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Date : 20010824

Dossier : IMM-554-00

OTTAWA (Ontario), le 24 août 2001

En présence de :        M. le juge MacKay

ENTRE :

                               YLBER HIDRI, MIMOZA HIDRI et FATJONA HIDRI

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

VU que les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire, ainsi que l'annulation, de la décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié en date du 19 janvier 2000, par laquelle cette dernière concluait qu'ils ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention en vertu de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, telle que modifiée;

ET AYANT entendu les arguments de l'avocat des demandeurs et de l'avocat du ministre défendeur lors de l'audience tenue à Toronto (Ontario) le 5 décembre 2000, alors que j'ai réservé ma décision, et vu mon examen des prétentions présentées;


                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la requête est rejetée.

                                                                                                                      (signé) W. Andrew MacKay

                                                                                                    ____________________________

                                                                                                                                                   JUGE

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


Date : 20010824

Dossier : IMM-554-00

Référence neutre : 2001 CFPI 949

ENTRE :

YLBER HIDRI, MIMOZA HIDRI et FATJONA HIDRI,

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                                             

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]                La présente demande de contrôle judiciaire est introduite en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, tel que modifié, et vise une décision de la Section du statut de réfugié (SSR ou la Commission) le 19 janvier 2000, qui concluait que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention en vertu de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.

[2]                Les demandeurs sollicitent une ordonnance annulant la décision de la SSR et renvoyant la question à la Commission pour nouvel examen par une formation différente.


Contexte

[3]                Les demandeurs, Ylber Hidri, son épouse et sa fille, sont citoyens de l'Albanie. Ils fondent leur revendication de statut de réfugié au sens de la Convention sur leurs opinions politiques et sur leur appartenance à un groupe social. Ils sont arrivés au Canada le 4 juin 1999. Les revendications de Mimoza Hidri et de Fatjona Hidri sont liées au sort de la revendication du demandeur principal, Ylber Hidri.

[4]                Le demandeur principal a grandi sous le régime communiste. Son grand-père a été emprisonné pendant 12 ans parce qu'il s'était ouvertement prononcé contre le régime. En 1991, le demandeur principal a été emprisonné pendant sept jours pour avoir participé à une manifestation à caractère politique. Au cours de cette période, il a été battu, privé de nourriture et forcé de dormir sur un plancher en béton. Le demandeur s'est joint au Parti démocratique en 1992 et il a activement participé aux activités du parti.


[5]                En 1996, le demandeur et sa famille ont perdu beaucoup d'argent dans une opération pyramidale. Le demandeur, comme les autres membres du Parti démocratique, a publiquement blâmé ses pertes sur le Parti socialiste. Suite à ce blâme public, il a commencé à recevoir des menaces en 1997 lui intimant de cesser sa propagande contre le Parti socialiste. Le demandeur s'étant plaint à la police; on l'a prévenu que s'il maintenait sa plainte il serait tué. Finalement, un fonctionnaire nommé par le Parti démocratique, Besnik Hidri, que le demandeur déclare être son cousin, ainsi que le père de ce dernier, auraient censément été tués par des membres du Parti socialiste. Craignant de connaître le même sort, le demandeur a quitté l'Albanie pour le Canada avec sa famille.

[6]                Le demandeur principal soutient que la SSR n'a pas tenu compte de certains faits. Parmi ces faits, on trouve l'incident qui s'est produit le 31 décembre 1998, alors que sa maison a été la cible de coups de feu. De plus, M. Hidri croit que le décès de son oncle présumé, le père de Besnik Hidri qui a été tué le 27 janvier 1999 et non en décembre comme l'a conclu la Commission, est la conséquence de son idéologie puisqu'il avait aussi reçu des menaces de caractère politique.

La décision de la SSR

[7]                La SSR a conclu qu'il n'existait pas de preuves crédibles ou dignes de foi sur lesquelles elle pouvait se fonder pour reconnaître au demandeur le statut de réfugié au sens de la Convention.

[8]                La SSR a conclu que même si le demandeur fondait sa revendication sur son affiliation à un organisme persécuté pour ses opinions politiques, savoir le Parti démocratique, ainsi qu'à un groupe social, savoir sa famille, il n'a pas démontré qu'il était en fait membre d'une famille persécutée. La SSR a conclu que même si la preuve démontre que deux hommes, qui ont le même nom de famille que le demandeur, ont été assassinés, aucune preuve crédible objective n'avait été présentée pour démontrer le lien entre le demandeur principal et ses prétendus parents.

[9]                De plus, la SSR a conclu que l'origine des ressources financières fournies par le père de M. Hidri pour qu'il puisse se rendre au Canada n'était pas crédible. Au vu de la situation politique en Albanie, la Commission a conclu qu'il n'était pas probable que le père du demandeur avait pu récupérer ses propriétés, qui avaient auparavant été saisies par le gouvernement, pour ensuite les revendre afin d'aider son fils, comme ce dernier le prétend. Cette prétention au sujet de la capacité du père du demandeur à financer le voyage au Canada a été jugée ne pas être cohérente avec les allégations du demandeur portant sur ses pertes financières et personnelles.

[10]            La SSR a aussi conclu que le fait que le demandeur n'a pas présenté de certificat de naissance pour sa fille, qui a maintenant sept ans, afin d'établir son lieu de naissance, faisait que la Commission avait des doutes que le demandeur et sa famille étaient bien en Albanie pendant la période en question, lors de la naissance de la fille.

[11]            Finalement, la crédibilité du demandeur principal était compromise par plusieurs facteurs d'ordre plus général : le manque de connaissances générales au sujet du régime politique en Albanie; l'absence de preuve documentaire confirmant son association avec le Parti démocratique; le manque de renseignements crédibles au sujet du parti lui-même; et l'incapacité de démontrer l'appartenance à une famille persécutée. Tout ceci a fait que la SSR a été amenée à douter que le demandeur ait joué un rôle sur la scène politique en Albanie, ainsi qu'à mettre en cause de sa crédibilité générale.


Les prétentions des parties

[12]            Les demandeurs soutiennent que la Commission n'a pas examiné l'ensemble de la preuve et que ses motifs reflètent un malentendu quant au fondement de leur revendication, puisqu'on ne traite expressément que de la persécution fondée sur les opinions politiques. Ils soutiennent que la Commission n'a pas tenu compte d'une preuve essentielle en n'examinant pas la preuve de la persécution des demandeurs fondée sur leur appartenance à un groupe social.

[13]            Le défendeur soutient que la SSR n'a pas failli à sa tâche d'examiner l'ensemble des prétentions des demandeurs, mais qu'en l'instance les prétentions d'une crainte de persécution fondées sur les opinions politiques et sur l'appartenance à un groupe social, savoir une famille persécutée, ne peuvent être dissociées étant fondées sur les mêmes faits. Par conséquent, comme la SSR a conclu à un manque de crédibilité pour l'une des prétentions, par déduction nécessaire cette conclusion portait sur les deux prétentions. Dans de telles circonstances, le défendeur soutient qu'il n'est pas nécessaire qu'on examine chacune des deux prétentions individuellement.

[14]            De plus, le défendeur soutient que le demandeur principal n'a pas démontré qu'il était membre d'une famille persécutée. Bien que la Commission a pris note de l'assassinat de Besnik Hidri et de son père, elle n'a trouvé aucune preuve crédible et objective pouvant établir un lien entre ces deux hommes et le demandeur principal et ainsi étayer son témoignage quant à leur lien de parenté.

[15]            De plus, les demandeurs soutiennent que lorsque la SSR s'appuie sur des déductions qui sont dites être de « bon sens » , elle a l'obligation d'en informer le demandeur et de lui donner l'occasion de réfuter ces déductions ou de démontrer qu'elles ne s'appliquent pas. La Commission ne l'a pas fait lorsqu'il s'agit de ses déductions et de sa conclusion au sujet de la source des ressources financières ayant servi à payer le voyage au Canada, nonobstant le fait qu'elle a utilisé cette conclusion pour mettre en cause la crédibilité du demandeur. Selon les demandeurs, ce fait constitue une erreur susceptible de révision [Nkrumah c. Canada (MEI) (1993), 65 F.T.R. 313 (1re inst.)].

[16]            Les demandeurs s'appuient sur l'arrêt Cardinal c. Établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643, pour dire que toute personne touchée par la décision d'un tribunal administratif a droit à une audition équitable. Par conséquent, en cas de manquement à l'équité procédurale la décision contestée doit être annulée et il doit y avoir une nouvelle audition. Un demandeur n'a pas à démontrer que l'absence d'équité a joué à son détriment, mais seulement que cette possibilité existe [Kane c. Université de la Colombie-Britannique, [1980] 1 R.C.S. 1105, à la p. 1116].


[17]            Selon le défendeur, la discussion de la Commission qui porte sur la reprise et la vente des propriétés du père du demandeur pour absorber le coût du déplacement des demandeurs jusqu'au Canada n'est pas pertinente. Ce n'est pas le seul fondement de sa conclusion portant sur la crédibilité du demandeur principal. La vraie décision de la Commission est que le récit de la capacité du père du demandeur à financer en partie le voyage au Canada n'est pas cohérent avec les prétentions du demandeur au sujet des pertes financières et personnelles, non plus qu'avec les conditions prévalant en Albanie, ce qui l'a amenée à mettre en cause la crédibilité générale des demandeurs.

[18]            Les demandeurs soutiennent que la Commission leur a imposé une norme de preuve qui excède celle de la prépondérance des probabilités en matière civile, lorsqu'elle a conclu qu'elle n'était pas « convaincue » de la véracité des allégations des demandeurs. Citant l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Chichmanov c. Canada (MEI), [1992] A.C.F. no 832, par. 4, les demandeurs soutiennent qu'en utilisant les termes « n'est pas convaincue » la Commission ... [a] ... imposé [au demandeur] une norme de preuve trop élevée. ... De ce fait, la Commission a commis une erreur qui ... rend la décision invalide » . De plus, en déclarant qu'elle n'était pas « convaincue » , la Commission n'a pas examiné la preuve du point de vue des agents de persécution, ce qu'elle aurait dû faire selon les demandeurs [Inzunza et le Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1979), 103 D.L.R. (3d) 105, à la p. 109 (C.A.F.)].

[19]            En concluant qu' « aucune preuve » n'avait été présentée pour indiquer le lien entre le demandeur principal et Besnik Hidri et son père, la Commission a commis, selon les demandeurs, une erreur de droit susceptible de révision en ce qu'elle n'a pas évalué le témoignage du demandeur principal au sujet des ses liens de parenté avec ces hommes assassinés. « Il incombait à la Commission d'apprécier cette preuve et de décider si elle établissait une crainte fondée de persécution. » _[Olearczyk c. MEI (1989), 8 Imm. L.R. (2d) 18, à la p. 19 (C.A.F.)].

[20]            Le défendeur soutient que la Commission n'a pas imposé un fardeau de preuve inapproprié en exigeant que les demandeurs puissent la « convaincre » de la véracité de leurs prétentions. On soutient que cette terminologie porte sur les allégations de fait et non sur le seuil à atteindre. L'on soutient aussi que lorsqu'on examine le contexte complet de l'arrêt Chichmanov, précité, le critère approprié que doit utiliser la SSR consiste à déterminer s'il y a plus qu'une possibilité minimale ou théorique que le demandeur soit persécuté s'il retourne dans le pays d'où il est venu. Si l'on ne peut démontrer de façon suffisante que ceci est probable, la Commission est tout à fait justifiée de conclure que les demandeurs n'ont pas droit au statut de réfugié au sens de la Convention.

[21]            Finalement, le défendeur soutient que la Commission a conclu que le demandeur principal n'avait pas de connaissances de base du milieu politique en Albanie et, plus important encore, qu'il n'était pas au courant des activités du Partie démocratique ou de ses attentes vis-à-vis ses membres. Selon le défendeur, la preuve présentée justifie la conclusion de la SSR que la réclamation des demandeurs n'est pas fondée sur une preuve crédible et qu'ils ne sont donc pas des réfugiés au sens de la Convention.

Analyse


[22]            Selon moi, les demandeurs n'ont pas réussi à démontrer que la Commission avait tiré des conclusions de fait manifestement déraisonnables sur lesquelles elle fondait sa décision. Même si la Commission a mal énoncé certains faits, sa décision définitive n'en dépendait pas. De plus, malgré ces erreurs, je ne suis pas convaincu que la Commission ait manqué à son devoir d'examiner l'ensemble de la preuve présentée.

[23]            En examinant la preuve qui lui était présentée, la Commission a conclu qu'aucune preuve n'avait été présentée à l'appui de la déclaration de M. Hidri qu'il était un parent des victimes des assassinats. Il est clair que le témoignage du demandeur constitue une preuve et qu'on doit l'examiner afin de déterminer s'il existe une crainte fondée de persécution. Dans l'arrêt Olearczyk, précité, la Cour a déclaré que si la Commission jugeait que le témoignage d'un demandeur était crédible, elle ne pouvait dire qu'il n'existait « aucune preuve » . En l'instance, en l'absence d'une preuve concordante, la Commission n'était pas convaincue que la preuve du demandeur principal au sujet de ses liens familiaux était crédible.

[24]            Le fait de ne pas tenir compte d'une preuve crédible constitue une erreur de droit. Toutefois, si la Commission considère qu'un demandeur n'est pas crédible elle peut ne pas tenir compte de son témoignage. En l'instance, on a jugé que le témoignage du demandeur était généralement non crédible, au vu des incohérences non expliquées ainsi que d'un manque général de connaissances au sujet des éléments sur lesquels les revendications étaient fondées. Les renseignements ont été mis en cause au vu du demandeur, et non le contraire. Par conséquent, étant donné qu'elle a considéré que le témoignage n'était pas crédible pour ensuite le rejeter et vu l'absence d'une autre preuve établissant le lien familial avec une famille persécutée, la Commission n'a pas commis d'erreur manifestement déraisonnable en concluant que le lien familial n'était pas démontré.


[25]            La discussion de la Commission au sujet de la source des ressources financières utilisées pour le voyage du demandeur était simplement une illustration des incohérences qu'elle a trouvées dans le témoignage du demandeur. Le demandeur soutient que cette incohérence ne lui pas été signalée par la Commission afin qu'il puisse s'expliquer, et il soutient qu'elle aurait dû le faire. En examinant cette prétention au vu du critère établi dans l'arrêt Kane, précité, je suis d'avis qu'il n'y a pas eu de manquement à l'équité procédurale. Au contraire, au vu du témoignage et du FRP du demandeur, je suis convaincu qu'une personne raisonnable ne pourrait dans les circonstances juger qu'il y a eu manquement au droit du demandeur à l'équité procédurale. Que le demandeur principal ait eu l'occasion de réfuter une déduction donnée de la Commission ou non, cette déduction n'est pas la seule base sur laquelle on a jugé que le demandeur principal n'était pas crédible.

[26]            Quant à la norme de preuve associée au terme « convaincu » , les décisions récentes de notre Cour portent qu'en soi, l'utilisation de cette terminologie n'implique pas qu'un tribunal appliquerait la norme plus exigeante de la preuve « hors de tout doute raisonnable » . En discutant le fardeau de la preuve à faire par un demandeur, le protonotaire Hargrave conclut, dans Aghaee c. Canada (MCI), [1997] J.C.F. no 910, au par. 17 (1re inst.) :

En résumé, la charge qui incombe [au demandeur], de convaincre la Cour d'infirmer les conclusions de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, est fort lourde. La Cour hésite à intervenir lorsqu'un tribunal spécialisé de ce genre rend une décision et elle hésite encore plus lorsque la question en litige porte sur la crédibilité du [témoignage d'un demandeur] (je souligne)


[27]            Une terminologie semblable à celle du protonotaire Hargrave a été utilisée par le juge Teitelbaum dans Ji c. Canada (MCI), [2001] J.C.F. no 1136, au par. 29 (1re inst.) : « ... le demandeur ne s'est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de convaincre l'agent des visas... » . Dans Kazimirovic c. Canada (MCI), [2000] J.C.F. no 1193 (1re inst.) M. le juge Campbell déclare ceci, aux par. 9 et 10 :

... n'ayant pas cru le récit du demandeur, l'agente des visas a conclu qu'il n'avait pas rempli le fardeau légal qui lui incombait. Le demandeur fait valoir que la conclusion de l'agente des visas en matière de crédibilité est une conclusion de droit et qu'il s'agit donc d'une conclusion susceptible de contrôle au regard de la norme de la décision correcte. Je n'accepte pas cet argument.

En effet, l'agente des visas a conclu que le récit du demandeur va contre le bon sens et qu'en conséquence, il lui est impossible d'accueillir sa demande. Il est vrai que le « bon » sens n'est peut-être pas le même pour tous, mais je comprends certainement comment l'agente des visas pouvait facilement et raisonnablement tirer la conclusion en matière de crédibilité à laquelle elle est parvenue. À mon avis, la présente affaire ne soulève pas de question de droit. Il incombait au demandeur de convaincre l'agente des visas qu'il avait les compétences voulues afin dtre admis au Canada en tant qu'immigrant, et comme il a exposé un récit ... qui, selon l'agente des visas, ntait pas digne de foi, il n'a tout simplement pas rempli le fardeau qui lui incombait. (je souligne)

[28]            Dans chacune de ces décisions, le fardeau de la preuve en matière civile a été utilisé et c'est au vu de cette norme que chaque demandeur devait « convaincre » les agents d'immigration qu'il pouvait être admis au Canada ou être autorisé à y résider. Comme c'est le cas en l'instance, les demandeurs dans ces affaires n'ont pu convaincre les tribunaux d'immigration respectifs selon la norme de la prépondérance des probabilités. On ne peut présumer que l'utilisation du mot « convaincre » dénote automatiquement qu'on impose un fardeau de preuve plus élevé, sans procéder à un examen approfondi du contexte de la décision en cause.


[29]            À la lecture des motifs de la SSR en l'instance et après examen des documents présentés à la Commission, je suis convaincu que c'est la norme de preuve en matière civile qui a été utilisée et que les demandeurs n'ont tout simplement pas atteint ce seuil. On n'a pas présenté à la Commission un récit digne de foi, notamment du fait que la Commission a conclu que le demandeur principal n'était pas crédible. Elle ne pouvait tout simplement pas conclure, au vu de la preuve présentée, que les allégations étaient probables. Je ne peux conclure que la Commission aurait rendu une décision déraisonnable en utilisant un fardeau de preuve inapproprié.

Conclusion

[30]            Au vu de l'analyse qui précède et de la preuve présentée à la SSR, je conclus que le fait de refuser aux demandeurs le statut de réfugié au sens de la Convention est raisonnable. Au vu de la prépondérance des probabilités, les demandeurs n'ont pas convaincu la présente Cour qu'on n'avait pas respecté l'équité procédurale ou qu'on avait exigé qu'ils satisfassent à une norme de preuve plus exigeante qu'il ne le fallait.

[31]            La Commission a conclu de façon négative quant à la crédibilité des demandeurs et la présente Cour est très réticente à contrer une telle conclusion de fait sans avoir une preuve qu'on a utilisé des éléments manifestement déraisonnables. Les demandeurs n'ont pas été convaincants en prétendant que c'était le cas et que la décision de la Commission aurait été différente si sa conclusion quant à la crédibilité avait été différente. Pour ces motifs, je conclus que la décision de la Commission est raisonnable et je rejette la demande de contrôle judiciaire.

Questions à certifier

[32]            Suite l'audition de cette demande de contrôle judiciaire, les demandeurs ont présenté deux questions à certifier en vertu du paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration.


À l'occasion d'un contrôle judiciaire, la Cour peut-elle fournir ses propres motifs pour corriger les déficiences dans les motifs de la Section du statut de réfugié?

La Section du statut de réfugié a-t-elle compétence pour tirer ses conclusions de fait selon la norme voulant qu'elle doit être « convaincue » ?

[33]            Pour être certifiée, une question doit satisfaire au critère énoncé dans MCI c. Liyanagamage (1994), 176 N.R. 4 (C.A.F.), qui exige qu'elle ait « des conséquences importantes ou qui sont de portée générale » et qu'elle soit « déterminante quant à l'issue de l'appel » . Bien que la première question puisse avoir une portée qui dépasse le contexte de la présente affaire, la réponse ne serait pas déterminante quant à l'issue de l'appel. Aucune des parties n'a demandé à la présente Cour de corriger les déficiences apparentes du raisonnement de la SSR ou de les expliquer et, selon moi, elle ne l'a pas fait. Comme la première question ne trouve pas sa source dans les faits qui nous sont présentés, je ne la certifierai pas.

[34]            Quant à la deuxième question, qui porte sur l'utilisation de « convaincre » comme norme de preuve, la simple utilisation de ce terme n'établit pas une norme, non plus qu'elle indique l'existence d'une norme plus exigeante que celle de la prépondérance des probabilités. On peut être convaincu selon la norme de preuve civile ou la norme de preuve criminelle. Selon moi, cette question n'est pas déterminante quant à l'issue de l'appel et elle n'est pas non plus de portée générale. Par conséquent, je ne la certifierai pas.


Ordonnance

[35]            Une ordonnance sera délivrée rejetant cette demande. Les questions proposées ne sont pas certifiées.

                                                                                                                      (signé) W. Andrew MacKay

______________________________

JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 24 août 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                IMM-544-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :    Ylber Hidri, Mimoza Hidri et Fatjona Hidri c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                     Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                   le 5 décembre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE M. le juge MacKay

EN DATE DU :                                     24 août 2001

ONT COMPARU

M. Michael Crane

Avocat

POUR LE DEMANDEUR

M. Greg G. George

Avocat

Ministère de la Justice

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. Michael Crane

Avocat

POUR LE DEMANDEUR

M. Morris Rosenberg                                                                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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