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     Date : 19981211

     Dossier : IMM-434-98

OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 11 DÉCEMBRE 1998

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE ROTHSTEIN

Entre :

     MARY FRANCISCA PHILLIP,

     GABY PHILLIP,

     GRAVIN PHILLIP,

     JEYSEELAN PHILLIP,

     demandeurs,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     ORDONNANCE

     La procédure de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à une formation différente de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour nouvelle décision.

     La question suivante est certifiée aux fins de l'appel :

         La section du statut de réfugié a-t-elle contrevenu au paragraphe 69(2) de la Loi sur l'immigration en entendant le témoignage des enfants mineurs de la demanderesse Mary Francisca Phillip en son absence ?                 

                                 Marshall Rothstein

                        

                                     JUGE

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     Date : 19981211

     Dossier : IMM-434-98

Entre :

     MARY FRANCISCA PHILLIP,

     GABY PHILLIP,

     GRAVIN PHILLIP,

     JEYSEELAN PHILLIP,

     demandeurs,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]      À l'ouverture de l'audience à laquelle elle présidait, une formation de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, par l'entremise de l'ACR, a ordonné à la demanderesse de quitter la salle d'audience avec son plus jeune enfant, de façon à pouvoir interroger ses deux autres enfants, âgés de 5 et 8 ans, en son absence. Après que des questions eurent été posées aux enfants de 5 et 8 ans, la demanderesse a été invitée à revenir dans la salle d'audience. À la demande de son avocat, le président de la formation a fourni à la demanderesse un bref résumé des questions qui avaient été posées à ses enfants.

[2]      La demanderesse prétend que la formation a commis une erreur en l'excluant de l'audience. Le paragraphe 69(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, est rédigé dans les termes suivants :

         69.(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (3.1), la section du statut tient ses séances à huis clos ou, sur demande en ce sens, en public, et dans la mesure du possible en présence de l'intéressé.                 

Les paragraphes 3 et 3.1 ne sont pas pertinents à la question de l'exclusion d'un demandeur. Les avocats n'ont pas réussi à trouver dans la jurisprudence des décisions dans lesquelles le paragraphe 69(2) a été interprété.

[3]      Le défendeur soutient que la formation est maître de sa propre procédure. Il fait référence à l'alinéa 67(2)d) de la Loi sur l'immigration :

         67.(2) La section du statut et chacun de ses membres sont investis des pouvoirs d'un commissaire nommé aux termes de la partie I de la Loi sur les enquêtes. Ils peuvent notamment, dans le cadre d'une audience : [...]                 
             d) prendre toutes autres mesures nécessaires à une instruction approfondie de l'affaire.                 

Il laisse également entendre que les mots " dans la mesure du possible " employés au paragraphe 69(2) signifient qu'une formation a le pouvoir discrétionnaire nécessaire pour exclure les demandeurs lorsque cela est nécessaire et approprié.

[4]      Le paragraphe 69(2) dispose que les parties ne peuvent être exclues des délibérations de la section du statut qui portent sur leurs droits et intérêts. Même s'ils reconnaissent que dans certaines circonstances la présence du demandeur n'est pas toujours possible, les mots " dans la mesure du possible " exigent que, lorsque cela est faisable, le demandeur soit présent. Cela signifie que, lorsque la présence du demandeur est possible sur le plan pratique, la formation ne peut l'exclure.

[5]      L'avocat du défendeur fait valoir que la demanderesse a été exclue pour l'empêcher d'influencer ses enfants ou de leur faire des signes pendant leur témoignage. Si tel était le but, je ne vois pas pourquoi la formation n'a pas choisi de faire une mise en garde à la demanderesse et à son avocat en leur indiquant que le moindre signe pourrait avoir un effet sur la crédibilité. Il me semble qu'il y a d'autres façons de régler ce genre de problème sans exclure une partie. Quel que soit le motif de la formation, elle n'était pas justifiée d'exclure la demanderesse. La formation a donc contrevenu au paragraphe 69(2) de la Loi sur l'immigration en agissant comme elle l'a fait.

[6]      Il ne s'agit pas d'une situation où la décision de la formation ne peut être infirmée parce que l'avocat n'a soulevé aucune objection ou parce qu'il a demandé un résumé quand la demanderesse est revenue dans la salle d'audience. La présence des parties prévue au paragraphe 69(2) est obligatoire. De toutes les façons, il semble que la formation avait décidé d'exclure la demanderesse et qu'elle a fait appliqué cette décision par l'ACR. Une fois cette décision appliquée, il était trop tard pour formuler une objection qui puisse avoir un quelconque effet. Je remarque également, d'après la transcription, que si l'avocat de la demanderesse ne l'avait pas demandé, la formation n'avait pas l'intention de fournir à la demanderesse un résumé de l'interrogatoire des enfants. En fait, le résumé donné a été extrêmement bref et général et n'a pas appris à la demanderesse quelles réponses ses enfants avaient données :

         Wiseman :      Ne pensez-vous pas que nous devrions expliquer à la demanderesse ce qui s'est produit en son absence ?                 
         Coyne :          Oh.                 
         Wiseman :      De façon à ce qu'elle ne se fasse pas de souci.                 
         Coyne :          Oui. Nous avons posé à vos deux aînés quelques questions pour savoir qui vous étiez et si vous étiez leur mère et d'où ils venaient et pourquoi ils sont allés à l'école et d'autres questions du même genre pour établir leur identité. Votre fille s'exprime très bien et votre fils de 5 ans n'aime pas beaucoup parler. Quatre ans. Y a-t-il autre chose ?                 
         Wiseman :      Non.                 

Même si l'on avait pu justifier l'exclusion non appropriée de la demanderesse du fait qu'un résumé lui a été fourni à son retour (ce qui n'est manifestement pas le cas), le résumé qui a été fourni en l'espèce aurait été inadéquat.

[7]      Voilà qui règle le contrôle judiciaire. Toutefois, quelques autres observations devraient être formulées au regard des questions fondamentales soulevées en l'espèce. Le paragraphe 69(4) de la Loi sur l'immigration est rédigé dans les termes suivants :

         69.(4) La section du statut commet d'office un représentant dans le cas où l'intéressé n'a pas 18 ans ou n'est pas, selon elle, en mesure de comprendre la nature de la procédure en cause.                 

La demanderesse n'a été désignée comme représentante de ses enfants mineurs qu'après son exclusion, l'interrogatoire de ses enfants en son absence et son retour dans la salle d'audience. Une désignation tardive ne peut invalider toutes les procédures dans toutes les circonstances. Toutefois, il est approprié de procéder dès le début à cette désignation afin d'éviter le risque de vicier les procédures.

[8]      Finalement, j'aimerais faire observer que les formalités habituellement suivies quand on demande à de jeunes enfants de témoigner n'ont pas été suivies en l'espèce. À tout le moins, si l'on veut que le témoignage ait une valeur probante quelconque, le tribunal doit établir que les enfants savent distinguer le bien du mal, qu'ils comprennent l'importance de dire la vérité et les conséquences d'un mensonge. La formation a ignoré ces formalités.

[9]      L'un des rôles de la présente Cour est de superviser la conduite des tribunaux fédéraux. Quand ces tribunaux mènent leurs procédures sans tenir compte des exigences légales, la Cour a l'obligation de les réprimander vivement de façon à donner des directives claires et précises pour les procédures à venir. C'est ce que la Cour fait en l'espèce.

[10]      La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à une formation différente de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour nouvelle décision.

[11]      La question suivante est certifiée aux fins de l'appel :

         La section du statut de réfugié a-t-elle contrevenu au paragraphe 69(2) de la Loi sur l'immigration en entendant le témoignage des enfants mineurs de la demanderesse Mary Francisca Phillip en son absence ?                 

                                 Marshall Rothstein

                        

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO))

le 11 décembre 1998

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Date : 19981204

     Dossier : IMM-434-98

Entre :

MARY FRANCISCA PHILLIP,

GABY PHILLIP,

GRAVIN PHILLIP,

JEYSEELAN PHILLIP,

     demandeurs,

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

NE DU GREFFE :                      IMM-434-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :              MARY FRANCISCA PHILLIP

                             GABY PHILLIP

                             GRAVIN PHILLIP

                             JEYSEELAN PHILLIP

                             - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :                  LE MARDI 1er DÉCEMBRE 1998

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          LE JUGE ROTHSTEIN

DATE :                          LE VENDREDI 11 DÉCEMBRE 1998

ONT COMPARU :                      Lorne Waldman

                                 pour la demanderesse

                             David Tyndale

                                 pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :      Jackman, Waldman and Associates

                             Avocats et procureurs

                             281, avenue Eglinton Est

                             Toronto (Ontario)

                             M4P 1L3

                                 pour la demanderesse

                             Morris Rosenberg

                             Sous-procureur général du Canada

                                 pour le défendeur

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