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Date : 19990316


Dossier : T-408-98


AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ,

L.R.C. (1985), ch. C-29,


ET un appel de la décision

d"un juge de la citoyenneté,


ET


YAU HAN LILIANNA YOUNG,


appelante,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


intimé.


MOTIFS DE JUGEMENT

LE JUGE EVANS

[1]      Lilianna Young est née à Macao, mais elle a presque toujours vécu à Hong Kong, où elle est comptable accréditée et où elle a occupé un poste de contrôleur financier de groupe dans la société Century City Holdings Limited, de 1990 à 1993.

[2]      Vu l"incertitude politique qui régnait à Hong Kong en 1990, Mme Young a déposer une demande d"immigration au Canada. En prévision de son éventuel déménagement, elle a acheté, en 1988, une copropriété à Toronto, qui a été complétée en 1991. En juin 1993, elle a obtenu un visa lui permettant d"entrer au Canada à titre de résidente permanente.

[3]      À la demande de Mme Young, Century City a affecté celle-ci le 1er décembre 1993 à l"une de ses filiales canadiennes, Royal Pacific Holdings Limited, à titre de contrôleur financier de l"hôtel qui lui appartenait à Toronto, le Royal Constellation Hotel. Cependant, Mme Young devait s"engager à retourner immédiatement à Hong Kong et à être affectée provisoirement à Century City en vue de former son successeur et d"établir un système de contrôle financier.

[4]      Madame Young est arrivée à Toronto le 16 novembre 1993 et, pendant son séjour au Canada, d"une durée de quinze jours, elle a ouvert des comptes bancaires et obtenu un permis de conduire ainsi que des cartes de crédit. Pendant ces deux semaines, elle est demeurée au Royal Constellation, où elle a commencé à se familiariser avec le fonctionnement de l"hôtel. La copropriété que la demanderesse avait achetée était louée à des locataires depuis qu"elle avait été complétée en 1991. Il importe de souligner qu"en 1995, Mme Young a acheté, à Toronto, une autre copropriété, qu"elle entend habiter.

[5]      En novembre 1996, elle a demandé la citoyenneté canadienne, mais sa demande n"a pas été approuvée par le juge de la citoyenneté au motif qu"elle n"avait pas satisfait à l"exigence en matière de résidence prévue à l"alinéa 5(1)c ) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 [modifiée], qui prévoit que le demandeur de citoyenneté doit, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, avoir " résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout ". Madame Young a interjeté appel de la décision du juge de la citoyenneté avant l"entrée en vigueur des Règles de la Cour fédérale (1998) , DORS/98-106.

[6]      Au cours des trois années qui se sont écoulées à partir de la date de son arrivée au Canada, en novembre 1993, jusqu"à la date de sa demande, Mme Young a été présente au Canada pendant seulement 41 jours. Elle a passé le reste du temps à Hong Kong, où elle a travaillé pour Century City, qui lui a demandé d"y demeurer plus longtemps que la période de deux ans prévue à l"origine afin de lui prêter main-forte à une époque où il y avait un mouvement important d"effectifs. Outre les quinze jours qu"elle a passés à Toronto à son arrivée en 1993, elle a passé 17 jours au Canada en 1995 et neuf jours, en 1996. Ces visites étaient en partie des congés, en partie des voyages d"affaires.

[7]      Reconnaissant que les attaches de sa cliente au Canada ne pouvaient être considérées comme importantes, l"avocat de Mme Young m"a demandé d"adopter ce qu"il a appelé l"" interprétation souple " en ce qui concerne l"exigence en matière de résidence prévue dans la Loi sur la citoyenneté , interprétation qui, selon lui, a été adoptée dans certaines décisions de notre Cour. Il m"a renvoyé en particulier à Re Hsu (1994), 25 Imm. L.R. (2d) 251 (C.F. 1re inst.), et à Re Ferreira (C.F. 1re inst.; T-2080-91, 9 juin 1992), affaires dans lesquelles la Cour était disposée à interpréter les exigences prévues à l"article 5 d"une façon qui, comme l"a dit le juge Joyal dans Hsu (à la page 256),

                 a également permis aux intéressés d"atténuer certaines pertes économiques, d"assurer leur survie financière ou d"améliorer leurs perspectives professionnelles [...].                 

[8]      À mon avis, cependant, la tendance qui prédomine dans la jurisprudence plus récente de notre Cour consiste à interpréter l"exigence en matière de résidence suivant l"approche décrite par le juge Reed dans Re Koo , [1993] 1 C.F. 286 (C.F. 1re inst.). En particulier, la Cour a interprété l"alinéa 5(1)c ) en se demandant si, pour reprendre les termes utilisés par le juge Reed dans Re Koo (à la page 293), le Canada est le lieu où le requérant a" vit régulièrement, normalement ou habituellement " ou si le Canada est " le pays où le requérant a centralisé son mode d"existence ".

[9]      Je souligne également que, dans la décision très récente qu"il a rendue dans l"affaire Ho c. Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration (C.F. 1re inst.; T-1683-96, 1er mars 1999), le juge Cullen, qui semblait auparavant favoriser l"interprétation plus " souple " (voir, par exemple, Re Ng ) (C.F. 1re inst.; T-2689-95, 22 octobre 1996), a résumé de la façon suivante le droit présentement en vigueur :

         De plus en plus de tribunaux se rangent à l'avis du juge Muldoon dans Re Pourghasemi (1993) 19 Imm. L.R. (2nd) 259...         

[TRADUCTION] Il est allégué que, malgré les différentes formulations du critère de résidence, la jurisprudence actuelle montre clairement que le demandeur de citoyenneté doit, au moyen de faits objectifs, démontrer que, premièrement, il a établi sa propre résidence au Canada au moins trois ans avant sa demande et, deuxièmement, il a conservé cette résidence pendant toute cette période.

[10]      Je ne suis pas convaincu, compte tenu de la preuve dont je dispose, que Mme Young a établi sa résidence au Canada pendant les deux semaines qu"elle a passées au pays en novembre 1993. Elle n"a pas emmené ses effets personnels au Canada; elle n"a pas non plus déménagé au Canada avec des membres de sa famille; enfin, elle vivait à l"hôtel où elle travaillait. Bien entendu, il n"y a rien de surprenant à tout cela, vu qu"elle avait déjà accepté de retourner à Hong Kong pour travailler chez Century City le 1er décembre 1993 et d"y demeurer pendant les deux prochaines années.

[11]      La résidence doit être établie dans les faits. La seule intention de s"établir au Canada n"est pas suffisante. Ni les visites ultérieures de Mme Young à Toronto, d"une durée de 9 jours et de 17 jours respectivement, ni les déclarations de revenus qu"elle a faites chaque année au Canada n"étaient suffisantes pour établir une résidence ou en maintenir une, le cas échéant.

[12]      À mon avis, le juge de la citoyenneté a manifestement tiré la bonne conclusion lorsqu"il a décidé que Mme Young n"avait pas satisfait à l"exigence en matière de résidence prévue à l"alinéa 5(1)c ) de la Loi sur la citoyenneté. Par ces motifs, l"appel est rejeté.


" John M. Evans "

                                         J.C.F.C.

TORONTO (ONTARIO)

Le 16 mars 1999.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA


Avocats inscrits au dossier

NO DU GREFFE :                      T-408-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :              YAU HAN LILIANNA YOUNG

                             - c. -

                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ                              ET DE L"IMMIGRATION,

DATE DE L"AUDIENCE :                  LE MARDI 16 MARS 1999

LIEU DE L"AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE JUGEMENT EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE EVANS

EN DATE DU :                      MARDI 16 MARS 1999

ONT COMPARU :                      Paul J. Bates

                             Darren J. Noseworthy

                                 Pour l"appelante

                             Ian Hicks

                                 Pour l"intimé

                             Peter K. Large

                                 Amicus curiae

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :          Lerner & Associates

                             Barristers & Solicitors

                             130, rue Adelaide ouest

                             pièce 2400, boîte postale 95

                             Toronto (Ontario)

                             M5H 3P5

                                 Pour l"appelante

Avocats inscrits au dossier (suite)              Morris Rosenberg

                             Sous-procureur général du Canada

                                 Pour l"intimé

                             Peter K. Large

                             Barrister & Solicitor

                             372, rue Bay, pièce 610

                             Toronto (Ontario)

                             M5H 2W9

COUR FÉDÉRALE DU CANADA


Date : 19990316


Dossier : T-408-98

AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ, L.R.C. (1985), ch. C-29,

ET un appel de la décision

d"un juge de la citoyenneté,

ET

YAU HAN LILIANNA YOUNG,


appelante,


et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


intimé.


MOTIFS D"ORDONNANCE


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