procès-verbal envoyé par TPC à Monit. Il faut aussi analyser le procès-verbal préparé par Monit (pièce 570). Dans ce document, il ressort que les problèmes de sécurité chez Monit ont été longuement discutés (témoignage de Donald Byrne).

[249]        Monit savait très bien et depuis un bon moment que la sécurité dans son immeuble pouvait être problématique (mémos internes de Monit, pièces 1008 et 1009).


[250]        La réponse de Claude Bernard à la question 17 (pièce 575, version 40), c'est-à-dire           « peut-on être disqualifié pour raison de sécurité? » . Réponse 17 : « Il serait surprenant qu'il y ait une situation telle dans une proposition qu'il n'y aurait aucune solution au niveau sécurité » , se termine par « le coût cependant pourrait être prohibitif » . Lors du procès, M. Bernard témoigne qu'à la réunion du 29 septembre, il ne se rappelait plus du contenu du devis, surtout pas dans le domaine de la sécurité dont il n'était pas responsable. Les cahiers et les critères d'évaluation étaient en cours de préparation et devaient être établis par la GRC.

[251]        D'ailleurs, lorsqu'il répond à la question de Monit le 22 octobre « dans notre proposition originale, est-ce qu'il y avait des critères dont nous n'avons pas eu la note minimale de 70 % ? » , M. Bernard souligne la question de sécurité en répondant « aucun, sauf pour la question du déroulement des travaux et l'accès des handicapés aux cabines de traduction. Tel qu'expliqué à la réunion, dans la deuxième proposition, vous devez donner plus d' information qu'à la première proposition en particulier concernant la sécurité » (pièce 598, réponse 22) (je souligne).

[252]        Témoin très crédible, M. Bernard explique que les réunions individuelles visaient à aider les soumissionnaires à préparer leur soumission. Il témoigne de façon désintéressée et honnête, et il y fait ressortir le contexte dans lequel les échanges ont eu lieu.

[253]        J'en viens à la conclusion que Monit n'a pas été induite en erreur et que TPC ne lui a pas fait miroiter un laissez-passer gratuit de passer de la première phase à la deuxième. Au contraire, des mises en garde sérieuses lui ont été faites, surtout au niveau des critères relatifs à l'échéancier et à la sécurité par Claude Bernard.

c)         Questions et réponses, demandes de clarifications

[254]        TPC avait prévu un autre mécanisme pour aider les soumissionnaires à mieux comprendre le devis. Les questions et réponses d'ordre général (pièce 594) sont acheminées à tous les proposants le 15 octobre 1992. Une fois les soumissions reçues, TPC leur envoie des demandes de clarifications; Monit reçoit les siennes en décembre.

[255]        La demanderesse allègue que les critères dans chacune des catégories étaient inconnus. De plus, l'annulation de certaines demandes de clarifications par Avrum Miller l'aurait défavorisée.

[256]        La défenderesse soutient que les questions et réponses sont un outil additionnel pour aider les soumissionnaires à bien comprendre les exigences du devis et à bonifier leur soumission. Quant aux demandes de clarifications, elles sont prévues dans les instructions que les proposants reçoivent, et TPC s'est réservé le droit de n'en faire la demande qu'une seule fois.

[257]        La jurisprudence reconnaît que le donneur d'ouvrage peut faire des demandes de clarifications même si cela n'est pas prévu au devis (Gestion Complexe Cousineau (1989) Inc. c. Canada, précité; Assn. des pêcheurs propriétaires des Îles-de-la-Madeleine c. Canada, précité.

[258]        S'il est effectivement vrai que les critères dans chacune des catégories sont inconnus, ils le sont pour tous les soumissionaires et non seulement pour Monit.

[259]        TPC n'a pas non plus l'obligation d'avertir Monit ou d'entendre Monit avant son élimination (Lapointe c. A.M.A.R.C., précité; Northeast Marine Services Ltd. c. Administration de pilotage de l'Atlantique, précité; Cegeco Construction Ltée c. Ouimet, précité).

[260]        Quant à moi, les demandes de clarifications biffées par M. Miller le 17 décembre n'ont pas d'incidence importante sur l'évaluation de la proposition de Monit.

[261]        En plus des questions et réponses d'ordre général qu'elle a reçues, Monit a elle-même eu la possibilité d'envoyer des questions par l'entremise de son vice-président à Claude Bernard le    6 octobre 1992 (pièce 586). Les réponses lui ont été communiquées le 21 octobre (pièce 598).

[262]        J'en arrive donc à la conclusion que Monit, comme les autres soumissionnaires, a obtenu de TPC les renseignements nécessaires à la préparation adéquate de sa proposition.

d)         Évaluation

[263]        La méthode d'évaluation est prévue dans les « Instructions aux proposants » .

[264]        Selon l' article 4.2.1, les propositions sont révisées par un comité composé principalement d'employés de TPC.

[265]        Le devis comporte les catégories suivantes :


a)         Architecture (25 %);

b)         Fonctionnalité (25 %);

c)         Harmonie avec le tissu urbain (5 %);

d)         Image de l'OACI (5 %);

e)         Sécurité (20 %);

f)          Ingénierie (20 %).

[266]        Il faut obtenir un minimum de 70 % dans chacune des catégories pour pouvoir passer à la deuxième étape. Chaque catégorie comporte des critères d'évaluation et au total, 10 000 points sont alloués pour l'ensemble des six catégories. Les évaluateurs peuvent attribuer une note de 0 à 10 à chaque critère. À chaque critère d'évaluation est appliqué un facteur de pondération spécifique attribué par TPC (0,652 à 50). Par la suite, la note pondérée est comptabilisée. La moyenne est calculée et doit être supérieure à 70 % pour chaque catégorie à défaut de quoi, la proposition est disqualifiée.

[267]        Chaque proposant doit être évalué en fonction d'un certain nombre de critères pour un pointage global. Pour évaluer les proposants, les critères suivants doivent être suivis :

a)         Proposant : expérience et capacité financière (40 %);

b)         Gestion des immeubles (30 %);

c)         Équipe de design (30 %).

[268]        Avant de procéder à la deuxième étape, l'OACI doit être consultée.


[269]        Selon l'article 4.4, TPC se réserve le droit absolu de comparer les propositions reçues et de les évaluer à sa seule discrétion en fonction de la meilleure proposition retenue.

[270]        À l'article 5.1, TPC se réserve le droit d'accepter ou de rejeter l'une des propositions ou toutes les propositions. Cette discrétion est reconnue par la Cour suprême dans l'arrêt Martel, précité à la page 895 :

[...] L'administration adjudicative a [TRADUCTION] « le droit, en établissant le dossier d'appel d'offres, de stipuler des conditions et des restrictions et de s'accorder des privilèges » [...].

[271]        Les tribunaux refusent de substituer leur jugement à celui du comité d'évaluation, à moins qu'il ne soit démontré que celui-ci a agi de mauvaise foi ou qu'il n'a pas traité les soumissionnaires sur un pied d'égalité.

[272]        L'administration publique n'a pas à divulguer ses critères d'évaluation ou encore les facteurs de pondération (voir Hypertec Systèmes inc. c. Commission scolaire de la Capitale, précité).

[273]        L'administration peut rajouter des critères à l'insu des soumissionnaires, en autant que tous les soumissionnaires soient traités de la même façon (Cécile Lemay et al c. Corporation de transport Les Seigneuries et al, J.E. 2002-1511 (C.S.)).

[274]        Le processus d'appel d'offres vise en définitive à protéger les contribuables en permettant à TPC de choisir, parmi les soumissions qui rencontrent substantiellement les exigences, celle qui, tout considéré, est la plus avantageuse pour l'État (Gestion Complexe Cousineau (1989) Inc. c. Canada, précité, à la page 707).

[275]        Sous réserve du traitement égal de tous les soumissionnaires, la discrétion que s'est accordée TPC laisse aux évaluateurs un certain degré de subjectivité lorsqu'ils comparent les propositions entre elles. Cet exercice doit se faire en toute intégrité et de bonne foi.

[276]        À la lumière de ces principes, j'écarte les reproches de Monit à l'endroit de TPC au sujet de la date de début du bail fixée au 1er mai 1996 dans le devis. Cette date était la même pour tous les proposants. Quant à la pondération des critères inconnus des soumissionnaires, tous ont été traités de la même façon : la méthode utilisée et la sensibilité du modèle d'évaluation étaient uniformes.

[277]        La demanderesse soulève l'inexpérience des évaluateurs. Il a certes été prouvé que les membres de l'équipe d'évaluation, qui étaient les mêmes pour tous les proposants, possédaient peu ou pas d'expérience dans l'évaluation de ce genre de soumissions. Malgré tout, je suis persuadé, après en avoir entendu plusieurs, que ces évaluateurs étaient des professionnels qualifiés dans leur domaine et qu'ils ont agi en toute bonne foi et intégrité.

[278]        Leur travail a été fait sans parti pris, sans préjugé, au meilleur de leur capacité et de leurs connaissances; ils ont exercé leur jugement en comparant les différentes propositions.

e)         Preuve des experts

[279]        Le mandat octroyé à Macogep (pièce 1142), expert de la demanderesse, était beaucoup plus large que celui de Cogerec, expert de la défenderesse. Macogep devait entre autres :

a)         comparer les exigences du premier et du deuxième devis;

b)         étudier l'évaluation faite par TPC de la proposition de Monit au premier et deuxième appel d'offres;

c)         déterminer si Monit avait satisfait aux critères dans les deux devis;

d)         commenter la méthodologie utilisée par les évaluateurs lors du premier et du deuxième appel d'offres;

e)         analyser et commenter le rapport de Cogerec du 17 novembre 2002;

f)          déterminer si le gouvernement avait modifié ou amélioré le projet à ses frais après l'octroi du contrat à Westcliff afin que cette dernière rencontre les critères de fonctionnalité, d'ingénierie, d'architecture et de sécurité.

[280]        Le mandat de Cogerec (pièces 1145A à 1145C) consistait à réviser la proposition de Monit au deuxième appel de propositions et à formuler une opinion sur le bien-fondé de la disqualification de Monit par TPC.

[281]        D'emblée, je dois dire que je suis impressionné par le travail gigantesque, minutieux et précis des deux firmes d'experts. Des transparents, graphiques couleurs, plans, tableaux comparatifs ont été déposés de part et d'autre pour faciliter la compréhension et l'analyse des questions à étudier. MM. Louis-Yves Lebeau et Charles Aboukhaled, témoins pour la demanderesse ainsi que Nessim Habashi pour la défenderesse, ont été longuement interrogés et contre-interrogés. Ces experts ont répondu aux questions de façon franche, sans détour mais avec vigueur pour soutenir leur thèse.

[282]        Mon analyse se limitera en grande partie aux commentaires des experts sur la proposition de Monit lors du deuxième appel d'offres. Comme la preuve l'a démontré, Monit n'a pas été disqualifiée au premier appel, ce qui signifie qu'elle avait satisfait aux exigences du premier devis.

[283]        Tout d'abord, je dois déterminer de quelle façon les experts ont analysé la deuxième proposition de Monit. La principale critique de Macogep à l'endroit de Cogerec à ce sujet est que cette dernière n'aurait examiné que les critères où Monit n'a pas obtenu la note de passage de 7 ou 70 %. Ce faisant, selon Macogep, il est impossible d'avoir une vue d'ensemble de la proposition car aucun autre critère n'a été considéré par Cogerec.


[284]        Cogerec réplique que pour faire cet exercice, il aurait fallu, à cause de la relativité entre les propositions, analyser les 172 critères existants, ainsi que tous ces critères dans les autres propositions, pour un total de 1 720 critères. Selon elle, son rôle ne consistait pas à substituer son opinion à celle des évaluateurs. Elle n'avait qu'à vérifier si les échecs imposés à Monit par les évaluateurs de TPC étaient bien fondés à la lumière des exigences du devis. Faire autrement aurait pu entraîner une augmentation des notes de Monit mais également une diminution de celles-ci, ce qui aurait été contraire à son mandat. Elle n'avait qu'à déterminer si la proposition de Monit était conforme ou non aux documents d'appels d'offres.

[285]        Je constate cependant que Macogep a procédé de la même façon que Cogerec (rapport Macogep, pièce 1142 à la page 40, 6.2 analyse) : « Nous avons contrôlé l'évaluation de la proposition de Monit selon le processus présenté à la figure 5.1, pour tous les critères d'évaluation où elle n'a pas reçu au minimum la note de passage de sept (7) dans le deuxième appel d'offres .... » .

[286]        La méthodologie utilisée par les experts est donc sensiblement la même, sauf pour ce qui est de certains redressements effectués par Macogep en faveur de Monit. En effet, tout en maintenant un échec pour certains critères, Macogep a augmenté la note, par exemple de 2 à 5.

[287]        Durant le procès, j'ai demandé qu'on me prépare un document identifiant tous les critères redressés par Macogep. La pièce 1151 a été déposée. En me servant de cette information, je passerai en revue les catégories et les critères analysés par les experts (indiqués par un astérisque [*]).

« PART A :     ARCHITECTURAL » (ARCHITECTURE)


*          « A. 6.6.1 : Main Lobby » (Hall de l'entrée principale)

*          « A. 6.8.1 : Number of Spaces » (Nombre d'espaces de stationnement)

[288]        Ici, les deux experts sont d'accord pour que ces premiers critères reçoivent la note de passage de 7. La défenderesse me demande de ne pas intervenir car les deux scores de 6 décernés par TPC ont fait l'objet d'amples explications par Claude Bernard et il n'y aurait pas eu preuve de mauvaise foi ou manque d'objectivité manifeste de la part des évaluateurs.

[289]        Je ne suis pas d'accord. Monit aurait dû recevoir la note 7 pour ces deux critères. Je ne peux écarter les commentaires des experts même s'il n'y a pas démonstration de mauvaise foi ou de manque d'objectivité.

*          « A.7.1 : Time frame for Construction / Renovation » (Échéancier pour la construction/rénovation)

[290]        Macogep donne 7 à ce critère alors que Cogerec maintient le 6 accordé par TPC. La différence fondamentale entre les deux experts se résume comme suit. Dans une lettre, la Ville de Montréal indique un délai de 10,5 mois au lieu des 3,5 mois prévus par Monit pour l'obtention des permis de construction pour des travaux exigeant une modification au plan directeur et à la réglementation. Les experts de la demanderesse prétendent que ce délai pouvait être négocié avec la Ville et, malgré un échéancier déjà serré, le délai de 3,5 mois aurait pu être respecté par Monit.

[291]        Il n'y a cependant aucune preuve au dossier montrant comment Monit aurait pu compresser cet écart de sept mois. Or, Monit aurait pu rencontrer la Ville de Montréal et fournir des explications aux évaluateurs afin d'obtenir la note de passage. En effet, TPC avait suggéré à Monit le 10 décembre 1992 de rencontrer la ville afin de mieux comprendre le processus d'approbation de ses travaux de rénovation (pièce 686). Je confirme donc la note de 6 pour ce critère.

*          « A.7.2 : ICAO Occupancy During Construction » (Occupation de l'OACI durant la construction/rénovation)

[292]        Macogep attribue 7 à ce critère au lieu du 5 octroyé par TPC et appuyé par Cogerec.

[293]        TPC était préoccupé par les perturbations que pouvait encourir l'OACI durant la construction ou la rénovation. Macogep, pour sa part, estime que la note de passage aurait dû être accordée parce que plusieurs étages étaient libres et disponibles; parce qu'il n'y aurait pas de travaux de 8 h à 18 h durant la semaine; et parce que Monit s'engageait à fournir les détails de l'occupation dans une phase subséquente.

[294]        L'évaluateur de TPC n'était pas satisfait, car la séquence du déménagement sur les étages n'avait pas été démontrée par Monit. Le scénario envisagé par l'évaluateur, M. Le Sieur, c'est-à-dire les inconvénients pour l'OACI de se trouver entre deux étages en construction, n'est pas déraisonnable. Je n'ai pas l'intention d'intervenir ici et je confirme la note de 5 pour ce critère.


[295]        Dans ses conclusions, Macogep accorde 70,5 % à Monit en architecture. Selon mon analyse, en utilisant la pièce 1151, la note de 69,4 % octroyée par TPC passe à 69,7 %, ce qui constitue une note insuffisante pour que Monit se rende à l'étape financière. Malgré ce constat, j'ai l'intention d'analyser les autres catégories.

« PART B :     ENGINEERING » (INGÉNIERIE)

« B.2.3 Plumbing Systems » (Plomberie)

*           « B.2.3.1 Conformity to Requirements » (Conformité aux exigences)

[296]        La note de 6 accordée par TPC et confirmée par Cogerec devrait être de 7 ou plus selon Macogep. Il s'agit ici de savoir si l'entre-plafond de 21 pouces à certains endroits et de 17 pouces à d'autres dans l'immeuble Monit pouvait satisfaire au devis.


[297]        Selon l'expert de la demanderesse, cette contrainte ne suffisait pas en soi pour donner un pointage inférieur à 7. Cependant, l'explication fournie par l'évaluateur M. Choinière, confirmée par Cogerec, est selon moi raisonnable. En effet, si l'OACI avait demandé l'ajout d'une partition, d'une fontaine d'eau ou d'une toilette, l'entre-plafond de 17 pouces en aurait compromis la faisabilité. Je maintiens donc la note de 6.

« B.5 ELECTRICAL STANDARDS AND COMMUNICATION

SYSTEMS » (Normes de sécurité en électricité et systèmes de

communication)

« B.5.2 Emergency Systems » (Installations de secours)

*          « B.5.2.1.1. General » (Général)

[298]        Les experts sont d'accord pour faire passer la note de 6 à 7. La défenderesse concède qu'il s'agit d'une erreur de bonne foi car il y a contradiction entre la version française et la version anglaise du devis. La note de 7 est retenue.

« B.5.2.2 Emergency Power System » (Système électrique de secours)

*          « B.5.2.2.1 General » (Général)

[299]        La note de 4 doit passer à 7 étant donné que les experts sont d'accord que cet échec est injustifié. Dans sa plaidoirie, la défenderesse concède cette note.

« B.5.5 Vertical Transportation » (Déplacements entre les étages)

*          « B.5.5.1 Service Areas » (Aires de service)

[300]        Les experts s'entendent pour dire que Monit échoue ici. Cependant, selon Macogep, la note de 2 accordée par TPC devrait être augmentée à 5.


« B.5.5.2 Elevators » (Ascenceurs)

*          « B.5.5.2.1 Passenger Elevators » (Ascenceurs pour les passagers)

[301]        Il y a accord entre les experts pour un échec. Cependant, l'expert de la demanderesse estime que la note de 5 accordée par TPC devrait être majorée à 6.

« B.5.5.3 Escalators » (Escaliers mécaniques)

*          « General » (Général)

[302]        Les experts sont d'accord : Monit échoue mais, selon Macogep, la note de 2 accordée par TPC devrait être de 4.

[303]        Je constate tout d'abord que Macogep et Cogerec s'entendent pour dire que Monit n'obtient pas la note de passage pour ce qui est des trois critères ci-haut mentionnés. Cependant, Macogep trouve trop sévères les notes attribuées par les évaluateurs. C'est pourquoi dans leur analyse, les experts de Macogep augmentent les notes tout en maintenant un échec. Le procureur de la défenderesse a longuement interrogé M. Lebeau sur cette question. Il est important de reprendre une des réponses de ce témoin (transcriptions sténographiques, volume 16 aux pages 17 et 18) :

On n'a pas redressé les notes, on n'a pas porté de valeur de jugement sur des redressements où on dit : « il y a un échec, ça devrait être un peu plus... Un peu moins... » , ça, on a déjà expliqué ça à la Cour. On a apporté des jugements de valeur uniquement s'il y avait passage ou pas passage.

[...]

De mémoire, là, puis le détail des calculs pourrait être vérifié avec M. Aboukhaled, mais il me semble qu'on n'a pas fait de redressement, à savoir est-ce que c'est un 2, ça aurait dû être un 4, on n'avait pas de barème pour le faire. (je souligne)


[304]        Lorsque le procureur de la défenderesse lui demande si les redressements effectués par Macogep sont de prendre les notes des échecs et de les augmenter à 7, M. Lebeau a répondu         « exactement » .

[305]        De son côté, M. Aboukhaled trouve, lui aussi, que les notes sont trop sévères, mais il ne donne pas de détails pour justifier ces redressements de la sorte, sauf de comparer un des critères avec le même critère dans une autre soumission.

[306]        À la lumière de cette preuve et à cause du principe de la relativité entre les différentes propositions, je ne vois pas comment je pourrais justifier une intervention et majorer les notes en maintenant un échec sous ces trois critères. Il aurait fallu selon moi, analyser ces critères dans chacune des dix propositions et prouver un manque d'objectivité ou de mauvaise foi de la part des évaluateurs, ce qui n'a pas été fait.

[307]        En conclusion, je me sers de la pièce 1151, et la note de Monit dans la catégorie « ENGINEERING » (Ingénierie) sera de 68,98 %.

« PARTIE C : SECURITY » (SÉCURITÉ)


[308]        Cette catégorie a fait l'objet de longs débats lors du procès. En bout de ligne toutefois, la GRC, Cogerec et même Macogep en sont arrivés à être d'accord pour conclure que Monit n'a pas obtenu la note de passage de 70 %. Les conclusions du rapport Macogep sont les suivantes (pièce 1142, section 6.3 aux pages 57 et 58) :

[...] Voyons maintenant pour la catégorie « Sécurité » . Nous devons confirmer l'évaluation faite par TPC selon ses exigences : nous n'avons pas constaté suffisamment d'éléments positifs permettant de redresser la note obtenue dans le premier appel d'offres selon les exigences de TPC. Les mêmes problèmes majeurs ont été reportés : niveau B-6 et escaliers, circulation du public dans le bloc conférence, bibliothèque et évacuation d'urgence, niveau B-2 et B-3 et escaliers dans l'appel d'offres no. 2 ...

[...]

Certains autres problèmes sont revenus puisqu'ils étaient inhérents aux bâtiments : quai partagé avec BNE, boutiques en B-2, accès au stationnement par BNE. Ces situations allaient donc exiger une sécurité qui serait spécifique à ce bâtiment. (je souligne)

[309]        La note pondérée accordée par TPC est de 66,5 % et Macogep, avec un redressement, l'aurait augmentée à 67,2 %, ce qui ne satisfait toujours pas au 70 % requis.

[310]        Je n'ai pas l'intention d'analyser tous les critères relatifs à la sécurité où Monit subit un échec mais j'examinerai certains des reproches formulés par cette dernière à l'endroit de la défenderesse.


[311]        Monit s'étonne qu'elle a pu loger l'OACI pendant de nombreuses années et subir un échec au niveau de la sécurité. La GRC, qui connaissait son immeuble l'ayant évalué dans le passé, ne lui a jamais transmis les résultats. La valeur accordée à certaines questions n'était plus la même que celle indiquée lors de la rencontre du 29 septembre 1992 et aurait grandement influencé la pondération. Macogep aurait dénoté beaucoup de redondance dans les critères relatifs à la sécurité. Monit avait engagé un consultant en sécurité, CSP, et des mesures de contrôle, par des humains ou par des mécanismes électroniques avaient été prévues pour satisfaire aux exigences du devis. On reproche à TPC d'avoir par addendum enlevé la clause qui permettait ce genre de contrôle (statiques, dynamiques) et d'avoir plutôt mis l'accent sur l'aspect architectural. De cette façon, la proposition de Monit en ce qui a trait au volet de la sécurité était vouée d'avance à l'échec.

[312]        Quant aux problèmes liés à l'acte de servitude fournie par Monit à la suite d'une demande de clarification par TPC, la demanderesse ne comprend pas pourquoi la défenderesse voyait dans cette servitude un empêchement à la réalisation du concept de sécurité proposé par Monit. Sur cette question, le témoin M. Riedstra de la Banque Scotia confirme que l'acte de servitude liant Monit à la banque, comprenait une clause de modification et il aurait été facile de répondre aux questions soulevées par la GRC.

[313]        De son côté, la défenderesse réfute l'ensemble de ces reproches en alléguant que Monit savait depuis le printemps que son immeuble posait des problèmes majeurs en sécurité (pièces 1008 et 1009) : même le président de Monit aurait avoué qu'il n'avait pas été surpris de l'échec dans cette catégorie.


[314]        La pondération et l'existence d'une certaine redondance sont des éléments avec lesquels tous les soumissionnaires devaient composer, ce qui ne viole donc pas le principe d'égalité entre les soumissionnaires. TPC avait le droit absolu d'ajouter l'addendum en question et de laisser à la GRC la préparation des critères d'évaluation sur la sécurité de même que la pondération entre chaque question. Des plans colorés avaient été exigés afin de mieux conceptualiser le principe de « zones de sécurité » établi par la GRC.

[315]        Aux demandes de clarifications de TPC sur la sécurité, Monit, par une phrase type, s'est contentée de répondre aux préoccupations de la GRC que les détails seraient formulés dans une phase subséquente du projet.

[316]        À la suite d'une demande de clarification concernant les servitudes pouvant affecter l'immeuble, Monit a tout simplement produit l'acte de servitude grevant son immeuble et celui de la Banque Scotia, sans donner plus de détails.

[317]        Questionnés à ce sujet, les témoins MM. Byrne et Desjardins de la GRC ont fourni des explications qui, quant à moi, sont raisonnables.


[318]        MM. Byrne et Desjardins étaient préoccupés par les réponses préparées par les consultants de Monit en sécurité. Remettre à plus tard les détails des mesures envisagées étaient insatisfaisants. Pour eux, il fallait absolument comprendre le concept de « zones de sécurité » proposé par les différents soumissionnaires afin d'évaluer si la sécurité pouvait être compromise. L'exigence de la GRC à ce niveau était claire : il fallait que les « zones de sécurité » soient rattachées à la structure de l'immeuble et non établies seulement par des moyens de contrôle humains ou électroniques (mesures statiques et dynamiques). C'est pourquoi certains critères étaient considérés beaucoup plus importants que d'autres et que la rédaction des critères et la détermination de leur poids respectif avaient été confiés à la GRC. La pondération a été appliquée de façon uniforme par les évaluateurs, qu'il s'agisse des propositions portant sur des nouveaux immeubles ou relatives à des immeubles existants (témoignage de M. Habashi).

[319]        Quant à l'acte de servitude, les témoins de la GRC avait tellement d'inquiétudes qu'ils ont demandé une opinion au ministère de la Justice. S'il est vrai que cette opinion ne leur est parvenue qu'après avoir déterminé les notes, il n'en demeure pas moins qu'ils étaient très préoccupés des conséquences de cette servitude sur la sécurité dans l'immeuble de Monit.

[320]        Au sujet de la clause de modification dans cet acte notarié, le représentant de la banque, M. Riedstra, a confirmé que Monit ne l'avait jamais approchée pour modifier la servitude en 1992.

[321]        En conséquence, l'argumentation de la défenderesse concernant la catégorie de la sécurité est retenue. En conclusion, la note de Monit sera de 66,5 %.

« PART F : FUNCTIONALITY » (FONCTIONNALITÉ)

[322]        Monit obtient 68 % dans cette catégorie. Macogep redresse la note d'un critère de 5 à 7, ce qui fait passer la note globale pour cette catégorie à 72 %. Cogerec, de son côté, maintient l'évaluation de TPC. Le critère sur lequel les experts ne sont pas d'accord est le suivant :


*          « Single Use Nature » (Occupation unique)

[323]        Pour augmenter la note de Monit, Macogep soutient que la définition de « la jouissance des lieux comme s'il était le seul occupant » ne se trouvait nulle part. Selon Macogep, Monit avait prévu un contrôle au garage qui satisfaisait à l'exigence que seule la GRC puisse autoriser les automobiles à stationner soit sur une base horaire ou à court terme. Au niveau B-2, la présence de commerce ne changeait rien à l'image et au fonctionnement de l'OACI. Le seul irritant était l'usage conjoint de l'entrée des camions au quai et de l'entrée des automobiles au stationnement. Un contrôle supplémentaire conjoint avec la Banque Scotia était nécessaire. Macogep ne comprend pas non plus pourquoi Monit a obtenu la note de passage à ce critère lors du premier appel d'offres et a subi un échec avec la note de 5 lors du deuxième appel d'offres.

[324]        La réponse de Cogerec, (témoignage de M. Habashi, transcriptions sténographiques, volume 40 aux pages 131 à 133) est la suivante :

R. Alors il y a deux situations possibles, qu'il y a un seul occupant dans un bâtiment. Dans ce cas-là, c'est une situation de « single use » . Il y a un seul occupant dans un bâtiment. S'il y a plus qu'un occupant dans un bâtiment, il y a une exigence qui dit que un de ces occupants doit bénéficier du bâtiment comme s'il était le seul occupant. C'est comme s'il n'y avait pas d'autres occupants dans le bâtiment.

Dans mon sens, c'est très clair, la différence. Soit que c'est « single use » ou « single use in nature » .

[325]        Cette interprétation est conforme à la réponse écrite des évaluateurs à la question posée (rapport de Macogep, section 6.2.4 à la page 54) :


Q : Has the proponent demontrated that the ICAO premises can function such that ICAO has enjoyment of the building as if it were the sole occupant?

E : ne satisfait pas, sous-sol partagé : commerces, stationnement. (je souligne)

[326]        Selon moi, les mots « single use nature » ne portent aucunement à confusion. L'opinion de Cogerec confirme que Monit ne satisfaisait pas aux exigences de ce critère aux niveaux suivants (pièce 1145A, section (3) 3.4 à la page 84) :

a)         B-2 : présence de boutiques et d'une aire alimentaire;

b)         L-1 : quai de réception et de chargement partagé avec la banque;

c)         B-6 : stationnements pour les locataires de la tour Scotia.

[327]        Il ne faut pas oublier que la GRC avait soulevé plusieurs questions au sujet de la sécurité à ces endroits en particulier. Il aurait fallu modifier l'acte de servitude afin que l'OACI puisse jouir de l'édifice comme si elle en était l'occupant unique. Cette preuve n'ayant pas été faite, je n'ai pas l'intention d'intervenir et la note de 68 % dans la catégorie de la fonctionnalité est maintenue.

[328]        En résumé, mon analyse confirme que Monit échoue dans les catégories suivantes : architecture, ingénierie, sécurité et fonctionnalité.

f)          Réunion du 12 janvier 1993

[329]        À la réunion générale du 12 janvier 1993, les évaluateurs déposent les notes qu'ils ont attribuées à chacun des critères dans leur propre sphère d'activité. Ils prennent connaissance des notes dans les autres disciplines. L'objectif principal est de déterminer quelles seront les notes finales pour chacune des propositions. En d'autres mots, le but est de respecter le principe de la relativité entre celles-ci (témoignage de Claude Bernard).

[330]        Le compte rendu de cette réunion préparé par M. Byrne de la GRC déposé sous la pièce 727, démontre que Monit s'était qualifiée dans toutes les catégories, sauf la sécurité. La demanderesse ne comprend pas pourquoi après cette réunion, sa proposition n'a pas reçu la note de passage dans trois autres catégories soit l'architecture, l'ingénierie et la fonctionnalité. Elle plaide qu'en raison des contradictions évidentes dans les témoignages de MM. Byrne, Miller, Bernard, Desjardins et Choinière, TPC n'aurait pas dû ajouter Monit à la liste de ceux qui ont échoué dans ces trois catégories.


[331]        Après une étude détaillée de ces témoignages, je ne suis pas convaincu que la preuve donne raison à la demanderesse. M. Bernard témoigne que lorsqu'il a pris connaissance des rapports préparés par la GRC en sécurité, il a été décidé que l'évaluation de la fonctionnalité dans toutes les propositions serait revue parce qu'il y avait un lien important entre la sécurité et la fonctionnalité. La fonctionnalité étant réévaluée, il fallait réviser l'architecture parce qu'il y avait également un lien entre la fonctionnalité et l'architecture. Dans le cas de Monit, étant donné qu'elle avait échoué dans la catégorie sécurité, la réévaluation devait être faite pour la fonctionnalité et ensuite pour l'architecture (Claude Bernard, transcriptions sténographiques, volume 34 aux pages 15 à 24).

[332]        Toutes les propositions, et non pas seulement celle de Monit, ont été réexaminées, ce qui a eu comme résultat que six propositions ont échoué dans la catégorie fonctionnalité alors que dans le compte rendu de M. Byrne, toutes les propositions avaient obtenu la note de passage dans cette catégorie.

[333]        Au niveau de l'architecture, il n'y a pas que Monit qui a été ajoutée à la liste des échecs; un autre proposant a subi le même sort.

[334]        En ingénierie, M.Choinière précise que ses notes ne concernaient que le génie mécanique alors que deux autres disciplines, soit l'électricité et la structure, ont été confiées à d'autres évaluateurs. Dans le rapport de M. Byrne, la mention du seul évaluateur, M. Choinière, est la raison pour laquelle Monit paraissait, de façon erronée, avoir obtenu la note de passage dans cette catégorie. Le cahier bleu n º 75 à la page 17 586, indique bien une note finale de 68,4 %. C'est la sous-catégorie de l'électricité qui a été le facteur déterminant de l'échec de Monit.

[335]        Le compte rendu de cette réunion indique aussi ce qui suit :

M. Miller fait la récapitulation des diverses disciplines. Les propositions Pomerleau, Westcliff, Canderel B et Monit seraient au nombre des propositions qualifiées mais la proposition de Monit devrait être revue [...]

12:50 -- levée de la réunion


12:55 -- discussions avec M. Miller du cas Monit

13:20 -- pause-repas

14.15 -- retour à la salle des Cèdres. Réévaluation de la proposition Monit, note d'évaluation maintenue.[...] (je souligne)

[336]        Trois témoins ont été interrogés sur ces mentions. D'une part, M. Miller voulait s'assurer que les évaluateurs en sécurité soient certains du résultat de leur évaluation. C'est pourquoi il leur a demandé de réévaluer la proposition de Monit . D'autre part, il leur a demandé de revoir leurs notes, de vérifier les raisons de leur décision et de lui faire savoir si cette proposition pouvait être acceptée dans la catégorie de la sécurité ou si les évaluateurs maintenaient toujours un échec. Ce témoignage est corroboré par MM. Byrne et Desjardins.

[337]        Ils ont donc réévalué la sécurité dans la proposition de Monit et après une révision sérieuse, ils ont maintenu leur première évaluation, soit un échec.

[338]        J'ai tenté, sans succès, de relever des contradictions dans ces témoignages qui auraient pu soutenir la thèse de la demanderesse.


[339]        Les divergences mineures ne supportent aucunement les conclusions de Monit. Je suis plutôt d'avis que les témoins de la défenderesse ont été transparents et ont fait leur travail de façon consciencieuse. Quant aux représentants de la GRC, ils ont acquiescé à la demande de M. Miller en réexaminant la catégorie de la sécurité dans la soumission de Monit afin que cette dernière ait toutes les chances de son côté. Cet exercice me convainc que Monit a été traitée en toute équité comme tous les autres soumissionnaires.

[340]        D'ailleurs, les experts de la demanderesse ont confirmé l'absence de discrimination ou de favoritisme de la part des évaluateurs. Il est intéressant à ce sujet de reprendre quelques extraits du témoignage de M. Lebeau (transcriptions sténographiques, volume 16 à la page 143):

Q. Oui, on s'entend. Et au terme de cette analyse, avez-vous trouvé une évidence quelconque que les proposants n'avaient pas été traités sur le même pied?

R. On a conclu que la méthodologie qui avait été suivie pour évaluer les différents soumissionnaires semblait être la même qui avait été suivie pour l'ensemble; ça, ça avait été, ça faisait part de nos, partie de nos conclusions.

Q. Donc il n'y a pas d'évidence de discrimination ou de favoritisme?

R. Non, il n'y a pas d'évidence de discrimination ou de favoritisme. Ce qu'on a mentionné, par contre, qui d'après nous était un élément qui n'est pas possible à juger, mais il y a absence de barème dans les notations. Alors ça, c'est important, l'absence d'un barème, ça va porter à des évaluations qu'on a qualifiées de discrétionnaires.

Q. Mais évidemment, cette absence de barème était commune à tous.

R. C'était commun à tous, exactement. (je souligne)

g)         Westcliff

[341]        La proposition qui est finalement retenue, acceptée et autorisée par toutes les instances décisionnelles est celle de la compagnie Westcliff sur son site rue Université à Montréal. Westcliff y construit un immeuble où loge maintenant l'OACI.

[342]        La demanderesse soumet qu'il y a eu un « tordage de bras » pour convaincre l'OACI de déménager dans la Cité internationale où se trouve le nouvel édifice. Reprenant à son avantage des extraits des témoignages de MM. Duguay, Miller, Coulombe, Bélec et les pièces 124, 126, 331, 543 et 1179, elle soutient que tous les intervenants dans ce dossier favorisaient la Cité internationale et qu'à cause de cela, Monit a subi un traitement injuste.

[343]        De plus, la Ville de Montréal, le gouvernement du Québec, la SCCIM, le BFDR(Q) ainsi que TPC ont réalisé leur rêve en relocalisant l'OACI dans la Cité internationale. Dès le début, Monit n'avait aucune chance d'obtenir le contrat de 20 ans qui a été octroyé à Westcliff.

[344]        Aussi, la façon dont la proposition de Monit a été traitée n'a rien de comparable avec celle de Westcliff qui a bénéficié d'études, de travaux de 4,5 millions de dollars payés à même les fonds publics par la défenderesse après que le contrat lui fut octroyé.

[345]        Par contre, la défenderesse fait valoir que le devis prévoyait spécifiquement que l'OACI serait consultée avant la décision finale. Ce droit de veto en faveur de l'OACI était connu de tous (témoignage de M. Miller). C'est pourquoi l'OACI avait engagé un consultant, M. Pierre Martin, afin qu'il procède à une évaluation indépendante des propositions et lui faire des recommandations. Les résultats de cette évaluation sans commentaires techniques en sécurité et en ingénierie ont démontré que le site Université de Wesctliff arrivait premier avec 92,5 % alors que Monit se classait quatrième à 76,8 %. M. Martin a recommandé qu'on élimine plusieurs propositions mais non celle de Monit.


[346]        Même si l'OACI a obtenu l'argent pour payer son consultant du BFDR(Q), la preuve prépondérante a établi que Pierre Martin n'avait aucun préjugé défavorable à l'endroit de Monit. Il aurait bien pu demander que cette dernière soit éliminée comme certaines autres, mais il ne l'a pas fait.

[347]        Les trois proposants qualifiés pour présenter des propositions financières sont Westcliff-Université, Westcliff-Viger et Pomerleau. Conformément aux dispositions du devis, l'OACI a été consultée. Des préoccupations particulières ont été formulées concernant la qualité de l'air, les vibrations ou le bruit à certains des trois sites suggérés par le gouvernement. L'OACI a même engagé des consultants. Ces derniers ont recommandé le projet Wesctliff-Université en se fondant sur les études existantes sans avoir pu, faute de temps et de budget, effectuer les calculs par ordinateur. En juin 1993, une offre prévoyant que le Conseil du Trésor autoriserait le financement du projet de construction à Montréal a été présenté à l'OACI. Cette offre a été soumise aux États membres qui ont accepté presque unanimement le projet.


[348]        En réponse aux reproches de Monit envers TPC pour avoir modifié le contrat de Westcliff après coup à l'encontre des exigences techniques du devis, les procureurs du gouvernement soulignent que les autorités canadiennes ont été contraintes d'encourir des dépenses supplémentaires avant d'arrêter le choix sur la proposition de Westcliff. De toute façon, disent-ils, une clause dans le document d'appels d'offres permettait expressément le droit de négocier des changements au contrat et ce, tant avant, qu'après l'octroi de celui-ci. À la lecture de cette clause, il est effectivement évident que le gouvernement s'était réservé ce droit. La demanderesse, s'appuyant sur l'arrêt Adricon c. East Angus (Ville), [1978] 1 R.C.S. 1107, prétend que pour agir ainsi, il aurait fallu procéder par voie d'un nouvel appel d'offres. Cette cause cependant a fait l'objet de commentaires par l'auteure Thérèse Rousseau-Houle, précitée. Celle-ci y voit plutôt une mesure visant à assouplir la rigueur du formalisme administratif. À la page 260, elle s'exprime ainsi :

[...] Si la modification porte sur une modalité essentielle du contrat ou si elle altère la nature forfaitaire de celui-ci, les formalités prescrites doivent être rigoureusement observées [...]

[349]                      Malgré un plaidoyer fort éloquent de la part des procureurs de la demanderesse, j'accepte l'argumentation de la défenderesse selon laquelle les mesures anti-vibration et anti-explosion qui ont coûté 4,5 millions de dollars sont loin de dépasser de façon importante le budget maximal du contrat de l'ordre de 166,5 millions de dollars octroyé à Westcliff.

F.         CONCLUSION

1)         REMERCIEMENTS

[350]        Je veux profiter de l'occasion pour remercier sincèrement les deux équipes de plaideurs qui m'ont accompagné pendant 48 jours : pour la demanderesse, Me Marc Laurin, Me Peter Cullen, Me Judith Dagenais, Me Patrice Deslauriers; et pour la défenderesse, Me Marie-Josée Hogues, Me Guy Sarault et Me André Brault. Ces avocates et avocats doués, chevronnés m'ont permis de me familiariser rapidement avec les nombreux faits du litige. La civilité et le respect ont régné tout au long des débats.


[351]        Je ne veux pas oublier non plus Me Judith Dagenais, Mmes Sylvie Baribeau et Denise Doss, qui m'ont soutenu au niveau technique et ont veillé au déroulement efficace des auditions.

[352]        Je tiens à souligner le travail impeccable des greffières, Mmes Line Vaillant et Sylvie Baillargeon. Finalement, merci aussi aux huissières et huissiers.

2)         QUESTIONS EN LITIGE ET RÉPONSES

[353]        Les réponses aux questions en litige sont les suivantes :

a)         durant les périodes précédant le premier appel d'offres, le premier appel d'offres et le deuxième appel d'offres, le gouvernement et ses représentants avaient-ils une obligation d'équité, de bonne foi ou de diligence envers la demanderesse?

Réponse : Oui.

b)    dans l'affirmative, le gouvernement et ses représentants ont-ils failli à cette obligation d'équité, de bonne foi ou de diligence envers la demanderesse?

Réponse : Non, pour la première et la troisième période et oui pour la


deuxième période, à l'obligation dquitéet de diligence en ne considérant pas la proposition de Monit après le premier appel d'offres malgréle fait qu'elle était la seule proposition qualifiée au niveau technique.

c)    dans l'affirmative, le gouvernement, en se faisant, a-t-il engagé sa responsabilité envers la demanderesse?

Réponse : Oui, pour la deuxième période.

d)    la défenderesse où l'un quelconque de ses ministères ou représentants ont-ils comploté pour faire en sorte que l'OACI ne demeure pas dans l'immeuble de Monit?

Réponse : Non

e)    durant la période précédant le premier appel d'offres, la défenderesse a-t-elle fait des fausses représentations àMonit quant à ses intentions relativement au renouvellement à long terme des baux ou a-t-elle manqué à son obligation d'agir de bonne foi?

Réponse : Non.

f)    Monit savait-elle, et où aurait-elle dûsavoir très tôt dans le processus, que TPC considérait plusieurs options et que par voie de conséquence, le renouvellement à long terme des baux n'était aucunement assuré?


Réponse : Oui.

g)    durant la période du premier appel d'offres, est-ce que la proposition faite par Monit a été évaluée de façon attentive, équitable et impartiale par la défenderesse?

Réponse : Oui, sauf que la défenderesse aurait dûconsidérer la proposition de Monit et entamer des négociations avec elle après avoir constatéque seule sa proposition était qualifiée au niveau technique.

h)    durant la période du deuxième appel d'offres, est-ce que la proposition de Monit a été évaluée de façon attentive, équitable et impartiale par la défenderesse?

Réponse : Oui.

i)    durant la période du deuxième appel d'offres, est-ce que la défenderesse a agi conformément à l'obligation de bonne foi qui lui incombe à l'égard de tous?

Réponse : Oui.

3)         FRAIS ET DOMMAGES

[354]        Les parties se sont réservées le droit de faire des représentations autant sur les dommages que sur les frais une fois la responsabilité déterminée. Elles auront donc jusqu'au 19 avril 2004 pour tenter de régler ces questions. Après cette date, si aucun règlement n'est intervenu, le dossier sera traité par voie de renvoi devant un juge ou une autre personne désignée par le juge en chef.

JUGEMENT

POUR LES MOTIFS ÉNONCÉS PRÉCÉDEMMENT,

LA COUR ORDONNE QUE :

les parties auront jusqu'au 19 avril 2004 pour tenter de régler les questions des frais et dommages. Après cette date, si aucun règlement n'est intervenu, le dossier sera traité par voie de renvoi devant un juge ou une autre personne désignée par le juge en chef.

             « Michel Beaudry »             

Juge

ANNEXE 1

INDEX


[numéro du paragraphe]

A.        INTRODUCTION                                                                                                [1]

B.        QUESTIONS EN LITIGE                                                                                  [8]

C.        CONTEXTE FACTUEL                                                                                      [12]

1)         GÉNÉRAL

a)         Historique de l'immeuble

b)         Qui est Monit?                                                                            [13]

c)         Rapport Picard                                                                            [14]

2)         CHRONOLOGIE DES ÉCHANGES ET DES APPELS

D'OFFRES ENTRE MONIT ET TPC                                                [15]

a)         En 1991

b)         Proposition de Monit du 19 décembre 1991                          [19]

c)         Lettre du 12 février 1992 - Demande de prolongation

d'un bail à court terme (pièce 340)                           [20]

d)         Premier appel d'offres - juin 1992                                            [22]

e)         Propositions reçues                                                                     [23]

f)          Proposition de Monit non considérée                                     [24]

g)         Deuxième appel d'offres - septembre 1992                          [25]

D.        PRÉTENTIONS DES PARTIES                                                                       [34]

1)         LA DEMANDERESSE


a)         Le droit                                                                                         [35]

i)          Contexte juridique

A)        Le droit applicable - le recours au

droit provincial

B)        Le droit transitoire                                            [37]

C)        La nature du recours                                       [38]

D)        La valeur des précédents de common law     [39]

E)        Fardeau de preuve                                            [43]

b)         Comportements fautifs antérieurs aux appels d'offres        [45]

i)          Bonne foi

A)        Assujettissement de la Couronne

B)        Commentaires généraux                                 [46]

C)        Bonne foi lors de négociations                       [49]

ii)         Rupture de pourparlers : fait générateur

de responsabilité                                                             [50]

A)        Principe

B)        Contexte particulier du bail              [52]

C)        Comportements répréhensibles                     [53]

D)        Nature de la responsabilité                          [55]

iii)        Transgression de l'obligation de

renseignement                                                                 [56]

A)        Commentaires généraux


B)        Paramètres de l'obligation de

renseignement                                                   [57]

iv)        L'appropriation d'informations confidentielles        [61]

c)         Comportements fautifs lors des appels d'offres                   [62]

i)          Nature de l'appel d'offres

ii)         Fondement - l'égalité des soumissionnaires             [63]

iii)        Devoir d'agir avec équité et transparence [64]

iv)        L'obligation d'accepter une soumission

conforme                                                                         [65]

v)         Une faute commise de bonne foi engendre

la responsabilité                                                             [66]

vi)        Premier appel d'offres : le refus de négocier

constitue une faute                                                         [67]

vii)       Deuxième appel d'offres                                              [72]

A)        Modification des critères

B)        Modification du contrat                                   [73]

2)         LA DÉFENDERESSE                                                                            [76]

a)         Droit applicable                                                                           [81]

b)         Obligations applicables préalablement au processus

d'appel d'offres                                                                           [82]

c)         Principes applicables aux appels d'offres                               [88]

d)         Lien de causalité                                                                         [99]

e)         Preuve                                                                                          [100]

f)          Arguments de la défenderesse sur le complot allégué


par Monit                                                                                     [101]

i)          Contexte général

A)        Gouvernement canadien

B)        OACI                                                     [102]

C)        Recherche d'options par MAE et

son mandataire, TPC                                       [103]

g)         Appels d'offres                                                                            [104]

i)          Premier appel d'offres lancé le 5 mai 1992

ii)         Deuxième appel d'offres lancé le

17 septembre 1992                                                         [110]

E.         ANALYSE                                                                                                              [119]

1)         REMARQUES PRÉLIMINAIRES

2)         DROIT APPLICABLE                                                                           [122]

3)         PÉRIODE AVANT LE PREMIER APPEL D'OFFRES    [126]

a)         Demandes d'accès à l'information, privilèges invoqués

en vertu de la Loi sur la preuve au Canada

b)         SCCIM                                                                                         [130]

c)         Intention de Monit de négocier un bail à long terme           [145]

d)         Demande d'une option de renouvellement de 18 mois

à l'expiration du bail : arnaque, complot                                [159]

4)         PREMIER APPEL D'OFFRES                                                            [174]

a)         Contexte du premier appel d'offres


b)         Processus                                                                                     [175]

c)         Obligation de négocier avec Monit                           [197]

d)         En acceptant de participer au deuxième appel d'offres,

Monit renonçait-elle à ses droits découlant du premier

appel d'offres?                                                                            [215]

5)         DEUXIÈME APPEL D'OFFRES                                                         [230]

a)         Processus

b)         Rencontre individuelle du 29 septembre 1992                      [239]

c)         Questions et réponses, demandes de clarifications             [254]

d)         Évaluation                                                                                    [263]

e)         Preuve des experts                                                                     [279]

f)          Réunion du 12 janvier 1993                                        [329]

g)         Westcliff                                                                                       [341]

F.        CONCLUSIONS                                                                                                  [350]

1)         REMERCIEMENTS

2)         QUESTIONS EN LITIGE ET RÉPONSES                                       [353]

3)         FRAIS ET DOMMAGES                                                                      [354]


                                       COUR FÉDÉRALE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                         

DOSSIER :                                                               T-878-93

INTITULÉ :                                                              MONIT INTERNATIONAL INC.

c.

SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                   

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATES DE L'AUDIENCE :                                  LES 24, 25, 26, 27 et 31 mars 2003;

LES 1, 3, 7, 8, 9, 10, 23, 24, 29 et 30

avril 2003;

LES 1, 5, 6, 7, 8, 20, 21 et 22 mai 2003;

LES 2, 4, 5, 9, 10, 11, 12, 25 et

26 juin 2003;

LES 2, 3, 7, 8, 9, 10, 21, 22, 23 et


29 juillet 2003;

LES 18 et 19 août 2003;

LES 8 et 9 septembre 2003

MOTIFS DE JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                    L'HONORABLE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS :                                            LE 20 JANVIER 2004

COMPARUTIONS:

Marc Laurin

Peter Cullen

Judith Dagenais

Patrice Deslauriers                                                     POUR LA DEMANDERESSE

Marie-Josée Hogue

Guy Sarault                                                                

André Brault                                                                POUR LA DÉFENDERESSE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Stikeman Elliott

Montréal (Québec)                                                     POUR LA DEMANDERESSE

Heenan Blaikie

Montréal (Québec)                                                     POUR LA DÉFENDERESSE

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)                                                     POUR LA DÉFENDERESSE

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